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04/09/2014

Pour une Ecologie véritablement révolutionnaire :Détruire ce qui nous détruit

Le combat écologiste est-il porteur, par lui-même, d’une véritable perspective révolutionnaire ? Nous pensons que non. Aussi virulente que puisse prendre son expression, il reste englué dans sa vision limitée du problème. S’il a la capacité de deviner les futures catastrophes, il est dans l'incapacité matérielle de les contrer. L’échec de l’Ecologie politique et les demi-succès de l’Ecologie Radicale sont révélateurs de la logique d’un mouvement qui n’arrive pas à remonter aux sources du Mal et qui ne parvient qu’à être récupéré par le système ou à s’enfermer dans une surenchère stérile.

Pour reprendre l’analyse de l’équipe de l’Encyclopédie des Nuisances (1), les écologistes représentent sur le terrain de la lutte contre les nuisances écologiques ce que représentaient, sur celui des luttes ouvrières, les syndicalistes : des intermédiaires intéressés à conserver les contradictions dont ils assurent la régulation, des négociateurs voués au marchandage (la révision des normes et des taux de nocivité remplaçant les pourcentages des hausses de salaire), des défenseurs du quantitatif au moment où le calcul économique s'étend à de nouveaux domaines (l'air, l'eau, les embryons humains ou la sociabilité de synthèse); bref, les nouveaux courtiers d'un assujettissement à l'économie dont le prix doit maintenant intégrer le coût d'un "environnement de qualité".On voit déjà se mettre en place, cogérée par les experts "verts", une redistribution du territoire entre zones sacrifiées et zones protégées, c’est-à-dire une division spatiale qui réglera l'accès hiérarchisé à la « marchandise nature ». Quant à la radioactivité, il y en aura pour tout le monde.

Dire de la pratique des écologistes qu'elle est réformiste serait encore lui faire trop d'honneur, car elle s'inscrit directement et délibérément dans la logique de la domination capitaliste, qui étend sans cesse, par ses destructions mêmes, le terrain de son exercice. Dans cette production cyclique des maux et de leurs remèdes aggravants, l'écologisme n'aura été que l'armée de réserve d'une époque de bureaucratisation, ou la « rationalité » est toujours définie loin des individus concernés et de toute connaissance réaliste, avec les catastrophes renouvelées que cela implique.

Partant du constat que la société capitaliste actuelle mène par son mode de production et de consommation à la destruction inévitable de notre environnement, nous intégrons pleinement l’écologie à un combat révolutionnaire. Nous la concevons comme une composante d’un projet plus vaste de remise en cause du capitalisme et non comme la motivation unique et principale d’une démarche réformiste. La contradiction entre le milieu naturel et le système capitaliste mondial est totale. Il n'y a aucun terrain commun, rien qui puisse enjamber la séparation définitive entre la préservation de notre planète et la logique d’exploitation sans limites de ses ressources, par le Capital.

C’est sur le terrain des rapports sociaux que se remportera la victoire de la défense de la Nature parce que c’est sur ce terrain là que se concrétise la conscience des enjeux majeurs afin de rompre avec la dynamique productiviste génératrice de pollution mais aussi de chômage et de crises. Seule la Révolution Socialiste pourra mettre fin au système en place et donner naissance à une nouvelle société, qui aura comme préoccupations (entre autres) de rechercher un rapport harmonieux avec son environnement. Parce qu’il ne sera pas guidé par le profit et organisé en firmes multinationales ou étatisées bureaucratiquement, notre Socialisme pourra être et sera un mode de production écologique. Il fera peut-être des faux pas, mais il n’introduira pas de façon systématique et aveugle des déséquilibres dans les cycles naturels, comme le fait le capitalisme. Il n’est pas la correction des lois économiques suivant des critères écologiques, mais le dépassement de la loi de la valeur et de l’économie.

Ce que met en avant la crise écologique, c’est la nécessité de ce dépassement, le caractère devenu absurde socialement de la loi de la valeur qui écrasait déjà l’existence des travailleurs pour augmenter à tout prix la productivité du travail afin d’accroître le profit.

Le Socialisme sortira de la loi de la production pour la production (valorisation du capital, productif ou financier), afin d’élaborer une approche différence de l’économie qui ne soit pas nocive à terme pour notre environnement, et pour la nature, plus largement. Si nous rejetons la course aveugle à la croissance nous ne pouvons souscrire à l’illusion de la décroissance et à sa phobie de la technologie. Basée sur les réels besoins humains- que la société aura à redéfinir- et non sur les artifices de la consommation de masse, la production sera orientée impérativement pour éviter des effets irréversibles ou difficilement réversibles quant à leurs effets sur l’homme et sur la nature. Le but étant d’obtenir une prodigalité de biens d’usage peu coûteux et de qualité, sans impacts destructifs sur l’environnement. La révolution transformera profondément le sens du développement technologique et les conditions de production.

Le mal n’est pas la technique mais l’utilisation qui en est faite par le Capital ainsi que le projet techniciste contemporain de la naissance des prémisses du capitalisme aux 16° et 17°siècles. L’innovation technologique n’est pas pour le moment un moyen de développer les possibilités de l’espèce et d’alléger ses peines, mais de faire produire plus de marchandises et mieux asservir le travailleur. Cela peut très bien changer si nous émancipons la technologie de la recherche du profit. Il est évident qu’un tel changement implique une rupture radicale qui ne peut être que la Révolution Socialiste ! De nos refus naît le futur !

Note :

  1. Encyclopédie des Nuisances, « A tous ceux qui ne veulent pas gérer les nuisances mais les supprimer », appel de 1991.

 

L’Ecologie Sociale : L’autre Ecologie Radicale

 

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Un profond débat a agité le mouvement écologique radical américain de la fin des années 80. L’apparition de l’Ecologie Sociale, en réaction aux limites et dérives de l’Ecologie Profonde, va considérablement enrichir et rénover le discours sur l’Ecologie. Quasiment inconnu en France, son principal pionnier fut Murray Bookchin, intellectuel écolo-libertaire qui se définit comme un héritier de la longue tradition de lutte sociale américaine et en particulier des IWW (1). Il s’opposa, dés 1987, à la misanthropie latente présente dans la mouvance des écologistes radicaux sous couvert d’un culte de la nature sauvage. Mais il montra surtout combien l’approche limitée des rapports sociaux et économiques révélait leur ignorance totale des véritables racines de la crise écologique actuelle.

Dans la logique de certains des partisans les plus fanatiques de l’Ecologie Profonde (2), l’Homme n’est qu’une erreur de la Nature, un être malfaisant qui ne vit que pour détruire son environnement. Ils jugent l’espèce humaine comme étant par nature criminelle et voient dans les catastrophes naturelles un bon moyen de réguler sa population sur la surface du globe. On en arrive à des déclarations aberrantes comme celle de Dave Foreman, ancien porte-parole de Earth First dans les années 1980, qui certifiait qu’ "il est temps pour cette société guerrière de disparaître de la terre dans un raz-de-marée destructeur qui formera des anticorps contre la vérole humaine qui est en train de ravager cette belle et précieuse planète » , et de poursuivre que les actions de son organisation « n’ont pas pour but de renverser un quelconque système social, politique ou économique » mais de défendre les espaces encore sauvages du nord-américain. Le rejet de leur propre nature humaine les conduit à créer une opposition non fondée entre l’Homme et son environnement (recréant paradoxalement la distinction Homme/Nature biblique). Cette incapacité aveugle et torturée à distinguer ce qui est profondément anti-écologique dans le capitalisme empêche de voir ce qui pourra être profondément écologique dans une société qui en serait enfin libérée.

Le manque d’un véritable projet social dans l’Ecologie Profonde, montre l’absence d’une analyse rationnelle et cohérente de la crise écologique que nous traversons. Des visions éco-utopiques coexistent dans la plupart des publications ou sites Internet éco-radicaux avec des perspectives ultra autoritaires à faire frémir (3). Il n’est pas étonnant que se soient diffusées au sein de cette mouvance les thèses primitivistes  (voir par exemple le livre de John Zerzan, « Futur Primitif », chez l’éditeur «  A Coteaux Tirés ») d’un retour au modèle des chasseurs-cueilleurs pour succéder à la fin de notre civilisation.

L’Ecologie Sociale, sous l’influence du municipalisme libertaire de Pierre Kropotkine (4), tente de dépasser ces limites. Elle recherche la création d’une société basée sur des rapports sociaux non hiérarchiques, reposant sur des communautés démocratiques et autogestionnaires décentralisées. Elle insiste sur la nécessité du développement d’écotechnologies comme les énergies propres, l’agriculture organique et les industries à échelle humaine. Elle prône une décentralisation de la production et une désurbanisation pour redonner le contact de la nature à l’Homme. Le but étant de permettre de retisser un lien entre les hommes et de redonner naissance à une sensibilité écologique dans notre culture, ce projet ne pouvant s’accomplir qu’en combattant la logique de recherche du profit du capitalisme. C’est sur ce point que l’Ecologie Sociale converge avec notre point de vue Socialiste Révolutionnaire. Particulièrement lorsqu’ elle est à l’origine d’actions concrètes conciliant les deux approches écologistes, à la manière des activistes de l’Earth First s’alliant à des bûcherons dans le but de sauver des forêts anciennes du Grand Nord américain, en remplaçant les grandes entreprises forestières par des coopératives appartenant aux travailleurs et soucieuses de l’environnement.

Bien souvent plus radicale dans sa logique que l’Ecologie Profonde, l’Ecologie Sociale n’arrive pourtant pas à se débarrasser de certaines des illusions en vogue dans les milieux de Gauche ( recherche de contacts avec les institutions, alter mondialisme, citoyennisme). Mais elle pose pourtant une bonne question : comment le développement social peut- il s’intégrer harmonieusement à l’environnement ?

 

Notes :

1) Les Industrial Workers of the World est une organisation syndicaliste-révolutionnaire américaine qui mena la vie dure aux grands patrons par sa pratique systématique de l’action directe au début du 20° siècle.

2) Une partie de la base des organisations écologiques radicales (mais aussi les défenseurs des droits des animaux type ALF) est formée par les générations de citadins qui ont perdu tout contact avec la nature et qui ont une représentation fantasmatique de la Nature Sauvage. Cette ignorance des réalités de l’environnement a ainsi abouti en Angleterre à ce que les visons libérés des fermes d’élevage par l’ALF deviennent des prédateurs dangereux pour la faune locale.

3) Sont ainsi nées des organisations qui œuvrent pour l'extinction du genre humain. Ce qui nous est prouvé par la constitution récente de VHEMT (The Voluntary Human Extinction Movement) publiant sur Internet une quarantaine de pages contenant des arguments sérieux pour nous persuader que la race humaine doit s'éteindre volontairement par l’auto-stérilisation.

4) Pierre Kropotkine est issu de l'une des plus vieilles familles de la noblesse russe. Progressivement rallié au camp révolutionnaire, il voyage en Europe de l’Ouest. Arrivé à Zurich, il adhère à une section de l'Association internationale des travailleurs (AIT) proche de la tendance libertaire.  De retour en Russie, Kropotkine devient un propagandiste infatigable et, durant deux ans, il parcourt les quartiers populaires de Saint-Pétersbourg déguisé en paysan, sous le nom de Borodine. Revenu en Suisse, il déploya toute son énergie au service de la cause révolutionnaire, traversant l’Europe pour soutenir toutes les initiatives. Kropotkine publiera de nombreux ouvrages où sont exposés les principes de la société anarchiste: notamment Paroles d'un révolté, la Conquête du pain, l’'Anarchie dans l'évolution socialiste, les Prisons, la Morale anarchiste, la Grande Révolution, les Temps nouveaux, etc. Retourné en 1917 en Russie, il refusera les honneurs et un poste de ministre proposés par Kerenski. Il ne cesse de dénoncer la dictature qui s'instaure à la suite de la prise de pouvoir par Lénine et sera en butte à des tracasseries de la part des bolcheviks jusqu'à sa mort. Il est l’un des penseurs dont peut s’inspirer l’Ecologie sociale dans la mesure où il montra dans un de ses livres  L’entraide, l’importance de la coopération pour la survie au sein des communautés animales (et aussi humaines évidemment) fondant ses remarques sur les observations du naturaliste qu’il fut, également. Sa théorie vient tempérer la doctrine darwinienne de la lutte pour la vie dont on sait qu’elle fut également exploitée dans une optique de politique libérale.

 

Bibliographie :

Quelle Ecologie Radicale ? Débat entre M Bookchin et D. Foreman, Atelier de Création Libertaire.

 Murray Bookchin - Qu’est que l’Ecologie Sociale ? - ACL