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23/08/2010

La bienséance de circonstance : Halte à la sous-traitance !

Article paru dans le numéro 41, Mars/Avril 2010, de Rébellion

 

Il y a des termes que l'on n'entend pas tous les jours mais qui ne sont pas inconnus à nos oreilles pour autant : « sous-traitance » et « prestataires de services » par exemple. Le principe de la sous traitance c'est la logique d'une entreprise qui, dans l'optique d'une optimisation des profits, délègue tout ou une partie de son activité à des sous-traitants, généralement regroupés et reconnus pour être rattachés à la plus détestable des conventions collectives... celle des « prestataires des services ». Tous les domaines d'activité sont touchés, mais plus particulièrement la relation clientèle, le démarchage téléphonique, la vente à distance, les filières de jeux, le nettoyage et la sécurité.

 

Une part croissante d'entreprises privées (mais aussi du public ou associées comme la Poste) et des Groupes d'Intéret Economique y ont recours. Ce recours n'est pas toujours bénéfique à la qualité ni rentable à moyen ou long terme, mais elles y voient une opportunité pour réduire, en apparence, les coûts à court terme. Elles se délestent partiellement de ce qui ressemble à un fardeau dans le cadre de notre société actuelle : le personnel.

 

Kafka au bout du fil...

Pour commencer, nous évoquerons le cas emblématique de SFR, deuxième opérateur ( par le nombre de ses abonnés) de téléphonie mobile en France métropolitaine. En 2007, ils ont pris la décision de se débarasser de leur Service-client ( c'est-à-dire la gestion des litiges et des réclamations des abonnés) . Entreprise sur le déclin ? Non, car cette filiale du groupe Vivendi, venait d'engranger des bénéfices-records. Service-client dont la qualité était médiocre ? Non, car ils s'étaient, une nouvelle fois, classés comme les meilleurs du secteur. Pourquoi donc, alors ? Quand on gagne beaucoup, on se dit qu'on peut gagner encore plus et que des salariés qualifiés bien considérés, niveau salaire et avantage, ça coûte trop. On pourrait donc les remplacer par d'autres bien moins payés et à la charge d'une autre structure. L'économie devant permettre de dégager de bonnes marges pour financer le rachat de concurrents ou des campagnes publicitaires agressives. D'où le choix de ne garder qu'un centre de relation-clientéle fracilien et de déléguer notamment les centre de Toulouse et de Lyon à Infomobiler. Cette société bidon est détenue à 100% par Teleperformance, numéro un mondial dans le secteur à la réputation sociale plus que sinistre.

 

SOUS.jpgDès le départ, cette entreprise a pris soin de pousser dehors les anciens salariés qualifiés de SFR par un Plan de Départ Volontaire ( sic!) mis en place dès que Nicolas Sarkozy fut élu. Débarrasée de ces cadres et de ces employés à la solide expériences mais au régime salarial jugé trop couteux , elle mit en application un système de travail extrêmement flexible. Poussant la logique d'économie jusqu'au bout, les nouveaux dirigeants mirent en place une politique de dégraissage au lance-flamme. Un mouvement social très dur fut lancé par le personnel avec une grève particulièrement longue. Elle fut suivie d'une hémorragie des anciens employés et de leur remplacement par une valse d'intérimaires et d'embauches souvent au rabais de personnes sans aucune formation dans le domaine. Très vite, le taux d'abstentéisme atteignit parfois le score de Chirac aux présidentielles de 2002. La motivation à zéro de l'équipe et l'absence de toute perpective de progression firent la mauvaise réputation de l'entreprise.

 

De meilleur service clients, SFR est en moins d'un an passé à « pire service clients » dans toutes les enquêtes auprès des consommateurs. L'affaire du SMS de menace à Rachida Dati, envoyé par un proche d'un salarié du sous-traitant n'a pas redoré le blason du groupe. L'épisode des malaises en série courant 2009 sur un des centres d'appels concerné, non plus. Résultat de cette crise, Tele performance est en train de fusionner toutes ses filiales, sous-filiales  et sociétés écrans. Entre ses sites en France et l'ensemble des filiales « off-shore » situées aux quatre coins de la planète ( Amérique du Sud, Asie, Afrique du Nord) , le numéro 1 mondial reste bien positionné mais connaît une perte partiellement délicate due au fait qu'ils n'arrivent guère à tenir leur engagements vis-à-vis de leur principal client SFR.

 

Après SFR, passons à Orange, premier opérateur de téléphonie mobile en France. Pour cause, il est l'héritier de France Telecom et bénéficie de la position gagnée à l'époque du monopole sur la téléphonie fixe de son ancêtre. Après des années d'abus vis-à vis-des usagers ( notamment avec la facturation de la liste rouge par exemple), l'entreprise a dû s'adapter au marché libéralisé par l'Union Européenne. Sa mutation en groupe « moderne » fut des plus rapide et laissa pas mal de ses anciens employers sur le carreau. On connaît la série de suicides de salariés de cet ancien service public en 2009 et l'arrogance nauséeuse de sa direction ( en particulier les déclarations de son PDG sur la mode des suicides dans son entreprise qui décroche une belle palme de l'ignominie dans le monde entrepreneurial). La stratégie interne de gestion du personnel visant à pousser à la porte les anciens employés fut un savant mélange de brimades, de mutations à répétition, de harcèlement psychologique et d'acharnement sur les plus faibles par des cadres acquis à l'esprit de « libéralisation » de l'entreprise. Mais cela n'est qu'une face de l'iceberg, Orange ( dont le nom fut une belle création publicitaire pour donner une image neuve à l'entreprise, d'ailleurs on remarque que les médias ne parlent jamais d'Orange au sujet de l'affaire des suicides ou des problèmes techniques, mais de France Telecom. Notez la finesse...) fait appel lui aussi à la sous traitance, y compris à Tele Performance avec les mêmes conséquence que pour SFR.

 

L'autre géant de la téléphonie mobile française, Bouygue Telecom, se porte mieux que jamais. Le « bébé » de Martin Bouygue, grand ami de Nicolas Sarkozy comme tout le monde le sait, eut massivement recour à la sous traitance et à la délocalisation de ses activités à l'origine. Mais très vite, il a réorienté sa stratégie pour gagner en qualité dans le domaine des relations clients. Vu la déconfiture de ses concurrents dans le domaine et avec un investissement réduit, ce choix est actuellement rentable pour le groupe. Nouveau sur le marché, Free veut réussir le même pari qu'il avait lancé avec l'Internet et la téléphonie fixe gratuite. Le groupe est pour l'instant connu pour son service client externalisé en Afrique du Nord. Mais il semble vouloir relocaliser une partie de son activité en France.

 

Bien d'autres domaines sont touchés par les fléaux de la sous-traitance. A chaque fois, les conditions de travail sont à la limite de la légalité et la pression est mise sur la rentabilité des employés sans aucune contre partie. Salaire de misère ( tout juste le smic pour la majorité) et stress sont le lot de ce nouveau « prolétariat ». En 2009, Toulouse a connu un épisode tragique, conséquence de cette gestion déshumanisante du travail. Un salarié d'une entreprise sous-traitante d'un leader mondial du transport de fonds et de marchandises protégé, a fait un carnage dans sa société. Nous n'avons guère eu de précisions sur l'affaire dans les médias. Force est de constater si besoin était, que quand on évoque les prestataires de services, on a plus affaire à des drames sociaux qu'à la joie et au bohneur de la flexibilité.

 

Au delà de la sous-traitance, il y a les ravages du capitalisme et la véritable souffrance de travailleurs sans autre horizon que: des délocalisations, des licenciements et la destruction de la vie de régions entières pour satisfaire la soif de profit d'une poignée de personnes sans scrupules.<