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22/12/2009

Le socialisme est la voie du salut de la planète - Hugo Chavez


 

Discours prononcé par Hugo Chavez Frias, président de la République bolivarienne du Venezuela, au Sommet des Nations unies sur le changement climatique, à Copenhague, le 16 décembre 2009 ( Source le Comité Valmy)


Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Excellences, chers amis,

Je vous promets de ne pas parler plus longuement que celui qui a parlé le plus ici, cet après-midi.

Permettez-moi un premier commentaire, que j’aurais voulu aborder avec le point précédent, traité par les délégations du Brésil, de Chine, de l’Inde et de la Bolivie. Depuis notre place, nous avons demandé la parole, mais il ne nous a pas été possible de la prendre La représentante de Bolivie a dit –j’en profite pour saluer le camarade président Evo Morales, ici présent (Applaudissements), président de la République de Bolivie-, elle a dit entre autres choses ce qui suit –je l’ai noté sur ce papier : « Le texte présenté n’est pas démocratique, il ne part pas d’une politique d’inclusion ».

A peine suis-je arrivé que nous avons entendu la présidente de la séance précédente, la ministre, dire qu’il y avait un document, mais personne ne le connaît. J’ai réclamé le document, mais il ne nous est pas encore parvenu. Je crois que personne ne sait au juste ce que c’est que ce document, il doit être « top secret ». La camarade bolivienne n’avait donc pas tort de dire : « Il n‘est pas démocratique, il ne part pas d’une politique d’inclusion ».

Mais, Mesdames et Messieurs, ceci n’est-il pas justement à l’image de la réalité du monde ? Vivons-nous dans un monde démocratique ? Le système mondial se base-t-il sur l’inclusion ? Y a-t-il une once de démocratie ou d’inclusion à attendre du système mondial actuel ? Cette planète est régie par une dictature impériale, et depuis cette tribune, nous continuons de le dénoncer. A bas la dictature impériale, et vivent les peuples, la démocratie et l’égalité sur cette planète ! (Applaudissements)

L’exclusion que nous constatons ici en est le reflet. Il existe un groupe de pays qui se croient supérieurs à nous, ceux du Sud, à nous, ceux du tiers monde, à nous, les sous-développés, ou, comme le dit le grand ami Eduardo Galeano : nous, les pays écrasés par l’histoire qui nous est passée dessus comme un train.

Il n’y a donc vraiment pas lieu de s’en étonner : il n’y a pas de démocratie dans ce monde, et nous sommes confrontés ici, une fois de plus, à une preuve évidente de l’existence de la dictature impériale mondiale.

Deux jeunes gens ont fait irruption ici, bien heureusement les forces de l’ordre se sont comportées correctement, il n’y a eu qu’une petite bousculade, et ils se sont montrés coopératifs, si j’ai bien compris…

Mais dehors, vous savez, il y a beaucoup de monde. Bien sûr, ils ne tiennent pas tous dans cette salle. J’ai lu dans la presse que quelques personnes ont été arrêtées, qu’il y a eu des manifestations intenses dans les rues de Copenhague, et je tiens à saluer tous ces gens qui sont dehors, des jeunes pour la plupart (Applaudissements). Ce sont des jeunes qui s’inquiètent, et avec raison, beaucoup plus que nous de l’avenir du monde. La plupart d’entre nous qui sommes dans cette salle ont le soleil dans le dos, alors qu’eux le reçoivent en pleine figure, et ils s’en inquiètent sérieusement.

On pourrait dire, Monsieur le Président, qu’un spectre hante Copenhague, pour paraphraser Karl Marx, le grand Karl Marx. Un spectre hante les rues de Copenhague, et je crois qu’il hante cette salle en silence, il est là, parmi nous, il se glisse dans les couloirs, monte, descend. Ce spectre est un spectre qui épouvante tellement que presque personne n’ose même le nommer. Ce spectre, c’est le capitalisme ! (Applaudissements) Presque personne n’ose le nommer, mais il s’appelle capitalisme, et les peuples grondent dehors, entendez-les !

Je lisais certains des slogans que les jeunes scandaient dans les rues, et je crois en avoir entendu de nouveau quelques-uns quand ces deux jeunes gens ont fait irruption ici. J’en cite un : « Ne changez pas le climat, changez le système. » (Applaudissements). Je le reprends à notre compte : Ne changeons pas le climat, changeons de système, et c’est ainsi que nous pourrons commencer à sauver la planète. Le capitalisme, ce modèle de développement destructeur, est en train d’en finir avec la vie, il menace de détruire définitivement l’espèce humaine.

Un autre slogan donne à réfléchir, parce qu’il est tout à fait d’actualité, avec cette crise bancaire qui a ébranlé le monde et qui continue de le secouer, et la manière dont le Nord riche a volé au secours des banquiers et des grandes banques. Les Etats-Unis à eux seuls… Le montant de la somme qu’ils ont versée pour sauver les banques est astronomique, on s’y perd… Voilà ce qu’on dit dans la rue : « Si le climat avait été une banque, il aurait déjà été sauvé. » Et je crois que c’est vrai (Applaudissements). Si le climat avait été une banque capitaliste, une des plus grandes, il y a belle lurette que les gouvernements riches l’auraient sauvé.

Je crois qu’Obama n’est pas arrivé. Il a reçu le prix Nobel de la Paix pratiquement le même jour où il envoyait 30 000 soldats de plus tuer des innocents en Afghanistan, et le président des Etats-Unis va se présenter ici auréolé du prix Nobel de la Paix. Les Etats-Unis détiennent la planche à billets, la machine à faire des dollars. C’est ainsi qu’ils ont sauvé, ou du moins croient avoir sauvé, les banques et le système capitaliste.

Bien, ceci était un commentaire en marge. Je voulais le faire avant, je levais la main pour pouvoir accompagner le Brésil, l’Inde, la Bolivie, la Chine, soutenir leur position intéressante et dire que le Venezuela et les pays de l’Alliance bolivarienne la partagent totalement, mais la parole ne m’a pas été donnée. Je vous demande seulement de ne pas compter ces minutes, M. le Président, ce n’était qu’une petite mise au point. (Applaudissements)

Figurez-vous que j’ai eu le plaisir de rencontrer ici cet écrivain français, Hervé Kempf. Je vous recommande vivement ce livre, il existe en espagnol -Hervé est par ici-, en français bien sûr et en anglais sûrement : Comment les riches détruisent la planète, d’Hervé Kempf. Voilà pourquoi le Christ a dit : « Il sera plus facile de faire passer un chameau par le chas d’une aiguille que de faire entrer un riche au Royaume des Cieux. » C’est ce qu’a dit le Christ, Notre Seigneur. (Applaudissements)

Les riches détruisent la planète. Ils veulent peut-être aller s’installer dans une autre quand ils auront fini de détruire celle-ci. Peut-être caressent-ils ce projet. Mais pour le moment, on n’en voit pas d’autre à l’horizon de la galaxie.

J’ai feuilleté ce livre dès qu’il m’est parvenu - c’est Ignacio Ramonet, lui aussi présent dans cette salle, qui me l’a offert - et je retiens du prologue ou du préambule cette phrase, significative. Voilà ce qu’écrit Kempf : « Nous ne pourrons pas réduire la consommation de biens matériels à l’échelle mondiale si nous ne faisons pas en sorte que les puissants diminuent la leur de plusieurs crans, et si nous ne combattons pas l’inégalité. Il est nécessaire d’adjoindre au principe écologiste, si utile à l’heure de la prise de conscience –penser globalement et agir localement–, un autre principe qu’impose la situation : consommer moins et distribuer mieux. »[1] C’est là un bon conseil que nous donne l’écrivain français Hervé Kempf.

Monsieur le Président, le changement climatique est sans aucun doute le problème environnemental le plus dévastateur de ce siècle : inondations, sécheresses, tempêtes sévères, ouragans, dégel ; montée du niveau moyen de la mer, acidification des océans, vagues de chaleur… Tous ceci aggrave l’impact des crises mondiales qui s’abattent sur nous.

L’activité humaine actuelle dépasse le seuil du développement durable et met en danger la vie sur la planète. Mais, je tiens à le souligner, nous sommes là aussi profondément inégaux. Les 500 millions de personnes les plus riches, soit 7%, sept pour cent, seven, de la population mondiale, ces 7% sont responsables de 50% des émissions polluantes, alors que la moitié la plus pauvre de la population de la planète – la moitié, 50% – n’émet que 7% des gaz polluants. Voilà pourquoi je m’étonne : il me paraît bizarre de solliciter ici la Chine et les Etats-Unis dans les mêmes termes. Les Etats-Unis comptent peut-être 300 millions d’habitants, et la Chine, cinq fois plus. Les Etats-Unis consomment plus de 20 millions de barils de pétrole par jour, et la Chine arrive à peine à 5 ou 6 millions. On ne peut pas demander la même chose aux Etats-Unis et à la Chine. Voilà un sujet qui mérite discussion. Espérons que les chefs d’Etat et de gouvernement pourront s’asseoir ensemble et discuter ces questions pour de bon, cartes sur table.

En outre, Monsieur le Président, 60% des écosystèmes de la planète sont endommagés, et 20% de l’écorce terrestre est dégradée. Nous avons été les témoins impassibles de la déforestation, de la conversion de terres, de la désertification, des altérations des systèmes d’eau douce, de la surexploitation des ressources marines, de la contamination et de la perte de la diversité biologique. La surexploitation de la terre dépasse de 30% sa capacité de régénération. La planète perd sa capacité d’autorégulation, elle est en train de la perdre. Nous produisons chaque jour bien plus de déchets que nous ne sommes capables d’en traiter. La survie de notre espèce est une question qui hante la conscience de l’humanité.

Malgré l’urgence, deux années de négociations se sont écoulées pour élaborer une seconde série d’engagements sous le Protocole de Kyoto, et nous participons à cette réunion sans être parvenus à un accord réel et significatif.

Soit dit en passant, sur ce texte surgi du néant - c’est ce qu’ont dit certains, dont le représentant chinois - le Venezuela annonce, les pays de l’ALBA, de l’Alliance bolivarienne annoncent que nous n’accepterons pas, qu’on le sache déjà, d’autre texte que celui qui provient des groupes de travail, du Protocole de Kyoto et de la Convention. Ce sont des textes légitimes qui ont donné lieu ces dernières années et ces dernières heures à des débats intenses. Je crois que vous n’avez pas dormi. Vous n’avez ni déjeuné ni dormi, c’est bien cela ? Il ne semble pas logique, dans ces conditions, qu’un texte surgisse du néant, comme vous le dites.

Aujourd’hui, en ce moment même et jusqu’à présent, de toute évidence l’objectif scientifiquement établi de réduire les émissions de gaz polluants et de parvenir à un accord de coopération à long terme semble avoir échoué. Quelle en est la raison ? Il ne fait aucun doute que la raison est l’attitude irresponsable et le manque de volonté politique des nations les plus puissantes de la planète. Que personne ne se sente blessée. Je ne fais que reprendre les propos du grand José Gervasio Artigas quand il affirmait : « Avec la vérité, je n’offense ni ne crains personne » ; mais il s’agit vraiment d’une attitude irresponsable, caractérisée par ses tergiversations, son exclusion, sa manipulation élitiste d’un problème qui nous incombe à tous et que nous ne pourrons résoudre que tous ensemble.

Le conservatisme politique et l’égoïsme des grands consommateurs, des pays les plus riches, révèlent un manque de sensibilité et de solidarité flagrant envers les plus pauvres, les affamés, les plus vulnérables aux maladies et aux désastres naturels.

M. le Président : il est indispensable de parvenir à un nouvel et seul accord applicable à des parties absolument inégales, par l’ampleur de leurs contributions et de leurs capacités économiques, financières et technologiques, et basé sur le strict respect des principes énoncés dans la Convention.

Les pays développés devraient contracter des engagements contraignants, clairs et concrets de réduction de leurs émissions, et assumer des obligations d’assistance financière et technologique aux pays pauvres, pour faire face aux dangers destructeurs du changement climatique. A cet égard, la situation particulière des Etats insulaires et des pays les moins développés devrait être pleinement reconnue.

M. le Président : le changement climatique n’est pas le seul problème qui frappe aujourd’hui l’humanité. D’autres fléaux et d’autres injustices nous guettent. Le fossé qui sépare les pays riches des pays pauvres n’a cessé de se creuser en dépit de tous les Objectifs du millénaire, du Sommet de Monterrey sur le financement, de tous ces sommets, comme le faisait remarquer ici le président du Sénégal, qui dénonçait une grande vérité : les promesses, tant de promesses non tenues, alors que le monde continue sa marche destructrice.

Le revenu total des 500 individus les plus riches du monde est supérieur au revenu des 416 millions de personnes les plus pauvres. Les 2,8 milliards de personnes qui vivent dans la pauvreté, avec moins de deux dollars par jour et qui représentent 40% de la population mondiale –je dis bien 40% de la population de la planète !– se partagent seulement 5% du revenu mondial.

Aujourd’hui, environ 9,2 millions d’enfants meurent avant l’âge de cinq ans, et 99,9% de ces décès ont lieu dans les pays les plus pauvres. La mortalité infantile est de 47% décès pour 1 000 naissances vivantes ; mais elle est de 5 décès seulement dans les pays riches. L’espérance de vie sur la planète est de 67 ans, mais de 79 ans dans les pays riches et de 40 ans seulement dans certains pays pauvres.

En outre, il existe 1,1 milliard d’habitants privés d’accès à l’eau potable ; 2,6 milliards sans services sanitaires et plus de 1,02 milliard de personnes affamées. Tel est le tableau actuel du monde.

Mais, et la cause ? Quelle en est la cause ? Parlons-en un peu, ne nous dégageons pas de nos responsabilités, n’éludons pas la profondeur du problème. La cause, sans l’ombre d’un doute –je reviens sur cette question– de tout cette situation désastreuse, c’est le système métabolique destructeur du capital et son modèle incarné : le capitalisme.

J’ai ici une citation que j’aimerais vous lire, brièvement, de ce grand théologien de la Libération, Leonardo Boff, qui comme chacun sait, est brésilien, c’est-à-dire « notre-américain ».

Voici ce que dit Leonardo Boff sur cette question : « Qu’elle est la cause ? Eh bien, la cause c’est le rêve de vouloir chercher le bonheur à travers l’accumulation matérielle et du progrès sans fin, en recourant à la science et à la technique, avec lesquelles on peut exploiter de manière illimitée toutes les ressources de la Terre ». Et il cite quelque part Charles Darwin et sa théorie de la sélection naturelle, la survie des plus forts ; mais nous savons que les plus forts survivent sur les cendres des plus faibles.

Jean-Jacques Rousseau –il est bon de s’en souvenir– signalait quant à lui : « Entre le faible et le fort, c’est la liberté qui opprime ». C’est pourquoi l’empire parle de liberté : la liberté d’opprimer, d’envahir, d’assassiner, d’anéantir, d’exploiter, voilà sa liberté. Et Rousseau ajoute la phrase libératrice : « Seule la loi libère ».

Certains pays s’amusent à empêcher qu’un document soit adopté à cette rencontre. Pourquoi ? Parce que, précisément, ils ne veulent pas de loi, ils ne veulent pas de norme, car le fait qu’il n’y ait pas de norme leur permet d’exercer leur liberté d’exploiter, leur liberté destructrice.

Faisons un effort et faisons pression, ici et dans les rues, pour qu’ici, de cette rencontre, naisse un engagement, un document qui engage les pays les plus puissants de la Terre ! (Applaudissements).

M. le Président : Leonardo Boff se demande –vous avez connu Leonardo Boff ? J’ignore si Leonardo a pu faire le voyage. J’ai fait sa connaissance au Paraguay ; je l’ai toujours beaucoup lu– : « Une Terre finie peut-elle supporter un projet infini ? ». La thèse du capitalisme du développement infini est un modèle destructeur. C’est un état de fait et nous devons l’accepter.

Et Boff de nous demander : « Que pouvons-nous attendre de Copenhague ? » A peine ce simple aveu : nous ne pouvons plus continuer ainsi, et un objectif simple : nous allons changer de cap ? Faisons-le, mais sans cynisme, sans mensonges, sans doubles agendas, sans documents issus du néant, et avec la vérité comme valeur ultime.

M. le Président, Mesdames et Messieurs, depuis le Venezuela nous demandons jusqu’à quand allons-nous permettre de telles injustices et de telles inégalités ? Jusqu’à quand allons-nous tolérer l’actuel ordre économique international et les mécanismes de marché en vigueur ? Jusqu’à quand allons-nous permettre que de grandes épidémies comme le VIH/sida déciment des populations entières ? Jusqu’à quand allons-nous permettre que les affamés soient privés de la possibilité de se nourrir et de nourrir leurs enfants ? Jusqu’à quand allons-nous permettre que des millions d’enfants continuent de mourir de maladies curables ? Jusqu’à quand allons-nous permettre des conflits armés qui massacrent des millions d’être innocents à seule fin que les puissants puissent s’approprier les ressources d’autres peuples ?

Que cessent les agressions et les guerres ! C’est que nous, les peuples du monde, demandons aux empires, à ceux qui prétendent continuer de dominer le monde et à nous exploiter. Nous ne voulons plus de bases militaires impériales ni de coups d’Etat ! Construisons un ordre économique et social plus juste et équitable. Eradiquons la pauvreté. Stoppons immédiatement les niveaux élevés d’émission de gaz, freinons la dégradation environnementale et évitons la grande catastrophe du changement climatique. Adhérons au noble objectif d’être tous plus libres et solidaires !

M. le Président, il y a près de deux siècles, un Vénézuélien universel, libérateur de nations et précurseur de consciences, légua à la postérité cet apophtegme, chargé de volonté : « Si la nature s’oppose, nous lutterons contre elle et nous la forcerons à nous obéir ». C’était Simon Bolivar, le Libertador.

Depuis le Venezuela bolivarien où, un jour comme aujourd’hui… à propos, il y a exactement dix ans que nous avons vécu la plus grande tragédie climatique de notre histoire, la tragédie dite de Vargas ; depuis ce Venezuela dont la révolution tente de conquérir la justice pour tout son peuple, uniquement possible à travers la voie du socialisme… Le socialisme, cet autre spectre dont parlait Karl Marx, se promène aussi par là-bas ; mais il s’agit plutôt d’un « contre-spectre ». Le socialisme est la voie à suivre, c’est la seule voie qui permettra de sauver la planète, je n’ai pas l’ombre d’un doute là-dessus. Et le capitalisme est le chemin de l’enfer, le chemin qui mènera à la destruction du monde.

Le socialisme, depuis ce même Venezuela qui, pour cette même raison, est en butte aux menaces de l’empire nord-américain, depuis les pays qui forment l’ALBA, l’Alliance bolivarienne, nous lançons notre exhortation. J’aimerais, avec tout le respect que je vous dois et du plus profond de mon âme, au nom de beaucoup sur cette planète, exhorter les gouvernements et les peuples de la Terre, en paraphrasant Simon Bolivar, le Libertador : Si la nature destructrice du capitalisme s’oppose, alors luttons contre elle et forçons-la à nous obéir ; n’attendons pas le bras croisés la mort de l’humanité.

L’histoire nous appelle à l’union et à la lutte. Si le capitalisme s’oppose, nous sommes dans l’obligation de livrer la bataille contre le capitalisme et d’ouvrir les voies du salut de l’espèce humaine. Cette tâche nous incombe à tous, sous les bannières du Christ, de Mahomet, de l’égalité, de l’amour, de la justice, de l’humanisme, du véritable et plus profond humanisme. Si nous ne le faisons pas, la plus merveilleuse création de l’univers, l’être humain, disparaîtra, elle disparaîtra !

Cette planète à des milliards d’années, et elle a vécu pendant des milliards d’années sans nous, l’espèce humaine. Autrement dit, elle n’a pas besoin de nous pour exister. Par contre, nous ne pouvons pas vivre sans la Terre, et nous sommes en train de détruire la Pachamama, comme dit Evo, comme disent nos frères aborigènes d’Amérique du Sud.

Pour conclure, M. le président, écoutons Fidel Castro lorsqu’il a dit : « Une espèce est en voie d’extinction : l’Homme ». Ecoutons Rosa Luxembourg lorsqu’elle a lancé : « Socialisme ou barbarie ». Ecoutons le Christ rédempteur lorsqu’il dit : « Bienvenus les pauvres, car le royaume des cieux leur appartient ».

M. le Président, Mesdames et Messieurs, soyons capables de faire de cette Terre non pas la tombe de l’humanité ; faisons de cette Terre un ciel, un ciel de vie, de paix et de fraternité pour toute l’humanité, pour l’espèce humaine.

M. le président, Mesdames et Messieurs, merci beaucoup et bon appétit (Applaudissements)

18/12/2009

Plus qu'un slogan, un appel à la révolte !

 

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Il pensiero ribelle di Alain De Benoist

Quella che segue è la traduzione integrale per Diorama Letterario di un’intervista pubblicata sul numero di settembre-ottobre 2007 della rivista “Rébellion”.

Rébellion – L’identità è al centro di un notevole saggio che Lei ha pubblicato recentemente [Nous et les autres, Krisis 2006]. Perché questo argomento si è fatto così scottante oggigiorno? Come si può concepire un nuovo modello comunitario che non sia un ritorno all’arcaismo?

 Alain de Benoist – Il vasto movimento della modernità è stato sorretto dall’ideologia dell’Identico, cioè dall’idea, espressa in diverse forme, che le differenze tra gli uomini siano solo contingenti e transitorie. Il risultato è stato la progressiva crescita di un fenomeno di indistinzione che si è tradotto in una forte erosione delle identità, sia individuali che collettive, fenomeno che oggi trova il suo culmine, dato che adesso si sente dire un po’ ovunque che “non ci sono più punti di riferimento”. Le rivendicazioni identitarie che vediamo fiorire attualmente, anch’esse un po’ ovunque, sono un’evidente reazione contro questa cancellazione dei punti di riferimento. Qualunque sia la forma attorno alla quale si ordinano – identità oggettive o soggettive, reali o fantasmatiche –, esse costituiscono uno dei tratti più significativi del nostro tempo (prima si è rivendicata la libertà, poi l’eguaglianza, poi l’identità), e nel contempo confermano una realtà paradossale: si comincia a porsi domande sull’identità solo nel momento in cui questa minaccia di scomparire o è già scomparsa.

Il problema è che tutti parlano d’identità, ma assai pochi si sobbarcano la fatica di dire quale interpretazione danno di questa parola. E da ciò nascono innumerevoli equivoci e confusioni. Nel mio libro Nous et les autres mi sono perciò proposto di riprendere da capo un lavoro di definizione. Prima di tutto ho cercato di mostrare per quali ragioni l’identità fosse una dimensione essenziale, costitutiva del sé, della presenza umana nel mondo. Ma mi sono altresì proposto di mettere sotto accusa talune concezioni ingannevoli, che a volte conducono a una vera e propria patologia dell’identità (questo accade quando l’appartenenza viene confusa con la verità). Per me l’identità non è un’essenza unidimensionale, bensì una sostanza plurale che si trasforma di continuo: non definisce quel che non cambia mai, ma quel che costituisce il nostro particolare modo di cambiare. Non può enunciarsi unicamente da sola, ma reclama per definizione una relazione con l’altro: ogni soggetto ha bisogno di un altro (non di un altro se stesso, ma di un altro che differisce da lui) per costituirsi, ed è per questa caratteristica che tutte le identità sono dialogiche. In fin dei conti, l’identità è una narrazione di sé destinata a strutturare l’immaginario simbolico – questo universo oggi minacciato dal dilagare dei valori mercantili.

Il suo intervento nel dibattito sulla decrescita ha provocato l’isteria di alcuni sostenitori di quest’ultima. Come spiegare il successo di questa idea? È davvero pertinente o si rivela come una nuova ubbia nata dalla corrente altermondialista?

Dato che stiamo trattando di un’idea così rivoluzionaria qual è la decrescita, a mio parere è ancora decisamente troppo presto per parlare di “successo”. Limitiamoci a dire che questa idea oggi sta aprendosi la strada nelle menti, nella misura in cui si espandono le preoccupazioni ecologiche e fa la sua comparsa con maggiore chiarezza l’impostura di qualunque riformismo in questo ambito. La teoria parte dalla semplicissima constatazione che una crescita infinita è impossibile in un mondo finito. Questa semplice constatazione, quando è formulata in maniera imperativa o normativa, contraddice frontalmente un altro grande vettore della modernità, ovvero l’ideologia del progresso. Questa ideologia, di cui Georges Sorel aveva ben colto il carattere essenzialmente “borghese”, pretende che la storia sia orientata verso il meglio, che il domani sarà sempre migliore, che l’accaparramento della Terra possa proseguire indefinitamente, che sia del tutto naturale produrre sempre di più onde consumare sempre di più, eccetera. Affermazioni di questo tipo oggi non sono più credibili. Sappiamo che le riserve naturali, a partire dalle riserve energetiche, non sono inesauribili. Vediamo moltiplicarsi ed intensificarsi le sregolatezze climatiche. Sappiamo anche che il saccheggio del pianeta rischia di raggiungere un livello irreversibile. In tutti i campi ci sono dei limiti. Tener conto di tali limiti porta a capire che a volte è necessario dire “è abbastanza” invece che “ancora di più!”. Resta però molto da fare. Continua a regnare una certa confusione intorno alle modalità di una possibile decrescita – di una “decrescita sostenibile” –, che non può essere confusa con un ritorno indietro o, peggio ancora, con la fine della storia. I sostenitori della decrescita, che non si riducono ai pochi isterici ai quali Lei alludeva nella domanda, devono fronteggiare le critiche congiunte di una sinistra erede del cartesianesimo e dell’illuminismo, che ha costantemente difeso il produttivismo, e di una destra liberale, acquisita da tempo all’assiomatica dell’interesse, che non sogna altro che l’espansione planetaria del sistema del profitto. Mettere in discussione l’idea di crescita indefinita significa mettere in discussione il fondamento stesso, se non la ragion d’essere, delle società “sviluppate” sul modello occidentale. Per questo motivo ci vorrà tempo prima che si insedi stabilmente nelle menti. La “pedagogia delle catastrofi”, da questo punto di vista, non può essere che un coadiuvante. L’opera più urgente va svolta a livello delle idee. Come ha detto innumerevoli volte Serge Latouche,  si tratta di “decolonizzare l’immaginario” abituando i nostri contemporanei a relativizzare l’importanza dell’economia e a non lasciare più che i valori mercantili governino integralmente il sistema dei desideri e dei bisogni.

Lei ha prefato di recente la riedizione del libro di Edouard Berth Les méfaits des intellectuels, mentre la rivista “Éléments” pubblica in questi giorni un dossier sulla storia del socialismo francese. Perché questo interesse per una corrente rivoluzionaria a lungo dimenticata? Le sembra auspicabile un’alternativa socialista, fedele a quei valori, che fosse capace di apportare risposte nuove alle sfide del nostro tempo?

È evidente. In un momento in cui la destra si confonde più che mai con il sistema del denaro, mentre la maggior parte dei partiti “di sinistra” non esitano ormai più a vantare i meriti del mercato, mi è sembrato importante “rivisitare” alcune delle grandi correnti del socialismo francese, cominciando con la più interessante fra di esse, il sindacalismo rivoluzionario, di cui Georges Sorel, Edouard Berth e Hubert Lagardelle furono i teorici e le cui tesi, sostenute da Victor Griffuelhes e da Emile Pouget, trionfarono per qualche tempo all’interno della CGT, all’epoca della famosa “carta di Amiens”. Non per vana nostalgia, beninteso, perché le condizioni di esistenza dei lavoratori sono oggi ben diverse da quelle che erano alla fine del XIX secolo, ma perché vi sono molte lezioni da trarre – a condizione di non cadere nell’interpretazione anacronistica o nell’idealizzazione romantica – dallo studio di quel potente movimento socialista e operaio che, quando lo si guarda da vicino, sfugge alla maggior parte delle divisioni che oggi conosciamo. Ho parlato del sindacalismo rivoluzionario, ma la rilettura di Proudhon, Blanqui, ma si impone altrettanto la lettura di Proudhon, Blanqui, Vallès, Pierre Leroux, Benoît Malon, eccetera. Nel corso degli ultimi anni, nei suoi scritti Lei ha spesso affrontato l’opera di Karl Marx. Come considera, nella sua riflessione, l’apporto del filosofo tedesco? Quale attualità ha a suo avviso l’analisi marxiana? Un’attualità indiscutibile. Anche se bisogna leggerlo senza la devozione de marxisti ortodossi o la malafede degli “antimarxisti” di professione che, senza averlo mai letto, si limitano a presentarlo ridicolmente come il“precursore del Gulag”. Andiamo all’essenziale. Marx non è solamente stato uno dei primi a spiegare in modo convincente come il capitalismo organizza l’espropriazione dei produttori sulla quale si fonda; è stato soprattutto colui che, in maniera davvero geniale, ha capito che il sistema capitalistico era un sistema antropologico – quella che io stesso chiamo la Forma-Capitale – ancor più che un sistema puramente economico. Le pagine insuperabili che ha dedicato al “feticismo delle merci”, a partire dalle quali György Lukács ha potuto formulare nel 1923 il concetto di “reificazione” (Verdinglichung), illustrano perfettamente il modo in cui l’appropriazione della Terra da parte del Capitale introduce una vera “cosificazione” dei rapporti sociali, in cui l’uomo non è soltanto assoggettato alla merce, ma si trasforma lui stesso in merce. Questo dispositivo di mostruosa appropriazione ricorda in qualche misura ciò che Heidegger ha scritto a proposito del Gestell, come sistema di fuga in avanti nell’illimitato.

Indubbiamente Marx commette l’errore di sopravvalutare la sola economia, il che lo porta ad attendersi la salvezza dall’avvento di un’altra forma di organizzazione economica, invece di mettere in discussione la stessa economia intesa come valore (è un punto su cui, attraverso Ricardo, rimane dipendente dalla scuola classica). Così come vuole liberare il lavoro, laddove sarebbe stato necessario prospettare l’ipotesi di liberarsi dal lavoro. Egli sviluppa una filosofia lineare della storia che non è altro che una trasposizione profana dello storicismo cristiano. Sottolinea giustamente la realtà delle lotte di classe (che la destra si è sempre intestardita a non riconoscere), ma ha il torto di farne il solo ed unico motore della storia umana. Ha capito benissimo che la borghesia detentrice del capitale – a cui credito mette la liquidazione del sistema feudale, perché in ciò vede una premessa indispensabile all’avvento di una società senza classi – trova nell’accumulo di quel capitale la fonte del proprio potere, e che le forze produttive si sviluppano nel solco del suo dominio di classe. Ha avuto però il torto di attribuire alla borghesia esclusivamente il carattere di classe detentrice dei mezzi di produzione, senza accorgersi che essa era anche e soprattutto portatrice di nuovi valori.

 Ciò che egli dice delle “contraddizioni” interne del capitalismo può essere criticato alla luce della storia effettivamente avvenuta. Marx crede un po’ ingenuamente che lo sfruttamento di cui il proletariato è vittima sarà sufficiente per far nascere una coscienza di classe che il partito comunista saprà orientare nel senso della rivoluzione (“la borghesia produce i suoi stessi becchini”). Pensa che quello sfruttamento crescerà sempre nello stesso modo, senza rendersi conto che l’aumento dei salari, che trasforma i produttori in consumatori, consentirà anche al capitale di accrescere i suoi profitti (a che serve aumentare incessantemente la produzione se non c’è nessuno per acquistarla?). Allo stesso modo, pensa che il peso crescente del capitale fisso (“costante”) ridurrà inesorabilmente la componente dello sfruttamento diretto dei proletari nel valore della merce, e da ciò deduce la sua teoria del calo tendenziale del tasso di profitto. Orbene: grazie ai progressi tecnici e agli aumenti di produttività, il peso del capitale fisso non ha soffocato il profitto, perché l’accumulazione ha trovato sinora nuovi ambiti in cui dispiegarsi. Il che peraltro non vuol dire che la teoria del calo tendenziale del tasso di profitto sia completamente da abbandonare, perché le imprese oggi tendono a perdere anche su mercati stagnanti, o soggetti a una concorrenza selvaggia, quel che guadagnano graziealla compressione dei salari.

 Lei diceva un istante fa che le condizioni di esistenza dei lavoratori sono oggi assai diverse da quelle che erano alla fine del XIX secolo. Vuole con ciò dire che oggi non esiste più una classe operaia? Né classi sociali?

Ci sono sempre delle classi sociali, e la classe operaia continua a rappresentare in Francia circa sei milioni di persone. (Si noti, in compenso, che negli anni Sessanta c’erano ancora all’Assemblea nazionale un centinaio di ex operai fra i deputati, mentre oggi sono solo tre o quattro). Ma per esistere in quanto classe non basta esistere “in sé”. Bisogna anche esistere “per sé”. A scomparire non sono state le classi sociali, ma la cultura di classe e lo spirito di classe.

Il “genio” del capitalismo moderno è consistito nel frammentare tutte le categorie sociali “pericolose” attraverso nuove divisioni, per lui inoffensive. Viviamo in una società che è nel contempo sempre più frammentata eppure sempre più omogenea nelle aspirazioni e nei valori. Vi è stata un’epoca, non così lontana, in cui ogni ambiente sociale aveva il proprio modo di vedere il mondo, la propria cultura, a volte persino la propria lingua. La vita moderna ha soppresso tutto ciò. Il compromesso fordista si è tradotto in un imborghesimento generalizzato. Tutti vogliono più o meno le stesse cose, soltanto con più o meno mezzi per procurarsele. I figli della classe borghese hanno le stesse occupazioni del tempo libero di quelli della classe operaia. Vedono gli stessi films, ascoltano le stesse canzoni, hanno le stesse distrazioni, vogliono andare in vacanza negli stessi posti, frequentano gli stessi locali e via dicendo. Tutti amano Johnny Halliday, il rap, i programmi dei disk-jockeys, la Star Academy, Harry Potter e le play-stations. Anche qui, l’unica distinzione è causata dai soldi: si ha più o meno denaro da spendere, ma lo si spende nello stesso modo. Esiste sempre meno una cultura caratteristica delle classi popolari, perché l’immaginario simbolico dell’intera società è stato convertito ai valori mercantili. Il modello antropologico liberale (l’uomo non è che un produttore-consumatore il cui comportamento normale consiste nel cercare sempre di massimizzare il proprio interesse pur impegnandosi nel consumare sempre di più) si è imposto nelle menti. La mimesi sociale e la logica del profitto hanno fatto il resto. Nell’era del capitalismo cognitivo e dell’economia “immateriale” dell’onnipotenza dei mercati finanziari e della dittatura degli azionisti, il pianeta si trasforma in un unico mercato, nel quale il capitale dispiega a piacimento le sue strategie.

Anche l’individualizzazione dei comportamenti e la crisi generalizzata delle strutture istituzionali (partiti, sindacati, chiese) svolgono però un loro ruolo. Nessuno ragiona più in funzione di un progetto collettivo che nteressi la società globale. Le infermiere, gli insegnanti, i precari dello spettacolo manifestano per difendere le proprie condizioni di lavoro, ma la loro protesta non si estende mai ai lavoratori in generale. Manifestano esclusivamente per se stessi e smettono di mobilitarsi nel momento stesso in cui le loro rivendicazioni sono state più o meno soddisfatte. Anche i salariati vittime di un licenziamento arbitrario, di una delocalizzazione selvaggia o di un fallimento si mobilitano in maniera puntuale, senza mai manifestare solidarietà con il mondo del lavoro in generale.

Che significato dà esattamente all’espressione “classi popolari”?

Oggigiorno, le classi popolari non si riassumono più nella classe operaia. Esse, che ieri erano principalmente costituite da operai dell’industria, ma anche da contadini poveri (vivevamo ancora in una cultura rurale), oggi comprendono anche impiegati dei servizi, salariati del commercio, piccoli impiegati, personale badante, un proletariato del terziario disperso e privo di tradizioni di lotta, eccetera. Quindi non sono più omogenee. Vi sono forti differenze – addirittura più forti di trent’anni fa – tra coloro che pagano un affitto e quelli che sono riusciti a diventare proprietari di una casetta, tra gli urbani e i rurali (gli ultimi), i salariati del settoreprivato e quelli del settore pubblico, e così via. Ma i punti in comune rimangono più numerosi di quanto non si dica. Le classi particolari si caratterizzano in particolare per le piccole dimensioni del loro status sociale e professionale, per una minore sicurezza economica, eventualmente (ma non sempre) per una tendenza alla precarietà, per una certa lontananza da quello che Bourdieu chiamava il “capitale culturale”, vale a dire le risorse culturali socialmente vantaggiose.

Robert Castel non ha torto nel criticare la rappresentazione della società secondo uno schema dualistico che contrappone sommariamente da un lato un’ampia maggioranza di classi medie e dall’altro l’insieme dei poveri, dei precari e degli esclusi. Le classi popolari si distinguono in realtà sia dalle une che dagli altri. Da questo punto di vista, l’indiscutibile spostamento verso le classi medie indotto dal compromesso fordista è stato sicuramente sopravvalutato. Numerose opere pubblicate fino all’incirca la metà degli anni Novanta si sono impegnate nel descrivere la “medianizzazione” della società francese per effetto del consumo di massa, della diffusione dell’educazione pubblica (di fatto, assai spesso, una semi-acculturazione alla cultura scolastica), del fiorire dei servizi, eccetera. La credenza in questa “medianizzazione” è uno dei fattori chespiegano il modo in cui i partiti di sinistra si sono progressivamente separati dal popolo. Il movimento degli scioperi del 1995, i risultati realizzati dal Front national presso le classi popolari e, soprattutto, lo smacco di Lionel Jospin alle elezioni presidenziali del 2002 hanno condotto gli specialisti ad osservare la questione più da vicino. Il che li ha portati a riscoprire il peso demografico e sociologico di categorie che si erano date un po’ frettolosamente per scomparse.

Un altro errore, ben denunciato da Annie Collovald, consiste nel rappresentare le classi popolari come ambienti votati, adesso che il comunismo è scomparso, a lasciarsi sedurre dalle sirene del “populismo”. In questa ottica, il “populismo” serve da comodo spauracchio per screditare le classi popolari, descritte come particolarmente permeabili alle idee semplicistiche, xenofobe e autoritarie, e per legittimare la frattura esistente tra i grandi partiti “di governo” e il popolo. I sondaggi mostrano che, in realtà, il Front National nel corso degli ultimi vent’anni ha raggiunto un duplice elettorato, nel contempo popolare e piccolo-borghese, e che è stato soprattutto il suo elettorato piccolo-borghese (che alle ultime elezioni presidenziali si è spostato in massa su Nicolas Sarkozy) a trarre lauti profitti dall’“ideologia” semplicistica che generalmente è addebitata al populismo.

Lei ha spesso insistito sulla natura ambivalente del Lavoro. Nel contempo alienazione e fonte di legame sociale, la sua trasformazione ha provocato notevoli sconvolgimenti nella società attuale. Quali dovrebbero essere, secondo Lei, il suo posto e la sua natura in un’attività umana liberata dagli imperativi del profitto? Il mondo del lavoro continua ad essere ancor oggi la prima vittima del Capitale?

Ho spesso criticato l’ideologia del lavoro, perché credo che non vi sia niente di “naturale” – e ancor meno di “morale” – nel fatto intrinseco di lavorare. Hannah Arendt e molti altri autori hanno ricordato che il lavoro era considerato nell’Antichità un’attività inferiore, che aveva a che fare con la sfera della necessità, opposta a quella della libertà. I greci, è vero, collocavano la vita contemplativa su un piano superiore anche a quello della vita activa, ma distinguevano anche il lavoro da ogni sorta di altra attività e occupazione. Nelle culture monoteiste, viceversa, il lavoro assume una connotazione positiva, per ragioni essenzialmente morali: in conseguenza del peccato originale, l’uomo deve “lavorare con il sudore della fronte” e il lavoro è un dovere né più né meno del digiuno o della preghiera. Tuttavia, il lavoro nel senso moderno del termine, cioè fondamentalmente il lavoro salariato, si  imposto in Europa solo progressivamente, e non senza scontrarsi con fortissime resistenze. Non si è mai completamente liberato della propria costitutiva ambiguità. Per un verso, il lavoro rappresenta un’incontestabile alienazione; per un altro è stato percepito anche come una “liberazione”, o addirittura una “redenzione”. Sia la sinistra che la destra hanno del resto partecipato,ciascuna con i toni che le erano propri, all’esaltazione del lavoro. Infine, mi guarderò bene dal dimenticare che il fatto di aver posseduto uno status di lavoratore all’interno del sistema produttivo ha svolto un ruolo essenziale nella formazione dell’identità operaia. A che punto ci troviamo oggi? La condizione salariale ha continuato costantemente a generalizzarsi, a causa in particolare della scomparsa della società rurale, il che fa sì che ciascuno ne subisca ormai le costrizioni. Il lavoro continua ad essere uno degli ultimi punti di riferimento sociali, nel senso che continua ad apportare un’identità (al contrario della condizione del disoccupato, privato di qualunque identità sociale dalla propria condizione). Ma nel contempo il lavoro tende a diventare un genere raro, come testimonia la comparsa, nella maggior parte dei paesi occidentali, di una disoccupazione che non è più soltanto congiunturale ma strutturale, il che consente al capitale di accentuare la pressione al ribasso sui salari. Nel contempo, si può dire che la Forma-Capitale non è mai stata così aggressiva e predatrice quanto lo è oggi. Il capitalismo del “terzo tipo” o “turbo capitalismo”, riallacciandosi all’epoca dei suoi esordi, ma ormai completamente mondializzato – ha infatti smesso di essere subordinato alla potenza delle nazioni –, ha messo in opera un po’ ovunque un programma di compressione dei redditi salariali, di rimessa in discussione (quando non di smantellamento) dei diritti sociali e di precarizzazione dell’impiego. Parallelamente, quello che merita il nome di crollo del sistema scolastico ha posto fine al miraggio dell’“educazione per tutti”, nonché al sogno sconsiderato dell’eguaglianza attraverso la massificazione e il livellamento. Infine, il fenomeno dell’esclusione segna un aggravamento della sorte di coloro che lo subiscono rispetto a quella che un tempo era l’alienazione di tipo classico. Ieri lo sfruttamento della forza-lavoro degli operai non impediva loro di essere integrati nella piramide sociale, magari al livello più basso. L’esclusione, invece, taglia puramente e semplicemente fuori dalla società. Ieri c’erano degli sfruttati, di cui però si aveva ancora bisogno (per sfruttarli, appunto); oggi ci sono degli “inutili”. Questo aggravamento segna un cambiamento di natura, non soltanto un cambiamento di grado. L’avvento della società “a clessidra” consacra la fine della teoria del “riversamento” (Alfred Sauvy), secondo la quale i profitti accumulati al vertice della piramide sociale finiscono un giorno o l’altro per ridiscendere verso la base, migliorando così il livello di vita generale. L’esame dell’evoluzione dei redditi mostra che i poveri sono sempre più poveri, i ricchi sempre più ricchi – e che le diseguaglianze crescono anche tra le nazioni.

Per i liberali, la disoccupazione non è altro che il risultato della pigrizia dei disoccupati (che “preferiscono ricevere sussidi” piuttosto che cercare un lavoro; per dirla più chiaramente: che rifiutano di accettare qualsiasi lavoro a qualunque livello di remunerazione) e di carichi salariali troppo elevati. Orbene: la moderazione salariale è la regola, ma l’impiego non è mai stato puntuale all’incontro. Oggi, la nuova idea dominante è che la “flessibilità” sarebbe il modo migliore per creare posti di lavoro. Questa idea, che non è granché nuova – corrisponde alla virtù di “adattamento” ausiliaria della selezione naturale nella prospettiva social-darwinista –, si diffonde con tanta più facilità in quanto adesso viviamo in un mondo “liquido”, come dice Zygmunt Bauman, cioè in un mondo dominato dai flussi e dai riflussi, e non da organizzazioni tradizionali di tipo burocratico o gerarchizzato. In questo nuovo contesto, i liberali continuano a spiegare la disoccupazione con un livello salariale troppo elevato e con il fatto che i disoccupati sono inutilmente indennizzati, il che li inciterebbe a non fare niente. Ma essi assicurano che, fra i fattori che impediscono la moderazione salariale, occorre ormai privilegiare le variabili istituzionali che rendono conto della “rigidità” del mercato del lavoro. Si suppone che queste variabili spieghino anche le differenze fra i tassi di disoccupazione esistenti da un paese all’altro. L’idea generale è che, per un dato livello di crescita, un paese potrebbe creare molti o pochi posti di lavoro in funzione unicamente del grado di regolamentazione del mercato del lavoro, il che è assurdo. Lo si vede molto bene oggi in Germania, che è uno dei paesi in cui da dieci anni a questa parte i salari sono stati più contenuti e la disoccupazione è più cresciuta. Le vere causedella disoccupazione vanno infatti ricercate innanzitutto sul versante di un’evoluzione generale della società, che consente di produrre sempre più beni e servizi con sempre meno uomini, poi su quello dello sviluppo dell’economia finanziaria a detrimento della produzione reale, infine su quello della crescita dei redditi dacapitale e dell’ineguale distribuzione degli aumenti di produttività.

Se le classi sociali continuano ad esistere e se la Forma-Capitale non è mai stata così aggressiva, perché non ci si rivolta?

Questo è il grande interrogativo. Naturalmente, si può sempre dire che la gente non si rivolta perché in fin dei conti non ha tante ragioni per lamentarsi della propria sorte. È una risposta ottimistica che certamente sentiremo fino a quando ci saranno della benzina nella pompa e dei prodotti negli scaffali dei supermercati. Ma se questo è vero, perché nel contempo si constatano tanti disagi affettivi, tante miserie materiali, tante sofferenze sociali? Perché i gabinetti degli psicologici non si svuotano? Perché c’è questo ricorso massiccio agli antidepressivi? Perché c’è questa visibile dispersione di energia, questa anomia collettiva, questo anonimato di massa, questa dissoluzione del legame sociale? C’è senz’altro un malessere nella civiltà, come diceva Freud.

Cionondimeno, è vero anche che tutti coloro i quali predicevano, ancora vent’anni fa, che una volta oltrepassato un certo livello di disoccupazione si sarebbe inevitabilmente assistito a una rivolta sociale violenta sono stati smentiti dai fatti. La spiegazione tradizionale è che essendo oggi la disoccupazione indennizzata, almeno durante un certo periodo, le condizioni della rivolta vengono per ciò stesso disinnescate. Un’altra spiegazione, più sottile, è che i disoccupati percepiscono se stessi come privi di tutto, compresa la capacità di mobilitarsi all’interno di una società nella quale non riescono ad inserirsi, tanto materialmente quanto psicologicamente. Io penso che le vere cause vadano ricercate più lontano.

Come rendere conto,  ad esempio,  del fatto paradossale che le categorie sociali che avrebbero “oggettivamente” più ragioni per rivoltarsi sono in pratica quelle che si rivoltano meno? Tutta una corrente della sociologia dei movimenti sociali si è confrontata con questo paradosso, prima negli Stati Uniti (F.F. Piven e R.A. Cloward), poi in Europa. I suoi lavori sono interessanti nella misura in cui rimettono in discussione l’idea perfettamente intuitiva, conforme al buonsenso, che postula un legame meccanico causa- effetto fra la presa di coscienza e la rivolta, o fra lo scontento e il rifiuto violento di ciò che lo suscita. Oggi sappiamo che il dominio o lo sfruttamento subito possono tradursi sia nella rassegnazione, nella depressione o nella somatizzazione, sia nella contestazione violenta, soprattutto quando questo dominio è in parte mascherato dall’orpello delle distrazioni quotidiane, e soprattutto dall’incapacità di coloro che ne sono vittime di considerarsi come un gruppo unitario, che ha un medesimo status sociale e interessi comuni. La “coscienza infelice” può così restare nel contempo una “falsa coscienza”, una coscienza alienata, e i suoi effetti possono esercitarsi anche negli strati più profondi dei corpi.

La maggior forza della Forma-Capitale è nell’aver fatto credere alla propria “naturalezza”. Tutte le grandi ideologie hanno cercato di far passare per naturali i propri fondamenti, allo scopo di fornire ad essi uno zoccolo di legittimità. Così l’ideologia liberale ha fatto credere prima che lo scambio mercantile è la forma naturale dello scambio (in contrasto, ad esempio, con il sistema del dono e del contro-dono), poi che la dinamica degli scambi mercantili produce del tutto naturalmente la formazione del capitale come rapporto di produzione e il capitalismo come modo di produzione. In questa prospettiva, l’espropriazione dei produttori e la trasformazione in merci delle condizioni e degli attori del processo di produzione vengono ormai considerate conseguenze inevitabili di una evoluzione “naturale”.

L’alienazione si definisce oggi più che mai come un fenomeno di falsa coscienza. Le persone hanno interiorizzato l’idea che, in fondo, non esiste alcun’altra società possibile. Sentono un profondo disagio nel vivere in questa società, ma ci vivono nell’ottica della fatalità. I più colti hanno in mente tutto ciò che si è cercato di fare in passato e non ha funzionato (o ha portato al peggio). Ne deducono che non c’è niente da fare, se non premere per ottenere qualche miglioramento marginale. Di conseguenza tutti sono diventati riformisti. Nel migliore dei casi, i salariati prendono parte a un vasto borbottio mal definito, un “ne abbiamo abbastanza” che si esprime nel “voto di protesta”, senza andare oltre. A ciò si aggiunga che non siamo più nell’epoca delle esplosioni, ma in quella delle implosioni. Nell’era della società igienista, festiva, asetticizzata, coloro che sono in profondo disaccordo con ciò che li circonda non cercano più di fare la rivoluzione. La loro ribellione si esprime piuttosto nel ritrarsi: si ritirano dal gioco. Nel migliore dei casi, si dicono che la vera vita è altrove e si sforzano di costruirsi un “altrove” a propria misura. Può essere l’avventura oppure il ritiro nel bozzolo.

 Quanto tempo può durare tutto ciò?

Tutto quel che si può dire è che la storia è aperta – il che non significa affatto che tutto sia possibile in qualsiasi momento, ma semplicemente che non esiste uno stadio sociale storico che possa essere considerato definitivo. Oggi viviamo un’“epoca di acque basse”, come diceva Castoriadis. Non sarà sempre così. Ma il problema è che la domanda è condizionata anche dall’offerta, e l’offerta oggi si è singolarmente prosciugata. Il socialismo si è troppo a lungo orientato verso rivendicazioni puramente quantitative, che erano certamente legittime e necessarie, ma che non riassumono tutto ciò a cui l’uomo aspira. Quando il livello di vita dei più ha iniziato a salire, il movimento socialista si è trovato ad essere in parte disarmato. Nell’epoca del compromesso fordista, una parte della classe operaia ha barattato l’integrazione nelle classi medie con la rinuncia ad ogni mira rivoluzionaria. Inoltre, da quando il sistema sovietico è caduto, i partiti di sinistra non sono mai riusciti a superare la loro crisi d’identità. Il partito comunista e il partito socialista, dopo aver assistito alla scomparsa della propria base sociologica, hanno scelto di tagliare definitivamente i legami con il popolo e sono diventati uno (il Pc) un partito socialdemocratico, l’altro (il Ps) un partito social-liberale. Non riuscendo a trovare gli strumenti teorici per superare la disgregazione dei propri modelli di riferimento, la sinistra alla fine è capitolata senza condizioni, convertendosi all’economia di mercato. Anche se va detto che, sociologicamente parlando, si era già ingordamente riconciliata con il denaro! Questa capitolazione ha molto contribuito a diffondere l’idea secondo cui non esiste alternativa al sistema in vigore (il celebre “TINO”: “There is no alternative”. Nel contempo, essa ha completamente distorto le modalità teoriche e pratiche dell’azione politica di sinistra. Non proponendosi più di operare all’avvento di un’altra società possibile, la sinistra può coltivare unicamente l’ambizione di aggiungere un po’ di “coscienza sociale” ad evoluzioni considerate irresistibili. All’ultraliberalismo essa si accontenta dunque di contrapporre un “social- liberalismo” che ambisce a modificare un po’ la messa in opera delle evoluzioni in corso, senza più contestarne le fondamenta. Il riformismo finisce così per trionfare completamente, e con esso l’idea che si può solamente “sistemare” o riformare marginalmente una fuga in avanti che niente può veramente arginare.

Questa deriva ha certamente aperto alla “sinistra della sinistra” uno spazio politico in cui alcuni attori più radicali cercano di insediarsi, senza però offrire altra alternativa se non un gioco al rialzo verbale di tonalità essenzialmente morale. Lo sproloquio di ultrasinistra coniuga una posizione “rivoluzionaria” immatura, una base sociale borghese, un ultraliberalismo in materia di costumi e di gara al rialzo moralistica con specifiche saltuarie mobilitazioni a favore di settori sempre più periferici della società. Non si trova, in questi gruppi, nessun vero programma, nessuna alternativa chiaramente definita, ma – come anche in molti altermondialisti – un discorso privo di contenuto, accoppiato ad una totale ignoranza di quello che è la politica. La maggior parte di essi si limitano a darsi da fare nell’assistenza “umanitaria”. I più “rivoluzionari” si interessano più al sottoproletariato che al popolo, ai marginali e ai “clandestini” che alla classe operaia, nella quale non credono più. Il loro errore è di credere che troveranno una forza rivoluzionaria di ricambio in quelli che Marcuse chiamava i “sinistrati del progresso”, improbabile categoria che oggi comprende soprattutto i lavoratori clandestini, il sottoproletariato, la “feccia” delle periferie e via dicendo. Si tratta di un grave errore strategico, perché il popolo si sente profondamente estraneo a questa categoria, di cui spesso condanna nettamente i modi di agire (il che si comprende facilmente, dato che ne è la prima vittima).

Un errore parallelo è rappresentato dal far consistere l’azione politica di sinistra nella difesa e nella promozione di modi di vita alternativi difesi dai gruppi ultrafemministi, dagli omosessuali, dai sostenitori della depenalizzazione della droga, il che la riduce al militare per un “liberalismo culturale” che, col pretesto di destabilizzare convenzioni e pregiudizi, esalta nella maniera “bo[rghese]-bo[hémienne]” ogni sorta di comportamento marginale, di cui si impegna a fare altrettante nuove norme. Questo modo di fare è l’erede diretto dell’edonismo borghese (che continua a coesistere con il borghesismo vecchio stile, austero e benpensante), se non di un libertinaggio antisociale che, in quanto tale, ha sempre profondamente scioccato la “common decency” popolare.

 

Il trionfo dell’ideologia neoliberale non è dovuto in gran parte all’assenza di un corpus dottrinario abbastanza consistente che gli si opponga? Su quali basi potrebbe affermarsi un pensiero ribelle?

Ovviamente le cause di quel “trionfo” dell’ideologia liberale che Lei richiama sono molteplici. Una di quelle di cui si parla meno è la divisione dei suoi avversari che, prigionieri dell’obsoleta distinzione destra-sinistra, non riescono a (e assai spesso non vogliono) intavolare fra di loro un vero dialogo, per non dire poi delle azioni comuni che essi potrebbero altresì intraprendere. La Forma-Capitale costituisce oggi il centro del sistema esistente: questa centralità implica l’unione delle periferie che la considerano il nemico principale. Il rinnovamento del pensiero critico o “ribelle” è inoltre un’esigenza assoluta – anche se la questione dell’articolazione fra teoria e prassi oggi è diventata più complessa che mai. L’obiettivo è fare di tutto per favorire a tutti i livelli l’autonomia individuale e collettiva nei confronti della logica mercantile, rimediare allo scollegamento sociale, riabilitare l’impegno nella vita pubblica e la legittimità di un grande progetto di civiltà fondato su valori condivisi e sulla chiara consapevolezza di un destino comune. Ma nell’immediato la cosa più importante è sicuramente lottare contro l’idea che non esistano alternativa all’attuale modello di società, far capire alle persone che non stanno vivendo sotto l’orizzonte della fatalità. L’ho già detto: la storia continua ad essere aperta. Il “trionfo” dell’ideologia neoliberale, nella misura stessa in cui segna un apogeo, può anche significare l’inizio della fine. Sono sempre stato convinto che il sistema del denaro sarebbe stato ucciso dal denaro. Naturalmente, questo non è un buon motivo per limitarsi ad aspettare. L’attesa delle catastrofi non costituisce un programma. Lo spirito rivoluzionario consiste nel continuare sempre, costi quel che costi, a fare quel che si pensa debba essere fatto.

Tuttavia, oggi incontestabilmente vi è una certa indifferenza delle classi popolari alla politica, indifferenza incoraggiata da ogni sorta di fenomeni sociali ben noti (consumo, televisione, tempo libero ecc.). Questa indifferenza dimostra o che le classi in questione non si aspettano più niente dalla politica (non ci credono più), o che esse non considerano la propria condizione sociale tanto insopportabile da essere spinte a mobilitarsi. Le due ipotesi, d’altronde, non si escludono vicendevolmente, giacché le classi popolari, come ho già detto, oscillano frequentemente fra l’accettazione e l’interiorizzazione del dominio che subiscono e il voto di protesta che consente loro di manifestare contro di esso in maniera minimale. Comunque stiano le cose, è certo che le classi popolari sono oggi le peggio armate per cogliere la sostanza del gioco politico e prendervi parte, e dunque per conferire ai propri voti una portata conforme alla razionalità che è loro caratteristica. Cercare di rimediare a questo stato di cose, dando a questi ambienti non soltanto i mezzi per pesare sull’azione politica ma anche quelli necessari a dotarsi di un’unità simbolica che consenta loro di considerarsi una forza collettiva reale dovrebbe ovviamente essere l’obiettivo di un vero partito popolare.

16/12/2009

Traité de la Rébellion : pour une Union des Patries Socialistes Européennes contre la mondialisation

Pierre Le Vigan revient sur notre livre , "Rébellion ! l’Alternative Socialiste Révolutionnaire Européenne",  pour le journal Flash.


"Le socialisme a été, au XIXe siècle, une réaction contre les brutalités sociales de l’industrialisation dans une société dominée socialement par la bourgeoisie et idéologiquement par les libéraux. Mais le socialisme a toujours ambitionné d’être autre chose. Notamment de s’inspirer d’une autre vision de l’homme. Un homme non pas seulement ni même principalement régi par ses intérêts mais à la recherche de la satisfaction d’exigences fondamentales comme du lien social et de la coopération. En d’autres termes, tout socialisme repose sur une anthropologie distincte de celle des libéraux. Il repose sur une anthropologie non individualiste. En conséquence il ne peut y avoir de social-libéralisme : il faut choisir, et les socio-libéraux, par exemple le Parti actuellement dit socialiste ont choisi. Ils ont choisi le libéralisme. En identifiant le socialisme à la liberté, au sens de l’autonomie de chacun, Jacques Généreux dit très justement : « ce sont les liens qui libèrent. » (Le socialisme néo-moderne ou l’avenir de la liberté, Seuil, 2009). Tout est dit : à savoir que la vraie liberté c’est d’assurer autour de l’homme l’existence et la vitalité d’un réseau de solidarités.

Sur cette base d’une vision « solidariste » de la société, qui exclut les schémas de pure rivalité et d’addition d’égoïsmes, les socialistes notamment français ont proposé bien des projets dés le XIXe s. En écartant les utopies les plus précoces et souvent les plus idéalistes, les plus intéressants des projets ont toujours été ceux qui prenaient appui sur l’expérience ouvrière elle-même pour proposer des restaurations de la maitrise du travail de chacun, ou encore des autogestions, ou encore des autonomies ouvrières. A coté de cela, la part faite à l’Etat dans les projets socialistes a toujours été variable, sachant que l’Etat fait partie du politique mais n’est pas tout le politique.

Deux visions de l’Etat peuvent être dégagées. Dans l’une, le socialisme, c’est la République poussée jusqu’au bout; c’est la vision de Jaurès, une vision réformatrice. Dans une seconde vision, l’Etat dont le socialisme a besoin est un Etat ouvrier, sans doute transitoire, mais en rupture avec la démocratie « bourgeoise ». Georges Sorel, Jean Allemane vers 1890 sont proches de cette vision.

Dans ces courants socialistes, l’un des plus oubliés en France depuis les années 1920 est le conseillisme que l’on peut apparenter à l’anarcho-syndicalisme ou au socialisme révolutionnaire libertaire. Pourquoi ? Parce que le PCF a éclipsé les courants non marxistes-léninistes. C’est pourtant bien cette veine conseilliste qu’entend réactiver le groupe Rébellion qui, après s’être fait connaître par une revue, vient de publier un livre éponyme. De quoi s’agit-il ? il s’agit de faire revivre le projet d’émancipation des classes laborieuses qui est celui du socialisme, en s’appuyant sur les travaux et expériences des communistes non étatistes : Proudhon et Marx, apportant chacun des outils de compréhension du réel, les hommes et femmes de la Commune de Paris, Bakounine, les communistes libertaires et nationaux allemands Henrich Laufenberg et Fritz Wolffheim, mort dans un camp de concentration en 1942, Paul Mattick, Ernst Niekisch, James Connolly, dirigeant de l’insurrection irlandaise de Pâques 1916, et dont le fils fondera le Parti communiste irlandais, Georg Orwell, engagé en Espagne avec le POUM, organisation de gauche socialiste anti stalinienne et par ailleurs absolument pas trotskyste, etc.

Le groupe Rébellion est conseilliste et mutuelliste, mais son originalité est tout d’abord le refus de faire l’impasse sur le politique : la révolution doit commencer « en bas » mais doit aboutir « en haut ». Ensuite le refus du mondialisme. Alors que l’alter-mondialisme aménage la mondialisation, Rébellion propose la révolution socialiste dans l’aire de civilisation européenne comme réponse concrète et comme mythe mobilisateur à nos peuples. Ainsi pourra t-il être mis fin au pseudo-« libre échange » des hommes et des marchandises, c'est-à-dire à la « chosification » de l’homme. Ainsi l’immigration de masse pourra-t-elle être enrayée. Ainsi le déracinement pourra t-il faire place aux liens sociaux de proximité et aux identités reconquises. Ainsi la nation pourra-t-elle être à nouveau aimée comme Patrie socialiste dans une Union des Républiques Socialistes Européennes. Un beau programme, moins irréaliste qu’il n‘y parait, car l’illusion serait de croire qu’on peut rester libre dans le monde de l’hyper-capitalisme mondialisé".

 

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15/12/2009

Entretien avec Costanzo Preve

 


Sur le sentier étroit et abrupt de l’authentique engagement révolutionnaire

Traduction de l’italien par Yves Branca

 

Rébellion : Tu rejettes la pertinence de la dichotomie gauche/droite. Tu as été, semble-t-il, vilipendé pour cela en Italie. Peux-tu expliquer ta pensée à ce sujet ainsi que la genèse de celle-ci ? Comment faire pour traduire politiquement la critique de cette dichotomie ?

 

Costanzo Preve : Les attaques dont j’ai été l’objet en Italie (et par là-même, la rupture ou l’affaiblissement d’amitiés vieilles de plusieurs dizaines d’années) n’ont pas pu modifier le moins du monde mon programme de travail et de recherches, qui s’étend sur cent quatre vingt degrés ; je ne peux donc admettre le chantage de ceux qui veulent imposer de se borner à l’angle droit. Quand on cherche des voies nouvelles, on a toujours un prix à payer, et je considère que celui que je paie est minime. Comme enseignant à la retraite, je n’ai pas eu à payer économiquement (expulsions politiques, licenciements, refus d’embauche, etc.). Encore une preuve du principe marxiste selon lequel la liberté spirituelle n’est possible que sur la base d’une liberté matérielle qui la précède : dans mon cas, la fonction publique.

Ces attaques ont eu trois raison essentielles: d’abord, mon refus argumenté de la pertinence actuelle de la dichotomie droite/gauche, comme critère pour s’orienter dans les grandes questions politiques, économiques, géopolitiques, et culturelles présentes. Deuxièmement, j’ai accordé des entretiens et collaboré à des revues et des périodiques réputés de «droite » par préjugé, parmi lesquelles les revues françaises d’Alain de Benoist. J’en profite en passant pour dire que je ne considère pas les revues d’Alain de Benoist comme de « droite », que je les considère plutôt comme des revues qui critiquent l’actuelle évolution « mercatiste » de la droite. Si je devais les définir en un mot, je dirais : « revues critiques ouvertes à cent quatre vingt degrés ». Troisièmement, j’ai publié certains livres sans n’avoir fait aucune distinction entre des éditeurs réputés de « gauche »

( Bollati Boringhieri, Citta’ del Sole : La Cité du Soleil)) et des éditeurs réputés de « droite » : ( Settimo Sigillo : Le Septième Sceau, All’ insegna del Veltro : Le signe du Lévrier (1)). Vous savez bien comme il est difficile d’être publié si l’on est hors des circuits universitaires ou politiques « protégés ». Je n’ai jamais et seulement exigé que deux choses : qu’on ne me demande pas d’argent pour me publier, et aucune censure explicite ni implicite. Il me semblait que j’avais, pour ainsi dire, « joué franc jeu ».

Il n’en a pas été ainsi. Non sans un peu de naïveté, je pensais que, de même qu’un juge s’exprime par ses sentences, et un médecin par ses observations cliniques et ses diagnostics, de même fait un philosophe , par ses positions, absolument indépendantes de la couleur de la couverture du livre où elles sont exprimées. Mais évidemment, ce n’est pas comme cela que les choses se passent. Dans le monde manipulé de la paranoïa politique et identitaire de l’appartenance tribale, les positions philosophiques ne comptent pour rien, ce qui compte, c’est la couleur de la couverture. Et ce problème-là est sans solution, parce que c’est le problème lui-même qui prétend être la solution, et nous sommes dans un cercle vicieux. Je suis certainement un penseur original, mais aussi très modeste. Je suis certain que si des penseurs comme Sartre ou Althusser avaient publié chez des éditeurs considérés comme «  impurs », ils auraient été eux-mêmes passés sous silence.

 

Et voici, en bref, ce que je pense: la dichotomie Droite/Gauche a globalement exprimé un ensemble de vraies contradictions politiques et sociales, grosso modo, pendant deux siècles : de 1789 à 1989 ; mais cette dichotomie tend à disparaître, en entrant dans une nouvelle phase du capitalisme, que Hegel aurait définie comme « spéculative », et non plus dialectique, où la structure des classes antagonistes subsiste encore, mais ne peut plus être connotée par le conflit entre une bourgeoisie et un prolétariat dans le vieux sens du terme ; et par conséquent , si nous nous trouvons vraiment dans une phase inédite d’un capitalisme absolument post-bourgeois et post-prolétarien, et donc aussi post-fasciste et post-communiste, dans lequel s’est rompue la vieille alliance entre intellectuels et salariés(V. Boltanski-Chiapello (2) ), il est alors inévitable que toutes les anciennes catégories politiques et culturelles dichotomiques soient à redéfinir et à réécrire. Mais c’est cela qui est empêché, présentement, par la force d’inertie, qui ralentit tout, des formes institutionnelles des trois structures de domination : la classe politique d’administration du système, dépourvue de toute conscience malheureuse (3) ; le cirque médiatique de manipulation spectaculaire ; la cléricature intellectuelle universitaire de la philosophie et des sciences sociales. Ce ralentissement ne durera pas toujours, mais il peut durer encore pendant tout le cours de la vie terrestre de qui est entré dans le troisième âge, et peut-être bien même du deuxième âge. La genèse de ma pensée doit être reconstituée par d’autres, parce que tout point de vue autobiographique sur soi-même, par définition, n’est pas digne de créance. Mais si je dois répondre à tout prix, je dirai qu’il faut en trouver la genèse dans un processus d’autocritique radicale, interne, du point de vue révolutionnaire marxiste d’extrême gauche auquel j’ai adhéré dans ma jeunesse, dans les trois pays où j’ai vécu et dont je connais bien la langue et la situation politique: l’Italie, la France, et la Grèce. Cette autocritique politique radicale m’a pris plusieurs dizaines d’années ; elle s’est évidemment assortie d’inévitables désillusions existentielles, et de ruptures, quelquefois tragiques, quelquefois comiques, toujours tragi-comiques, avec d’anciennes appartenances et solidarités politiques et culturelles. Mais ici, mon expérience personnelle rejoint celle de ceux de ma génération politique, celle des quarante années qui vont de 1960 à 2000.


Comment faire pour traduire politiquement la critique de cette dichotomie ? Il est bien connu que la principale difficulté pratique et quotidienne consiste à être amalgamés et diffamés comme « fascistes infiltrés » dans le corps sacré de la vraie gauche politiquement correcte. Ces gens de gauche ne sont certainement pas les ennemis principaux, évidemment, mais ils sont les adversaires directs, immédiats, qui de fait empêchent la communication politique et la légitimation culturelle publique de cette position. A court terme, sur la base d’une évaluation réaliste et sans gémissements inutiles, nécessairement impuissants, j’estime que, malheureusement, les conditions politiques et culturelles ne sont pas mûres encore pour que cet obstacle soit surmonté. Je voudrais, évidemment, qu’il en fût autrement. Mais pour le moment, c’est comme cela. Je me rends compte parfaitement que l’ on s’use assez vite, lorsqu’on doit concentrer quatre-vingt quinze pour cent de ses propres efforts pour expliquer qu’ on ne fait pas partie des émules de Barbe-bleue, de Landru, du Marquis de Sade, ou de Jack l’éventreur.

De même que la pensée des Lumières fut la condition préalable et indispensable à la formation consécutive d’organisations politiques, je considère qu’il est aujourd’hui nécessaire qu’apparaisse un équivalent nouveau des anciennes Lumières, qui puisse donner jour à une nouvelle configuration symbolique et philosophique, qui fasse évanouir peu à peu non seulement la dichotomie Droite/Gauche, mais encore tout le cirque des dichotomies qui l’accompagnent : (Athéisme/religion ; Progressisme/ Conservatisme, Bourgeoisie/Prolétariat – dans le vieux sens du terme, Fascisme/ Antifascisme, Communisme/Anticommunisme, etc.). Aujourd’hui, ces dichotomies ne sont pas seulement erronées, elles se sont incorporées à des structures matérielles de pouvoir et de légitimation. Or, la force d’inertie de ces structures parasitaires est énorme.

Et cependant, ce n’est pas une raison pour se retirer dans la vie privée, ou se contenter d’une simple attitude de témoignage culturel, d’ ailleurs nécessaire. Mais le « militant » de cette position doit savoir, hélas, que l’obstacle symbolique de la diffamation sera dévastateur ; et s’il n’en allait pas ainsi, cela voudrait dire que sa propre proposition est inoffensive, et insignifiante. C’est justement parce qu’elle n’est ni insignifiante ni inoffensive, mais explosive en puissance et éruptive, qu’il faut s’attendre à ce que le « vieux monde » symbolique s’accroche et lutte avec bec et ongles avant de disparaître.

 

R : Que veut dire être «  marxiste » de nos jours ? Que signifie ta position de «  communisme critique » ?

 

C.P : Se déclarer « communiste critique » est une tautologie, parce qu’il est impossible de ne pas être tout ensemble communiste, et critique. Comme l’a fait remarquer Emmanuel Renault avec justesse, la pensée de Marx se base sur l’idée de critique comme fondement essentiel, d’où il suit que sa prétention propre à la véracité dérive de là-même – mais ceci, Renault ne l’affirme sans doute pas.

C’est du reste ce que Kant appelle un jugement analytique, où le prédicat est contenu dans le sujet. Le communiste est critique comme le corps est étendu.

Alors - pourra-t-on dire - comment expliquer que l’immense majorité des communistes réels (et non l’idée platonicienne du communiste, ou son idéal-type weberien) n’ont pas été critiques, mais acritiques, c’est-à-dire, dogmatiques? Marx lui-même l’a expliqué. Lorsqu’une théorie originairement critique est idéologiquement incorporée à des stratégies de légitimation du pouvoir, vient s’y greffer la fausse-conscience qui est par nécessité celle des agents historiques, et qui est « organisée » en structures administratives de pouvoir. Il s’agit d’un phénomène dialectique, que la seule lecture de la Phénoménologie de l’Esprit de Hegel permet de conceptualiser.

L’idée de critique se retourne dialectiquement en idéologie de légitimation, sitôt que la nécessaire fausse-conscience des agents historiques s’en empare, si la situation historique objective ne permet pas une élaboration communautaire plus appropriée aux possibilités historiques.

En ce qui me concerne, plutôt qu’un « marxiste critique », je suis un marxiste qui essaie, presque toujours vainement, d’être critique. J’y réussis quelquefois, mais pas toujours.

Quant à ce que peut signifier être marxiste aujourd’hui, il faudrait le demander aux quelques marxistes encore en activité. Je ne peux répondre que pour moi-même, en utilisant nécessairement ce petit mot, «  je », que l’écrivain italien Carlo Emilio Gadda (4) a défini autrefois comme « le plus odieux des pronoms ». Par manque de place, je suis obligé d’être extrêmement synthétique.

En premier lieu, je serais souvent tenté de suivre mon défunt ami Jean-Marie Vincent, qui a indiqué que la première chose à faire pour celui qui veut se relier à Marx, c’est de « se débarrasser du marxis-me ». Mais le contexte symbolique où je me trouve m’oblige malgré que j’en aie à revendiquer fièrement mon marxisme, comme le signe provocateur de mon refus de me confondre avec la pittoresque bande des « soixante-huitards repentis ». Il ne s’agit pas tant du vieil et glorieux mot d’ordre d’ « épater le bourgeois » ; et c’est aussi parce que dans l’entre-temps, le bourgeois est devenu impossible à repérer, et a entièrement «  libéralisé » ses puissances d’indignation. Si nous nous déclarons marxistes en face d’un post-bourgeois d’aujourd’hui, il va nous répondre, comme le marquis de Sade : « Français, encore un effort ! ».

En second lieu, le modèle de Marx demeure le seul à unir une philosophie universaliste de l’émancipation à une théorie des modes de production, et du mode de production capitaliste en particulier. Chez Althusser, j’accepte la critique de l’historicisme et de l’économisme, mais certainement pas celle de l’humanisme. Je considère celui de Marx comme un humanisme révolutionnaire intégral. Je ne crois pas aux sciences de l’histoire. A mes yeux, les seules sciences proprement dites sont les sciences naturelles. Quitte à faire scandale, je tiens Marx pour la troisième et dernière grande figure de la philosophie classique allemande, après Fichte et Hegel (quant à Schelling, pour être bref, je le considère comme un panthéiste romantique et un spinoziste kantien(5)). Je ne crois pas du tout que Marx soit « matérialiste », à moins d’user de ce terme dans un sens métaphorique, comme une triple métaphore représentant l’athéisme, la « praxis », et surtout la structure si on l’oppose à la superstructure. Je tiens véritablement Marx pour un penseur traditionaliste, parce qu’il se relie à la tradition communautaire de la philosophie européenne, qui s’oppose à la nouveauté de l’individualisme moderne atomisé (Hobbes, Locke, Hume, Adam Smith, et quant à Smith, je partage son approche par Michéa). Je considère Denis Collin comme l’un des penseurs marxistes français les plus intéressants, parce qu’il a eu le courage de critiquer les aspects utopiques de la pensée de Marx, sympathiques mais erronés, devant lesquels, en général, les « marxistes » se prosternent avec vénération.

Pour faire bref, si l’on veut être des critiques vrais, et non pas feints et domestiqués, il faut que la critique adopte ce que Descartes appelait le doute hyperbolique. Se contenter du vieil et ennuyeux doute méthodique n’est digne que d’appariteurs de la philosophie. En un mot, voici ma définition du marxiste critique: c’est celui qui, fidèle à l’anticapitalisme radical de Marx, porte sa critique jusqu’au niveau du doute hyperbolique, sans se laisser épouvanter par la force d’inertie des positions erronées solidifiées en plus d’un siècle (et erronées surtout par historicisme et/ou par utopisme). Tout le reste doit être laissé au libre débat. Lequel, cependant, n’est en fait pas même commencé, nonobstant quelques pionniers courageux (l’un d’eux me vient à l’esprit : Georges Labica, mon ami disparu.)

 

R : Quels sont les grands axes de ta critique du capitalisme ? Est-ce que la crise actuelle du capitalisme rend légitime un projet communiste de dépassement de celui-ci ?

 

C.P : Deux remarques préliminaires, avant d’aborder la partie essentielle de ta question.

Premièrement, je ne pense pas qu’il existe quelque chose qui s’appelle un « projet communiste pour dépasser le capitalisme ». Sur ce point, je reste fidèle à la manière dont Marx posait le problème: il ne croyait pas à l’élaboration d’un projet communiste, qu’il tenait pour la formulation d’une utopie. En admettant qu’il soit possible (comme d’ ailleurs je le crois), et que nous puissions nous accorder aussi sur les seuls linéaments généraux de son profil historique, économique, politique, et culturel (et tout cela reste évidemment encore à vérifier), le communisme, à mon avis, n’est pas un projet, mais plutôt un ensemble de conditions économiques, sociales, et surtout culturelles préalables, qui d’ailleurs ne me paraissent pas encore mûres du tout, pour le moment, et sur la base desquelles les agents sociaux concrets peuvent alors éventuellement tenter de greffer des pratiques visant à dépasser la synthèse sociale capitaliste. J’espère que tu apprécieras ma démarche prudente pour définir les choses. Le défaut des groupes communistes d’extrême gauche est justement selon moi celui de se présenter devant des militants et des électeurs avec une sorte de « projet », qu’il s’agirait évidemment d’appliquer. Mais le communisme n’est jamais un projet à appliquer. Si c’est un projet, alors, cela ressemble comme deux gouttes d’eau au défunt communisme historique du XX° siècle mort depuis peu ( 1917-1991), qui était exactement un projet d’ ingénierie sociale, ensemble despotique et égalitaire, sous coupole géodésique protégée ( cette expression est de Jameson (6)). Il s’agit là d’une conception positiviste, qui trouve sa source non pas chez Karl Marx, mais chez Auguste Comte. Rien là de très grave, évidemment, pourvu qu’on en soit pleinement conscient. Partant, plutôt que de recommencer à se promettre un impossible projet (et déjà, Spinoza disait de se garder de concevoir Dieu comme un sujet qui projette la construction du monde naturel et moral), mieux vaut essayer de construire les conditions culturelles et sociales au sein desquelles, libres de toute omnipotence « projective », les sujets individuels et sociaux puissent développer leurs « potentialités » (ici encore dans le sens spinozien de « puissance » : en France, vous avez le bonheur d’avoir d’excellents commentateurs de Spinoza, comme mon ami André Tosel (7)).

En second lieu, je crois que c’est une erreur que de relier trop hâtivement les possibilités d’une révolution anticapitaliste à la montée d’une crise structurelle du capitalisme lui-même (comme il me semble que le soit celle qui est en cours, qui a éclaté il y a à peu près un an). Ses deux grands précédents historiques ne sont pas rassurants.

La grande crise du capitalisme qu’on appelle la « grande dépression » des années 1873 à 1896 a donné lieu à la période la plus contre-révolutionnaire de l’histoire contemporaine (colonialisme, racisme, impérialisme, antisémitisme, etc.). Si nous passons à la grande crise de 1929: elle a donné lieu à une période de contre-révolution : fascisme et guerre. Le communisme historiquement constitué en Europe après 1945 (non seulement dans les pays de l’Est, mais aussi en Italie et en France) n’a pas été un résultat de la crise économique, mais exclusivement des victoires militaires de l’U.R.S.S. Par conséquent, sans avoir la place ici d’approfondir ce sujet, j’affirme que je trouve imprudent de fonder d’excessifs espoirs anticapitalistes sur l’existence d’une telle crise, pour grave et structurelle qu’elle soit.

L’axe principal de ma critique à l’égard du capitalisme se base sans aucun doute aussi sur le scandale moral de l’inégalité croissante et sur le scandale culturel des manipulations médiatiques et de la dégradation anthropologique des sujets de l’individualisme absolu, mais je dois reconnaître que ce ne sont pas là pour moi les deux éléments philosophiques fondamentaux. L’aliénation et le fétichisme de la marchandise sont affreux, mais on a toujours pu jusqu’ici, d’une certaine façon, coexister avec eux. Le problème fondamental pour moi consiste dans cette dynamique de développement sans limites de la production capitaliste, et en ceci, que l’infini-illimité (en grec ancien apeiron, comme dans le fragment d’Anaximandre (8)), est le facteur principal de désagrégation et de dissolution de toute quelconque forme de vie communautaire. Et d’ailleurs, j’interprète la dynamique même de la philosophie grecque classique comme un combat entre l’élément communautaire et l’élément privé ; plus spécifiquement : dans tout le cours de la lutte entre les classes subalternes qui aspirent à sauvegarder la cohésion sociale et économique de la communauté, et les classes supérieures qui visent à dissoudre les liens communautaires, en se libérant de liens de dépendance économique de la communauté, ouvrant ainsi les portes à l’accumulation chrématistique (9), dont Aristote avait déjà formulé une critique radicale, qui n’a rien à envier à celle que fit Marx dans d’autres circonstances ( voir, à ce sujet, les développements jamais dépassés de Karl Polanyi (10)).

Si j’insiste beaucoup sur cette référence aux anciens grecs, ce n’est pas pour faire étalage d’archaïsme ou d’érudition, mais parce que mon interprétation de Marx en est directement influencée. La principale erreur qu’on fait généralement sur le communisme, c’est celle de le considérer comme une sorte d’« affaire privée » des contradictions spécifiques au seul mode de production capitaliste, alors qu’il s’agit au contraire de la forme spécifiquement moderne (moderne = capitaliste) d’ un courant de l’histoire universelle beaucoup plus profond, et de longue durée : celui de la toujours résurgente opposition entre la tendance communautaire, agrégative, solidariste des hommes, et leur tendance individualiste, dissolutive, privative (11).

Au moins, ceci est ma conception personnelle et spécifique du communisme. D’où il dérive pour moi, que, paradoxalement (mais c’est un paradoxe dont j’ai bien conscience, et Jean-Jacques Rousseau disait qu’entre paradoxe et préjugé, il faut choisir le paradoxe) Marx a été non seulement un philosophe idéaliste allemand classique, mais encore un grand penseur traditionnel classique, parce que tout simplement il a redéfini et reformulé la tradition communautaire et anti-individualiste (fondée par Aristote dès les temps antiques, renouvelée et présentée d’ une nouvelle manière par Hegel à l‘époque moderne), dans une opposition radicale à la nouveauté individualiste du capitalisme anglais robinsonien (12), destructrice de tout fondement communautaire de la société ; fondement que John Locke exprima métaphoriquement par le terme de « substance » (le mot vient de sub stare :être dessous, tenir bon), précisément pour en proclamer l’inexistence, en tant que, selon sa conception de la société privée de toute «substance » ( qui représente la communauté), elle était redéfinie en termes de réseau de relations mercantiles individuelles. David Hume compléta l’ouvrage en concevant une auto-fondation intégrale économique de la société sur l’habitude de l’échange marchand, éliminant toute référence philosophique (le droit naturel) et politique

(le contrat social). Jean-Claude Michéa a entièrement raison de dire que la contradiction propre à la « gauche » consiste à nier les conséquences du modèle de Smith, tout en recevant ses présupposés philosophiques et anthropologiques (13).

Je pourrais m’étendre sur ce propos ; je dois m’arrêter par manque de place. Mais j’estime qu’il est déjà clair que j’apporte une image radicalement nouvelle de Marx, et des raisons fondamentales qui légitiment une critique du capitalisme après l’échec du communisme historique du XX°siècle tel qu’il fut réellement; et après la découverte des apories du modèle original utopico-scientifique de Marx – cet oxymoron n’est évidemment pas le fruit d’une distraction, il est absolument voulu, et intentionnel.


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Suite de l’entretien dans Rébellion n°37 juillet>Août 2009

Le numéro est disponible à notre adresse postale contre 4 euros :

Rébellion c/o RSE

BP 62124

31020 TOULOUSE Cedex 02 France

rebellion_larevue@yahoo.fr

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NOTES

1>Le nom de ces maisons d’édition est significatif : La Cité du Soleil est une allusion à l’ouvrage le plus célèbre de Tommaso Campanella, et le « Lévrier » est une allusion à la « prophétie du lévrier » du Virgile de Dante, au Chant premier de l’Enfer de la Divine Comédie. Virgile annonce à Dante qu’un lévrier fabuleux (que les uns ont interprété comme le Christ à son retour glorieux, d’autres comme un grand Empereur ou un saint pape) renverra en enfer la louve hideuse et effrayante, symbole de l’avidité et de la cupidité qui dévastait la malheureuse Italie, et dont l’apparition l’épouvante au début de son voyage mystique. .

2> V. Luc Boltanski et Eve Chiapello : « Le nouvel esprit du capitalisme », Gallimard, coll. Essais.

3> Ce terme, d’ ailleurs très heureux, est un des signes de l’attachement de l’auteur à la pensée de Hegel.

4>Carlo Emilio Gadda (1893-1973) est un de plus grands romanciers et essayistes italiens du XX° siècle : (La mécanique, La connaissance de la douleur, Le château d’ Udine, Eros et Priape, etc.)

5> Raccourci qui exprime bien le déchirement de Schelling entre l’influence de Kant et de Fichte (le moi, l’ego transcendantal) et celle de Giordano Bruno et de Spinoza (la Nature), dans la formation de sa pensée.

6>Fredric Jameson (né le 14 avril 1934) est un critique littéraire américain et un théoricien politique marxiste. Il est particulièrement connu pour son analyse des courants culturels contemporains ; il décrit le postmodernisme comme une spatialisation de la culture sous la pression du capitalisme.

7>André Tosel, professeur à l’ Université de Nice, a travaillé sur Spinoza, Hegel, Marx et des philosophes marxistes. Ses travaux portent sur la rationalité moderne, ainsi que sur les philosophies de la mondialisation. V : « Spinoza ou l’autre (in)finitude », L’ Harmattan, 2009. (Par ailleurs, C. Preve a bien écrit dans cette phrase   « spinozien » (spinoziano), et non pas « spinoziste » (spinozista).

8>Voir à ce sujet l’étude de Costanzo Preve « La sagesse des Grecs », dans la dernière livraison de la revue Nouvelle Ecole sur « LES GRECS » :

9> Chrématistique : proprement : science de la richesse : du grec chrèmatistikos : celui qui fait des affaires et

s’enrichit ; de chrêmata, richesses, biens, dérivé de chraomaï : « j’emploie » et « je possède ».

10> Karl Polanyi (1886-1964) est un philosophe hongrois auquel on n’a commencé à s’intéresser en France que lorsque son œuvre maîtresse de 1944, La grande transformation, fut enfin traduite en français quarante ans plus tard. C’est une étude socio-historique de l'économie des puissances en équilibre à la veille et au cours de la seconde guerre mondiale, fondée sur l'histoire du capitalisme, depuis le XVIII° siècle jusqu’ à la Seconde Guerre mondiale. La pensée de Polanyi est trop profonde et originale pour être résumée en quelques lignes. V en particulier, de Jérôme Maucourant, Polanyi, une biographie intellectuelle dans la Revue du M.A.U.S.S. (2007), dont plusieurs livraisons ont traité de Polanyi depuis 1987. Polanyi écrivait en 1927 : "Une idée abstraite de la démocratie, qui ignorait avec hauteur la réalité de la structure de classe, de la religion, de la guerre, de la violence, méritait ce sort : que les réalités ne la prennent pas en compte".
Polanyi, Lathatar (L'Horizon), 1927.

11>Entende « privatif », au sens propre et juridique de « qui exclut entièrement autrui, qui accorde quelque chose à un seul individu ».

12>Allusion à Robinson Crusoé pris comme symbole de la solitude de l’homme moderne individualiste.

13>V. Jean-Claude Michéa : Impasse Adam Smith, coll. Champs, Flammarion, 2006.