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09/02/2010

Rébellion 40 est disponible !

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Au sommaire du numéro 40


Un long entretien avec Thierry Mudry sur l’histoire du conflit irlandais.

Entretien avec Jean Paul Malrieu sur la résistance à la mondialisation.

La recherche scientifique face aux attaques du Libéralisme

L’Histoire sous influence, ou comprendre le rôle de l'idéologie actuelle dans son enseignement.

La figure du rebelle dans le cinéma US

Plusieurs chroniques livres…



EDITORIAL.

"ESPECE HUMAINE ET CROÛTE TERRESTRE"

"S'il est vrai que le potentiel industriel et économique du monde capitaliste est en augmentation et non en baisse, il est tout aussi vrai que plus il se développe, et plus les conditions de vie de la masse humaine face aux cataclysmes naturels et historiques empirent. [...] Le haut capitalisme ultra- moderne a fait plusieurs pas en arrière dans la lutte de défense face aux agressions des forces naturelles contre l'espèce humaine au point de renverser l'avantage qui lui venait du progrès de la science théorique et appliquée; et les raisons en sont strictement sociales et de classe." Amadeo Bordiga. (1)

Le début de l'année 2010 aura été marqué par un terrible séisme en Haïti donnant lieu à un élan légitime de compassion, de par le monde, envers les victimes d'un pays déjà lourdement marqué par une histoire et une situation sociale, économique et politique, peu enviables. Cette catastrophe est emblématique - non sur le plan des causes géologiques bien entendu - de la condition subie par des masses humaines déshéritées, survivant au sein du chaos social produit par la dynamique du capital et de l'exploitation médiatique, idéologique et géopolitique qu'en fait la classe dominante. Nous ne reviendrons pas sur l'histoire d'Haïti à propos de laquelle chacun peut se documenter mais rappelons qu'une fois l'esclavage aboli à la suite de la révolution française et aussitôt rétabli, le peuple haïtien avait déjà payé cher sa lutte pour l'indépendance nationale contre les armées bonapartistes puis napoléonniennes et continua pendant des décennies à indemniser les anciens colons esclavagistes; ce qui greva substantiellement son économie jusqu'au début du 20°siècle où l'impérialisme étasunien intervint dans le pays pour l'occuper manu militari durant une vingtaine d'années et de façon plus discrète par la suite. Après 1945, des tyrannies ubuesques achevèrent de conduire Haïti au fond d'un abîme de misère. La situation stratégique du pays ne pouvait laisser indifférent l'impérialisme yankee étant donné l'enjeu du contrôle de la zone caribéenne, la proximité de l'île cubaine et par voie de conséquence, à partir du milieu des années cinquante, de l'influence ultérieure que la révolution castriste pouvait diffuser au sein du continent latino américain. Il suffit de se souvenir de l'intervention militaire étasunienne en République Dominicaine durant les années cinquante et plus près de nous, des interventions au Panama et à la Grenade sans compter les multiples soutiens aux coups d'Etat militaires et autres coups tordus (Nicaragua) dont le plus récent est celui du Guatemala. Aux conditions économico-sociales d'un pays issu du colonialisme esclavagiste et du néo-colonialisme (subi par une foule de nations) s'adjoint la situation géostratégique de proximité des côtes étasuniennes. Cela fit beaucoup pour ce qui fut un des premiers pays d'Amérique latine à obtenir l'indépendance.

Plus globalement, la paupérisation haïtienne illustre la quasi impossibilité dans la quelle se trouvent la plupart des pays défavorisés à l'époque contemporaine du triomphe du capital, d'accéder à une vie sociale décente. Certains grands pays dits "émergents" tirent plus ou moins leur épingle du jeu (Chine, Inde, Brésil par exemple) mais cela ne se fait d'ailleurs pas sans douleurs, tiraillements, conflits sociaux et déracinements de populations venant grossir le flot des migrants vers le mirage occidental. Le schéma libéral convenu selon lequel ce processus accoucherait (probablement par l'intervention miraculeuse de la main invisible) mécaniquement de la constitution de classes moyennes se développant de manière exponentielle dans une spirale économique ascendante vertueuse fait évidemment la part belle à l'optimisme métaphysique de la théodicée marchandisante. Ne se développent réellement - et toujours à un niveau plus démentiel - que les contradictions internes au système de la valeur en procès. La majorité des nations, quant à elles, s'enfoncent de plus en plus dans la misère et le chaos. Au pillage économique des ressources naturelles par les puissances impérialistes, s'ajoutent des déstabilisations voulues pour des raisons géopolitiques de positionnement sur les axes principaux du contrôle des espaces terriens, aériens et maritimes. On vit en Haïti, accourir des sauveteurs humanitaires mais hélas également, tout l'appareil militaire étasunien débarquant sous prétexte de sécurisation du pays décapité au plus haut sommet, de ce que l'on a quand même du mal à appeler, de l'Etat. Sans catastrophe naturelle, le pays était déjà plongé dans un désordre hallucinant, on peut évidemment imaginer ce qu'il en est depuis lors. Non contentes de mettre des bâtons dans les roues à certains secours venus de France et d'autres pays de la région, les troupes étasuniennes poussèrent parfois le zèle jusqu'à substituer leur propre drapeau au drapeau haïtien sur ce qui restait debout de bâtiments officiels! Cynisme et puérilité habituels de l'impérialisme yankee... Réalisme, néanmoins, d'une puissance qui ne laissera pas s'approfondir sans réagir l'expérience bolivarienne (2) dans la zone latino américaine et qui au milieu même des séismes géologiques tente de neutraliser tout autre intervention, même pacifique, de nations suspectes à ses yeux. Quant à la présence immédiate de représentants israéliens accourus sur place, cela laisse songeur.

Face à la manipulation d'une situation aussi tragique pour ceux qui en sont victimes, on ne peut qu'envisager ce que les ressources offertes par le socialisme opposeraient à une telle situation d'urgence. Coopération fraternelle sans ingérence tout d'abord. On nous rétorquera que l'aide humanitaire et les dons arrivent de toutes parts et on nous fait miroiter la reconstruction du pays. Certes, mais il est bien question de mettre véritablement le pays sous tutelle et il n'est pas besoin d'être grand clerc pour deviner sous la coupe de qui. Subsidiairement quelques marchés immobiliers juteux feront l'objet de tractations mercantiles mais sans que la condition de l'immense majorité des haïtiens ne s'en trouve réellement améliorée. De surcroît, la possibilité de telles secousses sismiques montre que la concentration de population dans une espèce de magma urbain, causée par l'exode rural, relève de la démence pure et simple du capitalisme. Sans rêver d'un monde parfait à l'abri de toute anicroche, il est pertinent de concevoir l'existence d'immeubles résistant mieux à la violence de telles catastophes et surtout d'envisager une répartition plus harmonieuse de la population sur la surface terrestre. Evidemment, cela est inconciliable avec les lois inhérentes au fonctionnement de la boulimie du profit capitaliste. L'île d'Haïti que Christophe Colomb décrivait comme étant la perle des Antilles est soumise depuis longtemps à un désatre écologique de déforestation, d'érosion des sols accompagnée d'une agriculture déficiente, l'ensemble conduisant à un entassement de la population dans des bidonvilles, une émigration de fuite et de désespoir. C'est le tableau habituel qu'offrent les "Tristes Tropiques" et autres lieux d'une humanité à la dérive. Les destinations touristiques de rêve marchandisé ne montrent que spectaculairement l'envers de coulisses macabres où s'inscrit le martyrologe des peuples aliénés à la domination de la valeur, soumis aux séismes et tempêtes sociaux et candidats à la nomadisation déracinante des conditions mondialisantes, des flux uniformisants de la circulation marchande.

Le prolétariat peut mettre fin à la désorganisation anarchique de l'occupation de la croûte terrestre, à sa dévastation, à sa transformation en bidonvilles mondialisés. Les prolétaires peuvent trouver la force de se camper bien droits sur la terre, offrant résistance aux tourbillons soulevés par les tempêtes de la crise capitaliste. Le seul séisme qui vaille, est celui qui ébranlera le sol pourri du capital et qui verra se réenraciner les peuples dans des lieux leur étant propres, distingués par leur pratique sociale autonome, façonnés par leur socialisme et leur culture propres, se réappropriant de facto, ce que Marx appelait leur Gemeinwesen (communauté, nature humaine, être social, essence communautaire).

NOTES:

1) Crue et rupture de la civilisation bourgeoise. Battaglia Comunista. N° 23/1951. Traduit dans Espèce humaine et croûte terrestre. Ed. Petite bibliothèque Payot. 1978.

2) Simon Bolivar avait appareillé d'Haïti pour libérer l'Amérique latine. Le Libertador reviendra-t-il?..

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