Entretien de Jean Galié avec le Choix des Libraires (18/11/2009)

Jean Galié est membre de la rédaction du journal Rébellion et du bureau de l'OSRE, il est co-auteur du livre "Rébellion, l'Alternative Socialiste Révolutionnaire Européenne".

 

1) Qui êtes-vous ?


Qui suis-je ? J'accorde assez peu d'importance à l'exposé public de ma biographie mais si cela pouvait susciter l'intérêt du lecteur pour l'ouvrage composé avec mon jeune ami Louis Alexandre, je dirais que je suis un lecteur de Marx depuis quatre décennies alors que se consolidait mon éveil intellectuel d'adolescent. J'ai acquis une formation philosophique jusqu'à la rédaction d'une thèse de doctorat et me suis beaucoup intéressé à toute la tradition marxiste, en particulier dans ses marges non «orthodoxes» comme le communisme conseilliste germano-hollandais ou la gauche communiste bordiguiste italienne du 20° siècle. J'ai également travaillé sur l'Ecole de Francfort et je reprends actuellement la lecture de Lukacs que je considère comme étant un immense philosophe.

Néanmoins, je ne me suis pas laissé enfermer dans une dichotomie politique droite/gauche que je n'ai jamais pu prendre réellement au sérieux, ce qui m'a poussé à rencontrer parfois des hommes venus d'horizons politiques parfois opposés les uns aux autres. Je me suis aperçu, alors, que certains en arrivent également à se désintéresser des clivages idéologiques obsolètes encombrant toute réflexion authentique et approfondie.

Enfin, il me paraît important de dire que l'interrogation métaphysique a mûri lentement au cours de ma vie et qu'une réflexion sur l'être social ne saurait prétendre l'occulter. De ce point de vue, des auteurs comme René Guénon, Raymond Abellio ou Henry Corbin pour l'ésotérisme islamique m'ont transformé intérieurement. Sous ce rapport, mon angle de vision de la politique en porte implicitement la marque.

Je n'aime pas le terme d'intellectuel pour parler de moi, je suis attaché (par mes origines familiales) à la praxis des prolétaires conscients comme on peut le dire en termes marxistes. Mais, par ailleurs, ce qui m'importe est la vie théorétique comme la définissait Aristote.

2) Quel est le thème central de votre livre ?


En premier lieu, précisons que le livre dont nous parlons donne un compendium de textes parus depuis six ans dans la revue «Rébellion» sise à Toulouse et qui ont été parfois retravaillés, corrigés et auxquels ont été adjoints des inédits. Nous ne signons pas la plupart du temps nos articles, car pour un grand nombre d'entre eux, ils ont été écrits à plusieurs. De surcroît, nous insistons sur l'aspect communautaire de notre entreprise aux antipodes de la conception individualiste libérale/libertaire régnante. Le thème central de tous nos textes - l'axe autour duquel gravite notre réflexion - est la réappropriation et le développement d'une pensée socialiste révolutionnaire en rupture avec le devenir-monde du capital et son exécrable domination de la loi de la valeur sur toute expérience humaine. Nous dénonçons le fait qu'il ne subsiste plus d'autre communauté que celle du capital qui éradique les diverses identités culturelles en soumettant le rapport social à l'économie. Tous les problèmes gigantesques se posant actuellement à l'humanité (du moins ceux qui relèvent strictement de la politique) découlent de cela à notre avis.

3) Si vous deviez mettre en avant une phrase de votre livre, laquelle choisiriez-vous ?


Une phrase pouvant donner l'idée de notre recherche critique ? Lorsque nous définissons le Communisme, p. 183 : «C'est une philosophie de l'individu pratique, vivant, agissant, tissant des liens sociaux et qui est en rupture avec la métaphysique de la subjectivité débouchant sur l'atomisme social et «l'arraisonnement du monde» dont la figure parachevée est celle du capital...».

4) Si votre livre était une musique, quelle serait-elle ?


Notre livre est-il musical ? Est-il suffisamment nietzschéen pour cela ? Ne tentons pas de syncrétisme en ce domaine mais nous pouvons penser au Chant des Canuts lyonnais du 19° siècle, à la musique sidérante de Joy Division et aux abîmes d'une symphonie de Chostakovitch.

5) Qu'aimeriez-vous partager avec vos lecteurs en priorité ?


Je désirerais partager avec mes lecteurs, non pas une rébellion de convention mais le sentiment d'une force intérieure donnant le courage de tourner le dos à la sinistre comédie mise en scène par la classe dominante, couverte de masques multiples. Ne vous laissez pas déposséder de vous-mêmes par une aliénante socialisation. La personne humaine n'est pas soluble dans la collectivité ou dans l'espèce mais - le paradoxe n'est qu'apparent - l'individualité véritable n'est pas étrangère à une pratique communautaire ; le capitalisme n'est pas l'horizon ultime des hommes.
Je ressens personnellement une grande «distance» envers la banalité du monde contemporain et malgré tout, une forte préoccupation envers la souffrance sociale que celui-ci engendre. Il me paraît raisonnable de penser que l'idée d'une réduction de cette dernière peut être partagée et mise en pratique. Le reste ne relève guère de la politique et ce «reste» constitue également un vaste champ d'interrogation.

Jean Galié

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