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10/03/2015

Pierre Joseph Proudhon : Philosophe de la révolte

Un Homme Libre

Né le 15 janvier 1809 à Besançon dans une famille très modeste. Proudhon est l’un des rares fondateurs du socialisme issu véritablement du peuple. Plus tard, il pourra dire avec fierté : « je suis pauvre, fils de pauvre ; j’ai passé ma vie avec les pauvres et, selon toute apparence, je mourrai pauvre ». Proche de la terre, c’est un homme rustique et fier. Nostalgique de son terroir franc-comtois dans son exil parisien, il éprouvera toujours un fort attachement pour la Nature. C’est à son contact quotidien qu’il passe son enfance. À la campagne, il sera garçon de ferme jusqu’à douze ans pour aider sa famille dans le besoin. « Proudhon n'est pas seulement issu du peuple, il lui reste attaché par toutes les fibres de son corps et de son esprit. Ce n'est pas lui que la révolte pousserait vers un nihilisme négateur de toutes les valeurs. Au contraire, c'est pour défendre les anciennes valeurs morales chères au petit peuple de France et menacées par la corruption de la Société moderne qu'il arbore le drapeau de l'insoumission. Ainsi s'explique le double caractère si surprenant de sa doctrine qui est traditionaliste et révolutionnaire à la fois. ».

Cette éducation populaire le vaccine à jamais contre l ‘Eglise. « Dieu c’est le mal » déclarait «  le plus grand blasphémateur du siècle » comme l’avait bombardé un ecclésiastique réactionnaire dans un de ses prêches. Mais les rapports de Proudhon avec la foi sont loin d’avoir été aussi simples que certaines de ses formules à l’emporte-pièce. Ainsi, Proudhon croit que notre destin est entièrement entre nos mains et que nous ne relevons pas d’une autorité divine. « Ma conscience est mienne, ma justice est mienne et ma liberté est souveraine. Que je meure pour l’éternité, mais que du moins je sois homme, pendant une révolution du soleil ». S’il est profondément anticlérical et combat les prises de positions conservatrices des Eglises (« Mon Père, réplique-t-il un jour au curé de sa paroisse, mon Pâques ne vaut pas votre Vendredi saint »), il ne nie pas l’importance d’une démarche spirituelle, qui est pour lui une recherche d’un Absolu et la négation du matérialisme, et considère que « l’athéisme n’est pas une solution ». Provocateur et espiègle, il voit dans le Christ « Le Grand Prolétaire de Nazareth », un ancêtre du socialisme en quelque sorte, qui aurait bien du mal à se retrouver dans la bureaucratie qui prétend le servir.

Au début de son adolescence, il quitte sa campagne pour devenir élève boursier au collège de Besançon : «  Il a bien fallu me civiliser, mais l’avouerais-je ? Le peu que j’en ai pris me dégoûte. Je trouve que dans cette prétendue civilisation, saturée d’hypocrisie, la vie est sans couleur ni saveur, les passions sans énergie, sans franchise : l’imagination étriquée, le style affecté ou plat ». Manquant des livres les plus nécessaires, il fait toutes ses études de latinité sans un dictionnaire.

La faillite de son père l’oblige à arrêter prématurément ses prometteuses études. Il rentre en apprentissage dans une imprimerie comme typographe. À partir de là, il va exercer une multitude de métiers et poursuivre en parallèle son éducation en autodidacte. Il se forgera une culture prodigieuse et un sens critique unique.

Confronté dès l’enfance à l’injustice du Capitalisme, Proudhon ne pouvait que se révolter contre ce système et consacre sa vie entière à l’éveil du Peuple. « Un certain amour de la justice, aidé de beaucoup de passion, m’a fait tout ce que je suis. Je n’aurais probablement jamais songé à écrire sans cela ». Devenu journaliste, il poursuivra sa recherche de la justice à travers les calomnies et les insultes. Emprisonné, tour à tour, par la Monarchie de Juillet, la République et l’Empire, il refusera toujours de se soumettre. Pour lui, l’homme libre ne doit pas connaître le moindre confort. Il faut au contraire qu’il sente toujours l’aiguillon du besoin et qu’il soit prêt à tout sacrifier. «  Je sais ce que c’est que la misère, j’y ai vécu. Tout ce que je sais, je le dois au désespoir… » C’est en prison que Proudhon épousera Euphrasie Piégard, une ouvrière parisienne, qui l’aimera avec un dévouement parfait et lui donna quatre filles. Il nourrira toujours un profond amour pour sa famille, il se montrera un mari exemplaire et un père attentif.

Une philosophie de combat

Faire une synthèse de la pensée de Proudhon est une chose extrêmement difficile. « Philosophe combattant » avant tout, il proclame, dès ses premiers écrits, son horreur de toute doctrine érigée en système complet et définitif. Esprit en perpétuelle évolution, il n’avait pas peur de se remettre en question, au risque de donner une impression de confusion à son œuvre. Conscient de cela, il avait songé à rassembler et clarifier sa pensée foisonnante dans les dernières années de sa vie. Mais les circonstances ne lui en laisseront pas le temps. Malgré cela nous pouvons trouver une ligne directrice à son travail, une unité dans son œuvre.

À la base de la pensée proudhonienne, il y a une conception de la liberté individuelle souveraine. L’homme est d’abord un être libre que rien ne doit venir aliéner. Refusant de voir l’Homme écrasé par l’Homme, il s’oppose à tous les systèmes qui nient l’autonomie des personnes ou des collectivités librement choisies. Il ne suffit pas que la critique démolisse, disait Proudhon, il faut qu’elle affirme et reconstruise. Loin d’être un démolisseur incapable de bâtir, il propose une véritable alternative : le mutualisme et le fédéralisme. Il recherche à trouver un juste équilibre, à « trouver un état d’égalité sociale qui ne soit ni communauté, ni despotisme, ni morcellement, ni anarchie, mais liberté dans l’ordre et indépendance dans l’unité ».

Dans les sociétés basées sur le principe de la Propriété (qu’il définit comme le coeur du mal des sociétés modernes) et le Capitalisme, l’inégalité des conditions résulte de la force et du vol. En même temps, il n’accepte pas de refonder la société sur le principe d’une communauté qui déboucherait sur une étatisation totalisante où l’inégalité viendrait alors de l’enfermement dans l’uniformisation et de l’enchaînement de l’individu à la masse. «  Il ne s’agit pas, écrit-il, de tuer la liberté individuelle mais de la socialiser ». Proudhon accorde un rôle central au Travail, qui est pour lui une activité portant en son sein le sens de la société. Il en fait une force créative qui doit être libérée de son aliénation capitaliste. La mise en place de l’autogestion ouvrière et paysanne garantirait à tous une juste rétribution de leurs efforts, selon l’antique maxime romaine : «  A chacun ce qui lui revient selon sa capacité ».

Pour cela le mutualisme, basé sur un contrat librement accepté, serait l’alternative au communisme et au capitalisme. « Il y a mutualité, quand dans une industrie, tous les travailleurs, au lieu de travailler pour un entrepreneur qui les paye et garde leur produit sont censés travailler les uns pour les autres, et concourent ainsi à un produit commun dont ils partagent le bénéfice ». Le sens du mutualisme, c’est l’exploitation en commun des propriétés individuelles. Ainsi pour Proudhon, le principe mutualiste, bien mieux que le principe d’autorité, fonderait l’union des producteurs et des consommateurs, centraliserait leur force, assurerait l ‘unité et la solidarité de leurs intérêts. Le mutualisme articulé avec le fédéralisme ramènerait à l’unité toutes les divergences, résoudrait toutes les contradictions et, par conséquent, rendrait possible l’essor des sentiments de bienveillance et de dévouement que refoulait l’anarchie économique chère aux libéraux.

Partant de la base, le principe fédéraliste proudhonien visait à permettre la naissance d’une Europe unifiée dans sa diversité et devait limiter les risques de conflits entre les peuples.

Démocratie et Révolution

Une des constantes de la pensée proudhonienne est l’opposition radicale au système démocratique, tel que prétendait l’imposer les libéraux et les conservateurs. Pour lui, le suffrage universel est organisé de manière à servir la tyrannie des professionnels de la politique et à empêcher le peuple de véritablement prendre conscience des enjeux de ses choix. Les citoyens capables et indépendants sont écartés d’office par le jeu des institutions, suspectés d’être honnêtes et d’avoir des velléités de changement. Proudhon, qui fut représentant de la nation, nous a laissé une description de la vie politique sous la République qui garde son actualité : «  Il faut avoir vécu dans cet isoloir qu’on appelle une Assemblée Nationale pour concevoir comment les hommes qui ignorent le plus complètement l’état du pays sont presque toujours ceux qui le représentent ».

Les aspects néfastes du système démocratique lui apparurent aux lendemains de la révolution de 1848. Malgré la proclamation de la République, rien n’avait changé dans le jeu politique. La bourgeoisie conservait le pouvoir et s’appuyait sur l’appareil étatique pour se maintenir. Il savait que le Peuple n’était pas encore assez prêt pour la vaincre et s’imposer. Il fallait d’abord passer par une période de prise de conscience collective et d’éducation populaire (démopédie). Le devoir des révolutionnaires étant de servir à ce travail et à démasquer le jeu des démagogues de tous poils qui utilisent l’ignorance du peuple pour faire carrière.

Proudhon accorda une grande importance à « la capacité politique de la classe ouvrière », c’est-à-dire au moment où, d’abord, elle parvient à avoir conscience d’elle-même, à distinguer et à séparer ses intérêts propres de ceux de la bourgeoisie ; puis à concevoir sa propre constitution et à formuler le sens de son existence. Elle devient, au final, une classe capable d’organiser la société sur d’autres bases.

Partisan d’une démocratie directe et partant de la base, Proudhon a développé un anti-parlementarisme qu’il transmettra bien plus tard à une partie du mouvement ouvrier. Cette tradition se retrouvera dans le syndicalisme révolutionnaire pour qui seule l’action directe (grève générale, occupation d’usine, sabotage) est révolutionnaire. Cet aspect de la pensée proudhonienne garde toute son actualité à notre époque.

Permettez, chers camarades lecteurs, une petite digression. Aujourd’hui comme à l’époque de Proudhon, vivons-nous véritablement en démocratie ? Cette question peut paraître provocatrice, on nous rétorquera que malgré ses disfonctionnements notre bonne vieille démocratie n’est pas un système totalitaire avec un appareil répressif sanguinaire. Cela est vrai. Mais là où le bât blesse c’est que lorsque nous en venons, simplement, à l’étymologie du mot “démocratie”, on obtient “pouvoir du peuple” et lorsque nous nous intéressons à la définition proposée par le dictionnaire, nous avons “régime où le peuple exerce sa souveraineté”. Or, pour que le peuple soit détenteur du pouvoir et qu’il exerce sa souveraineté, il faudrait qu’il en ait les moyens et que çà l’intéresse … Cela n’est pas franchement le cas actuellement. D’une part, le peuple est largement manipulé par des « faiseurs d’opinion » à la solde de l’oligarchie. La “démocratie” n’est plus qu’un paravent politiquement correct pour faire accepter ce que les puissants ont décidé d’imposer aux peuples. D’autre part, on remarque que le peuple ne s’intéresse que peu à la vie démocratique (fort taux d’abstention aux élections, faible taux de militantisme au sein des partis et associations politiques), et c’est un cercle vicieux. On notera d’ailleurs que le microcosme politique (élus, militants, permanents…) est composé seulement de quelques dizaines de milliers de personnes dans un pays comme la France : certains d’entre eux sont de simples exécutants et la plupart se partagent les miettes du gâteau… Pour cela, la “démocratie” est devenue un mot vidé de son sens, utilisé à tour de bras pour désigner le consensus mou dans lequel nous vivons. Ainsi, proposer un changement qui déplaît au Système peut vous faire qualifier “d’ennemi de la démocratie” et ainsi permet de vous disqualifier définitivement ... Dans l’absolu, nous pouvons critiquer la démocratie. Le problème sera le risque de confusion entre une critique du Système actuel qui n’a rien de démocratique comme nous venons de le voir et la critique de la Démocratie authentique.

Nous sommes irrémédiablement du côté du peuple, nous sommes le peuple. Nous ne pouvons donc pas opter pour la tyrannie totalitaire ou pour l’oligarchie (dont nous vivons actuellement une forme ploutocratique), mais la démocratie représentative a montré, par ses dérives, ses faiblesses. Les élections ne sont plus l’expression du peuple, mais un simple jeu d’alternance. C’est pour cela que l’enseignement de Proudhon est pour nous un héritage précieux. Il montre que d’autres formes d’organisation sociale et politique sont possibles. Pour cela, une révolution totale est nécessaire : « Une révolution est une force contre laquelle aucune autre puissance, divine ou humaine, ne peut prévaloir, dont la nature est de se fortifier et de grandir par la résistance même qu’elle rencontre. On peut diriger, modérer, ralentir une révolution. On ne refoule pas une révolution, on ne la trompe pas, on ne saurait la dénaturer ni, à plus forte raison, la vaincre. Plus vous la comprimez, plus vous augmentez son ressort et rendez son action irrésistible. La révolution ne démord pas. Et pour une raison toute simple, c’est qu’elle ne peut avoir tort ».

Proudhon a cherché à tirer les enseignements des épisodes révolutionnaires de son époque. Pour lui, il n’est pas dans la nature des masses de se révolter si ce n’est contre ce qui la touche directement, comme la misère ou le chômage. La réussite d’une insurrection ne dépend pas d’une véritable bataille, mais uniquement de la généralité et de la rapidité du mouvement. Les forces révolutionnaires doivent être prêtes à prendre le pouvoir et à répondre rapidement à la demande du peuple. Cela implique une préparation minutieuse et une imprégnation des classes populaires par les idées révolutionnaires.

Proudhon meurt en 1865. Il laisse une œuvre immense et de nombreux disciples venus des horizons politiques les plus variés. Comme nous l’avons vu, sa démarche garde son actualité. La pensée proudhonienne peut nourrir (avec d’autres influences) une réflexion plus large et actualisée sur le sens que nous voulons donner à notre combat.

 

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08/03/2015

La loi Macron ou les fonds de tiroir de la dérégulation.

En guise de propos liminaire, précisons que nous parlerons ici par commodité de loi quand bien même il ne s’agit encore que d’un projet de loi à l’heure où nous écrivons. De fait, le contenu du texte est encore susceptible d’évolution. Toutefois, compte tenu de l’usage de l’article 49.3 de la Constitution pour l’adoption en 1ère lecture à l’Assemblée Nationale le 19 février dernier, il apparaît légitime de penser que le gouvernement y attache une grande importance et qu’il sera peu modifié d’ici son adoption définitive. Enfin, il ne sera bien sûr pas ici question de réaliser le catalogue complet de toutes les mesures de ladite loi mais d’en sélectionner et commenter les plus emblématiques dans leur caractère marqué de régression économique et sociale.

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« Libérer », «investir », « travailler » : Macron plante le décor et nous prévient aussitôt de la nature de sa loi par l’emploi de ces trois mots « magiques », véritables « sésame » de l’hypnose libérale contemporaine. Il fut un temps où les français se voyaient proposer la notion de « participation » ou des projets plus ambitieux de « nouvelle société ». Epoque lointaine et révolue ! Le contenu idéologique du discours oligarchique ne présente désormais plus aucune nouveauté, l’inspiration est dérisoire et tarie, le renouvellement des arguments impossible. Ainsi, depuis plus de trente ans, le Pouvoir se gargarise des mêmes ritournelles sur la nécessité de stimuler la croissance économique et la compétitivité au nom de l’emploi en brisant les blocages, en abolissant les règles poussiéreuses, en simplifiant ce monde encore trop complexe pour permettre l’instauration de la loi de la jungle. Tout comme les séries télévisées se vautrent dans la platitude de scénarios éculés, les « réformes » gouvernementales sont condamnées à l’indigence rhétorique en resservant continuellement le même infâme brouet aux ingrédients indigestes : croissance, compétitivité, libération, simplification, modernisation, égalité des chances… La totale absence d’inventivité de la classe dirigeante est absolument remarquable. Ce phénomène s’explique d’ailleurs parfaitement, tant par l’incroyable dégradation des compétences du personnel politique que par l’outrecuidance d’une caste à l’égard d’une population perçue comme définitivement décérébrée, ce que d’aucuns ont pu décrire dans le passé comme « l’exercice du mépris et de la réussite du mépris ».

En 2007, Sarkozy nous avait déjà gratifiés d’une loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (loi TEPA), en 2015 la loi Macron en est donc le prolongement.

Rien d’étonnant, car la question fondamentale pour le Pouvoir reste invariablement identique : comment gérer les pauvres dont le nombre ne va cesser de croître, comment les faire travailler, comment les occuper et les rendre toujours plus inoffensifs ?

Nous distinguerons trois axes principaux qui sous-tendent les décisions prises dans la loi : d’une part le renforcement de l’oppression dans le Travail, d’autre part la mise en place d’une grande braderie sous couvert d’investissement facilité, enfin la libération de la voracité affairiste.

 

Oppression renforcée dans le Travail

Concernant le Travail - divinité approchant en importance celle de la Croissance sur l’Olympe de l’Economie - il n’est pas question dans cette loi de définir ou de stimuler de nouveaux axes industriels en favorisant la recherche/développement avec des scolarités et des formations professionnelles solides. Si les années soixante avaient vu la constitution d’une couche importante de techniciens, la tiers-mondisation accélérée de l’Europe ne peut plus permettre de tels choix.

Dès lors, il s’agit de renforcer le statut touristique d’une France dégénérée. Le pays pourra ainsi se muer en un immense supermarché aux marchandises standardisées, ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre et 7 jours sur 7 pour des masses touristiques hébétées qui visiteront d’un même élan le Louvre et Disneyland.

En Chine, patrie de la production falsifiée et empoisonnée, il existe depuis longtemps déjà des zones économiques spéciales (ZES). Pas question pour la France d’être en reste : la loi Macron verra fleurir les « zones touristiques internationales ». Après les ZEP, les ZUP, les ZAC, pour ne citer que quelques-unes des Zones, bienvenu au dernier-né, les ZTI. Sans craindre le recours à un langage familier, on peut dire qu’avec la multiplicité des Zones, c’est vraiment la « zone » qui gagne du terrain. Comme l’assène le message du gouvernement il est « de l’intérêt national que ces zones puissent respirer. », en « soutenant le secteur du tourisme, atout de la compétitivité française, et donc du renforcement de l’attractivité de notre pays ». On comprend bien la nature du projet ! Avec la disparition de la notion de territoire et l’accaparement du pouvoir par des affairistes qui peuvent faire produire où bon leur semble dans l’uniformisation ultralibérale planétaire selon la loi du profit et du plus faible coût de production, peut-il encore survivre quelque chose au plan local ? Bien peu, d’où en dernier recours l’unique attractivité touristique. La France se rapproche inexorablement de certains « pays en voie de développement » dont l’appareil productif inexistant ne leur laisse comme seule issue qu’à se mettre entièrement au service des touristes pour tenter en vain de survivre économiquement.

De plus, pour conforter cette France vouée au tourisme de masse, il conviendra désormais de travailler le dimanche, survivance judéo-chrétienne décidément bien obsolète. Il sera possible de travailler jusqu’à 12 dimanches par an au lieu de 5 actuellement, et en soirée jusqu’à minuit dans les fameuses ZTI.

Mais dans un tel contexte, de quel travail est-il réellement question ? On constate alors qu’il s’agit uniquement de l’ouverture des commerces. Quel aveu de misère « intellectuelle » de la part de ces petits technocrates devenus les minables gestionnaires d’une aire administrative que l’on nomme encore « France » ! Dans le passé, l’ouvrier pouvait, malgré son inacceptable condition, s’enorgueillir d’une vraie compétence technique, d’un vrai savoir-faire, et son fils devenu employé dans les services a pu encore croire à une relative « utilité sociale ». Dans un futur proche son petit-fils prolétarisé pourra s’estimer satisfait d’orienter des touristes dans le dédale d’un immense centre commercial, le dimanche vers minuit. Déraison marchande et consommation dérisoire, magnifique évolution civilisationnelle ! Ainsi, à la vue de vendeurs à la sauvette de tours Eiffel miniatures fabriquées en Chine au pied dudit monument, il serait erroné d’ironiser sur la nullité d’une telle activité. En effet, bien qu’avec un peu d’avance, ces vendeurs sont emblématiques de notre avenir dans les ZTI. Toutefois, rassurons-nous, cette évolution misérabiliste du « sens » de la notion de travail, se fera sur la base du volontariat et des compensations salariales.

Toujours dans le but d’aboutir à un renforcement de l’oppression, la loi Macron prévoit aussi d’anéantir quelques « vieilleries », en particulier dans le domaine des conflits du travail.

Jusqu’à maintenant, en cas de licenciement abusif, le salarié peut exercer une saisine des conseils de Prud’hommes avec quatre juges bénévoles élus et non-professionnels (deux issus des salariés, deux issus du patronat). Dans la loi, la lenteur des procédures (une moyenne de 18 mois pour le premier jugement pouvant aller jusqu’à des délais de 5 à 6 ans en région parisienne) sert de prétexte à leur réforme. En réalité l’objectif est de dévitaliser ces juridictions non professionnelles qui ont, malgré les délais, une fâcheuse tendance à donner gain de cause au salarié, anomalie détestable pour nos oligarques. Pour y parvenir, il est donc prévu de mettre fin au système d’élections des juges afin qu’ils soient dorénavant désignés, ce qui ouvre bien sûr la porte au cortège des magouilles et autres petites machinations entre amis. Mais ce n’est pas tout, la loi introduit également des juges professionnels au cours de la procédure ainsi que la possibilité de sanctions disciplinaires à l’encontre de juges nommés encore trop zélés. Enfin, une grille d’indemnisation fait par la même occasion son apparition, avec un barème indicatif concernant l’indemnité accordée à un salarié abusivement licencié, selon des paramètres de jurisprudence, d’âge ou encore d’ancienneté.

En outre, la loi Macron modifie profondément les conséquences d’un plan social pour les salariés en exonérant les groupes de leur responsabilité s’il s’agit d’une filiale faisant l’objet d’une liquidation ou d’un redressement. C’est une disposition particulièrement dangereuse et perverse. Il est en effet légitime de penser que la direction d’un groupe puissant mettra en placel’abandon d’une filiale en y mutant des salariés dont elle voudrait se débarrasser pour initier ensuite un plan social a minima.Or, en cas de licenciements collectifs, la justice prudhommale se verra contrainte à ne considérer que le poids économique de la filiale concernée, et non plus celui du groupe auquel elle appartient, souvent bien plus important. La réparation du préjudice subi par le salarié licencié sera donc à l’évidence plus faible.

Mais qui s’étonnera encore que l’Economie, que l’on sait exercer partout sa dictature, et érigée en Ministère, s’insinue cette fois dans un secteur relevant à l’évidence de la Justice et du droit du Travail ?

Grande braderie sous couvert d’investissement facilité

Pour ce qui est de l’investissement, la dérisoire logorrhée gouvernementale nous explique que « si l'on veut que notre économie reparte, il faut simplifier les critères d'investissement, mieux investir l'argent public et l'argent privé." De plus, dans le but de "faire respirer notre portefeuille d'actifs", la loi comporte des mesures permettant de favoriser une intervention plus efficace de l’État actionnaire, en autorisant la réalisation de projets à vocation industrielle de sociétés à participation publique. La loi autoriserait en particulier le Gouvernement à mettre en œuvre le projet de rapprochement entre l’entreprise publique française Nexter et l’entreprise allemande KMW. Il s’agit bien évidemment de permettre aussi des cessions d’actifs publics, sous le prétexte fallacieux du désendettement.Ainsi, en ouvrant le capital d’entreprises publiques, le gouvernement nous promet de mener « une politique industrielle dynamique ou de financer des investissements dans des secteurs prioritaires tels que la transition énergétique ou encore le numérique ».

En fait, ce qui se profile en filigrane de ce genre de mesures n’est rien moins qu’une grande braderie généralisée des outils de production français. Pensons par exemple à la société Alstom qui a récemment cédé sa branche Energie au groupe américain General Electric avec l’accord du fantoche Macron. Cette cession a eu pour conséquence de placer les turbines produites par Alstom et de ce fait la maintenance des centrales nucléaires françaises sous la coupe du groupe américain. Avec un Capital mondialisé à outrance, essentiellement sous domination américaine, et sur fond de Traité transatlantique, on devine donc aisément ce qui se cache derrière les notions de « simplification des critères d’investissement » et de « cession d’actifs publics » : une concentration toujours plus implacable dudit Capital dans la sphère géopolitique « Océania » sous gestion américano-centrée. Après Hollande en 1996, Macron fut comme tant d’autres intronisé en 2012 dans le programme « Young leaders » de la French American Foundation, aussi est-ce sans surprise qu’il s’empresse de rendre service à ses maîtres, à l’image de la récente affaire Alstom.

Enfin, dans le prolongement direct des mesures déjà mentionnées, l’Etat sera autorisé à vendre des participations pour 5 à 10 milliards d’euros à la spéculation internationale. Là encore, avec un Ministre de l’Economie fraichement sorti de la banque Rothschild dont la spécialité est la pratique prédatrice de la fusion-acquisition au service des intérêts des financiers spéculateurs de tout poil, il ne faut pas s’en étonner. Sont concernés en première ligne les barrages hydrauliques ainsi que les aéroports de Nice et de Lyon, après celui de Toulouse.

Libérer la voracité des affairistes

Comme mentionné en introduction, le mot « libérer » constitue un des piliers de la loi. Ne nous y trompons pas, pour les libéraux qui nous gouvernent, voire ultra-libéraux, libérer ne veut rien dire d’autre que libéraliser.

Le sinistre Macron a ainsi déclaré que « les Français sont trop pauvres pour prendre le train », preuve de son mépris pour le peuple et aveu de la situation socio-économique lamentable d’un pays assujetti à la violence des détenteurs de capitaux depuis maintenant plus de 30 ans. L’objectif est en réalité toujours le même : faire en sorte que les pauvres puissent se déplacer alors qu’ils n’en ont pas les moyens. Qu’à cela ne tienne, il est prévu de procéder à une libéralisation totale des transports en autocar. On remédie au problème avec des autocars relevant de compagnies privées mafieuses pratiquant des conditions de précarité totale pour les conducteurs. Et Macron d’affirmer qu’avec l’offre de service de transports en autocar, c’est « un nouveau pan de notre économie qui s’ouvre ». Le mensonge s’étalant sans fard, il est même prétendu que l’autocar est plus « propre » que le train quant à ses émissions de gaz à effet de serre. Adeptes de la notion de « double dividende », nos dirigeants auront réussi l’improbable pari de faire « voyager » les pauvres et de lutter contre le réchauffement climatique !

Dans cette même optique de libéralisation, l’Etat libéral décide dans une certaine urgence de revoir les règles d’accès à certaines professions en dérégulant les conditions d’installation qui prévalaient jusqu’alors afin de modifier un maillage du territoire jugé obsolète. Il s’agit en l’occurrence des professionnels du droit (notaires, huissiers…) dont une demande accrue apparaît, sans doute en grande partie expliquée par l’explosion de population due à une immigration massive organisée par l’Etat.

Afin de faciliter l’installation de jeunes professionnels et de « faire jouer la concurrence », le Ministre prévoyait initialement d’instaurer un dispositif d’encadrement des tarifs, dit « corridor tarifaire ». Ce corridor aurait permis la mise en place de tarifs variables en particulier pour certains actes dont les tarifs étaient fixes jusqu’à maintenant. Mais devant la fronde de ces professions, cette disposition a été abandonnée lors de la discussion à l’Assemblée. D’autre part, les tarifs de ces professions devraient connaître une baisse en fonction du prix coûtant de chaque acte, baisse définie dans un arrêté par l’Autorité de la concurrence après l’adoption de la loi. Nul doute que ces initiatives vont dans le sens de la création d’un vrai marché des services et des actes fournis par ces professionnels. Ce gouvernement, porteur de l’idéologie de la marchandisation tous azimuts, imagine sans doute provoquer ainsi une baisse des tarifs afin de s’accorder aux nouvelles populations, sans doute plus retors face à ce genre de frais subis sans broncher par le reste de la population. Par contre, il est incapable de comprendre que cette déréglementation pourrait surtout avoir comme effet néfaste de faire déraper les tarifs des actes les plus simples et qui ont trait à la vie courante, actes portant notamment sur le droit des personnes et de la famille aux tarifs faibles et fixes jusqu’à présent.

Par ailleurs, l’ouverture du capital entre les différentes professions favorisant ce que la loi dénomme « interprofessionalité » doit aboutir à la création de nouvelles structures associant notaires, huissiers, avocats, sans négliger la création de plateformes Internet pour se positionner sur ce nouveau marché.

Loin de lutter contre une certaine précarité du personnel salarié de ces secteurs (clercs de notaire ou assistants d’avocats dans des cabinets puissants), en faisant miroiter l’espoir d’une installation facilitée, ces mesures contribueront au contraire à renforcer des entreprises à rayonnement hexagonal voire européen au personnel salarié toujours plus précarisé. Cet aspect essentiel de l’ouverture du capital, pour s’ajuster aux phénomènes issus de la mondialisation à outrance, ne peut que nuire à la présence de professionnels du droit dans les campagnes et donc à l’accès au droit dans cette France oubliée. Elle favorisera uniquement les grosses structures et le basculement territorial vers les métropoles en sapant la justice de proximité. Comme pour n’importe quel bien de consommation, les aménageurs ultra-libéraux concourent à fragiliser le « petit commerce » du droit pour établir la toute-puissance des « nouveaux supermarchés du droit ». D’autre part, ce projet menacera, par sa logique de marché, la réponse à toutes les demandes de la clientèle, jusqu’ici toujours honorées, même dans le cas de dossiers peu « profitables » pour un cabinet de notaires (complexité, durée des recherches). Désormais, dans une logique de l’offre et de la demande, il y a fort à craindre que cela devienne moins évident. Une manière dans la « mondialisation heureuse » qui nous est imposée d’adapter ces professions à des conditions purement affairistes, sources de conflits juridiques croissants.

Comme le signalait déjà fort lucidement le Manifeste du Parti communiste en 1847 :

« La bourgeoisie a dépouillé de leur auréole toutes les professions jusque-là réputées vénérables et vénérées. Du médecin, du juriste, du prêtre, du poète, du savant, elle a fait des travailleurs salariés.»

Signalons enfin que cette loi fourre-tout n’hésite pas à bousculer la fiscalité de manière à favoriser les hauts revenus au détriment de la collectivité. Sous le prétexte de favoriser les start-ups, de lutter contre la fuite des « cerveaux », ou encore de rémunérer les « talents » à leur juste valeur, tous arguments éculés de l’ultralibéralisme le plus agressif, il est prévu de ne plus taxer l’acquisition des actions gratuites selon le barème de l’impôt sur le revenu (il s’agit pourtant de rémunérations !) mais selon les modalités des plus-values mobilières (actions, obligations,…). Cela signifie que le cadre dirigeant bénéficiera d’un abattement de 50 % sur l’imposition de la valeur de ces actions s’il les conserve entre 2 et 8 ans, et de 65 % au-delà. Sous couvert de soutien aux start-ups, ce sont plutôt les cadres supérieurs des entreprises du CAC 40 qui vont profiter de cette initiative. En effet, dans les grandes entreprises la distribution d’actions gratuites se substitue toujours plus aux stock-options à la fiscalité alourdie ces dernières années. Ainsi, en 2014, les conseils d’administration des entreprises du CAC 40 ont attribué un montant de 6,4 milliards d’actions gratuites essentiellement à leurs cadres dirigeants les mieux rémunérés. Cette modification d’imposition ne représenterait pas moins qu’un manque à gagner annuel de 900 millions d’euros.

 

En conclusion, que souhaite la nomenklatura actuelle par cette loi ? Assurer une gestion toujours plus efficace des « pauvres » et accélérer dans ce but la déréglementation tous azimuts pour s’harmoniser aux conditions dictées par la technocratie européenne en s’adaptant aux conditions américaines.

Avec ses soi-disant objectifs de croissance économique, cette loi n’envisage aucun développement au niveau de la recherche, de la technologie ou de filières de production industrielle « nobles ». Rien ne va dans le sens d’un pays qui se voudrait une puissance industrielle et innovatrice majeure. Et, s’il n’est pas question de regretter ce type de voie de développement capitalistique qui mérite d’être critiqué de manière radicale, il est néanmoins important de signaler l’état de décomposition avancée du pays dans la logique de la mondialisation. Ainsi, dans la France de 2015, c’est la voie des sous-sols de l’activité économique qui est visée par les « réformistes », celle du « bas de gamme » en tout genre. Ne survivront que BTP, grande distribution, transport massifié et services non délocalisables, sans oublier l’animation culturelle et les singeries du divertissement de masse.

La régression sociale et l’oppression s’intensifient toujours plus.

Macron vient de rendre sa misérable copie, assuré qu’il est pour l’instant d’une certaine impunité.

Il est urgent d’en prendre conscience et de savoir reconnaître ses ennemis. 

 

 

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Le tract est le matériel de diffusion de masse par excellence, la diffusion de manière autonome ou en groupe est indispensable pour faire vivre les idées SRE dans la réalité ! 

 

Notre dernier tract sur les conséquences de la loi Macron :  

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03/03/2015

Solidarité européenne : VOSTOK France – Solidarité Donbass

L’Association « VOSTOK France – Solidarité Donbass» à caractère humanitaire et social a pour but :

- D’apporter une aide appropriée sur le plan matériel et moral aux réfugiés ukrainiens (sans distinction d’origines) dans le respect de leurs convictions et de leur dignité

- De promouvoir la solidarité et l’entraide sous toutes les formes avec le peuple ukrainien (sans distinction d’origines) se trouvant et ayant subi des pertes dans les régions des actions militaires

Les moyens d’actions de notre Association sont :

- Les convois humanitaires

- Le parrainage

- L’organisation de manifestations et toute initiative pouvant aider à la réalisation de l’objet de l'Association. 

 

Pour prendre contact avec Vostok France : http://vostokfrance.wix.com/

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01/03/2015

Une génération entre impuissance et révolte

L’espoir de changer les choses est devenu totalement abstrait pour beaucoup de jeunes. Le fonctionnement de la société leur semble devenu trop complexe, le niveau de décision trop haut, il leur paraît illusoire de réclamer un changement et toute tentative révolutionnaire apparaît relever pour eux de la chimère. Sans valeurs propres auxquelles se rattacher, sans conscience de classe ou d’identité, cette génération est disposée à adopter la « morale » du système. Comme l’affirmait Guy Debord, la domination spectaculaire, pour la première fois dans l’histoire, a élevé une génération pliée à ses lois de consommation et de concurrence. Le conformisme intellectuel est devenu une règle et quelques « idées citoyennes » tiennent bien souvent lieu de conscience politique (Que cette génération se soit « éveillée » à la politique avec Charlie hebdo laisse imaginer sa capacité d’autonomie intellectuelle). Devant une situation bloquée, les jeunes jugent nécessaire de s’assurer d’abord un avenir, de tirer leur épingle du jeu. Cette fatalité les fait se résigner à lutter de manière acharnée pour des emplois plus ou moins précaires, malgré le dégoût que l’existence résignée et vide que cela implique leur inspire. Ils regardent avec envie le statut de salarié. Sans se rende compte que cela n’est plus qu’un simulacre et que la libéralisation progressive viendra mettre un terme à ce dernier havre de stabilité dans le monde du travail.

Quand le nihilisme se déchaîne, il devient urgent de revenir à une règle fondamentale de tout mouvement révolutionnaire : l’importance de recréer des liens collectifs, des solidarités et des convergences dans la lutte. Mettre en commun nos forces et nos espérances, est déjà un bon début. Pour cela chacun doit participer à sa manière, venir débattre et échanger pour créer un projet commun et alternatif, chercher une simple prise de conscience et un désir d’apprendre des autres. Nous restons persuadés que la résignation est un suicide quotidien et que les jeux ne sont pas encore faits.

 

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