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23/08/2010

La bienséance de circonstance : Halte à la sous-traitance !

Article paru dans le numéro 41, Mars/Avril 2010, de Rébellion

 

Il y a des termes que l'on n'entend pas tous les jours mais qui ne sont pas inconnus à nos oreilles pour autant : « sous-traitance » et « prestataires de services » par exemple. Le principe de la sous traitance c'est la logique d'une entreprise qui, dans l'optique d'une optimisation des profits, délègue tout ou une partie de son activité à des sous-traitants, généralement regroupés et reconnus pour être rattachés à la plus détestable des conventions collectives... celle des « prestataires des services ». Tous les domaines d'activité sont touchés, mais plus particulièrement la relation clientèle, le démarchage téléphonique, la vente à distance, les filières de jeux, le nettoyage et la sécurité.

 

Une part croissante d'entreprises privées (mais aussi du public ou associées comme la Poste) et des Groupes d'Intéret Economique y ont recours. Ce recours n'est pas toujours bénéfique à la qualité ni rentable à moyen ou long terme, mais elles y voient une opportunité pour réduire, en apparence, les coûts à court terme. Elles se délestent partiellement de ce qui ressemble à un fardeau dans le cadre de notre société actuelle : le personnel.

 

Kafka au bout du fil...

Pour commencer, nous évoquerons le cas emblématique de SFR, deuxième opérateur ( par le nombre de ses abonnés) de téléphonie mobile en France métropolitaine. En 2007, ils ont pris la décision de se débarasser de leur Service-client ( c'est-à-dire la gestion des litiges et des réclamations des abonnés) . Entreprise sur le déclin ? Non, car cette filiale du groupe Vivendi, venait d'engranger des bénéfices-records. Service-client dont la qualité était médiocre ? Non, car ils s'étaient, une nouvelle fois, classés comme les meilleurs du secteur. Pourquoi donc, alors ? Quand on gagne beaucoup, on se dit qu'on peut gagner encore plus et que des salariés qualifiés bien considérés, niveau salaire et avantage, ça coûte trop. On pourrait donc les remplacer par d'autres bien moins payés et à la charge d'une autre structure. L'économie devant permettre de dégager de bonnes marges pour financer le rachat de concurrents ou des campagnes publicitaires agressives. D'où le choix de ne garder qu'un centre de relation-clientéle fracilien et de déléguer notamment les centre de Toulouse et de Lyon à Infomobiler. Cette société bidon est détenue à 100% par Teleperformance, numéro un mondial dans le secteur à la réputation sociale plus que sinistre.

 

SOUS.jpgDès le départ, cette entreprise a pris soin de pousser dehors les anciens salariés qualifiés de SFR par un Plan de Départ Volontaire ( sic!) mis en place dès que Nicolas Sarkozy fut élu. Débarrasée de ces cadres et de ces employés à la solide expériences mais au régime salarial jugé trop couteux , elle mit en application un système de travail extrêmement flexible. Poussant la logique d'économie jusqu'au bout, les nouveaux dirigeants mirent en place une politique de dégraissage au lance-flamme. Un mouvement social très dur fut lancé par le personnel avec une grève particulièrement longue. Elle fut suivie d'une hémorragie des anciens employés et de leur remplacement par une valse d'intérimaires et d'embauches souvent au rabais de personnes sans aucune formation dans le domaine. Très vite, le taux d'abstentéisme atteignit parfois le score de Chirac aux présidentielles de 2002. La motivation à zéro de l'équipe et l'absence de toute perpective de progression firent la mauvaise réputation de l'entreprise.

 

De meilleur service clients, SFR est en moins d'un an passé à « pire service clients » dans toutes les enquêtes auprès des consommateurs. L'affaire du SMS de menace à Rachida Dati, envoyé par un proche d'un salarié du sous-traitant n'a pas redoré le blason du groupe. L'épisode des malaises en série courant 2009 sur un des centres d'appels concerné, non plus. Résultat de cette crise, Tele performance est en train de fusionner toutes ses filiales, sous-filiales  et sociétés écrans. Entre ses sites en France et l'ensemble des filiales « off-shore » situées aux quatre coins de la planète ( Amérique du Sud, Asie, Afrique du Nord) , le numéro 1 mondial reste bien positionné mais connaît une perte partiellement délicate due au fait qu'ils n'arrivent guère à tenir leur engagements vis-à-vis de leur principal client SFR.

 

Après SFR, passons à Orange, premier opérateur de téléphonie mobile en France. Pour cause, il est l'héritier de France Telecom et bénéficie de la position gagnée à l'époque du monopole sur la téléphonie fixe de son ancêtre. Après des années d'abus vis-à vis-des usagers ( notamment avec la facturation de la liste rouge par exemple), l'entreprise a dû s'adapter au marché libéralisé par l'Union Européenne. Sa mutation en groupe « moderne » fut des plus rapide et laissa pas mal de ses anciens employers sur le carreau. On connaît la série de suicides de salariés de cet ancien service public en 2009 et l'arrogance nauséeuse de sa direction ( en particulier les déclarations de son PDG sur la mode des suicides dans son entreprise qui décroche une belle palme de l'ignominie dans le monde entrepreneurial). La stratégie interne de gestion du personnel visant à pousser à la porte les anciens employés fut un savant mélange de brimades, de mutations à répétition, de harcèlement psychologique et d'acharnement sur les plus faibles par des cadres acquis à l'esprit de « libéralisation » de l'entreprise. Mais cela n'est qu'une face de l'iceberg, Orange ( dont le nom fut une belle création publicitaire pour donner une image neuve à l'entreprise, d'ailleurs on remarque que les médias ne parlent jamais d'Orange au sujet de l'affaire des suicides ou des problèmes techniques, mais de France Telecom. Notez la finesse...) fait appel lui aussi à la sous traitance, y compris à Tele Performance avec les mêmes conséquence que pour SFR.

 

L'autre géant de la téléphonie mobile française, Bouygue Telecom, se porte mieux que jamais. Le « bébé » de Martin Bouygue, grand ami de Nicolas Sarkozy comme tout le monde le sait, eut massivement recour à la sous traitance et à la délocalisation de ses activités à l'origine. Mais très vite, il a réorienté sa stratégie pour gagner en qualité dans le domaine des relations clients. Vu la déconfiture de ses concurrents dans le domaine et avec un investissement réduit, ce choix est actuellement rentable pour le groupe. Nouveau sur le marché, Free veut réussir le même pari qu'il avait lancé avec l'Internet et la téléphonie fixe gratuite. Le groupe est pour l'instant connu pour son service client externalisé en Afrique du Nord. Mais il semble vouloir relocaliser une partie de son activité en France.

 

Bien d'autres domaines sont touchés par les fléaux de la sous-traitance. A chaque fois, les conditions de travail sont à la limite de la légalité et la pression est mise sur la rentabilité des employés sans aucune contre partie. Salaire de misère ( tout juste le smic pour la majorité) et stress sont le lot de ce nouveau « prolétariat ». En 2009, Toulouse a connu un épisode tragique, conséquence de cette gestion déshumanisante du travail. Un salarié d'une entreprise sous-traitante d'un leader mondial du transport de fonds et de marchandises protégé, a fait un carnage dans sa société. Nous n'avons guère eu de précisions sur l'affaire dans les médias. Force est de constater si besoin était, que quand on évoque les prestataires de services, on a plus affaire à des drames sociaux qu'à la joie et au bohneur de la flexibilité.

 

Au delà de la sous-traitance, il y a les ravages du capitalisme et la véritable souffrance de travailleurs sans autre horizon que: des délocalisations, des licenciements et la destruction de la vie de régions entières pour satisfaire la soif de profit d'une poignée de personnes sans scrupules.<

L'occident à l'assaut de l'Eurasie....Entretien avec Alexandre Latsa

Entretien paru dans le numéro 41, Mars/Avril 2010, de Rébellion

 

EURA.jpgAlexandre Latsa, est un jeune spécialiste de la géopolitique eurasienne, il se définit lui-même comme un « Européen de nationalité française ».Il réside actuellement en Russie et animele blog francophone Dissonance(1).

 

R/ Les années 2000 furent marquées par une série de « révolutions colorées » dans les pays de l'ex-bloc soviétique.Quelles étaient l'origine et la nature de ce phénomène que vous avez étudié ?

 

 

Le phénomène est multiple. Ces révolutions colorées sont des de nouvelles formes de révolution, non violentes, et soutenues médiatiquement. Pour les non initiés, ces mouvements passent pour spontanés et démocratiques, et ce avec l’aide du système médiatique global qui contribue à donner cette image. En réalité, une étude approfondie de ces phénomènes permet de voir clairement le très haut niveau d’organisation, de préparation mais aussi de stratégie de ces mouvements.

L’idée est née aux Etats-Unis pendant la Seconde Guerre Mondiale. A l’époque il s’agissait de développer des organisations influentes, capables de contrer l’influence Soviétique, Ce processus a continué lors de la guerre froide, pour les mêmes raisons. Evidemment, lors de l’effondrement de l’URSS et la fin de la guerre froide, ces ONGs étaient en activité mais leurs objectifs ont été redirigés, elles sont devenues des têtes de ponts pour accroitre l’influence Américaine partout dans le monde, et surtout en Europe, hors cette influence Américaine en Europe n’a qu’un « concurrent » potentiel, la Russie d’après 1999.

 

Très vite, il est apparu que le gouvernement américain et de nombreuses « Organisations Non-Gouvernementales » occidentales avaient agi de concert pour organiser et provoquer ces renversements de gouvernement. Comment fut mise en place cette stratégie de déstabilisation ?

 

C’est très complexe et assez génial. Ces ONGs sont tout d’abord des outils de communication pour distiller de l’information très orientée. Le tout sous couvert de défense de valeurs jugées essentielles comme la « démocratie » ou la « liberté ». Généralement cette communication a pour objectif de préparer les esprits lambda à accepter et « comprendre » l’étape essentielle de la « révolution » à savoir la protestation. Ce déferlement est lui aussi un mécanisme parfaitement huilé. Il consiste à focaliser le mécontentement populaire sur la cible que l’on veut abattre, mais en utilisant une majorité manipulée qui croit lutter pour le « bien », la « démocratie » et la « justice », ces impératifs que l’occident a normés comme étant les référents essentiels de notre civilisation.

 

Pour "tenir" ces semaines de manifestations de rue jusqu’à l’assaut sur le parlement, des permanents existaient, révolutionnaires professionnels regroupés au sein de mouvements de jeunesse, réels fers de lance et gestionnaires pratiques des révolutions de couleur. Financés par les ONGs oranges (de la NED, à Freedom House à l’Open Society), ces mouvements sont par exemple Otpor(2) , Pora(3) ,OK98, Kmara(4) , Mjaf(5) , Oborona(6) , My(7) , Kahar, Kelkel(8)ou encore Zubr(9) .

Otpor a par exemple envoyé ses cadres se former dès les années 2000 aux techniques de coup d’Etat non violents (techniques de Gene Sharp(10)et de l’Albert Einstein Institute(11) ). La formation a eu lieu à Budapest et a été dispensée par Robert Helvey, mandaté par l’IRI(12)de John McCain. Après le renversement du régime Serbe (700.000 personnes ont pris d’assaut le parlement Serbe le 05/10/ 2000), OTPOR se fondra dans le mouvement politique au pouvoir pro Européen de Boris Tadic. Certains cadres choisiront de monter un institut de promotion de leur méthode d’action non violente (filiale serbe et locale de l’AEI(13) ). Deux cadres de ce « centre », Aleksandar Maric et Stanko Lazendic seront notamment employés par Freedom House pour dispenser des cours de formation en Ukraine mais également en Géorgie. Pour déstabiliser le régime Ukrainien (kouchma-Ianoukovitch), plus de 10 000 cadres de « Pora » et du « Committee on Voters of Ukraine » perçoivent un salaire à hauteur moyenne de 3000 dollars par mois. Ces « salaires » sont entièrement financés par les États-Unis, via l’USAID et la NED. Egalement des milliers de tentes et de couvertures ont été mises à disposition des manifestants pour camper place de l’Indépendance où des repas gratuits sont servis. L’ensemble de la logistique a été préparée par l’USAID.

Ces jeunes sont aussi des spécialistes de l’utilisation des « nouveaux réseaux » de type Facebook, ou Twitter, voire de contrôle du SMS (avec l’aide d’hyper structures Américaines) afin d’influer massivement sur une population désemparée. Cela a été particulièrement flagrant en Iran lors de la contestation anti Ahmadinejad via Twitter.

 

Nous l’avons vu ces mouvements de jeunesse ont au préalable reçu des stages de formation à l’action non violente (théories de Gene Sharp(14) , fondateur de l’Albert Einstein Institution) ainsi qu’à la communication et à ne « jamais » nommer le bouc émissaire réellement visé. Cette théorie de la « non violence » s’est développée en Amérique dans les années 80 (également au cœur de la guerre froide) pour préparer une éventuelle résistance en Europe en cas d’invasion de l’armée rouge. Ce philosophe assez peu connu a publié de 1985 à 2005 de nombreux ouvrages sur ces théories de résistance non violente. La CIA prendra rapidement en main l’AEI en installant à sa direction un de ses hommes : Robert Helvey et l’institut disposera de financements abondants de l’International Republican Institute (IRI), l’une des quatre branches de la National Endowment for Democracy (NED). Gene Sharp formera les leaders des principaux coups d’Etat soft de ces 15 dernières années.

 

On a évoqué en particulier le rôle de la « Fondation Soros » dans cette affaire. Que savons-nous sur son histoire et son fonctionnement ? Quelles sont les autres principales ONG de cette nature, impliquées ?

 

 

En effet Georges Soros(15) , après avoir fait sauter la banque d’Angleterre, s’est concentré à promouvoir l’idée de « sociétés ouvertes » en Europe de l’Est et à lutter contre le monde Soviétique. Dès 1979 il financera l’activité de réseaux anti Soviétiques en Pologne (Solidarnosc), ou en Tchécoslovaquie (charte77). Peu après la chute du Mur, en 1993, il fonde l’Open Society(16) , sa principale organisation, qui est le cœur de son activité « anti communiste » et « pro occidentale / Américaine ». Celle-ci sera notamment l’organisatrice et la financière principale de la révolution des Roses(17)en Géorgie en 2003, son président affirmant que les moyens mis en place pour permettre cette révolution étaient colossaux, près de 50 permanents et plus de 2 millions de dollars de budget (!). Si l’on étudie de près les investissements de Georges Soros en Europe de l’est, les chiffres sont impressionnants, on doit avoisiner le milliard de dollars. Les projets concernent tant le culturel, que l’immobilier, les communications, les médias ou encore l’aide aux financements de projets d’Etat.(18)

 

 

 

La Guerre Froide avait vu de telles stratégies déjà mises en application par le camp occidental. La fin de l'URSS ne semble pas avoir arrêté ces méthodes. Pourquoi cette doctrine d'encerclement de la Russie s'est-elle accentuée à la fin des années 1990 ?D'autres pays sont-ils aussi visés (comme l'Iran ou la Chine par exemple) ?

 

 

La guerre contre l’URSS était une guerre pour le contrôle du monde et le contrôle du Heartland(19) . La chute de l’URSS a laissé l’Amérique pendant une décennie sans ennemis, voire même sans concurrents, cela de 1991 à 2001. Pendant cette décennie, la croissance mondiale a été énorme, et l’Amérique l’hyper leader mondial qui pour conforter et affirmer sa position a cherché à s’implanter au cœur de l’Eurasie, pour contrôler les zones clefs du monde, celles à haute densité de population mais également où sont concentrées les matières premières. L’Europe sous tutelle a servi de tête de pont pour permettre cette percée de l’influence US au cœur du continent Eurasiatique, que ce soit l’Europe de l’ouest, entièrement soumise à l’OTAN ou l’Europe de l’est tout juste sortie du monde Soviétique.

 

Obstacle clef à cette accession, la Russie, puisque les zones visées (Arctique, Caucase, Asie centrale) sont situées soit en Russie soit dans sa sphère d’influence. Cela ne posait pas de problèmes lors des années qui ont suivi la chute du mur, puisque la Russie était en décomposition totale. Mais dès les années 2000, le réveil Russe avec l’accession au pouvoir de Vladimir Poutine a mis à mal cette prise de contrôle Américaine. La Russie est dès lors redevenue l’adversaire principal, tout comme l’URSS l’était pendant la guerre froide.

 

Les Etats que vous citez sont également visés, pour des raisons diverses, l’Iran est considéré comme une menace pour Israël (que l’Amérique protège comme s’il s’agissait d’un de ses Etats fédérés) et la Chine car c’est avec la Russie le gros problème de l’Amérique pour le futur.

 

Y-a-t'il un changement de la politique américaine, par rapport à la Russie, depuis l'arrivée de l'administration Obama ? On connaît le rôle de l'équipe Clinton dans les campagnes occidentales contre la Serbie, peut-on imaginer une reprise de cette stratégie de « guerres humanitaires » ? Comment interpréter le redéploiement des forces américaines et de l'Otan en Europe ?

 

 

Les démocrates sont plus discrets mais tout autant hostiles au monde orthodoxe que les républicains. Comme vous le mentionnez, ce sont les démocrates qui ont bombardé la Serbie. En fait c’est un leurre de penser qu’il y a une quelconque différence. Les stratèges géopolitiques du Pentagone où les financiers du complexe militaro-industriel ont leurs intérêts parfaitement représentés des deux côtés et, clairement, l’élection d’Obama n’a pas du tout amélioré la situation. L’Offensive US en Eurasie se poursuit et le déploiement d’un nouveau mur de Berlin en « nouvelle Europe »(20)est en cours(21) .

 

L’Amérique aujourd’hui vous l’aurez noté est engagée dans des guerres humanitaires contre le monde musulman. Il est plausible qu’un nouveau front soit ouvert par l’Amérique en Eurasie mais plus de façon directe. On peut imaginer l’utilisation d’Etats tampons, par exemple via des régimes caniches, comme ceux issus des révolutions de couleur. Comme cela a été le cas avec la Géorgie. Le Caucase est en première ligne, ou alors l’Arctique, ce que je prévois depuis près de 2 ans maintenant(22)(23).

C’est dans ce sens que doit être interprété le redéploiement des forces Américaines en Europe, en vue d’un conflit indirect avec la Russie. Je tiens à rappeler que l’emplacement des missiles US en Europe dépend donc énormément des régimes en place aux frontières Russes. En ce sens, l’élection Ukrainienne est une grosse défaite pour Washington.

 

 

L'Ukraine est un enjeu majeur pour la diplomatie russe. Comment gère-t-elle ses rapports avec son voisin et quelles sont les conséquences des dernières élections présidentielles ukrainiennes ?

 

 

L’Ukraine a été le symbole le plus violent de la perte d’influence Russe, avec la Serbie. La révolution Orange a également été de loin la plus parfaite, la plus travaillée et la plus réussie. Malheureusement pour les Orangistes, on ne gère pas un pays comme on gère une association subventionnée et leur prise de pouvoir a également vu la fin de la croissance à deux chiffres que connaissait ce pays. Ce gouvernement incapable a en plus d’avoir ruiné le pays, focalisé sa politique identitaire sur une séparation violente de la Russie. Pour quiconque connaît les deux pays et a fait un peu d’histoire, c’est encore plus stupide que la séparation du Monténégro et de la Serbie. La Russie et l’Ukraine sont les deux faces d’une même pièce de monnaie. A ce moment là un « breton » et un « périgourdin » sont bien plus différents que ne le sont un Russe et un Ukrainien. Il faut rappeler que les trois premiers candidats à l’élection présidentielle sont 3 candidats pro Russes !

L’élection d’Ianoukovitch a été prise avec beaucoup de soulagement par les Russes qui se sentent désormais à l’abri de scandales politico-économiques montés de toutes pièces comme cela avait été le cas lors de la guerre du Gaz. Désormais la Russie et l’Ukraine vont sans doute sur une voie de stabilisation et même de rapprochement, près d’un citoyen sur 4 souhaitant d’ailleurs la réunification avec la Russie(24) .

 

Principale cible, la Russie est depuis passée à la contre offensive. On l'a vu en Géorgie comme en Ukraine, elle tente de reprendre du terrain face aux occidentaux. Sur quelles bases avance-t-elle dans ce jeu délicat ?

 

 

STRATFOR a récemment publié une trèsbonne analyse à ce sujet(25) qui expliquait parfaitement l’importance des zones tampons / frontalières pour la Russie. « La Russie par la définition de sa géographie n'a pas de frontières naturelles. Pour compenser cela, la Russie a historiquement toujours opéré de la même façon : installer un pouvoir fort et purger toutes influences extérieures déstabilisatrices et créé des zones tampons autour de ses frontières. La Russie a quelque fois poussé cette influence trop loin mais elle n'a jamais été aussi forte (localement comme internationalement) que lorsque cette zone tampon a existé. Le meilleur exemple est l'union soviétique qui a permis à Moscou d'étendre son influence dans un grand nombre de pays, en Europe ou en Asie centrale. L'effondrement de l'Union Soviétique en 1991 a fait retourner la Russie à ses frontières du 17ème siècle, celle-ci redevenant faible et vulnérable. A ce moment là, les Etats Unis ont tenté de saisir l'opportunité d'empêcher la Russie de redevenir "forte" en tentant de la neutraliser à l'intérieur et à l'extérieur de ses frontières.

De façon interne, les EU ont tenté de soutenir des forces politiques progressistes afin de changer la "nature" même du pouvoir politique en Russie, la nature du Kremlin.

De façon externe, les EU ont tenté d'empêcher la résurgence de l'influence Russe en Eurasie, notamment par le biais de l'extension de l'OTAN et l'implantation de bases en Europe de l'est et en asie centrale, mais également des révolutions de couleurs dans les états frontaliers avec la Russie. Sous le règne de Vladimir Poutine, la Russie s'est reconsolidée intérieurement et re centralisée politiquement. Cette étape étant terminée (facilitée par la hausse des matières premières), la Russie renforcée cherche désormais à reconstituer sa zone tampon ».

 

Quelles sont les orientations stratégiques et diplomatiques de la Russie à l'heure actuelle ?

 

La Russie envisage le monde de demain comme un monde BRIC orienté, c'est-à-dire avec une augmentation de l’influence d’états comme la Chine, le Brésil ou elle-même et une perte d’influence de l’Occident américano-centré. Au niveau de la politique internationale, la Russie envisage sa position de puissance autonome avec trois grands axes d’influenceprincipaux.

• Vers l’Europe avec la volonté de création d’une structure de sécurité commune(26)(remplaçant l’Otan).

• Via l’Asie et surtout l’Asie centrale à travers l’OCS.

• Via le monde musulman, à travers l’OCI(27).

 

Si l’on parle des relations avec l’Europe, la Russie aujourd’hui a une relation délicate avec la super structure Européenne. C’est sans doute explicable lorsque l’on sait que le secrétaire général du conseil de l’UE (depuis 1999) est Javier Solana, ancien secrétaire général de l’OTAN (de 1995 à 1999). Comme le disait Pierre Levy(28)dans le Figaro récemment : « Par contre la Russie établit de nombreux partenariats bilatéraux avec les états. Exemple récent : ce n’est sûrement pas grâce à Bruxelles que les salariés des chantiers navals de Saint-Nazaire pourraient voir conforter leur emploi – bien au contraire … ce n’est pas quelque improbable musée communautaire, mais bien le Louvre, qui propose les remarquables richesses de « la Russie éternelle ».

 

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Le courant eurasiste a-t-il une influence sur la géopolitique du Kremlin ? Que pensez-vous des travaux d'Alexandre Dougine ?

 

 

J’ai interviewé Alexandre Douguine il y a un an a peu près(29).Homme brillant et intellectuel hors pair, il a refaçonné une théorie atypique visant à séparer la Russie de l’évolution Euro-Occidentale et à affirmer la particularité culturelle de la Russie comme civilisation à part. Ses thèses ont un énorme écho en Russie, au sein même du pouvoir Russe. Ces théories sont toujours en vogue car la Russie cherche à affirmer et développer son propre modèle et non à s’intégrer à un modèle existant.

 

Contrairement à l'époque de l'URSS, la Russie semble ne pas disposer de réseaux d'influence et de soutien en Europe. Des tentatives sont-elles en cours pour mettre en place des associations ou des relais à l'Ouest ?

 

 

Oui, des réseaux se mettent doucement et discrètement en place,mais nous sommes loin du niveau de lobbying des anglo-saxons et de leur réseaux oranges par exemple. Les capacités financières ne sont pas non plus les mêmes, la « communication » si elle est essentielle, n’est pas le plus prioritaire des sujets pour la Russie en 2010.

 

L'Union Européenne maintient une position ambiguë entre atlantisme et rapprochement vers l'Est, dans ses rapport avec la Russie. L'axe Paris-Berlin-Moscou est-il un jour appelé à avoir une existence réelle ou est-il un rêve ? Comment les européens sont-ils perçus en Russie (et les français en particulier) ?

 

 

Il faut bien différentier le rapport de la Russie avec l’UE et avec les nations européennes, ce sont deux choses très différentes. L’Europe de Bruxelles n’a aucune chance d’exister seule car elle ne dispose d’aucune souveraineté ni politique ni militaire. Sans son maître Américain elle n’est rien, hors ce maître est en train de s’écrouler.Quant au point-clef de la « question russe » telle qu’elle se fait sentir depuis quelques mois et qui est : les Russes (dont le pays se relève) ont-ils besoin de nous (dont le pays s’effondre) je vais vous donner mon opinion.

 

Je pense que les Européens de l’ouest doivent prendre leur destin en main, et se poser les bonnes questions : sont-ils la façade « Ouest » de l’Eurasie continentale, ou sont-ils la façade « Est » de l’Occident transatlantique et américano-centré ?

Je pense sincèrement que l’incompréhension ne vient pas du côté russe, mais bel et bien du côté bruxellois et occidental.

L’Europe aujourd’hui se trouve à Moscou, Belgrade, Kiev ou Tiraspol. Elle ne se situe malheureusement « plus » à Bruxelles, Londres ou Paris. Ces cités sont devenues des villes de l’« Union Occidentale », une Union occidentale qui est d’ailleurs en train de virer à l’Union eurafricaine.

Les Européens qui habitent ces cités occidentales d’Europe de l’Ouest doivent se poser la question de savoir à quelle civilisation ils appartiennent. Celle de Washington, Bruxelles, Alger ou Bamako ou celle de Moscou, Alma-Ata, Erevan et Belgrade ?

 

Les Européens doivent quitter l’O.T.A.N c’est une certitude mais sans doute également intégrer l’O.C.S., comme en parlent déjà certains intellectuels de gauche comme Jacques Sapir. Qu’ils demandent ensuite également à quitter l’Union de Bruxelles et à clairement intégrer l’Espace économique commun russo-kazakho-biélorusse comme le feront sans doute demain l’Ukraine, la Serbie et la Transnistrie, et, après demain, la Grèce et Chypre.

 

Ce n’est pas à la Russie de « s’européaniser » ou « s’occidentaliser » pour devenir une colonie américaine, sans identité et sans aucune souveraineté politique et militaire. C’est aux Européens de l’Ouest aujourd’hui de quitter l’Union occidentale sous domination américaine et construire avec la Russie l’Europe continentale, afin de pouvoir enfin créer l’axe Paris – Berlin – Moscou, garant harmonieux de la paix et de la stabilité sur notre continent.<

 

Retrouvez les analyses d'Alexandre Latsa sur le blog Dissonance :

http://alexandrelatsa.blogspot.com/

21/05/2010

Rébellion 41 disponible !

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P03 - EDITORIAL

«Le puits et le pendule».

 

P04 - MOUVEMENT

Organisation/Où en sommes-nous?

A l’assaut de l’avenir !

P06 - REFLEXION

Le symptôme d’une société en crise.

Eléments pour une pensée authentiquement rebelle.

 

P09 - MONDIALISME

Les habits neufs du Nouvel

Ordre Mondial.

P10 - Entretien/Alexandre Latsa,

l’Occident à l’assaut de l’Eurasie.

P14 - Entretien/Julien Teil,ONGs,

l’impérialisme humanitaire.

P17 -  Les liaisons incestueuses des ONG avec les Etats

et les transnationales.

 

P20 - SOCIAL

La bienséance de circonstance.

Halte à la sous-traitance !

 

P22 - CHRONIQUE

Hymne aux Martiens !

P23 - CULTURE

Livre/Parvulesco en Colchide

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