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06/02/2009

L'éditorial de Rébellion 34

SACCAGE DE LA BANDE DE GAZA :

UNE CONTRIBUTION SIONISTE

AU CAPITALISME POURRISSANT

 

 Au moment où nous écrivons, la trêve vient d’être décrétée unilatéralement à Gaza par l’Etat impérialiste sioniste afin de ne pas troubler l’intronisation du baroque Obama (cf. notre précédent n°), sorte de kermesse bouffonne à l’accent sentimentalo-religieux, diffusée planétairement. On ne nous fera pas croire au hasard du calendrier : le sale boulot devait être achevé avant que la nouvelle administration étasunienne n’entre en fonction, le clan Bush se tenant coi alors que ses successeurs ne pipaient mot sur l’agression sioniste, laissant entendre par ailleurs qu’un nouvel âge d’or sous tutelle étasunienne allait prendre forme d’ici peu : les pauvres aux Etats-Unis recevront une nouvelle manne sociale et on fermera les vilaines geôles de Guantanamo. Il n’est évidemment pas question de mettre fin à l’occupation impérialiste de la base militaire sise en territoire cubain ; ce que peu de monde souligne…

   Restait donc aux européens de prendre des initiatives diplomatiques afin de faire semblant de modérer l’attaque sioniste, ce qui est pour le moins compréhensible, non pas parce qu’ils auraient un poids diplomatique réel mais parce que ce sont eux qui vont payer la facture des destructions commises durant ces trois semaines et qui atteignent déjà des sommes astronomiques. Les sionistes se déchaînent, les palestiniens trinquent et les travailleurs européens mettront encore la main à la poche à cause de l’infamie de leurs bourgeoisies locales respectives. Cette infamie est marquée du sceau de l’OTAN ; l’évolution inquiétante mais pas inattendue du gouvernement français en est un exemple. Qui va se coucher face aux desiderata de la politique des Etats-Unis en Afghanistan ? Qui va débourser de l’argent afin de soutenir cette entreprise impérialiste aux justifications idéologiques totalement floues (un soi- disant combat contre le terrorisme) ? Les européens ! Qui peut encore envoyer des troupes disponibles sur le théâtre du conflit ? La France ! Il est de plus en plus question d’une intégration totale de celle-ci au sein de l’OTAN, ce sera là le fait marquant de la présidence sarkozyenne. D’ailleurs ce dernier ne s’empresse-t-il pas d’accourir à l’aide de l’axe américano sioniste dès qu’il le peut. Lors de son périple médiatique au Proche Orient ne vient-il pas de proposer son aide afin d’envoyer des navires de guerre de façon à contrôler le rivage maritime de la bande de Gaza afin que des armes ne puissent y parvenir ? On compatit aux souffrances palestiniennes mais enfin quelle est cette étrange idée d’avoir des armes afin de ne pas rester pieds et poings liés face à la puissance coloniale locale ?

  Car c’est en premier lieu à un processus de colonisation devenu séculaire, que s’oppose la résistance palestinienne. Chassés de leurs terres, dispersés dans des camps, agglutinés certains par centaines de milliers sur le minuscule territoire de la bande de Gaza, on peut comprendre que les résistants soient de mauvaise humeur –on le serait à moins- et tirent quelques roquettes sur leur ennemi. On se demande bien qui terrorise qui depuis des décennies ! Il est, en effet, foncièrement légitime de se demander en quoi l’occupation de la Palestine par les sionistes est justifiée. L’idéologie sioniste est particulièrement délirante : si tout un chacun en venait à revendiquer son installation sur un territoire quitté depuis des millénaires par des ancêtres à la généalogie plus ou moins invérifiable, nous assisterions au chaos le plus effrayant qui soit sur notre planète. C’est pourtant là l’essence du nationalisme sioniste, un des avatars tardifs du nationalisme agressif moderne. Sa spécificité tient à ce que, à la différence des revendications irrédentistes du 19° et du début du 20° siècle, il ne s’appuyait même pas sur l’existence d’une nation ou d’un peuple présents hic et nunc, au moment de sa revendication territoriale et que la Palestine était déjà amplement peuplée…de palestiniens. Il fallait donc chasser ces derniers par toutes sortes d’exaction afin d’établir une colonie de peuplement, substitution de population qui allait s’accélérer après 1945, expression et extension d’un « foyer national juif ». De surcroît avec une référence pseudo théologique ! C’est devant cette mystification qu’allait s’incliner la majorité des pays de la communauté internationale. On comprend, par exemple, que les indiens d’Amérique du nord aient résisté à la colonisation de peuplement dont ils furent les victimes puisque largement exterminés, colonisation entreprise afin d’assouvir la recherche de marchés extracapitalistes à l’époque ; on comprendra alors que la résistance palestinienne fut totalement légitime et qu’elle le reste. Mais l’analogie s’arrête là, car la colonisation de l’Amérique se fit à l’époque de l’ascension du développement du mode de production capitaliste et sur un territoire beaucoup plus vaste où la bourgeoisie pouvait construire sa domination directement sans combattre les restes de l’Ancien Régime comme en Europe mais tout simplement en éradiquant les communautés archaïques indiennes là où elles gênaient. Ainsi se déversait vers le nouveau continent le surplus démographique ne pouvant survivre en Europe et ailleurs. L’Etat colon sioniste surgit dans un tout autre contexte : sur les ruines de l’empire ottoman et du mandat d’occupation britannique à une époque de décadence du capitalisme et de processus de décolonisation ! Et de surcroît à un moment d’apparition d’un certain nationalisme arabe, d’une prise de conscience du monde arabe qu’un nouveau cours historique devient possible pour lui. Des tentatives d’inspiration socialiste seront, en particulier, tentées (Nasser, baasisme etc.)

   Le second point est également très important : l’Etat impérialiste sioniste ne doit son existence qu’à l’aide du plus grand Etat capitaliste, les Etats-Unis (1) et au soutien de nombreux capitalistes sionistes constituant une part non négligeable du capital global dominant. Contexte de la guerre froide et solidarité internationale sioniste cimenteront l’édifice de l’Etat occupant la Palestine au détriment du peuple millénaire s’y trouvant, Etat que même certains juifs religieux considèrent comme étant la parodie de l’Israël transcendantal. Ainsi dans ce contexte l’Etat sioniste ne pourra se maintenir face à l’hostilité du monde arabe que par des guerres à répétition, des exactions perpétuelles, des déplacements de population mais également par la corruption des Etats arabes, de sa bourgeoisie pourrie dès qu’apparue, via les pressions diplomatiques de  l’impérialisme étasunien. De même la déstabilisation de la résistance palestinienne en s’appuiera sur ses secteurs les plus réformistes et les plus accessibles aux sirènes du veau d’or.

   Cela apparut rapidement lorsque les pays arabes lâchèrent la résistance palestinienne quand ce ne fut pas pour la réprimer directement, l’affaiblissant d’autant. Dans le contexte de régression sociale et politique de la plupart des pays arabes de la région et de celui plus large de la crise du capitalisme affectant ces derniers, le peuple palestinien s’est vu alloué le rôle de peuple errant, n’ayant droit à un minimum d’existence que s’il ne manifestait justement pas ce minimum d’existence. De là, la caricature de pouvoir accordé à l’Autorité palestinienne et le morcellement calculé des parcelles de territoire sur lesquels celle-ci s’exercerait. La stratégie impérialiste trouve au Proche Orient son modèle d’application le plus pur qu’elle appliquera un peu partout afin de manipuler un chaos politique, social, économique, indescriptible au-dessus duquel elle entend régner afin de perpétuer l’aberration capitaliste (Balkans, Irak, Afghanistan, etc.). La Palestine est le laboratoire dans lequel s’expérimente l’anomie en marche du monde futur si rien ne vient le renverser.

   Ainsi, s’il est bien nécessaire de soutenir la résistance héroïque, tenace des palestiniens, il ne sert à rien de se masquer que la solution du problème se trouve au cœur des métropoles du capitalisme dominant, là où les structures du capital sont les plus fortes et où il y a quelque chose à exproprier. L’apparition et la consolidation de pays et de forces contestant la domination sans partage de l’axe américano sioniste dans le monde pourraient appuyer le mouvement de remise en question du capital, nécessaire, répétons-le, au cœur des pays industrialisés. Aussi, si la vieille taupe continue de creuser ses tunnels à Gaza, elle est en train de miner les fondements de l’ordre capitaliste européen. Sans crier à une victoire prématurée, nous voyons d’un bon œil l’amorce d’une critique pratique radicale se mettant en œuvre en ce début d’année lors de divers incidents récents s’étant produits en Islande, à Riga, à Tallinn et en Bulgarie, prenant ainsi le relais de l’agitation en Grèce.

  Le peuple palestinien globalement prolétaire symbolise la condition universelle du prolétaire à l’époque du capitalisme pourrissant, c’est-à-dire du capitalisme ne pouvant même plus se revendiquer du mythe du progrès continu de l’humanité. C’est le capitalisme d’une classe sociale de voyous pérennisant son idéal du matérialisme le plus trivial, le plus prédateur à l’échelle universelle, le plus hypocrite dans sa folie destructrice (bombes au phosphore et à l’uranium appauvri sur Gaza comme naguère en Serbie) se réclamant du droit.

  Camarades palestiniens, votre souffrance est un symbole, à la fois de l’ignominie du capitalisme et du courage de ceux qui osent encore y opposer leur humanité !

 

 NOTE :

1) « L’Amérique reste profondément impliquée dans la sécurité d’Israël ». Obama, le 22/09/2009. Qui avait encore des illusions sur le personnage ?