Règle de trois et cheval de Troie (13/07/2009)
Editorial du numéro 37 de Rébellion ( disponible à la fin de la semaine) :
On savait déjà que la classe dominante manifestait un cynisme imperturbable lorsque ses intérêts de classe corrompue étaient en jeu et que la moralité la plus élémentaire n’est guère un souci majeur à ses yeux (symptômes cliniques : hystérie médiatique lorsque le vulgum pecus ne suit pas ses injonctions ; exemple, la dernière campagne pour le référendum sur la Constitution européenne. Ou bien antifascisme obsessionnel récurrent, en-dehors de tout lien au réel historique). Il est prouvé, désormais, que ce cynisme s’accompagne de tendances schizophréniques très marquées, suite aux résultats des récentes élections des députés européens. La droite en Europe remporte un succès éclatant mais si l’on sait compter, au sein d’un paysage abstentionniste retentissant ; abstentionnisme dont nous nous félicitons. Il y avait 38% d’abstentions à ce type d’élections en 1979, il y en eut 56,8% en juin 2007 (record pour la Slovaquie avec 80,4%). En France, les abstentionnistes ajoutés aux votes nuls ou blancs dépassent largement les 60% ! Il suffit donc d’affecter respectivement les résultats de chaque parti au nombre d’inscrits (sans compter les non inscrits !) et de faire une simple règle de trois pour faire apparaître les résultats réels et pitoyables de chacun. Mais le microcosme « politique » a oublié son arithmétique élémentaire et proclame de manière schizophrénique son triomphe électoral. Il est vrai que les nouveaux élus vont bénéficier de nouvelles augmentations de traitement, ce qui en ces temps de vache maigre pour les travailleurs, suffit à satisfaire les collaborateurs politiciens de la bourgeoisie. Tout le discours de celle-ci se résume dans l’injonction « continuez à nous laisser faire, c’est pour votre bien ! ». A cet égard, les classes populaires (les plus abstentionnistes) ne semblent plus avoir confiance dans les coteries politiques. Il leur avait bien été concocté en France, dans un premier temps, une promotion du NPA afin de canaliser le mécontentement prolétarien mais le trotsko-bobo a fait un « bide ». Puis, on a sorti Bové et Cohn-Bendit de la naphtaline afin d’affaiblir Bayrou et le centre auquel, à terme, le PS aurait pu faire les yeux doux afin de se ripoliner. Les couches moyennes supérieures ont répondu « présent » mais elles ne représentent qu’elles-mêmes, la partie de la population pleine de bonnes intentions, bénéficiant encore pour quelques temps de moyens matériels leur permettant de se faire des illusions sur l’éternité de l’existence du capitalisme. Quant au « Front de Gauche », peu mobilisateur, il signe définitivement l’intégration officielle du PC au sein de la social-démocratie, ce qui n’est guère une surprise.
Il est, certes, prévisible que les prochaines échéances électorales nationales feront, hélas, meilleure recette auprès des français mais il n’en subsiste pas moins que le désintérêt envers les jeux électoraux de la classe dominante devient de plus en plus patent, notamment à l’égard du « machin » européiste, véritable Cheval de Troie du capital afin d’asseoir sa domination totale sur tous les aspects de la vie sociale et économique des européens. C’est donc à partir de ce terrain-là, dans le premier temps du rejet purement négatif de la politique spectaculaire des gestionnaires habituels – de droite et de gauche - des intérêts du capital, que nous devons insister afin de promouvoir un abstentionnisme révolutionnaire ne pouvant en rester à ce stade purement négatif. Car, parallèlement, il est nécessaire de soutenir les luttes d’autodéfense « économique » conduites par les travailleurs acculés par les licenciements, la paupérisation, l’exploitation salariale et de leur donner plus profondément une dimension politique de combat contre le cœur du système capitaliste. Concrètement, il est souhaitable dans la mesure du possible que les travailleurs ne restent pas isolés dans leurs combats et que ceux-ci soient popularisés et étendus géographiquement sans tomber, malgré tout, dans le maximalisme gauchiste qui a pour finalité de décourager les luttes futures, suite aux échecs du même maximalisme. C’est le seul moyen, efficace sur le terrain de la réalité historique, de donner vie au dépassement du sénile clivage droite/gauche qui bloque tant d’intéressantes initiatives potentielles. Au-delà, nous ne devons pas sous-estimer la portée d’une patiente propagande concernant les enjeux géopolitiques, fondamentaux pour la naissance d’un monde authentiquement multipolaire. C’est pour cette raison que l’OSRE martèle : « Libérons l’Europe de l’OTAN et du capital ! ».
Les derniers évènements concernant la politique internationale montrent à l’envi, les divers masques que peut prendre la figure du Cheval de Troie que nous évoquions déjà au sujet de l’Europe. Par exemple, le vulgaire putsch militaire plus ou moins supervisé par la CIA dans la vieille « tradition » d’Amérique latine (Honduras) ou bien le nouvelle méthode managériale via ONG et autres associations finançant l’opposition politique dans le style des « révolutions » colorées ; cette fois elle était « verte » (Iran) mais ne disposait guère de relais réellement implantés sur place. Dans le premier cas, le rapprochement du président hondurien avec l’ALBA (Alternative Bolivarienne pour les Amériques) impulsée par Chavez et qu’ont rejointe quelques pays du sud continent américain (récemment l’Equateur) lui a été fatal. D’autant que le Honduras a une frontière commune avec le Nicaragua d’Ortega, partie prenante de l’initiative bolivarienne. Une résistance, même modérée, aux USA en Amérique centrale n’est pas géopolitiquement acceptable par l’oncle Sam. Abstraction faite du changement de rhétorique, Obama fait le travail pour lequel il a été élu !
Dans le cas iranien, les impérialistes - au premier rang desquels figurait la Grande-Bretagne (nostalgie de l’Anglo-Persian Oil Company ? Pas seulement sans doute.) suivie servilement par la France sarkozyenne « otanisée » qui vient de signer d’inquiétants accords d’assistance militaire avec Abou Dhabi, situé face aux côtes maritimes iraniennes – ont tenté de s’immiscer au sein des contradictions et des luttes de classes en Iran afin de fomenter une « révolution » dont les médias français nous annonçaient quotidiennement qu’elle était inexorablement en marche. Les ridicules médiacrates se font plus discrets sur le sujet depuis quelques jours. S’il est probable qu’il y ait eu des irrégularités électorales (1) çà et là en Iran, il n’en reste pas moins vrai qu’Ahmadinejad bénéficie du soutien des plus démunis que n’abandonne pas à leur sort la République islamique (qu’en est-il en Occident ?). Nous ne contesterons pas qu’il y aura des progrès à faire sur ce plan-là mais pour autant nous ne pouvons être séduits par les illusions des classes moyennes de la société iranienne, qui comme dans toutes ces pseudo révolutions colorées de par le monde, lorgnent vers le mode de vie libéral-libertaire promu par la mondialisation capitaliste, et encore moins abonder dans le sens d’une tentative de renversement de régime pilotée de l’extérieur. Les impérialistes, en manipulant l’information et en grossissant l’ampleur de la contestation, tentèrent simplement de déstabiliser un président antisioniste convaincu (caricaturé en antisémite (2)) et une Nation rétive à se soumettre aux injonctions du monde occidental dirigé par les Etats-Unis. En France, pour affiner la propagande anti-iranienne et créer un climat malsain, l’affaire de l’interdiction de la burka belphégorienne apparut comme par hasard au même moment que les médias se déchaînaient servilement contre Ahmadinejad. Que le vêtement incriminé ne soit pas à la mode persane, importe peu ; il s’agit d’instiller sournoisement l’idée que l’ennemi est dans la place et que « nos valeurs » sont menacées. « Comment peut-on être persan ? ». Soulignons au passage que la République islamique d’Iran n’a pas rejeté les femmes dans les abîmes de l’obscurantisme, loin de là et que si l’on désire parler de légitimité électorale, le Guide de la révolution, plus haute autorité de l’Etat, M. Ali Khamenei depuis 1989, supervisant les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire au nom du principe de velayat-e faqih (« gouvernement du docte ») est désigné par une assemblée des experts dont les 86 membres religieux sont élus directement par le peuple au suffrage universel, tous les huit ans.
Quoi qu’il en soit, nous voilà conviés en France, dans les prochains mois, à parler « tissus » et « chiffons » tout en acceptant de subir passivement les effets de la crise du système au lieu de tenter de prendre en mains nos conditions d’existence. A l’encontre de quoi, mettons en relief que la classe dominante à toujours tendance à « voiler » l’essentiel, le cœur de sa domination abjecte (que nous devons dévoiler afin de la faire apparaître pour ce qu’elle est) et à « dévoiler » l’inessentiel, l’apparence spectaculaire ; faire apparaître l’épiderme, en l’occurrence, dans l’anecdotique histoire de la burka. Il est vrai que l’exploitation de l’apparence épidermique de la femme-marchandise dans l’Occident libéral-libertaire, cela rapporte. Le capitalisme est pornocrate.
NOTES :
1) Lorsque dans un pays plus de 60% d’électeurs s’abstiennent, on devrait avoir un profil plus modeste quant au fait de donner des leçons à d’autres nations sur leur propre processus électoral.
2) Au fait les iraniens ont bien combattu l’Irak de Saddam-Hitler pendant huit ans, les voilà accusés d’antisémitisme. On a du mal à suivre…
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