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03/06/2014

Le Front de Libération des Animaux : Les activistes de la cause animale

 

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Pourchassés par le FBI et la section anti-terroriste de Scotland Yard, les activistes de L’Animal Liberation Front (ALF) sont la bête noire des laboratoires et des firmes qui exploitent la souffrance animale. Ils disent combattre « au nom de la liberté de ceux qui ne peuvent se défendre eux-mêmes » : les animaux. Pour cela tous les moyens sont bons…

 

Pas de compromis dans la défense des animaux.

Depuis la naissance de l’organisation en 1976 en Angleterre, environ 200 activistes se sont retrouvés derrière les barreaux pour des actions illégales, allant du pavé dans la vitrine d’un boucher, aux lettres piégés adressées à des responsables de laboratoires. Ils sont actuellement plus d’une dizaine à être condamnés à de longues peines au Royaume-Uni, en Belgique et aux Etats-Unis. « Quiconque, faisant une action pour sauver des animaux ou pour endommager la propriété de ceux qui les maltraitent – du cassage de vitre à l’incendie, en veillant à ce que nul animal ou humain, ne soit blessé – peut revendiquer son acte au nom d’ALF qui en retour lui apportera son soutien en cas d’arrestation » déclare le porte-parole de l’ALF anglaise, M Webb. L’ALF connut plusieurs « martyrs », dont Barry Horne, mort à la suite d’une grève de la faim en prison en novembre 2001.

ALF émerge de la frange radicale du mouvement écologiste anglais des années 1960. En 1963, dans le sud du pays, naît l’Association des Saboteurs de Chasse, un petit groupe décidé à s’interposer entre les chasseurs et leurs proies. Très rapidement il s’oriente vers l’action directe (incendie des véhicules des chasseurs, sabotage) et le lobbying médiatique pour pousser le gouvernement à interdire la chasse. Ils vont progressivement étendre leurs opérations aux laboratoires de vivisection et aux magasins de fourrure. Le groupe prend le nom de la Bande de la Miséricorde puis de Front de Libération des Animaux ( sous l’influence des mouvements de libération nationale du Tiers-monde). Au fil des années, l’ALF étend son action à l’ensemble des pays anglophones et d’Europe du Nord. Organisation sans structures, elle est un sigle librement utilisable par une multitude de petits groupes d’éco-résistants. Plusieurs centaines d’activistes, venus d’horizons différents, sont ainsi prêts à passer à l’action pour sa cause. Leurs actions sont multiples : attaque de poissonneries pour sauver les homards vivants, incendies d’abattoirs ou d’entrepôts de fourrure, harcèlement de cirques ou de zoos, libération d’animaux destinés à l’expérimentation, mise à sac de laboratoires et pression sur leur personnel (régulièrement menacés par téléphone, ils voient leurs vitres caillassées et leurs voitures incendiées). Craignant pour leur vie, près de 2000 patrons ont obtenu du gouvernement britannique que leurs adresses soient retirées du registre du commerce anglais. Avec raison, certains groupes « d’éco-warriors » prônent le recours à la violence contre ceux qui torturent des animaux.

Ainsi un journaliste qui tentait d’infiltrer la mouvance de l’ALF, fut enlevé et marqué au fer rouge du sigle de l’organisation. Une série d’alertes à la bombe visant des entreprises liées au complexe médical, paralysa la City de Londres en provocant l’évacuation de milliers d’employés. Plusieurs agressions physiques sont attribuées au groupe, ainsi que des envois de lettres piégées qui blessèrent un éleveur et une fillette de 6 ans.

Action directe et lobbying.

En trente ans de combat, le mouvement de libération animale a remporté des victoires notables. Le port de la fourrure a quasiment disparu d’Angleterre, la chasse à courre vient d’être abolie en Angleterre et au Pays de Galles par la Chambre des Communes, une sévère législation fut mise en place en Grande Bretagne pour les abattoirs, plusieurs élevages d’animaux destinés à la vivisection ont fait faillite et certaines universités ont dû abandonner des projets de recherche impliquant des expériences sur des animaux. Nombre de laboratoires ont dépensé des sommes d’argent colossales pour renforcer leur sécurité et mené des campagnes de relations publiques pour faire oublier leurs pratiques. Mais c’est surtout sur le plan de la communication que le groupe a remporté ses plus importants succès : incontournables sur le Web (plusieurs dizaines de sites lui sont consacrés a travers le monde), ils ont reçu le soutien de nombreux groupes de rock plus ou moins politisés (en particulier liés à a la scène punk-vegan (1)) et son image de justicier moderne attire la sympathie d’une frange importante de la jeunesse occidentale sensible à la thématique écologiste. Par ses actions radicales, l’ALF renforce le pouvoir de pression du mouvement écologique non environnementaliste (2) sur les multinationales.

Dans sa campagne contre la vivisection et l’expérimentation animale, l’ALF a prouvé l’hypocrisie des laboratoires. La recherche fondamentale n’était pas intéressée par les alternatives existantes (les simulations informatiques) qui ne demandent qu’à être financées. Les multinationales refusent d’investir dans cette recherche, car l’expérimentation animale est d’un coût plus faible. L’industrie pharmaceutique fait de belles campagnes sur « la triste nécessité » de la vivisection et médiatise ses modestes dons pour la protection animale, mais se montre bien radine quand il faut investir dans ces alternatives. L’ALF fut aussi le principal dénonciateur des entreprises cosmétiques qui pratiquaient l’expérimentation animale dans un but injustifiable.

L’ALF partageant les limites idéologiques de l’ensemble du courant de l’Ecologie profonde, son action est un exemple de démarche radicale qui se retrouve enfermée dans une démarche sectorielle oubliant de définir l’ennemi principal : le Capitalisme. Malgré ses dérives navrantes (misanthropie, nihilisme, théorie spéciste), l’ALF a le mérite de lutter pour une juste cause que nous ne pouvons que soutenir : l’arrêt de la souffrance animale au nom du profit.

 

Pour une approche philosophique de la cause animale

Ajoutons, qu’à nos yeux, le mépris de la vie animale a probablement de lointaines racines dans la mentalité de notre civilisation. Le rapport à l’animal a toujours été médiatisé dans les cultures traditionnelles par une riche symbolisation. Par contre la mentalité issue de l’Ancien Testament est très problématique à cet égard ; tous les êtres vivants semblent devoir y être mis à disposition de l’homme comme de simples choses (le texte de la Genèse est significatif à cet égard : « soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-là ; dominez… »etc.). Heureusement le christianisme d’un Saint François d’Assise vient par contre contrecarrer une interprétation unilatérale.

Quoiqu’il en soit, le monde moderne, quant à lui, basé sur l’impératif de l’arraisonnement technicien de la nature et de sa mobilisation de l’énergie laisse peu de place à l’interrogation morale sur la souffrance animale. Descartes, dès le 17°siècle considère que les animaux n’ont pas d’âme (celle-ci étant comprise non plus comme principe de vie, à l’image de ce que pensaient les Anciens, mais comme synonyme de pensée pure, substance pensante) et qu’à ce titre ils ne sont que purs mécanismes tout comme le vivant en général ; c’est la théorie de l’animal machine. Certains cartésiens étendront ce modèle à l’homme lui-même : c’est l’Homme machine de La Mettrie au siècle suivant. Une anecdote concernant Malebranche, lecteur attentif de Descartes au 17°siècle illustre bien cette conception. A quelqu’un lui reprochant de battre son chien sans ménagement, Malebranche répondit que si celui-ci gémissait sous les coups de bâton, ce n’était que le résultat de l’entrechoquement des divers mécanismes et ressorts constituant son corps… De telles absurdités et méchancetés discréditent définitivement ces théories. Kant également réfléchira sur la coupure entre humanité et animalité. Seul l’homme a une valeur absolue, il a le statut de personne (concept juridico-théologique aux racines stoïciennes, latines et chrétiennes) et à ce titre est pourvu de dignité, il n’a donc pas de prix. Seules les choses ont un prix, c’est-à-dire, une valeur relative ; les animaux faisant l’objet d’un commerce légitime, ils sont donc assimilables à des choses. Cela justifie-t-il leur mauvais traitement ? Kant a le mérite de répondre par la négative en disant simplement qu’ils sont aussi des créatures de Dieu.

Certains auteurs iront quand même plus loin dans la réflexion concernant la frontière animalité/humanité. Pensons à Rousseau montrant que ce qui distingue l’homme de l’animal n’est pas l’existence de la Raison mais la perfectibilité de ses facultés. Des transformations au cours du temps ont simplement complexifié l’homme sous certains rapports, notamment pour ce qui renvoie à l’origine inexplicable de l’apparition du langage. En conséquence chez Rousseau l’homme se voit doté d’une communauté de nature originelle avec l’animal, la sensibilité, et à ce titre devrait manifester autant de pitié (au sens étymologique de compassion) envers l’animal qu’envers autrui. Le philosophe allemand, Schopenhauer, au 19° siècle, grand ami des chiens, sera également un authentique moraliste et un défenseur de la cause animale. Signalons enfin le même type de préoccupation chez le socialiste Charles Fourier, capable dans la première moitié du 19°siècle de faire le lien entre destruction de la nature, mépris du monde animal et domination du capitalisme.

Les défenseurs de la cause animale seraient donc bien inspirés d’aller voir du côté de ces auteurs afin d’élaborer une vision du monde cohérente aux antipodes des maux et des dérives du monde moderne et du capitalisme. Cela est d’autant plus à notre portée que des scientifiques comme Konrad Lorenz, en développant l’éthologie, ont offert un modèle d’étude comportementale pour les animaux voire pour l’homme, opposé à la conception cartésienne (même si, soit dit en passant, on ne peut charger Descartes de tous les maux de la planète).

 

 

NOTE

  1. Vegan : terme anglo-saxon, souvent traduit par végétalien en français. Seulement, un vegan, en plus d'être végétalien, n'utilise aucun produit d'origine animale dans toutes les facettes de sa vie, que ce soit ses habits, chaussures, produits cosmétiques... Il n'utilise donc ni cuir, ni laine, ni cire d'abeille... Un vegan n'accepte d'utiliser dans sa vie que des produits non issus de la souffrance d'un animal : végétaux, minéraux ou micro-organismes (non testés sur des animaux). Ce mode de vie reste souvent au stade d'idéologie dans la société actuelle car il est très dur pour les vegans de concrétiser pleinement leurs idéaux.

  2. L’environnementalisme considère qu’il est possible d’aménager le système actuel sans bouleverser la société capitaliste.

 

Article paru dans le Rébellion numéro 10 ( Janvier/Février 2005) 

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