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24/11/2010

In memoriam Jean Parvulesco

C'est au cours de l'année 2007 que Jean Parvulesco avait spontanément pris contact avec la revue Rébellion, nous proposant de publier dans nos colonnes "un texte de combat" écrivait-il, d'orientation géopolitique intitulé "La troisième guerre mondiale est commencée". Je ne parlerai donc brièvement que de ces dernières années durant lesquelles nous entretînmes des contacts réguliers, animés du même souci de faire progresser le cause de notre revue. Jean Parvulesco était très attaché à la promotion de celle-ci et fort attentif à l'édification de sa ligne politique ainsi qu'à la réception de celle-ci.

C'est pour ces raisons qu'il contribua directement à plusieurs reprises à sa réalisation en nous accordant un entretien et en rédigeant quelques articles. J'en veux pour preuve ce qu'il m'écrivait de Paris, le 15 octobre 2007, à propos de la récente parution, alors, de son roman Dans la forêt de Fontainebleau : "son sujet, à ce qu'il me semble, s'y prête directement à l'exploitation de nos actuels engagements politico-stratégiques d'avant-garde, votre "ligne générale" est aussi inconditionnellement, la mienne. Maintenant, d'"autres temps viennent". Car "tout rentre à nouveau dans la zone de l'attention suprême"."

Cela surprendra peut-être mais Jean Parvulesco appuyait notre ligne socialiste révolutionnaire dont il me disait qu'il ne fallait pas en dévier d'un iota. Certains rapprochements semblent parfois improbables mais je témoigne de cela afin d'éclairer certains glissements tectoniques sous-jacents au monde contemporain. A chaque parution d'un nouveau Rébellion, il avait pour habitude de s'exclamer"c'est un numéro de feu!" nous communiquant ainsi sa passion inextinguible pour une lutte qu'il jugeait être de dimension transcendantale.

Je l'avais rencontré à deux reprises durant l'été 2008 ; l'on entrait dans un de ces immeubles parisiens apparaissant furtivement dans les films de Jean-Pierre Melville qui comme on le sait incarna son personnage, l'écrivain Parvulesco, dans A bout de souffle, personnage qui, curieusement à travers ses propos - "devenir immortel...et puis mourir" - apparaissait comme un signe précurseur de sa trajectoire à venir. Pénétrant chez lui, dans son modeste appartement, j'eus le sentiment qu'il veillait sur quelque chose, qu'il maintenait, soutenait quelque ligne de force, axiale. Nous parlâmes de l'avenir de notre revue, d'orientation politique, stratégique, du fait affirmait-il que "nous allions rafler la mise" et aussi de ses souvenirs concernant Raymond Abellio pour lequel nous partagions le même intérêt. Etait également convoqué dans nos discussions, Dominique de Roux avec lequel on n'a peut-être pas assez souligné qu'existait chez Jean Parvulesco une convergence de style d'écriture, si l'on entend par cette expression, la nature que de Roux lui insufflait lorsqu'il rédigea L'écriture de Charles de Gaulle ; c'est-à-dire la mise en forme de la géopolitique transcendantale du "Grand Gaullisme", celle de "la plus Grande Europe" sur laquelle il ne faudrait pas se tromper de sens.
Notre rencontre "fondamentale" aura été trop courte à mes yeux bien que marquée de quelque fulgurance. Notre camarade vient de retrouver le terme du "sentier perdu", son "retour en Colchide" était prémonitoire. Puissiez-vous, regretté camarade, y avoir atteint l'Arbre polaire. Que l'on me permette pour finir de citer la phrase de son dernier roman paru, par laquelle nous terminions le compte rendu de celui-ci dans le n°41 de Rébellion : "Quels que puissent être les méandres et les détours les plus secrets et les plus dramatiques du parcours qui aura été celui de ma vie jusqu'à présent, il vient un moment où tout doit aboutir, le moment de ce qui doit donner un sens final à cette course éperdue dans les ténèbres et dans l'impuissance d'être authentiquement qui fera que ma vie puisse avoir un destin propre". Votre destin est scellé, adieu camarade.
Jean Galié. Le 24 novembre 2010.

Articles de Jean Parvulesco parus dans Rébellion :
La troisième guerre mondiale est commencée. N° 26. Sept-Oct 2007
Entretien avec Jean Parvulesco. N° 28. Janv-Fev 2008
Une tentative prophétique de Michel Marmin. N° 34. Janv-Fev 2009
Une barricade mystérieuse. N° 37. Juil-Août. 2009
Dialogue entre Arnaud Bordes et Jean Parvulesco. N° 38. Sept.Oct 2009

23/11/2010

Une triste nouvelle ...

Jean Parvulesco est né en Roumanie (Valachie) en 1929 et vient de mourir à Paris le soir du dimanche 21 novembre 2010. De la Nouvelle Vague à la littérature, sa vie très singulière a représenté une trajectoire personnelle à la fois solitaire et engagée collectivement.
  
Avant l'âge de 20 ans, vers 1948, il décide de fuir le régime communiste et traverse le Danube à la nage. Il est emprisonné dans des camps politiques de travaux forcés en Yougoslavie et parvient à rejoindre finalement Paris, en 1950, qu'il ne quittera presque plus. Il suit les séminaires de Jean Wahl à la Sorbonne puis fréquente les milieux les plus divers, dans une pauvreté contre laquelle il se débattu toute son existence.
  
Débute alors ce destin étrange et riche, où se mêleront l'écriture et l'action, et de nombreuses rencontres avec des cinéastes, des écrivains, des activistes, et des personnalités de zones différentes de l'échiquier politique. Proche de certains milieux de la Nouvelle Droite, il fut également lié à certains gaullistes, mais aussi à l'OAS, chiraquien atypique, apologiste du traditionalisme de René Guénon, influença le politologue russe Alexandre Douguine... Personnalité indépendante, il fut ami avec Raymond Abellio, Aurora Cornu, avec Louis Pauwels, discuta avec Martin Heidegger, Ezra Pound, Julius Evola... et connut Ava Gardner, Carole Bouquet et bien d'autres. Journaliste, il commence à écrire dans les années 60 et jusqu'à sa mort en passant de Combat à Pariscope, de Nouvelle Ecole à l'Athenaeum, de Rébellion à la Place royale ou Matulu : la tendance politique, l'objet ou la diffusion d'un média ne le préoccupait jamais. Pour lui, seul comptait ce qu'il appelait la littérature, l'acte de dire par le texte, véritable "expérience de la clandestinité".
 
Il mena cette expérience jusqu'à des retranchements personnels toujours mystérieux, où l'écrivain ne se distinguait plus vraiment du personnage, et le personnage de l'homme lui-même. Ce caractère unique, cet esprit qui semblait au-delà de toutes les difficultés du quotidien, à la vitalité exceptionnelle, à la culture secrète et souvent magnifique, lui valut d'être remarqué et apprécié par Eric Rohmer, Jean-Luc Godard ou Barbet Schroeder. Dans A bout de souffle, Jean-Luc Godard fait interpréter par Jean-Pierre Melville le rôle de Parvulesco, qui aura cette réplique restée célèbre à une question sur son "ambition dans la vie" : "Devenir immortel... et puis mourir". Dans L'Arbre, le maire et la médiathèque d'Eric Rohmer, il joue le rôle de « Jean Walter », proche de celui qu'il était en vrai, au côté d'Arielle Dombasle et de François-Marie Banier.
 
Au-delà de cette présence au cinéma, l'œuvre qui restera est son œuvre littéraire. Il commence à écrire des livres vers 50 ans, avec notamment le Traité de la chasse au faucon (L'Herne, 1978), recueil de poèmes remarqué, et un premier roman, La servante portugaise (L'Age d'Homme, 1987), publié récemment en Russie. Une trentaine de romans et une dizaine d'essais composent son œuvre. Deux éditeurs jouèrent un rôle primordial dans la publication de celle-ci : Guy Trédaniel et Vladimir Dimitrijevic. Sa façon d'écrire, rejetée ou adulée, intéressa fortement des personnalités comme Guy Dupré, pour qui elle constitue "l'entrée du tantrisme en littérature", Dominique de Roux, Michel Mourlet, Michel Marmin, Jean-Pierre Deloux ou Olivier Germain-Thomas (qui lui consacra une émission "Océaniques" sur FR3 en 1988).
 
 
Le 8 juin 2010, il est invité sur le plateau de l'émission "Ce soir (ou jamais!)" par Frédéric  Taddéï sur France 3. Auprès de Dominique de Villepin, de Marek Halter ou Philippe Corcuff, il restera étonnamment silencieux. Son dernier livre, Un retour en Colchide, vient de paraître chez Guy Trédaniel. Il y notait, à sa façon, que « ce n’est pas nous qui décidons de l’heure. Moi, par exemple, je fais tout ce que je peux faire, mais je ne sais pas s’il ne faudra pas que je sois obligé d’abdiquer. D’ailleurs, j’ai l’impression que le moment de la fin arrive ».

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