Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

24/06/2014

Un urbanisme alternatif : « Rendre les villes de nouveau vivables… »

Avancer une approche différente de la ville, un urbanisme alternatif, implique une remise en cause totale des conceptions en cours dans ce domaine. Le fait même de vouloir replacer l’individu au cœur de la cité, de lui donner la possibilité de pleinement vivre dans l’environnement urbain, est une déclaration de guerre aux principes dominants à l’heure actuelle dans l’aménagement de l’espace collectif. L'individu est condamné dans le système actuel à l'isolement dans sa petite sphère privée. Pour que la ville redevienne un cadre de vie et de rencontre, il est nécessaire d’orienter l’urbanisme vers une recherche d’harmonie qui implique de comprendre les interactions qui naissent en son sein. Cela passe d'abord par le fait de redonner à l’espace collectif sa dimension publique, c’est-à-dire son rôle de lieu de convivialité et d’échange pour l'ensemble de la communauté. Une approche qui permet de retisser des liens sociaux et des solidarités. L’espace ne serait plus arbitrairement découpé par les spéculateurs immobiliers ou les choix arbitraires des politiques. Un urbanisme alternatif prendrait pour base l’intervention et la participation active des habitants dans les choix concernant leurs domaines d’habitation. Comme on le voit, la critique de l'aménagement urbain aboutit à une critique radicale de la société. Réinventer la ville implique de sortir du système qui la réduit à un espace de cellules individuelles ; seul un changement révolutionnaire rendra cela possible.

Mais par où commencer ? Dans les années 70, Michel Ragon, architecte libertaire, avait relancé l’idée d’un aménagement de l’espace urbain conçu par ceux qui étaient destinés à y vivre « Nous posons un problème, relativement nouveau, qui est celui de l'intervention active de l'habitant dans le domaine de l'habitat et de la ville. Depuis toujours, l'architecture a été le domaine réservé du Prince. Les Princes qui nous gouvernent ne font pas exception à la règle et bien que l'on se dise en démocratie, le suffrage universel n'existe pas pour l'architecture. Craint-on que les usagers de l'architecture montrent un goût plus mauvais que celui des spécialistes ? La chose paraît difficile lorsque l'on contemple ce que nos architectes et l'administration qui les écoute ou les dirige, nous ont offert depuis vingt-cinq ans. Il paraît impossible que les usagers fassent pire... ».

Les anciens lieux de vie collective urbaine (rues, places, espaces verts) et les nouveaux (espaces sportifs ou de loisirs) doivent avoir un rôle fédérateur et communautaire. Les anciennes formes de sociabilité ayant été abolies par la modernité, elles ne peuvent être ressuscitées artificiellement. Ainsi, nous ne pouvons redonner vie à des activités traditionnelles ou à des fêtes populaires n'ayant plus de sens pour la majorité de la population. Cela donnerait ces villes simulacres ou villes musées, avec leurs décors de carton pâte et leurs festivités folkloriques destinées aux touristes.

Si on veut permettre une réappropriation de l'espace public par les habitants, il est aussi nécessaire de sortir des grandioses plans urbanistiques hérités des esprits militaires et totalitaires. C'est comprendre que c'est dans l'enchevêtrement que naît la vie. Le chaos apparent est le détale qui permet l'errance et la découverte d'atmosphères différentes. L'aseptisation et la rationalisation à outrance de l'espace urbain ne sont pas forcément synonymes d'amélioration du cadre de vie.

Le concept, avancé par Michel de Sablet, d'une écologie urbaine éclaire bien le tissu relationnel qu'il est important de (re)tisser pour permettre un épanouissement de la vie urbaine. A partir d'une observation précise, elle amène des pistes de réflexions et d'actions concrètes qui peuvent alimenter les décisions collectives. Ainsi il précise la double vocation de l’écologie urbaine :

- Faire de l’espace public urbain le lieu essentiel de la sociabilité urbaine, le lieu compensateur de l’isolement de chacun dans une série de “bulles” ou de boîtes architecturales affectées à des usages sommaires et précis, reliées entre elles par des tuyaux circulatoires.

- Rechercher les nouveaux types d’équipements et de dispositions relatives entre eux capables de générer les comportements les plus variés et susceptibles de répondre aux aspirations des citadins du XXI°siècle ».

Elle y parviendra par une double démarche née de ce que l'auteur appelle « l'étude comportementale urbaine appliquée ». Celle-ci consiste à observer les comportements des usagers dans les espaces publics encore un peu vivants, et à en tirer suffisamment d’enseignements de façon empirique pour trouver des nouvelles formes d’aménagement générateurs de la plus grande richesse de comportements possibles. Elle amène à étudier les tendances, les aspirations nouvelles qui conduiront à penser d’autres types de relations, de localisations et de fonctionnements entre les équipements que cela suggère et la ville.

Cette réappropriation raisonnée passe bien sûr par la prise en compte des aspects artistiques et techniques. « Une ville vivable, sera une belle ville ». Pour lui il faut intégrer la modernité à cette démarche : « Il ne s’agit évidemment pas de supprimer l’ordinateur, le surgelé, la télévision ou l’automobile pour retourner à un âge d’or urbain... d’un autre âge, et qui n’a d’ailleurs jamais existé. Dans certains cas il peut s’agir de remettre certains abus de pouvoir à leur place (automobile au détriment des transports en commun, du vélo, des piétons, etc. centres commerciaux en boîtes isolées et décentrées au détriment d’autres formes commerciales plus relationnelles, ...) ». Suivant cette logique, il affirme qu'il ne s’agit pas là de défendre le petit commerce contre les affreux centres commerciaux, mais de voir selon quelles formes de relations avec l’espace urbain les implantations commerciales sont ou non favorables à la meilleure vie urbaine.

Plus largement, il faut permettre le désengorgement des villes. Cela  une simple adaptation décentralisatrice de nos activités. Le développement de réseaux de villes moyennes, le désenclavement des régions rurales et la création de pôles économiques basés sur la micro entreprise sont des pistes à suivre.

Cette démarche implique aussi qu'une volonté politique supplante les inévitables représentations officielles des élus et des technocrates. La crise des villes fait apparaître la nécessité d'une « nouvelle citoyenneté », plus conviviale et plus vivante que son simulacre actuel, dans une société éclatée. Ce désir collectif d'une communauté fraternelle et épanouissante (à mille lieux des dérives communautaires) est largement ressenti. Il implique une responsabilité civique directe et immédiate que seule la démocratie directe à l'échelle locale peut amener.

3105820064.jpg