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25/11/2014

Autocentrer le développement pour en finir avec la mondialisation néolibérale

 

autocentrer le développement pour en finir avec la mondialisatio

 

Article de Bernard Conte pour le numéro 49 de la revue Rébellion

( septembre 2011) 

Depuis la fin des années 1970, l’idéologie néolibérale s’est imposée, justifiant le libre-échange, c’est-à-dire le « laisser faire » - « laisser passer », tant pour les marchandises que pour les flux financiers. La « main invisible » du marché était présumée plus efficace que la régulation étatique. En conséquence, un « consensus » a été imposé : place au marché et haro sur l’État « social », présenté comme malveillant, dépensier, inefficace, voire inutile. Le désarmement douanier s’est progressivement opéré à travers les négociations du GATT à partir de 1947, puis avec la création de l’OMC en 1995. À partir du milieu des années 1970, la libéralisation financière a engendré la dérégulation et le libre mouvement des capitaux. Au Sud, le libre-échange des marchandises et des capitaux a été imposé à travers les programmes d’ajustement structurels (PAS) du FMI, tandis qu’au Nord, la prescription a emprunté des voies plus « subtiles ».

Le libre-échange est une condition nécessaire à la réussite de la mondialisation néolibérale qui jette l’ensemble des salariés dans une compétition sauvage où le gagnant est le moins disant, assurant ainsi un nivellement par le bas des conditions sociales du plus grand nombre, au plus grand profit de la finance internationale et de ses serviteurs zélés des cercles rapprochés. Le libre-échange autorise la délocalisation des productions dans des lieux où les coûts sont réduits et il permet aussi la localisation des profits dans des « paradis fiscaux » où les prélèvements sont minimes, voire nuls. Le libre-échange engendre la désindustrialisation du Nord, le laminage des classes moyennes et la Tiers-mondialisation qui désarticule et réarrange les structures économiques, institutionnelles, sociales et politiques dans le sens le plus favorable au capitalisme financiarisé mondialisé. La priorité donnée à la croissance des profits diminue proportionnellement la capacité à couvrir les « coûts de l’homme ».

Sortir de la dynamique de Tiers-mondialisation implique un ajustement des structures pour réduire la domination du capitalisme financiarisé, pour autocentrer le développement et pour redonner la priorité à l’homme. Dans cette démarche, la thérapie protectionniste occupe une place de choix.

Le libre-échange imposé

L’oligarchie et ses valets : politiques, médiatiques, économiques… ont œuvré sans relâche pour persuader les populations des avantages du libre-échange et de la division internationale du travail néolibérale. Par exemple, les recherches économiques, mettant à jour des  « évidences empiriques » sur le lien entre l’ouverture commerciale des pays et leur croissance économique, ont bénéficié de généreux financements, notamment de la part de la Banque mondiale et du FMI1. Peu importe s’il a été souvent nécessaire de prendre des « libertés » avec les hypothèses, avec la fiabilité des statistiques et avec les traitements économétriques, mais l’essentiel était de prouver que plus un pays est ouvert sur l’extérieur, plus il pratique le libre-échange et plus sa croissance économique est forte. Car, pour l’oligarchie, le libre-échange est une condition nécessaire à la réussite des délocalisations industrielles caractéristiques de la mondialisation néolibérale

Pour la réussite de la délocalisation des productions

L’objectif est de maximiser les profits par la mise en concurrence des salariés, non plus uniquement sur le plan national, mais au niveau mondial. Grâce au libre-échange, la délocalisation des activités économiques des pays du Nord vers les pays à bas salaires a permis d’inonder le marché mondial de produits à des prix sans concurrence. La libéralisation financière a autorisé le transfert des profits réalisés vers des zones « accueillantes », comme les paradis fiscaux. Par la défaisance des régulations étatiques, par l’imposition du libre-échange des marchandises et des capitaux… le capitalisme a réussi, sans réelles entraves, à restructurer la planète à son plus grand profit, en négligeant les coûts économiques et sociaux de ladite restructuration. La mondialisation néolibérale permet aux capitalistes de profiter, sur l’ensemble des territoires, des avantages comparatifs économiques et financiers qui sont étroitement corrélés aux « désavantages » comparatifs sociaux des populations résidentes. En d’autres mots, il s’agit d’organiser la misère et son exploitation, à travers l’imposition d’une division internationale du travail inégale, pour des profits sans cesse croissants.

Avec pour conséquence la désindustrialisation du Nord

La concurrence débridée des pays à bas salaires a largement contribué à la désindustrialisation des pays du Nord. En 1970, l’industrie représentait 48% du PIB de l’Allemagne, 39% de celui de l’Italie et 35% de celui des Etats-Unis. En 2008, ces proportions s’élevaient respectivement à 29%, 26% et 21%. En France, entre 1970 et 2009, le poids de l’industrie a presque été divisé par deux, passant de 34,9 % du PIB à 18,8 %. En 30 ans, la France a perdu près de 2 millions d’emplois dans le secteur industriel et plus d’un demi-million depuis 20072. Le cas de la France est singulier, puissance industrielle « moyenne », son effeuillage industriel s’est opéré à la fois « par le bas » au profit de pays émergents (Chine) et « par le haut » au bénéfice de pays plus industrialisés (Allemagne). Cet effet de « cisaille » accélère la paupérisation de la majorité de la population, phénomène que ne sauraient encore longtemps cacher les vestiges, sans cesse amenuisés, de la protection sociale de l’État-providence. Le Nord s’appauvrit, en voie de sous-développement, il se Tiers mondialise3.

 Le laminage des classes moyennes

La désindustrialisation engendre la Tiers-mondialisation à travers le laminage des classes moyennes4 qui s’étaient progressivement constituées au cours de la période d’après-guerre. Ce phénomène n’épargne pas le centre impérial : les États-Unis. Ainsi, « le revenu réel médian américain a baissé de 5261 dollars durant la dernière décennie5 ». En conséquence, l’épargne des ménages a été progressivement réduite à néant. «  Au cours des Trente glorieuses, la classe moyenne américaine épargnait environ 9 % de son revenu annuel après impôt. Au tournant des années 1980, cette proportion était d’environ 7 %. Le taux d’épargne a ensuite chuté à 6 % en 1994, puis à 3 % en 1999. En 2008, les américains n’épargnaient plus rien. Parallèlement, l’endettement des ménages a explosé. En 2007, la dette de l’américain-type représentait 138 % de son revenu après impôt6 ». Paupérisation et réduction en « esclavage » par le biais du crédit, telles sont les conséquences de la mondialisation néolibérale et de la Tiers-mondialisation qui l’accompagne.

 

La Tiers-mondialisation

En s’inspirant de François Perroux et de son analyse du sous-développement, il est possible de définir le phénomène de la Tiers-mondialisation comme le résultat d’une dynamique de domination7. Pour Perroux, le sous-développement était principalement engendré par la domination coloniale ou néocoloniale. De façon similaire, la Tiers-mondialisation est le produit de la domination du capitalisme financiarisé qui désarticule les structures économiques, sociales, institutionnelles et politiques de l’ancienne configuration (le libéralisme régulé) et les réarrange dans une configuration « nouvelle » fondée sur une base géographique plus vaste, en vue de la maximisation des profits. Cet ajustement structurel, imposé sous la contrainte (FMI…), engendre la Tiers-mondialisation qui s’exprime « concrètement non dans les termes ambigus d’un chiffre unique comme le PNB par tête, mais dans un phénomène plus profond et plus complexe : l’absence de couverture des ‘coûts de l’homme’8 ».

 

L’absence de couverture des ‘coûts de l’homme’ 

Pour François Perroux : « Dans un ensemble humain, les coûts de l’homme se répartissent opérationnellement en trois groupes. Ce sont : 1°Ceux qui empêchent les êtres humains de mourir (lutte contre la mortalité dans le travail professionnel et hors des limites de ce travail) ; 2°Ceux qui permettent à tous les êtres humains une vie physique et mentale minima (activités de préventions hygiéniques, de soins médicaux, de secours invalidité, vieillesse, chômage) ; 3°Ceux qui permettent à tous les êtres humains une vie spécifiquement humaine, c’est-à-dire caractérisée par un minimum de connaissances et un minimum de loisirs (essentiellement : coûts d’instruction élémentaire, coût de loisir minimum)9 ». Selon Perroux, les coûts humains constituent un minimum à couvrir avant tout autre besoin. Dans le cadre de la mondialisation néolibérale, si l’on excepte une petite minorité, la couverture des coûts humains n’est pas assurée pour une large part de la population et se réduit, comme peau de chagrin, pour le restant. 

Sortir de la dynamique de Tiers-mondialisation

Pour cela, il faut minimiser, voire supprimer les effets négatifs de la domination du capitalisme financiarisé. Bien que multidimensionnelle, la solution inclut forcément une réorientation de l’économie vers les ressources endogènes et le marché intérieur pour réaliser un développement autocentré. L’autocentrage peut être envisagé sur une base nationale ou sur celle, plus large, d’un regroupement régional. Dans tous les cas, il conviendra notamment d’assurer la relocalisation de certaines activités, non pas en vue d’une « autosuffisance » ou d’une autarcie systématiques, mais dans un but de « sécurité » économique et sociale10 permettant une réelle couverture des coûts humains. Dans cette optique, assurer la « sécurité » implique la réduction des aspects de la dépendance porteurs d’effets pernicieux de domination11.

 

Avec l’aide d’un protectionnisme « thérapeutique »

Auto-centrer le développement suppose la mise en œuvre d’un protectionnisme thérapeutique qui doit s’accompagner de politiques incitatives, de politiques de régulation… et surtout d’un projet collectif. La thérapie pourra s’inspirer du « protectionnisme éducateur12 » de Friedrich List et des théories et des expériences du desarrollismo13 Sud-américain. Le protectionnisme envisagé n’est pas un repli sur soi, n’est pas du nationalisme agressif, ni de l’isolationnisme. Il se propose de développer le commerce et les échanges sur la base du respect d’une concurrence loyale. Il s’agit d’un protectionnisme « souple » et « mesuré » prévoyant des droits d’entrée variables portant sur certains types de produits jugés sensibles.

En renchérissant les produits importés, le protectionnisme va susciter la création d’entreprises produisant des biens de substitution des importations, générant emplois, revenus, impôts…, permettant de démarrer et d’alimenter un processus de développement autocentré, c’est-à-dire centré sur le marché intérieur. Comme la délocalisation des activités a engendré une perte de connaissances et de savoir faire, un effort important d’éducation - formation devra être opéré pour recouvrer les capacités perdues, mais aussi pour accompagner le développement de la recherche et de l’innovation. L’intervention de la puissance publique s’avèrera nécessaire pour susciter, harmoniser et coordonner les initiatives de développement, ce qui impliquera une planification indicative

Au fur et à mesure de l’ajustement des structures, en vue de la couverture effective des « coûts de l’homme », les modalités de la thérapie protectionniste évolueront en fonction de l’avancée du processus et du respect des règles d’une concurrence loyale par les partenaires à l’échange.

1 Dans ce genre de mise en lumière « d’évidences empiriques », voir : Krueger, Ann O. 1978. Foreign Trade Regimes and Economic Development: Liberalization Attempts and Consequences, Cambridge: MA: Ballinger.

2 Lilas Demmou, La désindustrialisation en France, Paris, Document de travail de la DG Trésor, n° 2010/01, juin 2010, http://www.minefe.gouv.fr/directions_services/dgtpe/etudes/doctrav/pdf/cahiers-2010-01.pdf

3 Bernard Conte, La Tiers-Mondialisation de la planète, Bordeaux, PUB, 2009.

4 Bernard Conte, « Néolibéralisme et euthanasie des classes moyennes », http://www.mecanopolis.org/?p=20157 13/10/2010.

5 Bryce Covert,“New Low Paying Jobs Will Lead to High Debt”, New deal 2.0, 8/6/2011,http://www.newdeal20.org/2011/06/08/new-low-paying-jobs-will-lead-to-high-debt-47281/?author=130 traduction de l’auteur.

6 Idem, traduction de l’auteur.

7 Pour Perroux, « L’effet de domination est la relation entre inégaux qui se constate entre agents, entreprises et nations. Cet effet est lié non seulement à la dimension de la dotation initiale des biens mais aussi au pouvoir de négociation (ou de transformation des règles du jeu), à la nature de l’activité ou à l’appartenance à une zone d’activité dominante », Hector Guillem Romo, « François Perroux : Pionnier oublié de l’économie du développement », Colloque : Economie politique internationale et nouvelles régulations de la mondialisation, Poitiers 14-15 mai 2009, p.11.

8Hector Guillem Romo, art. cit.

9 François Perroux, L’Economie du XXème siècle, Paris, PUF, 1964, p. 344. Voir aussi, Sandrine Michel, « Rationalité économique des coûts de l’homme. Une transformation structurelle constitue-t-elle une rupture ? », Bordeaux, 2004, http://conte.u-bordeaux4.fr/Perroux/Com/Michel.pdf

10 Cette distinction peut être rapprochée de celle qui existe entre autosuffisance alimentaire et sécurité alimentaire.

11La dépendance économique d’un pays, c’est-à-dire, le fait que l’économie de ce pays dépende de variables externes peut revêtir deux formes principales. Elle peut être réciproque, à la limite symétrique (A dépend de B et B dépend de A selon diverses modalités). Dans ce cas on dit qu’il y a interdépendance. Elle peut être unilatérale ou asymétrique (A dépend de B et B ne dépend pas ou dépend peu de A). Dans ce deuxième cas on dit qu’il y a domination de B sur A. Hector Guillem Romo, art.cit. p 10-11.

12 Friedrich List, Système national d’économie politique, Paris, Gallimard, 1998 [1841].

13 Voir par exemple : Celso Furtado, Théorie du développement économique. Paris, PUF, 1970.

12/08/2013

Demain la relocalisation ?

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Article paru dans le Rébellion n°51 - La notion de relocalisation de l’économie a fait son apparition dans les médias au cours des derniers mois, en vue de démontrer qu’il est possible de moraliser le capitalisme selon les termes de Nicolas Sarkozy, qu’un autre capitalisme est possible (1), … Née dans les milieux écologistes favorables à la décroissance, l’idée de relocalisation a fait l’objet d’une récupération de la part des milieux ultra-libéraux qui en dénature le sens.

Le démantèlement des frontières douanières qui s’est opéré dans le cadre de la mondialisation des échanges a permis, depuis le milieu des années 1990, aux multinationales de mettre en concurrence des salariés du monde entier, via le processus de délocalisation des moyen de production des pays (anciennement) industrialisés vers des pays où les coûts de production sont beaucoup plus faibles (Chine, sud-est asiatique, Pakistan, Inde, …). Les délocalisations massives, initialement limitées aux secteurs ne nécessitant pas de main d’œuvre qualifiée, ce sont peu à peu étendues à l’ensemble du système de production des pays occidentaux, causant désindustrialisation, chômage massif et paupérisation des classes moyennes. Cette tendance, décrite comme inéluctable par l’ensemble du système politico-médiatique, pourrait donc être inversée ? C’est ce que pourrait laisser croire le phénomène récent, bien que d’ampleur limitée, de relocalisation de certaines industries en Europe. Doit-on y voir une rétroaction bénéfique de la main invisible du marché, une prise de conscience salutaire des actionnaires devant les dysfonctionnements du système ?

Les raisons des relocalisations

Les véritables motifs de ces relocalisations correspondent à l’adaptation du système à de nouvelles contraintes découlant principalement :

  • de l’augmentation du coût du pétrole liée à l’imminence du pic pétrolier qui causera, à plus ou moins long terme, la fin de la mondialisation. Les répercussions de ces hausses sur les prix des carburants condamnent les transports routiers, maritimes et aériens. Leurs premiers effets se font déjà sentir au travers d’augmentation du nombre de faillites des PME du secteur des transports routiers(2), de la destruction des flottes maritimes commerciales – le nombre de navires démantelés a été multiplié par 4 entre 2006 et 2010(3), des très faibles bénéfices réalisés par les compagnies aériennes, dont de nombreuses sont à la limite du dépôt de bilan, même parmi les plus grandes (cf. l’effondrement boursier du cours d’American Airlines(4), 3ème compagnie américaine et 4ème mondiale qui avait passé commande de 260 airbus et 200 boeings).

  • de l’instabilité politique de nombreux pays où ont été effectuées les délocalisations, à l’instar des pays du Maghreb touchés par les révolutions du printemps arabe ou de la Chine où les révoltes se multiplient dans de nombreuses provinces, qui menace la pérennité des activités économiques délocalisées(5),

  • des catastrophes naturelles dues aux aléas climatiques et aggravées par des changements d’occupation des sols anarchiques (déforestation et urbanisation sous l’effet de l’accroissement démographique), comme les inondations qui ont touché le sud est-asiatique à l’automne 2011, provoquant la fermeture d’un grand nombre d’usines produisant du matériel informatique et causant une pénurie de nombreux composants(5).

  • du mécontentement croissant des peuples européens face à l’invasion du marché par des produits de mauvaise qualité, ou présentant des malfaçons, voire des risques pour la sécurité des utilisateurs (toxicité des peintures, non-respect des normes de sécurité en vigueur, …), originaires principalement de Chine, et à la concurrence déloyale dont sont victimes les travailleurs européens,

  • de la dégradation de l’image de certaines marques dont la notoriété est basée sur la qualité, l’authenticité liée à un savoir-faire ou un terroir spécifique, ou le respect d’une certaine éthique (commerce « équitable »),

Les travailleurs européens n’ont donc pas à attendre de ce qui reste, pour le moment, un épiphénomène, une amélioration de leur sort, d’autant moins que certaines entreprises souhaitent également relocaliser sur le sol européen la main d’œuvre étrangère utilisée au préalable, comme ce fut le cas avec le groupe suédois Autoliv Isodelta qui a tenté de faire venir en France les ouvriers de son ancienne usine tunisienne sous couvert de stage(6).

Qu’est-ce que la relocalisation ?

La relocalisation est un thème au cœur de l’idéologie de la décroissance, constituant l’un des huit « R » du programme radical pour une décroissance sereine, conviviale et soutenable prônée par Serge Latouche. Elle consiste «  bien sûr [à] produire localement pour l’essentiel les produits servant à la satisfaction des besoins de la population à partir d’entreprises locales financées par l’épargne collectée localement (7) ». A ce titre, elle favorise l’autonomie des communautés à l’échelle locale, régionale, nationale, ou européenne, en fonction de la nature de la production envisagée, en permettant aux populations de décider du type d’activité économique qu’elles souhaitent voir se développer sur leur territoire tout en contrôlant leur développement, ce qui en fait le corollaire, dans le domaine économique, du principe de subsidiarité et de la démocratie participative. Comme le souligne Serge Latouche : « Relocaliser s’entend aussi au niveau politique : cela signifie alors s’occuper des affaires publiques à l’échelle de son quartier, organisé en « petite république » (8)». L’idée de relocalisation se situe donc aux antipodes de l’idéologie marchande car elle affirme le primat du politique sur l’économique, et du sens de la mesure sur l’hybris libérale. Elle s’inscrit dans une logique de respect de la diversité des cultures et des modes de vie contre l’uniformisation et la rationalisation du monde issues des Lumières, que celles-ci aient lieu sous l’égide du centralisme jacobin, du planisme étatique ou de la mondialisation marchande. La relocalisation présuppose cependant une refonte complète du système politique actuel basé sur le contrat, et donc d’essence libérale, et son remplacement par une démocratie organique pour pouvoir être mise en application. Elle s’accompagnera nécessairement d’une relocalisation de ce qu’Alain de Benoist appelait récemment « l’armée de réserve du capital(9) ». Cette relocalisation a déjà commencé en Espagne, où, sous l’effet de la crise économique, le solde migratoire est négatif en 2011(10). Les nouvelles formes de contestation du système libéral, liées à l’intensification de la crise économique et financière, à l’image du mouvement « Occupy Wall Street » sont susceptibles de faire naître les conditions favorables à un changement de paradigme à l’échelle de l’Europe.

 

  1. Marianne, Oui, un autre capitalisme, c’est possible!, n°760, 12-18 novembre 2011.

  2. http://www.lefigaro.fr/societes/2011/03/10/04015-20110310ARTFIG00696-la-hausse-du-gazole-alarme-les-routiers.php

  3. http://www.econav.org/IMG/pdf/articlerevuedesminesde_construction.pdf

  4. http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/auto-transport/actu/0201769080510-malgre-sa-mise-en-faillite-american-poursuit-son-activite-256100.php

  5. http://fr.euronews.net/2011/10/25/inondations-les-thailandais-en-conges-forces/

  6. Le Républicain Lorrain, Vraie fausse relocalisation refusée, p.6, 91(12), 13 janvier 2010.

  7. Serge Latouche, Petit traité de la décroissance sereine, 2007, Mille et une nuits, p. 63.

  8. Serge Latouche, Le pari de la décroissance, 2006, Fayard, p. 207.

  9. Alain de Benoist, Immigration, l’armée de réserve du capital, Eléments n°139, Avril 2011.

  10. Lola Huete Machado, Emigante, otra vez, El País Semanal, 11/12/2011 http://www.elpais.com/articulo/portada/Emigrantes/vez/elpepusoceps/20111211elpepspor_9/Tes