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23/10/2005

Edito du numéro 13 Juillet/Août 2005

>EDITORIAL.

Vive les peuples européens !

Comme nous l’avions souligné dans notre précédent éditorial, la période post-référendaire pourrait laisser apparaître une certain nombre d’opportunités dans la remise en question du consensus que le capital a pu imposer jusqu’ici en France et en Europe. Le peuple français suivi du peuple néerlandais vient de gripper la machine bruxelloise pour notre plus grande satisfaction. Immédiatement, la classe dominante a décidé de geler dans plusieurs pays de l’UE les consultations référendaires qu’elle avait l’intention de conduire au sein d’un scénario qui voulait donner l’impression d’une diversité (dans certains pays, seules les institutions parlementaires étant consultées) dans l’acceptation par les peuples de la machination libérale. L’Espagne avait bien ratifié par voie référendaire la Constitution mais en laissant apparaître une énorme abstention, qui, ajoutée aux tenants du NON représente près de 70% du corps électoral de ce pays ! L’écrasant rejet de l’UE en France et aux Pays-Bas témoigne désormais de l’hostilité des européens à l’égard de la dynamique du capital à laquelle les dirigeants européens veulent donner une forme institutionnelle adéquate par le biais d’une Constitution. Comme le souligne le journal Intervention Communiste, n° 67, de juin 2005 (1) il s’agit d’un « NON DE CLASSE », les prolétaires ayant massivement rejeté le texte qui leur était soumis. Cela constitue la leçon majeure de ce scrutin, selon nous. Les travailleurs commencent à percevoir ce que la bourgeoisie tente de lui cacher soigneusement, c’est-à-dire, le pouvoir dont ils peuvent disposer lorsqu’ils décident de s’opposer au capital. Certes, et nous l’avons déjà souligné maintes fois, cela n’est que le début, le frémissement d’une réponse mais qui en l’occurrence s’avérait urgente et nécessaire afin d’asséner une gifle aux gouvernementx et aux partis politiques mondialistes qui pensaient que la partie engagée afin d’accroître démentiellement la valorisation du capital était gagnée.

Dans la foulée du vote négatif, le processus d’adoption de la Constitution a été gelé lors du dernier sommet de Bruxelles, laissant apparaître ce qui ne cessera jamais tant que le capital dominera : la division de la classe dominante selon ses intérêts « nationaux » propres. Il ne faut pas voir en cela une défense par tel ou tel gouvernement de « son » peuple (gesticulations de Chirac par exemple, à Bruxelles, au sujet du budget européen) mais simplement une manière de gérer avec les moyens du bord la crise politique en cours pour les meilleurs intérêts des bandes capitalistes se partageant le marché. Ainsi, nous qui sommes pour un autre projet européen, n’avons rien à regretter au sujet de la crise secouant les institutions européennes. Intervention Communiste fait remarquer fort justement :

« Notre internationalisme prolétarien (2) ne nous oblige pas à reconnaître les superstructures dont se dotent les Etats impérialistes, parce que justement elles ont été créées par les monopoles et pour les monopoles ! Penser que l’Union Européenne puisse être demain le cadre d’une entente entre les peuples […] cela ne s’est vu nulle part et ne se verra nulle part, sans révolution des exploités et opprimés » (3). Pensons en effet au rôle de certains pays européens (au premier chef, l’Allemagne) dans l’éclatement et le développement des conflits dans les Balkans et en Yougoslavie, par exemple.

Le second facteur de la victoire du NON, passé la plupart du temps sous silence par les défenseurs du système, est le rejet du projet d’intégration de la Turquie dans l’UE, cheval de bataille des mondialistes (même si tout a été fait pour laisser croire que l’adoption de la Constitution n’avait pas de rapport avec cet objectif d’intégration). Le secrétaire d’Etat étasunien, Condoleezza Rice, n’a-t-elle pas déclaré ? : « …ce que nous ne pouvons pas nous permettre, c’est un fossé entre la Turquie et le reste de l’Europe ». Au nom de qui s’exprime-t-elle ? Des intérêts de l’empire yankee bien évidemment. Sachant que le projet constitutionnel arrimait de façon explicite et inconditionnelle les Etats européens à l’Otan, donc aux USA, il est clairement perceptible que la classe dominante européenne tente par tous les moyens d’obtenir des miettes du butin récolté dans le monde par l’hyperpuissance capitaliste. C’est là une des contradictions de notre époque qui voit une lutte acharnée pour la survie de chaque entité capitaliste au sein de la jungle concurrentielle. On fait parfois mine de s’opposer, pour ensuite obtenir néanmoins la mansuétude du vainqueur toutes catégories, les USA. De fait la bourgeoisie européenne navigue à vue entre tous ces écueils, sans avoir de projet politique cohérent, signe de sa décadence irrémédiable. Le projet géopolitique étasunien d’encerclement de l’Europe et de la Russie par l’Asie centrale turcophone et d’intégration de la Turquie (alliée d’Israël) à l’UE, se voit ainsi défendu tous azimuts par nos « élites » politiques. Probablement, la bourgeoisie européenne espère-t-elle obtenir quelques profits dans des investissements au pays de la Sublime Porte (objectif fort aléatoire lorsqu’on connaît l’état pitoyable de l’économie turque) tout en faisant venir en Europe des masses d’immigrés déracinés de leur plateau anatolien et qui travailleraient chez nous pour des salaires faisant pression à la baisse, pour le plus grand bonheur de nos exploiteurs. Les coûts sociaux d’une telle vague d’immigration étant comme toujours, supportés par les prolétaires indigènes. Quant aux Etats-Unis, ils ne pourraient que se réjouir de la dissolution des travailleurs européens dans le magma d’une immigration frénétique, cela affaiblirait toujours plus la possibilité de se voir opposer un projet politique alternatif à la dynamique du capital. Saluons au passage les formations révolutionnaires turques (notamment le Parti Socialiste Révolutionnaire) s’opposant à l’entrée de leur pays dans l’UE libérale.

En dernier lieu, mettons en garde les travailleurs français contre les manœuvres idéologiques de la gauche libérale ou cryto-libérale qui, au lendemain du scrutin du 29 mai a appelé à rejouer le scénario pitoyable de l’Union de la Gauche. L’intérêt de ce scrutin est justement de faire éclater les misérables clivages permettant de pérenniser la mystification capitaliste. Nous avons depuis bien longtemps affirmé que ce dispositif devait être détruit et que depuis quelque temps un frémissement dans la prise de conscience de cela était perceptible à partir de divers horizons politiques. L’altermondialisme commence à être critiqué pour ce qu’il est, un aménagement du capital, par exemple. La comédie droite/gauche commence à lasser le bon peuple, etc. Aussi, comme toujours, les sociaux-démocrates et leurs alliés de la direction du PC essaient de se refaire une virginité. Récemment, nous avons eu droit à un nouveau psychodrame à propos de la rencontre du Premier Ministre avec les diverses formations politiques du pays dont le FN. Dans une mâle posture, François Hollande a refusé de se rendre à l’invitation de Villepin afin de ne pas être contaminé par le Diable. Buffet, quant à elle, s’est fendue d’une déclaration faisant pensé à tout, sauf à la lutte des classes. Pour ces représentants de la gauche, il vaut sans doute mieux faire des risettes aux membres du gouvernement de la bourgeoisie que de risquer de croiser dans un couloir des membres d’un parti qui, quoique l’on pense de ses thèses qui ne sont pas les nôtres, n’y a lui, jamais participé ! On ne peut pas évidemment en dire de même de tout le monde… Qui a cautionné pendant de longues années l’absence de réactions efficaces à la casse de l’industrie française depuis le milieu des années 70 et depuis 81, les délocalisations, la paupérisation des travailleurs, la montée du chômage ?

Aussi, nous affirmons qu’il faut tourner le dos à cette mascarade organisée par ceux qui sont liés à divers titres au système pourvoyeur de prébendes à leur égard et qu’il est urgent de structurer un pôle efficace de lutte contre la dynamique du capital. La réaction des peuples européens durant ces dernières semaines montre que le système n’a pas définitivement gagné la partie.

 

 

 

NOTES :

(1). Adresse : Les Amis d’Oulianov. B.P. 40084. 75862 Paris cedex 18.

(2). Note de Rébellion : à ce sujet, notre position consiste à dire que socialisme et internationalisme sont inséparables mais qu’il y a des façons différentes d’articuler ces deux notions. Nous disons que l’internationalisme n’est pas du cosmopolitisme (version trotskyste en particulier), qu’il est inséparable d’un attachement à nos patries édifiées par nos peuples et que la meilleure façon de progresser dans une voie socialiste est d’édifier une Europe socialiste dans un mode multipolaire.

(3). N° 67.