L'Histoire sous influence (13/06/2010)
Article paru dans le Rébellion 40 Janvier/Février 2010
Le débat sur la suppression de l'Histoire pour les classes de Terminale Scientifique aura fait couler beaucoup d'encre à la fin de l'année 2009. Cette annonce, en forme de test, semblait vouloir sonder les réactions possibles sur un aspect sensible de la refonte actuelle des Lycées. Remise dans les cartons le temps de la faire oublier, elle aura eu le mérite de nous faire nous interroger sur la place de l'enseignement de l'Histoire en France.
Loin de permettre l'acquisition de connaissances utiles pour la constitution d'une culture personnelle ou d'un esprit critique, cette matière est sous l'influence directe de l'idéologie dominante. Sûrement parce qu'elle est la seule à présenter l'expérience humaine comme un immense champ de possibilités. Elle est jugée dangereuse par un système qui revendique l'ignorance et la stupidité des masses comme gage de sa continuité immuable. C'est pour cela que la destruction de la transmission des savoirs en oeuvre dans ce domaine est si systématique...
Les manuels scolaires du secondaire diffusent ainsi les pires lieux communs d'un système capitaliste soucieux de désamorcer le potentiel subversif de l'Histoire. Le modèle de l'historiographie libérale est simple à suivre dans n'importe quel cours de collège ou lycée.
L'Histoire de l'Humanité ne serait qu'une longue marche vers le Progrès et la Démocratie, portée glorieusement par les forces du Marché. Hymne à la victoire de la bourgeoisie, elle passe rapidement sur les aspects sombres de son ascension et gomme ses détails les plus sombres. Ainsi le réformisme éclairé aura permis de faire taire les revendications ouvrières, la victoire occidentale sur les totalitarismes du XX siècle et la naissance de L'Union Européenne garantiraient la paix et la prospérité à notre continent.
On passe rapidement sur les grandes expériences révolutionnaires et on impose le culte des « Mémoires victimaires », assénant cette doctrine aux jeunes esprits pour les priver de repaires combattifs et les rejeter dans un « présent perpétuel » de commémoration sélective.
Décousu, l'enseignement de l'histoire est une besogne qui ne s'applique qu'à expliquer en détail que le système capitaliste est le seul possible. On nage en plein consensus, lorsque l'on évoque l'idée que le totalitarisme serait le produit inévitable de tout projet révolutionnaire. On a vu cela avec la furie médiatique des commémorations de la Chute du Mur de Berlin ; un bilan objectif des 20 dernières années s'avère ainsi être impossible.
Dans le même temps, la recherche universitaire et scientifique est elle-même livrée aux affres de la concurrence. A l'immobilisme et à la sclérose intellectuelle du corps enseignant français ( qui vit confortablement installé dans ses habitudes ), s'ajoute l'ouverture grandissante au financement extérieur des travaux historiques. Par la création de commissions chargées de « commandes officielles », privées ou publiques, dans des domaines sensibles ou la multiplication des fondations des grandes multinationales, l'Histoire perd son statut de relative neutralité et indépendance.
Le constat est sombre, mais nous nous rappelons que l'homme écrit toujours l'Histoire en la faisant. Le savoir est une arme que nous devons conquérir par l'effort.<
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