09/08/2015
HP Lovecraft, rêveries contre le monde moderne.
Article paru dans le numéro 65 de la revue Rébellion
« Ce qui est, à mon sens, pure miséricorde en ce monde, c’est l’incapacité de l’esprit humain à mettre en corrélation ce qu’il renferme. Nous vivons sur une île de placide ignorance, au sein des noirs océans de l’infini, et nous n’avons pas été destinés à de longs voyages. Les sciences, dont chacune tend dans une direction particulière, ne nous ont pas fait trop de mal jusqu’à présent ; mais un jour viendra où la synthèse de ces connaissances dissociées nous ouvrira des perspectives terrifiantes sur la réalité et la place effroyable que nous y occupons : alors cette révélation nous rendra fous, à moins que nous ne fuyions dans cette clarté funeste pour nous réfugier dans la paix et la sécurité d’un nouvel âge des ténèbres. »
Cette citation quasi prophétique tirée de « L’Appel de Cthulhu » est un avertissement. Un avertissement d’actualité à un moment de l’Histoire où l’humanité fait face à une fuite en avant techniciste qui tend à repousser ses propres limites : recherches sur le génome humain, clonage, organismes génétiquement modifiés ou doctrines transhumantes (théorie de la confusion des genres) sont autant de menaces qui contrairement au « panthéon occulte » créé par l’auteur, sont belles et bien réelles.
Panthéon occulte
Ce « Panthéon occulte » est l’un des piliers majeurs, si ce n’est le pilier majeur de l’oeuvre de Lovecraft. Reflet d’une civilisation a priori archaïque demeurant au-delà du temps, Il est une boîte de Pandore qui une fois ouverte engendrera des conséquences le plus souvent funestes. Nyarlathotep, Yog-Sothoth, Azathoth, Dagon et Cthulhu, autant d’entités, de Dieux vénérés par des cultes remontant à des temps immémoriaux ayant su demeurer dans le secret. Une constante des oeuvres de l’auteur est la rupture de ce secret, le héros principal et/ou les protagonistes de l’histoire vont entrevoir ou être témoins d’évènements bizarres, à la limite du surnaturel qui vont bien entendu éveiller leur curiosité. Et c’est bel et bien cette faculté qui va causer la perte du héros principal, voire de l’humanité toute entière : « Il y a des horreurs, aux frontières de la vie, que nous ne soupçonnons pas, et de temps à autre, la funeste curiosité d’un homme les met à portée de nous nuit ». La curiosité va donc être l’un des facteurs déterminant de l’histoire car elle va faire basculer un destin dans l’horreur comme pour Françis Weyland Thurston, héros principal de « L’Appel du Cthulhu » et anthropologue, qui va reprendre l’enquête effectuée par son grand-oncle décédé, après avoir découvert un bas-relief représentant une créature hideuse accompagnée de hiéroglyphes inconnus.
Lovecraft est célèbre pour avoir su créer un univers qui lui est propre : les créatures et les Dieux mentionnés plus haut sont les exemples les plus représentatifs. Mais citons également des lieux importants, comme la répugnante Innsmouth, une ville qui cache un terrible secret ou bien encore Arkham et son université la Miskatonic University. On retrouve également, et ce dans l’oeuvre globale de l’auteur, un corpus de livres maudits. « Le Cultes des Goules », « Pnakotiques », « L’Unaussprechtlichen Kulten » ou le fameux « Necronomicon », des livres avec une histoire qui est propre à chacun d’entre eux, et parfois des détails fournis quant à leurs auteurs. Si bien que nombre de débats eurent lieu quant à l’existence de ces livres ! C’est notamment le cas pour le « Necronomicon », un livre emblématique de ce que certains nomment le « mythe de Cthulhu » et qui est très souvent mentionné dans les nouvelles de Lovecraft mais également au-delà (on le retrouve par exemple dans le film « Evil Dead »). Les nouvelles de Lovecraft obéissent donc à un schéma bien particulier qui demeure le plus souvent inchangé, le tout ancré dans un véritable paradigme qui plonge le lecteur dans cet univers qui a rendu son auteur célèbre. Le fond comme la forme sont indissociables et unis dans l’horreur grâce d’une part à l’univers développé ainsi qu’au cheminement de l’histoire, véritable descente en enfer qui se solde presque toujours par la folie ou la mort…
Une humanité dépassée
L’image de Lovecraft est en général celle d’un homme replié sur lui-même. Certes c’est un auteur tourmenté mais néanmoins, quand on s’y penche d’un peu plus près, on se rend compte que l’homme en question est bien plus ouvert au monde qu’il n’y paraît. On sait maintenant que Lovecraft était intéressé par les sciences et notamment l’astronomie. Cet aspect de sa personnalité est présent à travers toute son oeuvre, cependant il est bien plus que ça. En effet, son oeuvre reflète la réalité d’une époque, à savoir un dualisme d’une part entre la Science, qui monte en puissance grâce à de nombreuses avancées (découverte du quantum d’énergie par Max Planck en 1900, théorie de la relativité d’Albert Einstein en 1905, ou encore la découverte de galaxie en dehors de la nôtre par Edwin Hubble en 1924), et de l’autre un pôle conservateur à forte influence religieuse.
Dans ses histoires, il n’est pas rare que les protagonistes adoptent une démarche scientifique pour élucider les mystères auxquels ils ont confrontés même si elle ne permet pas toujours de comprendre le pourquoi du comment (comme dans « Les couleurs tombées du ciel). Au-delà des considérations sociétales de ce dualisme, la Science a un autre impact dans l’oeuvre de H.P Lovecraft, non pas en tant que sujet direct mais plutôt comme le point de départ d’une idée capitale dans l’esprit de l’auteur : l’Homme, au des avancées techniques et scientifiques, notamment dans le domaine de l’astronomie et l’univers, n’est rien. Ainsi H.P Lovecraft balaye d’un revers de main l’ethnocentrisme absolutiste hérité en grande partie de la philosophie des Lumières, non pas pour imposer un dieu connu des hommes (excepté quelques initiés) ou un dieu bienfaiteur, mais ce « panthéon occulte » qui paraît être une menace pour l’Humanité.
Nous autres humains que sommes-nous face à des créatures, des dieux qui existent par-delà l’abîme du temps ? Malgré les progrès techniques et scientifiques il semblerait, à en croire Lovecraft, que la réponse est : « rien ». Ce pessimisme quant à notre avenir, l’auteur le doit peut-être à l’influence d’un des pontes de la Révolution Conservatrice Allemande, à savoir Oswald Spengler.
Comme en témoigne une correspondance avec Clark Ashton Smith datant de 1927 : « C’est ma conviction et se l’était déjà bien avant que Spengler appose le sceau de la preuve académique sur ce point, que notre ère mécanique et industrielle est une ère tout à fait décadente ». La décadence selon Lovecraft s’applique également à l’individu via le prisme de la dégénérescence raciale et ethnique. L’auteur est en effet connu pour son racisme et son antisémitisme et il est indéniable que cet aspect suinte littéralement à travers son oeuvre : « Tous les prisonniers avaient démontré leur appartenance à une espèce bâtarde, vile, et mentalement aberrante. Ils étaient pour la plupart marin, une aspersion de nègres et de mulâtres en provenance des Caraïbes ou du Cap-Vert qui offrait une teinte vaudou au culte. Cependant, avant que bien des questions ne soient posées, il devient apparent qu’il y avait quelque chose de plus profond et plus vieux que du fétichisme nègre. Aussi avilie et ignorantes qu’elles étaient, ces créatures s’accrochaient avec une ténacité surprenante à l’idée centrale de leur foi répugnante » (L’Appel de Cthulhu »). De nos jours, une telle description même dans un contexte purement fictif, vaudrait à l’auteur une visite à la 17ème chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris ! Ce dégoût du métissage va plus loin par moment en allant de pair avec un atavisme surnaturel et effrayant comme dans « Le cauchemar d’Innsmouth » ou « La peur qui rôde ».
Enfin, l’un des aspects les plus intéressants de Lovecraft réside dans un affrontement global entre le monde civilisé moderne adepte des méthodes scientifiques et rationalistes, et un ennemi faussement archaïque. Point d’armes avancées tels des pistolets lasers pour annihiler l’espèce humaine (ce qui d’emblée ne caractérise pas l’oeuvre de l’auteur dans le domaine de la science-fiction), l’existence même de ces créatures, le fait qu’elles n’ont rien de connu pour l’Homme ainsi que leur déconcertante puissance (magique ? scientifique ?) sont suffisantes pour avoir le dessus sur une humanité dépassée…
L’horreur qui sommeille au-delà
Au vu des diverses caractéristiques fondamentales de l’oeuvre de Lovecraft, on peut se poser la question de savoir si ce dernier n’est, en fin de compte, qu’un réactionnaire typique de son temps. Le rejet des principes de la philosophie des Lumières, son aversion du métissage et sa position ambigüe envers la modernité laisseraient à penser que oui. Cependant, il faut prendre en compte le pessimisme, la misanthropie et la vie de l’auteur, déclassé social dans une Amérique en pleine mutation. Son rapport à la science reste l’une des clefs de compréhension de son oeuvre, une véritable relation amour/haine, une tension capitale qui fait office de clef de voûte. Quel regard aurait-il au sein de l’Amérique d’aujourd’hui, QG de la finance hors sol et société fracturée entre le pire du libéral libertaire (cf. Miley Cyrus) et la bigoterie fanatique de certains ? Tout comme dieu fut tué par l’homme, selon le célèbre philosophe au marteau, H.P Lovecraft souhaiterait peut-être que l’horreur qui sommeille au-delà du temps au fin fond de R’lyeh l’engloutie, sorte de son état de dormition pour mettre un terme à cet âge de ténèbres bien trop humain…
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27/05/2015
Réflexions sur la Commune de Paris : Les Héros du peuple sont immortels !
Devenue un mythe pour le mouvement ouvrier, la Commune de Paris a fait l’objet d’une multitude d’attaques et de récupérations. Aujourd’hui avec l’oubli progressif des enseignements de l’Histoire, son souvenir est menacé de disparaître derrière les vitrines poussiéreuses de musées ou d’être dénaturé par ses fossoyeurs. Il nous paraît important de revenir sur cet événement fondateur de notre courant de pensée, de réfléchir à ce qu’il fut réellement et d’en tirer de vigoureuses leçons pour notre combat actuel. La Commune fut une révolution mue par le patriotisme, porteuse d’une conception du socialisme hostile à la centralisation étatique et animée par l’amour de la justice et de la liberté. Elle n’a pas jailli ex-nihilo le 18 mars 1871.C’est le fruit d’une longue maturation, de la conjonction d’un crise sociale profonde, d’une catastrophe et de l’engagement d’hommes et de femmes portés par une foi inébranlable dans la Révolution.
Le Paris populaire se lève
La crise sociale est le fruit de cette colère populaire devant une bourgeoisie qui s’enrichissait seule, soutenue par le Second Empire puis par Thiers. Et face à cette classe arrogante de plus en plus riche, nous avons une population ouvrière dont la condition ne cesse de se dégrader. De 1852 à 1870, l’indice moyen des salaires parisiens a augmenté de 30 % alors que le coût de la vie a progressé de 42 %. La catastrophe, c’est la défaite de Sedan devant les Prussiens, le 2 septembre 1870. Le régime de Napoléon III s ‘effondre lamentablement à la suite d’une guerre mal préparée. Deux jours plus tard le peuple parisien chasse les derniers fonctionnaires de l’Empire. Mais les politiciens beaux parleurs s’empressent de reprendre les choses en main. Comme en 1789 et en 1848, le pouvoir est confisqué par la bourgeoisie. Dès lors, elle ne pense qu’à capituler, car, les hommes du nouveau gouvernement « haïssent moins les Prussiens que les ouvriers ». La peur les gagne quand ils voient que les éléments les plus résolus du Peuple – ouvriers et artisans ainsi que les petits commerçants des faubourgs parisiens- veulent poursuivre la guerre et libérer le pays de l’envahisseur. Regroupés au sein de la Garde Nationale, ils réclament des armes pour résister. Jules Ferry, membre du gouvernement, dira avec mépris : « on ne met pas des armes dans les mains de tant de mauvais sujets ». Dans la capitale, on ne compte plus les associations de quartiers, patriotiques et révolutionnaires, qui s’organisent pour faire face à la menace prussienne. Les milieux ouvriers des grandes villes travaillés par les activistes révolutionnaires (principalement blanquistes) sont les plus ardents pour refuser un armistice qui mutilerait le pays et pour réclamer, comme en 1792, une levée en masse afin de défendre la patrie en danger. Après que le siège fût mis devant Paris, ils mèneront un combat héroïque de cinq mois. Malgré la famine et le froid de l’hiver, les Parisiens tiennent bon. Mais pendant ce temps, le gouvernement négociera en sous main avec Bismarck et refusera de venir à l’aide de la capitale. C’est l’immonde Thiers, l’homme des grands patrons et des banques, qui se voit confier la direction des négociations. Thiers c’est encore ce politicien sans scrupule, élu par républicains et conservateurs réunis, celui qui en 1850, voulut supprimer le suffrage universel en faisant retirer le droit de vote à trois millions d’indigents qu’il traitait de « vile multitude ». Son but est clair : « Faire la paix et soumettre Paris ». La capitulation est signée le 28 janvier 1871. Les souffrances et les pénuries accumulées, la perte de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine et le versement d’une indemnité de guerre de cinq milliards de francs, rendent la défaite odieuse et inacceptable à beaucoup. Le patriotisme révolutionnaire de la Commune se nourrira d’un terrible symbole : l’entrée des troupes allemandes victorieuses dans Paris sous la protection apparente des troupes restées fidèles au gouvernement. L’élection douteuse d’une assemblée acquise à cette politique défaitiste donne les pleins pouvoirs à Thiers pour rétablir l’ordre. Sa première mesure est de supprimer la Garde Nationale et de tenter de la désarmer. En même temps, il réclame le paiement immédiat des loyers, suspendu durant le siège et des dettes des artisans et petits commerçants. Face à cette provocation intolérable, le Peuple s’unit. Les événements s’enchaînent dès lors rapidement. Dans la nuit du 18 Mars, l’armée régulière tente de s’emparer des canons de la Garde Nationale sur la Butte Montmartre. Mais l’opération échoue dans la confusion, en particulier grâce aux femmes des quartiers populaires, des travailleuses parisiennes accourues pour bloquer la confiscation des canons. Les soldats fraternisent avec la foule et rejoignent les gardes nationaux. Le gouvernement, Thiers en tête, détalle dès l’annonce de la nouvelle et se réfugie à Versailles sous la protection de l’Armée. Le Peuple s’insurge et proclame la Commune, le pouvoir aux travailleurs.
Le Pouvoir au Peuple !
Durant 72 jours, le peuple de Paris va entreprendre une expérience sans précédent dans l’Histoire. Un témoin, Arthur Arnoul, rapporte ainsi cet élan libérateur : « A l’Hôtel de Ville, il y a des hommes dont personne ne connaissait les noms, parce que ces hommes n’avaient qu’un nom : Le Peuple. La tradition était rompue. Quelque chose d’inattendu venait de se produire dans le monde. Pas un membre des classes gouvernantes n’était là. Une révolution éclatait qui n’était représentée ni par un avocat, ni par un député, ni par un journaliste, ni par un général. À la place, un mineur du Creusot, un ouvrier relieur, un cuisinier, etc. Un pareil fait se produisant à Paris révélait, je le répète, une situation sans précédent dans le livre de l’Histoire, on avait tourné un page, on entamait un nouveau chapitre ». Pour sa part, Jules Vallès dans le Cri du peuple, le journal qu’il dirige et qui sera le plus populaire durant toute la révolte, s’exclame : « La commune est proclamée dans une journée de fête révolutionnaire et patriotique, pacifique et joyeuse, d'ivresse et de solennité, de grandeur et d'allégresse, digne de celles qui ont vu les hommes de 93 et qui console de vingt ans d'empire, de six mois de défaites et de trahisons. Le Peuple de Paris, debout en armes, a proclamé la Commune, qui lui a épargné la honte de la capitulation, l'outrage de la victoire prussienne et qui le rendra libre comme elle l'eut rendu vainqueur ».Face à la République bourgeoise et versaillaise, la Commune oppose une République Sociale et fédérative. Pour elle, il faut d’abord garantir la justice sociale et l’équilibre entre le pouvoir central et les libertés locales. Un des clubs révolutionnaires, dans une déclaration solennelle, traduit cette volonté : « Il est temps d'en finir avec le vieux monde pourri et corrompu qui vit à nos dépens. Il faut que le travail soit maître ! vainquons et proclamons universellement que celui qui ne produit pas ne doit pas consommer et notre œuvre splendide et grandiose sera reçue comme la délivrance ". Comment décrire la diversité idéologique et sociale des communards ? On peut discerner plusieurs tendances. On retrouve ainsi dans les rangs des insurgés des républicains sincères, encore animés par le souvenir de la « grande révolution » de 1789. Anticlérical viscéral et conscient des questions sociales, leur engagement était porté par l’idéalisme. Plus structurés étaient les blanquistes, activistes révolutionnaires éprouvés, leurs expériences des coups de force n’étaient plus à prouver. Mais l’absence de Blanqui et de leurs principaux chefs, arrêtés par les versaillais, les avaient désorganisés au début de l’insurrection. Ils s’investiront, sous la direction de Rigault et d’Eudes, dans l’organisation de la défense de la ville et seront partisans d’un Comité de salut public devant prendre en main la direction des opérations. L’Association Internationale des Travailleurs (la Première Internationale regroupant les socialistes européens fondés en 1864) avait, elle aussi, souffert de la répression impériale. Les hommes de l'Internationale restent dans l'expectative. En son sein Marx et les marxistes se trouvaient encore en minorité face aux socialistes français inspirés par Proudhon et aux anarchistes regroupés autour de Bakounine. L’attitude méprisante de Karl Marx envers les ouvriers parisiens a vraisemblablement pour origine la vive querelle qu’il entretint avec les représentants français de l’AIT. Durant la guerre, il les abreuva d'insultes et se réjouit de la victoire du militarisme allemand, espérant par là même que l’axe de la révolution s’incline du côté du mouvement ouvrier allemand. L’écrasement de la Commune ne semble pas l’avoir ému outre mesure, bien que par la suite il se solidarisa effectivement avec l’émigration des proscrits parisiens à Londres. Son attitude changera seulement quand il verra l’importance que l’événement avait pris dans l’imaginaire collectif des travailleurs de toute l’Europe. Dans la Guerre Civile en France, il tirera les leçons de cette expérience fondatrice. Parmi les figures les plus marquantes de l’AIT, Eugène Varlin fut célèbre parmi les ouvriers pour sa bonté et sa générosité. Il était aussi reconnu pour son intelligence et sa scrupuleuse honnêteté. Il sera en première ligne jusqu ’aux derniers jours de l’insurrection. À ses côtés, Louise Michel, une institutrice de 41 ans, libertaire convaincue et alors proche des blanquistes, qui fera preuve d’un courage admirable sur les barricades. L’insurrection sut aussi gagner à sa cause quelques aventuriers et soldats perdus comme Louis Rossel, officier patriote qui refusa la capitulation et rejoint le « dernier lambeau de Patrie » que représentait la Commune. Pendant les sept semaines de sa résistance à la marche impitoyable des troupes versaillaises, la Commune fut un creuset d’aspirations généreuses qui se traduisit par toute une série de mesures sociales. Si certaines restèrent au niveau de la proclamation, elles donnèrent sa signification véritable à son combat : Constitution d’une véritable armée populaire autour de la Garde Nationale, abolition de la peine de mort, séparation de l’Eglise et de l’Etat, Justice et enseignement gratuits, réquisition des logements bourgeois vides et remise aux associations de travailleurs des usines, suppression de l’usure, lois améliorant les conditions de travail …
La semaine sanglante
Creuset révolutionnaire, la Commune va succomber sous les coups de ses adversaires et mais surtout à cause de son manque d’organisation. Dès les premiers jours de l’insurrection, l’absence d’une véritable direction se fait sentir. Les hésitations des débuts vont bientôt obliger les communards à se cantonner à la défensive. L’isolement va aussi être fatal à la Commune. Bien que les villes de Marseille, Lyon, Toulouse, Narbonne, le Creusot et Limoges s’insurgent de leur côté, l’intervention rapide de l’Armée impose le calme dans les villes de province. Dans les campagnes, la propagande réactionnaire fait naître la peur des « partageux », des « bandits rouges ». La Commune ne réussit pas à faire l’unité de la nation autour d’elle et à vaincre le conservatisme de la Province rurale. Le Général Galliffet va diriger la répression avec une implacable sévérité. Le 21 mai, après un bombardement en règle, les versaillais entrent dans Paris. Face à 130000 soldats professionnels, la Commune aligne entre 3 et 5 000 combattants gardes nationaux. Le peuple va faire preuve d’un courage fantastique, jusqu’aux femmes et aux enfants qui vont participer aux combats des barricades. Chaque barricade devient en effet un barrage à la marche de l’Armée, devant cette résistance acharnée les versaillais massacrent sans pitié les prisonniers. Les principales figures de la Commune se retrouvent en première ligne et c’est dans le plus complet désordre que les derniers combats sont livrés. Dans cette folie des erreurs ont pu être commises (l’incendie de monuments ou l’exécution d’otages), mais elles allaient être dépassées en horreur par la répression versaillaise. Les quartiers populaires de la Bastille, de Belleville ou du Temple seront le théâtre de la lutte désespérée d’une poignée de résistants. Retranchés dans le cimetière des Père-Lachaise, les derniers communards seront capturés et fusillés. Au final, on estime à 30 000 le nombre de fusillés, femmes et enfants compris. Pendant plusieurs jours, la Seine est rouge de sang et les jardins publics sont transformés en charnier. Les prisonniers qui ont échappé a l’exécution sommaire, manquent souvent d’être lynchés dans les beaux quartiers. La bourgeoisie versaillaise courageusement accourue, insulte et frappe, parfois à mort, les captifs. Mais la répression ne s’arrête pas là. L’Armée et la Police traquent sans pitié les fugitifs dont beaucoup prendront le chemin de l’exil. Près de 40000 personnes sont arrêtées. Les procès s’enchaînent devant les tribunaux militaires, 270 exécutions et 7500 déportations en Nouvelle-Calédonie s’ensuivent.Mais la bourgeoisie ne sera pas parvenue à briser l’espérance. L’espoir que la Commune a fait naître, sera transmis. Des enseignements seront tirés de cette défaite et les travailleurs partiront de nouveau à l’assaut. À notre tour, nous pouvons prendre exemple sur ces héros du peuple pour mener notre combat pour la libération de l’Europe et la justice sociale.
[article dans Rébellion 19 - Juillet/ Août 2006]
À lire :
O.P Lissagaray - Histoire de la Commune – La Découverte/Maspero. Karl Marx – La Guerre Civile en France – Poche. Louise Michel - Histoire et souvenirs de la Commune – Stock. Revue Itinéraire - Eugène Varlin – Plusieurs portraits de Communard. Le journal officiel de la Commune de Paris ; Jules Vallès : l'Enfant, le Bachelier, l'Insurgé, les Blouses, Romans disponibles en Folio/poche.Le Cri du Peuple : Roman de Vautrin et album BD de Tardi.
08:05 Publié dans Réflexion - Théorie | Lien permanent | Tags : commune de paris, rébellion | Facebook | | Imprimer
18/05/2015
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09/04/2015
David L'Epée parle de Georges Sorel sur Radio Courtoisie
Dans le Libre Journal des Traditions du 19 mars 2015 sur Radio Courtoisie, Christian Brosio recevait David L'Epée pour parler de Georges Sorel et du syndicalisme révolutionnaire à l'occasion de la parution du n°68 de la revue Rébellion.
17:59 Publié dans Actualités, Nos vidéos | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : david l'epée, christian brosio, rébellion, radio courtoisie | Facebook | | Imprimer
12/02/2015
Rébellion : Unité de la théorie et de l'action
« Pas d'action révolutionnaire sans théorie révolutionnaire, pas de théorie révolutionnaire sans action révolutionnaire » pourrait être le sous-titre de Rébellion. Le lien entre théorie et action est central dans la démarche de notre revue. C'est l'affirmation que les idées s'incarnent dans l'action et peuvent transformer le cours de l'Histoire. C'est aussi mettre en avant l'engagement comme source de la force d'un idéal.
Le cours des événements nous oblige à rappeler que nous devons dépasser la simple « dissidence » ( qui peut très bien être compatible avec le système) et engendrer une authentique résistance. L'opposition au monde actuel doit être totale, elle doit passer par une remise en cause individuelle et collective. Une refonte de nos manières de voir et d'agir.
Dans ce cadre précis, Rébellion mène son combat de manière intelligente, efficace et positive. Nous insistons beaucoup sur l'aspect créatif car nous avons trop vu comment certains « radicaux » pouvaient sombrer dans des dérives négatives et nihilistes. Nous croyons à la vertu de l'exemple pour entraîner les autres. Pour cela notre code de l'honneur nous impose d'être juste et fort. C'est-à-dire de respecter nos camarades, d'être honnête et humble, de nous former intellectuellement et de répondre à l'appel de l'action quand les événements l'exigent.
Une fois les mirages électoralistes et les petites manipulations politicardes ( comme l'illusion de l'entrisme) évacués, nous nous retrouvons face à nos responsabilités. Nous ne pouvons compter que sur nos propres forces pour cela. Si nous ne faisons pas les sacrifices nécessaires, nous ne pouvons pas attendre d'autres qu'ils le fassent. Nous serons jugés sur nos réalisations concrètes !
L'ensemble de la rédaction tient à remercier l'ensemble des abonnés et donateurs. Par votre aide précieuse, vous nous aidez à poursuivre notre combat.
08:12 Publié dans La revue Rébellion | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : osre, rébellion, louis alexandre, socialisme révolutionnaire européen | Facebook | | Imprimer