Orientations Nationales Bolcheviques II (12/07/2007)

Editorial du  Rébellion, numéro 25, de Juillet/Août 2007. 

« Les conceptions théoriques des communistes ne reposent nullement sur des idées, des principes inventés ou découverts par tel ou tel réformateur du monde. Elles ne font qu’exprimer, en termes généraux, les conditions réelles d’une lutte de classes qui existe, d’un mouvement historique qui se déroule sous nos yeux. ».

Marx. Manifeste du Parti Communiste.

 

A propos d’une question de terminologie.

Le terme de national bolchevisme est repris dans l’en-tête de ce texte à titre de marque de continuité avec ce que nous avions écrit en 2003 (« Orientations nationales bolcheviques I » republiées dans ce numéro). On le comprendra comme étant synonyme de communisme national, c’est-à-dire,  l’expression, nous semble-t-il, la plus adéquate pour signifier la position critique des communistes révolutionnaires face à la situation historique actuelle, la mondialisation et son corrélat idéologique la mondialisme (décliné sous diverses formes de droite et de gauche).

II

Une mise au point est nécessaire (sous forme de bref retour en arrière) concernant la falsification de ces termes au cours du vingtième siècle. Il y eut dans les années 30 et 40, en France, le Parti National Communiste de Pierre Clémenti, transformé en Parti National Collectiviste durant la période de collaboration. Cette formation fasciste de gauche ne peut en aucun cas être considérée comme ayant été nationale bolchevique ou communiste nationale. Ses options antimarxistes et antieurasistes, par son engagement aux côtés de l’impérialisme hitlérien, la situent aux antipodes de la tradition révolutionnaire que nous défendons. A la même époque, les nationaux bolcheviks allemands subissaient une terrible répression de la part du système national socialiste. De même, certains, afin de semer la confusion, rattachent le Front Noir de Otto Strasser au national bolchevisme. Cette organisation s’étant, certes, opposée au national socialisme –c’est tout à son honneur- ne fut jamais qu’une formation socialiste nationale de type réformiste, ne reconnaissant pas l’existence de la lutte des classes (ligne de clivage essentielle). Pour en finir sur ce point, signalons l’existence, ces dernières décennies, de groupes ayant été qualifiées par les médias officiels ou par eux-mêmes de nationaux bolcheviks. C’est là, également, une supercherie consistant à identifier fascisme de gauche (on connaît l’appréciation critique de Niekisch sur ce courant, son rejet total de sa part) et communisme national. L’absence de référence, de la part de ces groupes, à la lutte des classes et au problème de la valorisation du capital, témoigne de leur confusion doctrinale, véritable pain bénit pour la classe dominante.

Où en sommes-nous ?

La position communiste nationale revêt, paradoxalement en apparence, un caractère d’actualité et de nécessité politique. Le bloc de l’Est ne s’est pas effondré « tout seul », par un effet systémique ou structurel, contrairement à ce qu’affirme la propagande des historiens et des sociologues bourgeois, tendant à montrer que le « communisme n’est pas viable » ou opprimerait les « citoyens », « la société civile » ou les « nationalités ». Tout au plus, il en resterait un « bel idéal » (propagande de « Lutte ouvrière »). Le rôle d’une bourgeoisie de Parti et d’affairisme antinational a été déterminant (encore une fois les rapports de classes). Celle-ci a bradé (facteur, certes, non exclusif) les acquis de la Révolution d’Octobre (problème de la période post stalinienne). Parallèlement à son offensive à l’Est, le capital entamait une restructuration à l’Ouest, devenue nécessaire à partir du moment où son processus d’accumulation rendu possible par les effets à long terme du plan Marshall, commençait à se gripper. La course effrénée à de nouveaux marchés tous azimuts était lancée ; le capital cherchant à dénicher la moindre poche à valorisation, soit dans des opérations financières à court terme, soit dans des investissements dans des pays  à bas coûts salariaux (délocalisations). De fait, le prolétariat subit de plein fouet et dans tous les pays, les effets désastreux de la mondialisation. Dans ce contexte, les classes intermédiaires sont également sacrifiées sur l’autel de l’Internationale capitaliste. L’Europe n’est qu’un vaste marché sans projet géopolitique et la terre entière une chasse gardée du grand prédateur américano sioniste. Le cadre de la Nation doit donc éclater afin de sauver l’existence des classes dominantes.

Face à cette situation, les authentiques antimondialistes réactualisent le combat pour la Nation , non pas dans une optique passéiste, ethnique, nationalitaire (lutte pour les nationalités au XIX° siècle), irrédentiste etc., mais dans une stratégie de résistance à l’exploitation du plus grand nombre et d’offensive pour imposer une orientation politique anticapitaliste. Les communistes nationaux sont le fer de lance de cette offensive et montrent que la lutte des prolétaires n’est pas indifférente au sort de leur nation. « Dans la forme mais nullement dans le fond, la lutte du prolétariat contre la bourgeoisie revêt tout d’abord un caractère national ». Marx. Engels. Manifeste du Parti Communiste. (1). Il n’y a pas de projet socialiste viable à partir du moment où la bourgeoisie arriverait à dissoudre les travailleurs, c’est-à-dire leur points de repère, dans le règne absolu de la marchandise. Les prolétaires n’ont plus de patrie, dit « Le Manifeste », mais il leur faut conquérir le pouvoir politique, s’ériger en classe dominante de la Nation afin d’avoir une patrie socialiste, garante d’une existence à conquérir, et cela, pourquoi pas ultérieurement, dans une fédération socialiste européenne, union des républiques socialistes d’Europe. Qu’on le veuille ou non, le politique ne s’évanouira pas du jour au lendemain.

Les tâches politiques actuelles et à venir.

Sur le plan doctrinal, nous ne cessons de dire qu’il faut détruire le faux clivage droite/gauche. La propagande politique doit y insister. Il faut démasquer les intentions de la classe dominante et les incompréhensions idéologiques se manifestant à travers les diverses apparitions concrètes de la droite et de la gauche. L’expression de « Révolution conservatrice » apparue dans l’Allemagne de Weimar n’était pas sans intérêt. Elle était même prémonitoire, en ce sens qu’elle anticipait sur le mouvement d’autonomisation du capital qui ne laisse subsister de l’être que ses propres présuppositions et qu’elle y opposait la solution révolutionnaire et le maintien d’acquis éthiques et culturels inhérents à ce qui est proprement humain tant sur le plan des particularités que de l’universalité. Cet exemple éclaire notre critique des concepts de droite et de gauche. S’il s’agit de « valeurs », nous pouvons reconnaître le bien fondé d’un certain nombre d’entre elles provenant de droite ou de gauche mais il ne s’agit plus là véritablement d’attitudes politiques mais de références éthiques. Il est donc nécessaire de s’exprimer sur le plan politique, de viser l’essentiel. Les concepts utilisés doivent servir à désigner la pratique d’individus agissant, tissant, reproduisant des rapports de classes, leur évolution et non ce qu’ils s’imaginent, se représentent à leur sujet (fonction de l’idéologie). Le communisme national est la mise en œuvre de la critique du système et de ses représentations autojustificatrices. Rien de plus, rien de moins.

II

Il paraîtra curieux à certains que nous affirmions que le prolétariat doive s’emparer du pouvoir politique. Le prolétariat aurait même disparu. Si l’on veut dire par là qu’il ne ressemble plus à celui du XIX° siècle décrit, par exemple, par F. Engels dans « la situation de la classe laborieuse d’Angleterre », c’est là un truisme. Le contraire serait même étonnant. Néanmoins, s’imagine-t-on que la bourgeoisie vit de l’air du temps et que les institutions politiques sont l’affaire de philanthropes tout occupés du salut des âmes. Ces pièges pour naïfs ont pour fonction de faire oublier la complexité des rapports sociaux d’exploitation dans les sociétés postmodernes et l’efficacité du contrôle politique et idéologique sur la masse exploitée et aliénée. Tout conspire à présenter la fatalité de la mondialisation en marche et à neutraliser toute démarche politique consciente s’y opposant.

Ainsi le pouvoir politique n’est pas, à nos yeux, question de « gouvernance » plus ou moins optimale. Il est enjeu d’un rapport de force entre des classes agissantes. Les classes ne sont pas des entités sociales transcendantes, des objets sociologiques extérieurs à des individus vivant dans des situations concrètes. Elles traduisent les conditions d’action et d’existence d’individus particuliers qui vivent dans des conditions semblables. Ceux-ci se trouvent donc avoir des visées communes. « « Dans la loi, écrit Marx, les bourgeois doivent savoir se donner une expression générale, précisément parce qu’ils dominent en tant que classe ». Ils s’organisent donc politiquement grâce à des institutions, des partis, etc., acquièrent ainsi une unité véritable plus ou moins réalisée/réalisable et du moins conçoivent et visent leur unité idéale. Ils ont par conséquent une longue expérience historique à leur avantage. C’est ce dispositif politico idéologique que nous devons dynamiter. L’avantage que la bourgeoisie possède sur le prolétariat quant à la conscience de sa situation, repose sur la conscience du maintien de sa condition et des moyens dont elle dispose à cet égard. Elle vise à la reproduction optimale de cette dernière : la loi et le pouvoir politique sont à sa disposition. Dans la destruction du vieux monde, les prolétaires, selon la formule bien connue n’ont que leurs chaînes à perdre mais un monde à y gagner. Et c’est bien là, la difficulté. Ils ont une conscience de classe à élaborer afin que de fragmentaire, plus ou moins obscurcie, celle-ci devienne complète : « Le concept de classe qui implique la prise de conscience par elle-même de la classe, devient un concept politique lorsque cette prise de conscience est accomplie, lorsque la classe se pense et se vise elle-même comme une unité, lorsqu’elle pense et agit comme telle ». Michel Henry. (2).  Pour le prolétariat, cela suppose l’élaboration de la voie (et des moyens d’y parvenir) en rupture avec la domination du capital.

III

Actuellement, quelles sont les conditions de la mise en œuvre d’une action politique propre aux travailleurs ? La plupart des formations politiques s’accordent sur le maintien de la domination capitaliste. Il existe des contestations « marginales » se situant aux pôles opposés de  l’échiquier politique. Il s’agit d’insister sur la ligne de fracture par laquelle le bel édifice du système pourrait se lézarder. Celle-ci est l’antimondialisme conséquent (et non pas l’altermondialisme). Concrètement, cela met en avant l’union des classes et couches de la population les plus affectées par le processus de mondialisation, c’est-à-dire par la libéralisation, les privatisations, l’atteinte à la souveraineté nationale et la mise à disposition de la puissance politique de la France au service de l’axe américano sioniste. Ceux qui se retrouvent dans ces points essentiels doivent s’unir politiquement afin de créer la force capable de renverser le cours des choses. Il est, par ailleurs, nécessaire que le prolétariat forge ses propres armes afin d’être, peu à peu, la force politique hégémonique au sein de ce processus n’excluant pas certains éléments appartenant à des classes intermédiaires « fragilisées » par la mondialisation. « Le prolétariat doit tout d’abord s’emparer du pouvoir politique, s’ériger en classe nationale, se constituer lui-même en tant que nation. Par cet acte, il est, sans doute, encore national, mais nullement au sens de la bourgeoisie. ». Marx. Manifeste du Parti Communiste. (3).

De nos jours, une réelle défense des intérêts du prolétariat, passe par la reprise en main de l’indépendance et de la souveraineté nationales comprises en tant qu’obstacles à la domination sans fard du capital. Le cadre de la nation n’est pas neutre, il peut servir à l’élaboration de formes d’existence sociales différentes de celles vécues jusqu’à maintenant. C’est le sens de la lutte des communistes nationaux.

La rédaction, Juillet 2007.

 

> NOTES

1). Marx. Economie. T1. P.172. Ed. Gallimard. Coll. Pléiade. 2). Michel Henry. Marx. T1. Une philosophie de la réalité. P. 236. Ed. Gallimard. Coll. Tel. 3). Marx. Op. cité. P.180.

 

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