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19/08/2009

Le courage intellectuel

Le courage intellectuel :

Une éclaircie dans un paysage politique blême

Article publié dans le numéro 33 (Novembre/Décembre 2008) de Rébellion

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    De nombreux nouveaux lecteurs nous demandent de leur expliquer notre démarche d’ouverture, car elle pourrait être comprise comme une certaine confusion pour les plus distraits. Nous avons su garder notre esprit ouvert et vivant, cela explique que nous ayons laissé de nombreuses tribunes libres dans nos colonnes. Rébellion a toujours voulu offrir  à ses lecteurs la possibilité d’entendre des voix venues d’autres courants de pensée, voire parfois de courants de pensée différents de notre engagement, mais qui pouvaient avoir un intérêt dans la naissance d’une alternative au système capitaliste. Dans les colonnes du journal, nous alimentons notre travail à de nombreuses sources et nous faisons se croiser des personnes venues d’horizons très différents, mais qui ont le point commun d’être des empêcheurs de penser en rond.

 

   En plusieurs années d’engagement politique, l’équipe de Rébellion fut confrontée, à de nombreuses reprises, aux limites de la sphère dissidente dans ses multiples aspects. Malgré les bonnes initiatives, les esprits restent souvent figés dans des postures invalidantes et le plus plat des conformismes empêchant toute compréhension des enjeux actuels. Nous-mêmes, nous croyons, être parvenus à nous débarrasser de beaucoup de vieux schémas idéologiques dépassés (comme le mythique clivage Gauche /Droite). Nous nous sommes détachés  de références historiques ou de positionnements devenus caducs, du moment qu’ils avaient perdu tout sens. Nos « erreurs de jeunesse » nous les avons dépassées joyeusement et sans nous soucier de déplaire. Nous avons fait depuis longtemps notre inventaire de ces expériences,  non par souci de respectabilité,  mais simplement parce que notre réflexion politique nous portait plus loin. Notre « mauvaise réputation » nous est totalement indifférente, nous sommes même fiers d’aller à l’encontre de la Pensée Unique. Notre indépendance nous l’avons gagnée, car nous ne recherchons pas à faire carrière ou à « parvenir ».   Nous ne recherchons pas la respectabilité médiatique ; être attaqués par nos ennemis de classe (de l’extrême droite à l’extrême gauche du capital) confirme que nous sommes sur la bonne voie, n’attendez donc pas de nous que nous battions notre coulpe en signe de repentance. Nous préférons ne pas perdre notre temps …

 

   Notre premier éditorial, voici maintenant plus de 7 ans, exprimait parfaitement l’état d’esprit guidant la démarche de l'équipe : combattre le système capitaliste, sans concession. «  Dès le départ, nous nous sommes placés sur un créneau à part, en rupture avec les faux clivages du système. Nous refusons les fausses oppositions qu’incarnent les organisations gauchistes ou droitistes car nous pensons qu’elles servent, consciemment ou inconsciemment , le pouvoir actuellement en place en ne menant pas une véritable lutte contre l’origine du mal : le Capital ». Nous poursuivons cet objectif sans faiblir et sans crainte des aboiements des chiens de gardes du système. Cette espèce particulière de molosses de salon, malgré son peu de courage et sa domestication, est particulièrement néfaste pour le développement  des esprits libres. Elle peut encore effrayer de par sa fonction policière mais sa dangerosité provient principalement du fait que nous en aurions peur. Pour notre part, nous la combattons sans crainte et espérons, bientôt, être plus suivis dans ce combat contre le politiquement correct libéral. Il faut bien comprendre à cet égard que les dispositifs de défense du capitalisme prennent des aspects multiformes : de l’achat des consciences au bourrage de crâne, de la répression pure et simple aux pressions psychologiques sur les vrais révolutionnaires. Autant de tâches confiées soit à la police officielle soit aux pseudo opposants au système (en général reliés à celui-ci par de multiples fils plus ou moins ténus mais leur offrant en dernier ressort une rente de situation et de nombreux avantages réels et symboliques). (1).  

 

   Nous sommes aidés dans notre lutte par le simple fait que les dogmes de cette « nouvelle Inquisition » s’effondrent sous les coups de la réalité, l’un après l’autre. Les faits sont têtus et les bouleversements actuels sont porteurs de forces inconnues. De nouvelles configurations politiques naissent de l’union des éléments révolutionnaires que les zélateurs de la pensée unique ne peuvent pas comprendre.

  A chaque fois, nous sommes surpris de l’ouverture de nos camarades qui comprennent notre démarche. Cela va à l’encontre de l’image de sectaires que l’on veut nous coller parce que nos idées sont radicales. En réalité, elles ne sont l’expression que de la situation intenable dans laquelle se débattent les exploités afin de sauver leur peau dans les conditions de la crise généralisée à l’ensemble des peuples par la dynamique du capital et de la réponse que tente de formuler à cette situation une minorité consciente du fait qu’il est nécessaire et urgent de rompre avec celle-ci. Il n’y a rien d’extrême ou d’excessif en cela car il n’existe plus guère de programmes minimum et maximum entre lesquels il faudrait choisir, plus d’alternative entre réforme ou révolution. C’est la vie même qui est atteinte à sa racine par le capital, de par sa destruction de la nature et de par la réification des êtres humains connectés à la virtualité de la mégamachine capital et déconnectés du réel historico-sensible (praxis non aliénée). Etre radical, c’est comme le disait Marx, prendre les choses à la racine et la racine, c’est l’homme. Actuellement, c’est l’homme rendu schizoïde par la domination sans partage de l’économie advenue destin de l’horizon quotidien de chacun et stade terminal de la cellule individu-citoyen. Néanmoins ce néant destinal n’a pu évacuer la souffrance fondatrice de l’expropriation du prolétaire de ses moyens d’existence vitale, inhérente au mode de production capitaliste. Ce dernier est en train de l’élever à un degré de contradiction jamais atteint auparavant, la crise mondiale actuelle en est l’expression manifeste : accumulation de richesses, hallucinante à un pôle de la société, dénuement croissant à l’autre. Nécessité : dépassement de cette contradiction fondamentale, transformation qualitative des éléments figés de ces pôles ; pas de marchandises, des valeurs d’usage ; pas de valeur autonomisée dans la sphère financière, circulation de produits réels et symboliques sur le plan de la communauté ; pas de classes sociales, des fonctions reconnues socialement. Le mort ne saisit plus le vif, la vie consciente n’est confrontée qu’à sa finitude, libre à chacun de la concevoir à sa façon…   

   Notre réflexion n’est donc pas une pure abstraction intellectuelle, elle repose  sur l’expérience de notre vécu quotidien de travailleurs ou de jeunes issus des classes populaires. Nous faisons partie du Peuple de France, des gens ordinaires qui refusent de voir disparaître leurs valeurs, la « common decency » d’Orwell, et de se voir écrasés par la loi du profit.  C’est dans  les cages d’escaliers, dans les cours de lycées et au sein des usines en grèves que les condamnations sans appel du capitalisme naissent. Sans sombrer dans l’ouvriérisme, il est de notre devoir de constater que ceux qui sont les plus sincères dans leur démarche sont ceux qui souffrent véritablement.  Nous ne visons pas à convaincre les vieux apparatchiks trotskistes et révisionnistes ou les fils de la Bourgeoisie (ce sont souvent les mêmes !), nous nous adressons à ceux qui luttent pour ne pas se faire broyer. Les travailleurs se moquent du jugement des flics de la pensée et des gardiens de dogmes. Nous refusons de devenir des sous Alain Badiou, survivant fossilisé de l’aventure maoïste française qui a trouvé une niche confortable dans le monde universitaire et y professe ses âneries sonores (sur ce cas emblématique de l’extrémisme gauchiste universitaire, lire les jugements sans appel de Debord et Michéa).

 

   Se libérer de l’emprise de l’idéologie du système est un rude combat intérieur, il implique de l’humilité et de dures remises en questions, mais rien ne se fera sans le courage intellectuel. Etre digne des idées que l’on professe a, certes, un prix mais c’est la seule voie vers la liberté qui selon le mot d’Aristote et de Karl Marx se situe au-delà du règne de la nécessité.

 

NOTE 

1) Illustration théorique et historique à l’adresse des rentiers de la pseudo révolution : «S’il y avait quelque préférence à faire, il est trop certain qu’elle ne pourrait être qu’en faveur des crapules de droite. Celles-ci n’ont pas en effet, comme les crapules de gauche, capté les mandats et la confiance de la classe ouvrière, en promettant de la servir exclusivement, pour ensuite retourner l’influence acquise contre ceux-là mêmes qu’on avait juré de défendre ! […] En réalité les crapules de gauche sont autrement plus dangereuses que les crapules de droite. Et comme les plus puissants moyens d’action leur appartiennent, comme elles ont accaparé les principaux journaux dits socialistes ou syndicalistes, comme elles détiennent tous les organes centraux du monde du travail, comme elles disposent en outre de la retentissante tribune parlementaire et aussi des complaisances intéressées de la presse adverse, les crapules de gauche ont pu et peuvent toujours trahir impunément, arrivant même à persuader la masse qu’elle ne saurait avoir de meilleurs délégués ! ». B.G. Olive. In Le Communiste, n° 5, décembre 1919. Rien de nouveau sous le soleil !   

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