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29/12/2008

Baroque Obama

L'éditorial de Rébellion 33

Il aura été difficile en cette fin d’année 2008 d’échapper à la narration des heurs et malheurs de l’empire du Veau d’Or, les Etats-Unis. Tant par l’ampleur de la crise financière dont l’œil du cyclone se trouve à Wall Street mais dont le tourbillon virtuel enserre la planète dans ses effets pervers et pourtant bien réels (1), que par l’ampleur de la campagne de marketing promouvant le nouveau messie du capitalisme dont l’incarnation chamitique serait le signe de la rédemption de l’humanité souffrante dans l’eschatologie de la bonne gouvernance mondialiste. L’homme de spectacle, Berlusconi, qui s’y entend pour amuser le gogo, a bien saisi la ficelle lorsqu’il lui a fallu définir la « marchandise » Obama : « giovanne, bello, abbronzato ».

   Nous n’insisterons jamais assez sur le cynisme de la classe dominante qui prétend grâce à ses organes multiples de propagande assourdissante nous faire partager à la fois ses malheurs et angoisses financières et sa jubilation obamaniaque. Mais qu’est-ce qui est bon pour les travailleurs ? Le sauvetage des banques grâce à leur renflouement par les caisses publiques ? Le gouvernement sarkozyste pour ne pas grever officiellement son déficit budgétaire se réserve le droit de se servir dans la Caisse des Dépôts. Cela revient à masquer le larcin qui sera encore une fois supporté par le travailleur aux revenus modestes. (2) Peu nous chaut que dans la restructuration du capital financier tel requin soit avalé par un plus vicieux que lui. Le bourgeois a peu de compassion lorsqu’il jette sur le pavé des millions de prolétaires. Qu’il aille donc au diable s’il est victime du darwinisme boursier ! La situation a seulement le mérite de rappeler à tout un chacun que si la crise financière se transforme en récession économique comme cela est en train de se dessiner inexorablement, les travailleurs ne doivent pas resserrer les rangs derrière les banques et les prestidigitateurs gouvernementaux, pas plus que derrière les partis de la fausse opposition et de la vraie collaboration de classe mais bien resserrer les rangs autour du combat pour le maintien de leur existence vitale. Peut-être comprendra-t-on, à la longue, que la condition de prolétaire n’est pas une simple idée ni une condition malchanceuse échue à certains individus mais la condition même sur laquelle prospère cyniquement une classe sociale dont le pourrissement n’en finit plus de plonger le plus grand nombre dans le désarroi quotidien.

   D’un autre côté peut-on espérer une solution apparaissant outre Atlantique où désormais le capital étasunien viendrait à résipiscence ? Est-ce bon pour les millions de pauvres hantant les mégalopoles d’Amérique du nord et d’ailleurs ? Le méchant Bush mis à la retraite, l’impérialisme étasunien disparaîtrait-il comme par enchantement ? Le futur président a pourtant bien évoqué dans un de ses discours « un nouveau leadership » pour son pays. La constitution de son futur cabinet laisse deviner les linéaments futurs de sa politique. On notera l’empressement avec lequel a été désigné le prochain Secrétaire Général à la Maison Blanche, le belliciste anti-iranien Rahm Emanuel. Citons le New York Times dans le texte: « Mr Obama has been close to Mr Emanuel since arriving on the Capitol Hill; Mr Emanuel considers David Axelrod, Mr Obama’chief strategist, to be one of his closest friends. The three share a common policy view and would make a triumvirate in the White House”. (06.11.2008.). S’il y a un pays où la promotion de Rahm Emanuel a suscité un enthousiasme particulier, c’est en Israël. En témoigne Le Figaro : « Sa nomination a suscité l’enthousiasme de journaux israéliens. Maarév le présente comme ‘notre homme à la Maison Blanche’. ‘Il va influer sur le président pour qu’il soit pro-israélien. Peut-il laisser sa conscience hors de la Maison Blanche ?’, a affirmé Binyamin Emanuel [son père] au quotidien ». (07.11.2008).

   Aussi en conclurons-nous que le bel Obama n’est qu’une figure de style portée au pinacle du pouvoir afin d’insuffler un nouveau souffle à l’austère rhétorique académique du mondialisme étasunien : un peu de fantaisie baroque. Là où les néo conservateurs allaient droit au but en suivant la droite géométrique de l’attaque frontale, énonçaient linéairement leur objectif unipolaire, le baroque Obama dessinera la courbe ornementale du glissement géostratégique des Etats-Unis et l’énoncera elliptiquement, là où ceux-ci auront de nouveaux appétits à satisfaire et d’intérêts à défendre. Quant à l’impérialisme, il ne disparaîtra pas par enchantement…

 

 

Notes :

(1). « Il n’existe peut-être pas de plus grande mystification que la ‘Finance’. Les opérations les plus simples relatives au budget et à la dette publique sont revêtues par les adeptes de cette ‘science occulte’ d’une terminologie abstruse qui dissimule les manœuvres triviales visant à la création de toutes sortes de titres […] de manière à embobeliner le public avec cette détestable scolastique boursière et cette effroyable complexité de détails, tandis qu’avec tout nouveau système de ce genre les usuriers se voient offrir une occasion avidement attendue d’employer leur activité néfaste et prédatrice. » Karl Marx. Œuvres. IV. Politique. I. p. 1491. Ed. Gallimard.

(2). « L’ 'Etat’, cette puissance concentrée de spéculateurs financiers et fonciers coalisés, a soif d’argent aux fins d’oppression à l’intérieur comme à l’extérieur. Il en emprunte aux capitalistes et aux usuriers, et leur cède en échange un morceau de papier, en s’engageant à leur payer à raison de chaque somme de 100 livres prêtée tant d’argent sous forme d’intérêts. Les moyens pour rembourser cet argent, il les tire des poches des ouvriers par des impôts –de sorte que le peuple lui-même sert de garant à ses oppresseurs face aux gens qui leur prêtent l’argent pour couper la gorge au peuple. ». Karl Marx. Ibidem. p. 1491.