Edito n°27[Novembre-Décembre] (15/11/2007)

Le sommaire de ce numéro évoque les divers « points chauds » de la planète. Partout, les peuples sont entrés en rébellion contre la mondialisation capitaliste et de nouvelles puissances émergent. Dans ce monde en ébullition, la superpuissance américaine mobilise toutes ses forces pour assurer sa domination impérialiste. L’Europe et la France sont condamnées à se situer sur l’échiquier du chaos. L’indépendance ou la soumission ? Les dirigeants ont déjà choisi de se placer sous la protection des Etats-Unis. De l’implantation de nouvelles bases de l’OTAN à l’installation du bouclier anti-missiles, les troupes US reviennent en force sur notre continent grâce à la complicité des gouvernements fantoches européens et des institutions bureaucratiques européistes. L’Europe devient la base arrière des futurs conflits que les faucons de Washington préparent déjà contre les régimes du Moyen Orient rétifs (l’Iran, la Syrie). L’encerclement de la Russie –auquel celle-ci tente de faire face habilement, notamment en se rapprochant de Pékin- est un des objectifs de cette politique qui se matérialise également dans le projet d’indépendance du Kosovo (devenu de facto un protectorat de l’OTAN). En France, la récente déclaration de Bernard Kouchner à propos du nucléaire iranien n’est nullement une « bourde ». C’est la confirmation de l’alignement du gouvernement de Nicolas Sarkozy sur la diplomatie américaine. L’abandon du dernier aspect positif du « gaullisme » (la défense farouche de la souveraineté nationale) scelle le ralliement à l’atlantisme et la fin de toute diplomatie indépendante de la France. Mais Sarkozy n’est pas à une trahison près, il a déjà mis sur les rails son nouveau projet de ratification, sans consultation référendaire, de la Constitution Européenne… auquel le Parti « socialiste » vient de donner sa bénédiction !

Sur le terrain social et économique, les coups durs se multiplient. Le système se « réforme » à marche forcée, libéralisant les derniers vestiges des services publics et prépare d’autres attaques contre les travailleurs (franchise fiscale, baisse des remboursements, allongement de la durée du travail avant la retraite, lois favorisant la précarité : cela n’est qu’un début). Une fois de plus nous devons répéter la même évidence : le capitalisme nous prépare des lendemains qui déchantent… Une nuance néanmoins, avec Sarkozy, le discours a changé. Ces dernières décennies, droite et gauche tenaient plutôt des propos lénifiants empreints de paternalisme démagogique. La « gauche », en particulier, maîtresse dans l’art de circonvenir le prolétariat, lors de ses passages au gouvernement avait partiellement réussi à camoufler une régression sociale de grande ampleur en la gommant grâce à la promotion du discours idéologique citoyenniste et sociétal. Sarkozy, lui, est là pour achever la tâche ; il prend les devants, assume clairement l’offensive du capital contre les travailleurs. Le battage médiatique a préparé soigneusement le terrain : il faut travailler plus, le travail est une « valeur », chacun pourra s’enrichir, etc. Ces balivernes ne cachent qu’une réalité : l’intensité accrue dans l’exploitation de la force de travail doublée de l’allongement global de la durée du temps de travail (quotidien et sur toute une vie). Les vieilles recettes d’exploitation analysées par Marx dans Le Capital n’ont pas pris une ride et s’offrent à nous dans toute leur crudité. Sarkozy est le porte parole d’une bourgeoise décomplexée et consciente de ses intérêts de classe. En même temps, aucune opposition ne semble se  faire jour, aucune discussion concernant la pertinence de la pérennité du rapport social capitaliste ne transparaît. Le thème de l’avenir des retraites et de l’allongement de la période effective de l’esclavage salarié est symbolique à cet égard. Le consensus des partis et des syndicats est total, les désaccords portent sur des points, somme toute, mineurs. Nul ne pointe les absurdités de la situation : il faudrait travailler plus longtemps alors que le chômage est massif et que certains ont du mal à trouver ou à conserver le dit travail ! Il faut être écologiste et néanmoins satisfaire à la lubie de la concurrence et du productivisme ! Produire toujours plus (de marchandises abjectes) alors que beaucoup obtiennent toujours moins (de ce qui leur serait vital et essentiel) ! Le mystère de tout cet embrouillamini réside dans l’extorsion du surtravail des prolétaires par la classe dominante et ses larbins afin que survive un mode de production délétère. La seule mesure écologique et de salut public valable est celle de l’éradication de la valeur au sein du mode de production de la vie. (1)

Les travailleurs résistent à leur niveau quand ils le peuvent encore. Dans les entreprises on constate un vrai malaise devant la dégradation des conditions de travail et de vie. Mais le découragement et la résignation priment, malheureusement. Quand ils se retrouvent face aux délocalisations ou aux restructurations, les travailleurs organisent des mouvements de grève ou des ralentissements de production dans les grands groupes. Ne pouvant la plupart du temps compter sur le soutien de syndicats réellement combatifs, ils ne peuvent poursuivre des luttes minées de l’intérieur par la peur de voir leurs maigres acquis réduits à néant. La colère qui monte devant les inégalités sociales flagrantes ne peut même plus trouver dans le jeu politique un canaliseur. Le système a verrouillé les possibilités de rupture par les urnes, il a intégré ses divers tendances (c’est tout l’enjeu de l’ « ouverture » sarkozyste) pour renforcer son emprise. Une emprise que rien ne vient desserrer, les diverses tendances « contestatrices» étant rejetées dans les marges médiatiques et souffrant des « maladies séniles de l’extrémisme » (sectarisme, passéisme, arrivisme, incapacités chroniques à comprendre les tenants et les aboutissants de leur époque). Une analyse lucide de la situation ne doit pas déboucher sur le découragement : dans une époque incertaine comme la nôtre, tout devient possible à ceux qui sont assez forts pour aller contre le courant dominant et montrer la voie de la rupture nécessaire avec l’univers du capitalisme. Celui-ci n’est pas réformable, chacun peut constater sa dynamique à l’échelle planétaire de sa domination totale de nos jours. Nous devons semer des graines de révolte partout, faire prendre conscience aux prolétaires de leur capacité de faire changer les choses s’ils s’en donnent les moyens. Cela est un travail long, fastidieux, mais indispensable si nous voulons un jour pouvoir sortir de la pesanteur d’une monde sans joie.

Note.

(1) S’agissant du mode de production, Marx montre dans L’idéologie allemande que les hommes se distinguent des animaux « dès qu’ils se mettent à produire leurs moyens d’existence » ; pour les individus, il s’agit là « d’une manière déterminée de manifester leur vie, d’un certain mode de vie de ces mêmes individus. ». Dans les conditions modernes d’existence, les travailleurs ne peuvent produire que leur non-être : « Le capital est du travail mort qui, semblable au vampire, ne s’anime qu’en suçant le travail vivant et sa vie est d’autant plus allègre qu’il en pompe d’avantage. »

 

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