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19/01/2013

ET NOZIGUE, OU QU'ON VA?

Edito du numéro 57 de la revue Rébellion ( sortie durant le mois de Février) 

En ce début d'année 2013 la France se dépeuple. Nous assistons à une fuite éperdue d'éminents personnages hors de nos frontières. Depardieu, on croyait qu'il était devenu belge, maintenant il est russe! Notez qu'on le verrait bien dans une nouvelle adaptation au cinéma de l'Idiot de Dostoïevski, dans le rôle du prince Muichkine. Au pire, il ferait l'affaire comme cosaque ou mieux encore, koulak. Voilà, on a trouvé, c'est ça, koulak ; on a de l'imagination à Rébellion. Dans le style populo mal dégrossi, enrichi et parvenu, il ferait l'affaire. Pourtant, il était si bien dans le rôle de Danton ; il est vrai que c'était un polak qui l'avait fait tourner... On s'y perd nous autres dans le cosmopolitisme, ça donne le tournis. Il est bien vrai que la France, elle est devenue irrespirable, on comprend ceux qui se font la belle, mais enfin ils ont les moyens. Leibniz, il appelait cela la liberté de fait : "la liberté de faire [...] elle a sesdegrés et variétés. Généralement, celui qui a plus de moyens est plus libre de faire ce qu'il veut." (Nouveaux essais sur l'entendement humain).

Ce type de motivation à la Depardieu et consorts, il n'a pas l'air d'être désintéressé, mais dans un monde dominé par la logique de l'avoir... Y'a aussi Brigitte Bardot qui veut détaler vers la Russie ; décidément ce sont les eurasistes qui vont être contents, pas sûr que le père Douguine il approuve tout ça quand même. Mais elle, B.B, c'est pour une histoire d'éléphants, c'est humain, plein de sensibilité. Elle a en marre de voir les animaux maltraités sur notre sol, elle a raison, y'a que le cruel qui prospère en ce monde, qui voit ses lubies incontestées pour des pseudo raisons prophylactiques, religieuses, économiques, scientifiques, cynégétiques, etc. Malheureusement, il n'est pas certain que chez Poutine, on ait plus de compassion que chez nous pour nos frères animaux (à part Dersou Ouzala). Les orthodoxes ont-ils leur Saint François d'Assise?

Et les prolo eux, où peuvent-ils aller? Là, ça devient costaud le problème. Justement, ils n'ont guère de solution de type individualiste à appliquer. Chacun élabore plus ou moins habilement sa stratégie de survie mais la marge de manoeuvre est faible. Il y a bien les migrants, en majorité ceux venant des pays pauvres qui ponctuellement voient leur situation s'améliorer, encore que l'eldorado espéré s'avère souvent être de la nature du mirage. Dans le meilleur des cas subsiste la blessure du déracinement. Les européens aussi tentent l'aventure, en particulier des français (le Québec en recevrait un grand nombre, par exemple). C'est souvent une migration à caractère éphémère dans les cas où la réussite escomptée ne sourit pas. En quelques traits voici esquissé le tableau du nomadisme tant apprécié par l'oligarchie dominante.

Mais la crise n'a pas de patrie d'élection et affecte dorénavant le monde entier quand il ne s'agit pas de conflits meurtriers chassant les civils, otages des bandes armées par le capital. Que nous réserve ainsi la stratégie impérialiste de déstabilisation du Proche Orient, par exemple? Il n'existe donc pas de thébaïde accueillante pour les millions de prolétaires, il n'en a guère d'ailleurs jamais existé. Le prolétariat lorsqu'il ne lutte pas se voit privé de toute référence communautaire authentique, pour cela il est nécessaire qu'il en ait une pratique consciente. Le membre de la classe dominante possède quant à lui une conscience de sa situation du moins pour ce qui relève de son intérêt immédiat ne dépassant pas le cadre des limites de la société capitaliste. Il peut donc agir à son gré et tour à tour de manière collective ou individualiste, de façon plus ou moins subtile mais toujours dans le sens de la conservation de la situation dans laquelle son aliénation lui semble être tout à fait positive. C'est la tendance à la pérennisation de ses conditions d'existence aliénée. Le prolétaire s'il veut exister en tant qu'humain ne peut se satisfaire de celle-ci, son existence concrète rivée à l'esclavage salariée est la négation des potentialités humaines. En ne luttant pas consciemment contre ces mutilations inhérentes au règne du capital il ne peut que venir s'agréger à la masse indifférenciée, atomisée, de la populace créée et entretenue par la stratégie de la logique du capital. Bien entendu cette analyse ne recoupe que les tendances dominantes de la société qui est une totalité complexe en mouvement avec toutes ses nuances parfois singulières. Mais l'essentiel est là. Il n'y a pas d'espace radicalement autre afin de pouvoir quitter ce monde, seules quelques niches partiellement aménagées mais d'où ne peut surgir une remise en cause réellement efficace du système.

De là, le talent avec lequel la classe dominante développe les alternatives illusoires, totalement virtuelles, à sa domination. On remarquera qu'à cet égard la gauche du système est investie d'une fonction particulière afin de polariser l'intérêt de la population sur des questions "sociétales" ne changeant évidemment rien au rapport de force instauré en faveur de la domination capitaliste. Ainsi, nous avons désormais droit, en France, au débat sur ce qui est pudiquement présenté comme "le mariage pour tous". Et une vie décente pour tous, c'est pour quand? Pendant ce temps les agressions impérialistes otanesques se multiplient et étendent leur champ d'action sans qu'une opposition révolutionnaire ne se manifeste clairement et massivement. De même, le chômage ne fait que croître en battant tous ses records précédents et une grande partie du prolétariat se voit toujours plus plongé dans la misère.

Il n'y a pas d'illusions à entretenir, le système capitaliste ne retrouvera jamais un état de relative stabilité tel qu'il a pu en connaître lors des décennies suivant la seconde guerre mondiale. Il a, certes encore, une importante marge de manoeuvre si l'on considère que son effondrement n'aura rien de mécanique, que celui-ci ne peut être que le résultat d'une mise en oeuvre par une action politique majeure, lorsque les exploités en auront assez de sa reproduction sociale délirante. Celle-ci entraîne tous les continents dans sa tourmente, dans une interconnexion monumentale où les conditions d'existence humaine sont constamment bouleversées. La majorité des hommes pâtissant de ctte situation ne pourront indéfiniment se masquer la réalité de cette dynamique écrasante de l'aliénation car ils n'auront aucun espace nouveau à explorer, aucun lieu où se réfugier afin de créer une communauté authentique. Ils se heurteront à la plus gigantesque machine à exploiter et détruire jamais conçue jusqu'à maintenant.

Nous ne pouvons donc que rappeler, en y insistant, que la nécessité s'impose de refuser d'adhérer aux multiples fictions "démocratiques" offertes à notre consentement passif et de s'engager sur la voie du refus radical des "nécessités économiques" et autres aménagements favorables à la voracité financière du capital. Le monde de la domination de la marchandise n'est pas notre monde, il en est l'antithèse. Nous ne sommes redevables de rien à l'égard de la classe dominante, nous devons la renvoyer au musée des Antiquités! De l'air, place à une existence communautaire libérée des chaînes de l'argent, du salariat et du capital.

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