Edito du n°54 de Rébellion : Rebelle Decennie. (24/07/2012)

Le lecteur attentif sera surpris par l'idée de la célébration du dixième anniversaire de la parution de notre revue bimestrielle qui ne porte pas encore le numéro soixante. Nous en avons médité la raison et décidé de tenir compte de l'existence de la durée concrète, de ce qui a été vécu par l'équipe de la rédaction. Celle-ci a commencé la diffusion de "Rébellion" de manière restreinte auprès d'un cercle plutôt confidentiel de lecteurs, il y a dix ans ; le fait de le rappeler - ou de le porter à la connaissance de certains - a pour fonction d'expliciter à la fois la rupture et la continuité dans notre démarche.

Rupture, car les divers rédacteurs provenant d'horizons multiples et fort différents les uns des autres sur le plan politique, s'étaient rencontrés autour de la mouvance nationaliste révolutionnaire (hasard ou destin?). Ils prirent peu à peu conscience mais de manière profonde, de l'inanité de ce courant et de ses impasses dues à son éclectisme idéologique fort malhabile. Progressiste au 19° siècle dans certaines conditions, le nationalisme a servi de masque trompeur à l'agressivité impérialiste par la suite. Il ne put conserver sa dimension révolutionnaire que dans des circonstances où il y eut combat effectif contre l'impérialisme (révolution irlandaise, lutte révolutionnaire en Allemagne contre le traité de Versailles et luttes de décolonisation, par exemple). Ses diverses moutures ultérieures dans le monde occidental n'ont jamais pu s'appuyer sur une théorie vivante analysant le devenir contemporain du capitalisme. Tout au plus, peut-on envisager, la pertinence de l'utilisation du terme de nationale révolutionnaire pour désigner la démarche d'un homme ou de groupes refusant le diktat des impérialismes et ayant un honnête attachement à leur patrie. Ce terme a le mérite d'englober ainsi des regroupements politiques fort distincts mais qui, par exemple, de nos jours refusent les institutions de l'Europe technocratique du capital. Pour notre part, nou avons tout au long de ces dernières années écoulées, tenté d'expliciter notre position socialiste révolutionnaire européenne, donnant tout son poids à chacun de ces termes en les reliant à la continuité historique du combat du prolérariat.

Précisément, et pour cette dernière raison, il y a également continuité entre les premiers exemplaires - parfois maladroits - de notre revue et sa version ultérieure qui en est à son numéro 54. Nous avons toujours mis l'accent sur ces points théoriques essentiels que sont la lutte de classe, l'anticapitalisme radical et non de façade, le socialisme, etc. Mais la théorie n'est pas un système abstrait impersonnel. Elle est l'expression de la pratique qui s'éclaircit, se cherche et se reprend. En conséquence, et par dessus tout, que valent ces finalités au nom desquelles nous agissons? Il va de soi que notre "rébellion", belle et bien authentique, ne vaut pas en soi, elle ne peut constituer un but pour elle-même ; cela équivaudrait à du scepticisme et du nihilisme, si on y réfléchit bien. A l'inverse, nous avons un projet créatif, une intention ; toute finalité est de cet ordre. Néanmoins, celle-ci n'est pas l'imitation d'un modèle transcendant ni l'expression d'un projet arbitraire, contingent. Il existe réellement une nécessité incontournable dont il relève de la liberté humaine; non pas de l'ignorer pour pouvoir sauter à pieds joints au delà d'elle, mais de s'y greffer, de s'y articuler afin de pouvoir actualiser ce que la nécessité présente et rend probable. Ainsi, le capitalisme "résout" ses contradictions en approfondissant l'exploitation et l'aliénation humaines tout en nous entraînant dans le gouffre de crises économiques successives. Nous avons toujours affirmé qu'il n'y aura jamais d'effondrement mécanique du système quelle que soit l'ampleur des calamités qu'il engendre. Cette difficulté justifie largement la "rébellion" que nous manifestons et les finalités que nous poursuivons. Ce sont donc là des valeurs concrètes, non contingentes et non arbitraires, auxquelles la plupart des exploités peuvent souscrire. Celles-ci naissent sur le terrain de la nécessité historique apparaissant telle à la liberté combattante des hommes. Nous n'avons par conséquent pas une lecture métaphysique de ce concept de "nécessité". Application : nous pensons de manière dialectique le rapport causalité/téléologie (l'activité humaine est consciente et téléologique, quelles que soient ses erreurs ; c'est pour cela qu'elle en fait d'ailleurs!) ; de fait, l'Europe du capital est notre ennemie. Mais "un se divise en deux", l'Europe du capital est combattue - plus ou moins potentiellement et effectivement - par l'Europe des travailleurs. L'Europe n'est donc pas un concept géographique mais géosociopolitique. Les prolétaires sont potentiellement unifiés "économiquement" par l'extension de la CEE sous la coupe de la crise économique du capital et de ses manigances idéologicopolitiques. Alors, parlant de socialisme pour l'Europe, nous n'énonçons pas une identité figée ni dans le passé ni dans l'avenir mais l'identité de l'identité (ce qui est là en crise, en contradiction insurmontable pour l'être-là du capital) et de la différence (la rupture, la rébellion en lutte pour la séparation d'avec la logique du capital, l'essence de la communauté humaine [Gemeinwesen de Marx] doit apparaître). Résultat : production du tout-autre, pas-encore, du socialisme du 21° siècle pour l'Europe rendue à la puissance de la lutte en devenir pour un monde multipolaire (niveau supérieur de l'identité de l'identité et de la différence et ainsi de suite...). Cela répond aussi bien aux libéraux mondialistes, cosmopolites, aux sociaux-démocrates béats, qu'aux souverainistes nationaux ou aux identitaires néoracialistes.

Mécontents, encore un effort si vous voulez devenir rebelles!

 

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