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06/11/2014

Théorie du Drone : Rise of the Machines

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Dans Théorie du Drone, Grégoire Chamayou dresse un portrait du drone de combat et décrit l'ensemble des implications que peut avoir l'usage de cette arme sur le champ de bataille. Les concepts, ainsi que les méthodologies qui découlent de l'utilisation du drone sont également abordés et analysés.

Présenté comme un « progrès majeur dans la technologie humanitaire1 », le drone de combat est à mille lieu de la belle machine censée remplir la fonction que ses partisans lui prêtent. Pressée par une opinion publique qui tantôt ne comprend pas ou tantôt ne cautionne pas les sacrifices demandés à ses forces armées, l'administration américaine a développé, testé et utilisé cette arme redoutable, avec l'aide et surtout le travail de lobbying du complexe militaro-industriel.

Si l'utilisation du drone comme arme létale permet à l'armée américaine de diminuer de façon drastique ses pertes, celle-ci implique des changements profonds dans la façon de concevoir la guerre, ainsi que les combattants. Les pilotes de drones étant tranquillement assis dans des pré-fabriqués dans le Nevada, la guerre devient par la nature même du drone complètement asymétrique. Le pilote de drone n'étant plus dans la zone de guerre, il ne peut plus être considérer comme combattant, puisque pour être considérer ainsi il faudrait que les deux adversaires (le pilote et sa victime) se fasse face, ce qui est impossible. On en arrive de la sorte à voir dans la guerre faisant usage des drones non plus une guerre au sens classique, définie par Clausewitz par exemple, mais plutôt une sorte de chasse à l'homme où la proie doit être éliminée physiquement.

Là est aussi le changement en ce qui concerne l'approche des guerres contre-insurectionelles: le but affiché est l'élimination pure et simple des ennemis qui ne sont plus considérés comme des combattants à part entière, mais comme des terroristes qu'il faut éradiquer. Cette vision de l'adversaire écarte de facto toute approche politique du conflit qui consiste en plus des actions armées à rallier la population proche ou appartenant aux zones de combat à sa cause.

Or l'approche de la guerre contre-insurectionnelle théorisée et conceptualisée par les partisans du drone n'appréhende la population proche ou appartenant aux zones de combat que comme un ensemble d'ennemis potentiels. Etant donné que les combattants potentiels ressemblent à n'importe quel autre personne, la CIA et l'armée américaine emploie une méthodologie (pattern of life analysis) qui consiste à analyser le comportement des individus (actions quotidiennes, leurs horaires, leurs lieux, l'activité vurtuelle) afin de discrimer les terroristes. Il s'agit donc d'une approche paranoïaque où les nouveaux moyens techniques (drone, internet, smartphone, réseaux sociaux) servent à fliquer des populations entières et où tout comportement qui s'éloigne du comportement d'un automate peut conduire à la mort. Les combattants n'étant pas clairement identifiés, la zone de guerre non plus (l'opérateur du drone se trouve en zone de paix, la victime en zone de guerre ou proche), il est ensuite facile pour les Etats-Unis de tirer profits du droit international qui pour l'instant n'a pas pris en compte cette avancée technologique.

Théorie du drone est donc un excellent outil pour comprendre la logique, la dynamique et les implications de l'usage du drone comme machine de guerre. Ce livre peut servir de base pour participer à la déconstruction de la rhétorique et de la mythologie qui est à l'oeuvre autour de l'utilisation du drone à des fins militaires.

Florian Lejault.

 

1 - Anderson, Kenneth. « Rise of the Drones : Unmanned Systems and the Future of War »

Grégoire Chamayou, La fabrique éditions, 14 euros