Editorial du Rébellion 53 : Le Temps des leurres (14/04/2012)


Nous nous sommes suffisamment exprimés sur la mystification électorale dans nos numéros précédents (n° 50 et 52) pour ne pas nous répéter sur cette question. Depuis la parution de notre dernière publication, le système n'a fait que confirmer dans sa pratique l'effectivité de nos analyses : l'intensification de son mensonge spectaculaire dans l'indifférenciation des pistes d'informations embrouillées concernant la réalité de sa praxis. La région toulousaine s'est trouvée être le lieu de ce qui restera, pour le moins, une ténébreuse affaire. Le réel n'a jamais été moins adéquat à ce qui en est montré par le discours dominant, offrant à l'analyse dans son recul critique d'étranges objets phénoménalement indestingués et pourtant essentiellement contradictoires. Si l'islamisme radical dispose d'une telle capacité de mobilisation planétaire digne d'appareils d'Etats supérieurement organisés et constituant un danger pour la vertueuse démocratie, comment se fait-il que celle-ci s'entête à le soutenir urbi et orbi? Explicitement en Libye où comme nous le disions, il a été au coeur du processus de dissolution de la nation maintenant en proie à une guerre civile plus ou moins larvée et absolument occultée par la propagande médiatique ; mais encore en Syrie où la manoeuvre de destruction de l'indépendance nationale patinant, les forces d'intervention étrangères n'agissent qu'à couvert tant qu'elles ne peuvent être montrées (spectacle médiatisé d'une révolution triomphante) pour ce qu'elles ne seront jamais en réalité (des forces authentiquement révolutionnaires) ni définies pour ce qu'elles sont : des bandes armées par la frange réactionnaire de l'islam, alliées à l'impérialisme occidentalo-sioniste. Alors que les balles fusaient en notre région occitane et qu'un lampiste salafiste fort probablement téléguidé était abattu grâce à un scénario hautement confus, le redressement potentiel du Mali par un coup d'Etat militaire condamné par la fameuse "communauté internationale", était submergé par une offensive lancée à point nommé depuis la région sahélienne submergée par d'étranges membres de la nébuleuse islamiste radicale embusquée derrière d'inconséquents (?) touaregs, conséquence nous disait-on, de la diffusion d'armes venant de Libye mais portées par de soi-disants anciens mercenaires de Kadhafi curieusement convertis avec célérité à une idéologie aux antipodes de la pensée du guide de la révolution panafricaine qu'ils auraient servie. A en perdre son latin...

Leurres à portée internationale, alimentant les coups tordus de l'offensive impérialiste contre toutes les vélléités d'indépendance nationale. Mais également à dimension nationale puisque dans l'immédiat le peuple français est appelé aux urnes afin de choisir le commis de l'oligarchie future. Nos salafistes locaux choyés soit indirectement par l'incompétence de la DCRI ou directement par des services spéciaux infiltrés sur notre sol (les deux pouvant se croiser, rappelez-vous l'affaire des frégates de Cherbourg avec son étrange parapluie...) se manifestent à point nommé pour attirer l'attention (ou plutôt la scotomiser sur le plan des enjeux complexes planétaires) du public. Après une brève piqûre de rappel concernant la carnavalesque mouvance néo-nazie, a été exhibée la figure inquiétante du fascisme vert rongeant les soubassements de la République, figure qui comme on est sensé le savoir, est l'objet de toute la méfiance de notre gouvernement dit "national". Marine le Pen ayant obtenu discrètement un pacte de non agression de la part d'Israël, elle ne peut que servir de repoussoir (puisque de fait, son message étant policé, elle est partiellement neutralisée par la droite gouvernementale dans la campagne électorale) à Mélenchon, tandis que Sarkozy joue le rôle de celui sur les terres duquel on ne peut venir chasser : le contrôle méticuleux de l'immigration choisie, alternative savante à l'infiltration de virulents barbus. Mélenchon joue alors la partition de la récupération du populisme initialement monopolisé par le FN (réservoir d'électeurs populaires en déréliction) lorsqu'il met en avant son "indignation" contre la finance tout en grapillant des voix à Hollande (dernière chance pour Sarkozy). Dans le cas d'une victoire de celui-ci (avec le soutien du Front de Gauche), le blocage du mécontentement social auquel ce dernier sera inévitablement confronté se trouve déjà formellement mis en place sur sa gauche.

Tout cela pour dire que pas un seul mot de vrai n'a été dit, comme on pouvait s'y attendre, lors des dernières semaines, tant sur les graves tensions internationales et sur la guerre de position que se livrent les puissances agressives de l'impérialisme à bout de souffle, que sur le plan interne des sociétés capitalistes rongées par les impératifs de recherche du profit. La lutte de classe est étouffée dans la représentation que pourraient en avoir ceux qui devraient être à l'offensive contre leurs conditions d'existence et empêchée sur le terrain pourtant parfois occupé par des initiatives populaires de luttes. Contrairement à ce qu'affirme Mélenchon, le bulletin de vote n'est pas un instrument de la lutte de classe ni de la révolution socialiste, surtout lorsqu'il n'est pas accompagné par la mise en place d'organes de combat dans un rapport de forces engagé contre le capital. Il n'est alors qu'un leurre parmi d'autres que les divers exemples que nous venons d'évoquer illustrent.

10 avril 2012.

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