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08/12/2014

Sortie de l' Hommage à Costanzo Preve

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Première brochure de notre future série de publications, l'Hommage à Costanzo Preve est disponible contre 4 euros à notre adresse :

Rébellion c/o RSE BP 62124 31020 TOULOUSE cedex 02 France  . 

25/11/2014

Lisbonne ou l'éternel départ

Le Portugal d'hier et d'aujourd'hui...

Ville pleine de mélancolie, d'ombres du passé et du bruit du présent, Lisbonne vit repliée dans son splendide isolement, indifférente à la marche du monde. Plongée dans l'introspection sans fin de son âme tourmentée, elle s'est à peine aperçu des bouleversements que la modernité lui a fait subir. Pour se venger, elle aime égarer ses visiteurs dans les dédales des vieilles ruelles de quartiers dont les habitants n'ont pas été chassés par la spéculation immobilière ( comme dans d'autres capitales européennes).

L'âme portugaise

Il faut d'abord commencer par son histoire pour tenter de comprendre le Portugal ( si cela est donné aux simples mortels). A l'aube des temps, les Dieux se seraient déjà promenés sur les rives du Tage à la tombée de la nuit. Bien avant qu'Ulysse ne fonde la ville de Lisbonne ( selon la légende), des peuples de l'Age du Bronze poussés vers la pointe occidentale de l'Europe par les grandes migrations des temps obscurs, rendaient hommage au soleil, élevaient des mégalithes, des dolmens et des menhirs, et mettaient en place une société tournée vers les échanges sur l'ensemble de l'arc atlantique.

Lieu de passage pour les marins et les commerçants, le Portugal vit les Phéniciens, les Celtes, les Romains, les Wisigoths et les Maures emportés par les flots de l'Histoire. Ne pouvant qu'être portugaise, Lisbonne sera conquise par le roi Alfonso Henrique ( descendant direct de chevaliers bourguignons venus chercher la gloire dans le reconquête ibérique) en 1147 sur les musulmans. Capitale d'un royaume qui réalise rapidement son unité nationale (une des premières du continent) et ses frontières définitives, elle incarne la résistance face aux velléités d'absorption du voisin espagnol.

Bloquée vers l'intérieur des terres, la volonté d'expansion du Portugal se tourne vers les mers. Grâce à l'ambition d'Henri le Navigateur, qui rêvait d'un destin fabuleux pour son royaume, des générations de marins lusitaniens s'élancent sur tous les océans du monde. Une petite nation d'à peine un million d'âmes va construire un empire planétaire qui couvre l'Afrique, l'Asie et l'Amérique. Cette geste nationale nous fut chantée par Luis de Camões dans ses chroniques tragiques des mers océanes, les Lusiades.

Fernando Pessoa, l'autre grand poète portugais, a pu écrire ainsi que le sel de la mer est fait des larmes versées par les portugais pour la conquérir. C'est peut-être lors de cette période héroïque qu'est né ce désir de souffrir incarné par la saudade. Le terme est intraduisible dans une autre langue que le portugais. Littéralement c'est le sentiment du souvenir, plus poétiquement c'est la présence de l'absence. De ceux qui partirent sur les Océans à ceux qui par des chemins clandestins gagnèrent les tristes cités industrielles de l'Europe du Nord, les portugais se sont souvent éloignés de leur terre natale pour trouver fortune ou, plus modestement, de quoi manger. Mais toujours avec cette foi et ce courage qui les firent respecter pour leur sens de l'effort et du sacrifice. De la douleur du départ et de l'attente est née une nostalgie, une insatisfaction tragique, un culte de la douleur et du deuil des espoirs perdus qui envahit la vie quotidienne de mélancolie chronique.

De la souffrance, il ne va jamais en manquer pour le Portugal, mais il y a aussi une force terrible qui anime l'âme portugaise. Qui défie même la Mort. En effet, dans la pénombres du monastère des Jéronimos, là où reposent les dynasties d'antan et les grands hommes, un espoir subsiste. Un caveau demeure vide...

C'est une belle et triste histoire. Don Sébastien monte sur le trône du Portugal à peine âgé de 16 ans. Le jeune prince blond et svelte ne rêve que d'épopée chevaleresque alors que nous rentrons dans le monde moderne. Il s'enferme dans une vie ascétique et refuse de se marier avant d'avoir libéré la Terre Sainte des infidèles. L'esprit des croisades soufflera sur l'expédition qu'il monte pour asseoir les possessions marocaines du Portugal. Dans cette folle entreprise, il entraîne l'ensemble de la noblesse et 17000 hommes. Débarquée en Afrique, l'armée progresse jusqu'à la plaine d'Al Ksar Al Kalir où, le 4 août 1578, elle se retrouve face aux troupes musulmanes trois fois plus nombreuses. Longtemps incertaine, la bataille est un véritable massacre qui se termine à la nuit tombée par la défaite des Portugais. Débute alors un mythe comme les aiment les Portugais. On ne retrouve pas le corps du roi, qui semble s'être évaporé lors de la dernière charge des chevaliers chrétiens.

Profitant de la vacance du trône, les espagnols envahissent le pays. Pendant 60 ans, Lisbonne doit subir l'occupation et attend le retour de son roi. Cet espoir au-delà de l'espérance, console et entretient la résistance.

La légende dit que Don Sébastien attend, caché du monde, le moment où il reviendrait pour le bonheur du Portugal instaurer le Cinquième Empire, l'ultime empire chrétien basé sur la justice et la foi. Peu de portugais se permettent de se moquer de cette légende. Elle fait partie de la mythologie nationale et certains vieux érudits lisboètes attendent la venue par un matin brumeux, du jeune roi réveillé de son trop long sommeil.

 

Un Etat pas vraiment nouveau, une révolution trahie et une crise à venir...

Au vingtième siècle, durant près de quarante ans, le Portugal vivra figé par la volonté d'un homme, Oliveira Salazar. Ancien universitaire, il dirigea dès les années 1930 l'Estado Novo d'une main de fer. Régime plus réactionnaire que fasciste, le Portugal de Salazar se veut le garant d'une « nation pauvre mais digne », d'un nationalisme prudent et fidèle à la tradition catholique. En vérité, il sera le garant des biens de la haute bourgeoisie urbaine et des grands propriétaires terriens. La misère des paysans sans terre et le contrôle des ouvriers dans les usines est la règle sous la dictature. Jouant sur les tous les tableaux durant la Seconde Guerre Mondiale, Salazar gardera le Portugal à l'écart des bouleversements du siècle. Forteresse de l'anti-communisme, le Portugal intègre l'Otan dès sa fondation en 1949. La dictature portugaise ( comme l'Espagne Franquiste) est jugée un très bon allié par les Américains pendant la guerre froide.

Dans les années 1960, l'édifice se fissure. Le Portugal s'accroche à son empire colonial africain. Les troupes du contingent envoyées sur les théâtres tropicaux combattent les guérillas d'inspiration communiste en Angola, au Mozambique ou au Cap-Vert. Avec de lourdes pertes. En parallèle, une hémorragie vide le pays, celle de l'émigration massive des portugais au quatre coins du monde ; le pays a perdu ainsi près de 10% de sa population des années 1960 à 1970. Durant cette décennie, le nombre de Portugais en France est passé de 50 000 à plus de 700 000.

L'explosion était inévitable. Le 25 avril 1974, les habitants de Lisbonne sont réveillés par les chars des régiments rebellés. Les « capitaines » insurgés sont pour la plupart issus du peuple et leur sympathie va souvent vers le Parti Communiste Portugais d'Alvaro Cunhal. Sorti de la clandestinité, le Mouvement des Forces Armées va rapidement prendre la tête d'un vaste mouvement de nationalisation des grands trusts et d'une réforme agraire offrant enfin des terres à de nombreuses familles paysannes. Le pays bascule, la Révolution des Oeillets règle le problème colonial et ouvre un intermède révolutionnaire de plusieurs années. Il faudra toute la puissance du bloc atlantique (et la passivité de l'Union Soviétique qui ne voulait surtout pas remettre en cause l'équilibre géopolitique de la Guerre Froide) pour ne pas voir le Portugal devenir un nouveau Cuba en pleine Europe Occidentale. Fait peu connu, un agent américain Frank Carlucci, qui a déjà organisé l'assassinat de Patrice Lumunba au Congo, aura pour mission de favoriser tous les courants, quel que soit leur bord politique, hostiles au PCP et aux généraux procommunistes ou neutralistes.

Le processus révolutionnaire sera bloqué par une bourgeoisie qui contre attaque en sabotant l'économie. L'ensemble de l'Extrême Gauche, maoïstes et Trotskystes réunis, entreprend de violentes campagnes contre le PCP et sème la discorde. Ces groupes, probablement téléguidés, feront tout leur possible pour empêcher une prise de pouvoir par le PC. Le parcours des leaders gauchistes sera d'ailleurs révélateur, comme celui de José Manuel Barros, par exemple. Dès la fin de la dictature, ce fils de la bourgeoisie conservatrice prend la tête du mouvement des étudiants maoïstes portugais, le MRPP (Mouvement pour la Réorganisation du Parti du Prolétariat), qui se spécialise dans les attaques violentes des permanences communistes. On sait aujourd'hui que ce groupuscule a probablement été financé par la CIA dans sa stratégie de la tension. José Manuel Barros poursuivra dans cette voie, devenant un fort respectable homme politique atlantiste et président de la commission européenne.

Le Parti « Socialiste » de Mario Soares parviendra à mettre fin à l'expérience révolutionnaire dès 1975. La gauche sera une force de rétablissement de l'ordre et le garant des intérêts de la bourgeoisie. En 1985, l'entrée dans la CEE fermera définitivement la parenthèse.

Avec l'Exposition Universelle de 1998, Lisbonne rentre de plain-pied dans la modernité. La croissance économique a redonné vie au pays. Un important effort de construction d'infrastructure bouleverse la société. Mais les belles vitrines et les grosses voitures ne font pas oublier, pourtant, les « favelas » poussant autour des grande villes. Les fléaux contemporains sont évidemment présents : l'explosion de la consommation de drogue et l'apparition dans les jardins publics de zombies junkies, l'insécurité et les tensions communautaires.

Les inégalités se creusent entre les bénéficiaires de la croissance des années 1990 et la majorité des classes populaires. Selon de récents chiffres, la moitié des portugais gagne 560 euros mensuels (voire en-dessous car la plupart des pensions de retraite sont de 400 euros environ). Les prix des produits de consommation étant assez proches des nôtres, il faut toute la force des réseaux de solidarité familiaux et communautaires pour survivre ( chacun partageant les récoltes des petits bouts de terre que beaucoup cultivent avec savoir faire dans la moindre parcelle disponible).

Depuis le début de la crise, le pays est sous la menace de la banqueroute financière. Attaqué par les spéculateurs boursiers, le Portugal est en pleine politique d'austérité En quelques mois, la Trokaï ( FMI, UE et politiciens complices) ont plongés les classes populaires à la limite de la misère. Le gouvernement du « socialiste » José Sócrates (comme notre cher président, son nom est très souvent cité dans des affaires de détournement de fonds) a mené ce vaste plan de restructuration qui sabre dans les salaires des fonctionnaires et les retraites.

Quand vous discutez avec les travailleurs portugais (jeunes comme vieux) , tous vous diront que la situation ne peut pas durée, qu'une explosion sociale est aussi possible. Mais l'étincelle, qui l'allumera? Pourra-t-elle, aussi, déclencher une nouvelle révolution ?

Daily Life in Portugal in the 1940s and 1950s (14).jpg

 

06/11/2014

Théorie du Drone : Rise of the Machines

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Dans Théorie du Drone, Grégoire Chamayou dresse un portrait du drone de combat et décrit l'ensemble des implications que peut avoir l'usage de cette arme sur le champ de bataille. Les concepts, ainsi que les méthodologies qui découlent de l'utilisation du drone sont également abordés et analysés.

Présenté comme un « progrès majeur dans la technologie humanitaire1 », le drone de combat est à mille lieu de la belle machine censée remplir la fonction que ses partisans lui prêtent. Pressée par une opinion publique qui tantôt ne comprend pas ou tantôt ne cautionne pas les sacrifices demandés à ses forces armées, l'administration américaine a développé, testé et utilisé cette arme redoutable, avec l'aide et surtout le travail de lobbying du complexe militaro-industriel.

Si l'utilisation du drone comme arme létale permet à l'armée américaine de diminuer de façon drastique ses pertes, celle-ci implique des changements profonds dans la façon de concevoir la guerre, ainsi que les combattants. Les pilotes de drones étant tranquillement assis dans des pré-fabriqués dans le Nevada, la guerre devient par la nature même du drone complètement asymétrique. Le pilote de drone n'étant plus dans la zone de guerre, il ne peut plus être considérer comme combattant, puisque pour être considérer ainsi il faudrait que les deux adversaires (le pilote et sa victime) se fasse face, ce qui est impossible. On en arrive de la sorte à voir dans la guerre faisant usage des drones non plus une guerre au sens classique, définie par Clausewitz par exemple, mais plutôt une sorte de chasse à l'homme où la proie doit être éliminée physiquement.

Là est aussi le changement en ce qui concerne l'approche des guerres contre-insurectionelles: le but affiché est l'élimination pure et simple des ennemis qui ne sont plus considérés comme des combattants à part entière, mais comme des terroristes qu'il faut éradiquer. Cette vision de l'adversaire écarte de facto toute approche politique du conflit qui consiste en plus des actions armées à rallier la population proche ou appartenant aux zones de combat à sa cause.

Or l'approche de la guerre contre-insurectionnelle théorisée et conceptualisée par les partisans du drone n'appréhende la population proche ou appartenant aux zones de combat que comme un ensemble d'ennemis potentiels. Etant donné que les combattants potentiels ressemblent à n'importe quel autre personne, la CIA et l'armée américaine emploie une méthodologie (pattern of life analysis) qui consiste à analyser le comportement des individus (actions quotidiennes, leurs horaires, leurs lieux, l'activité vurtuelle) afin de discrimer les terroristes. Il s'agit donc d'une approche paranoïaque où les nouveaux moyens techniques (drone, internet, smartphone, réseaux sociaux) servent à fliquer des populations entières et où tout comportement qui s'éloigne du comportement d'un automate peut conduire à la mort. Les combattants n'étant pas clairement identifiés, la zone de guerre non plus (l'opérateur du drone se trouve en zone de paix, la victime en zone de guerre ou proche), il est ensuite facile pour les Etats-Unis de tirer profits du droit international qui pour l'instant n'a pas pris en compte cette avancée technologique.

Théorie du drone est donc un excellent outil pour comprendre la logique, la dynamique et les implications de l'usage du drone comme machine de guerre. Ce livre peut servir de base pour participer à la déconstruction de la rhétorique et de la mythologie qui est à l'oeuvre autour de l'utilisation du drone à des fins militaires.

Florian Lejault.

 

1 - Anderson, Kenneth. « Rise of the Drones : Unmanned Systems and the Future of War »

Grégoire Chamayou, La fabrique éditions, 14 euros

21/10/2014

Pourquoi veulent-ils tuer le français ?

La défense de la langue française est- elle réactionnaire ? Cette article paru dans le numéro 29 Mars/Avril 2008) prouve le contraire.

Devenu sous François I°, par l'édit de Villers-Cotterêts de 1539, langue administrative du pays à la place du latin, le français a été déclaré langue de la République par un décret du 2 Thermidor (20 juillet 1794).Par la suite, le statut de langue de la République attribué au français a été maintes fois rappelé, la dernière fois par la loi Toubon du 4 août 1994 visant à assurer la primauté de la langue française en France. Mais nous constatons que cette primauté proclamée par les textes est dans la réalité de plus en plus menacée par une extension de l'anglais dont nos élites illégitimes se rendent complices.

L'anglais dans l'entreprise


L'anglais est installé et jugé irremplaçable dans une part toujours plus importante de l'activité des entreprises. Les raisons fréquemment invoquées sont que l'internationalisation des échanges impose l'utilisation d'une langue commune, l'anglais, qui envahit le monde du commerce, des affaires, de la diplomatie, de la recherche et des technologies.
Le passage à l'anglais dans les entreprises est aussi favorisé par les fusions ou alliances que la mondialisation implique et ne concerne plus seulement le sommet de l'entreprise. Une bonne maîtrise de l'anglais est de plus en plus exigée pour les cadres supérieurs ou moyens mais aussi parfois pour le personnel d'exécution.
A quelques trop rares exceptions près, les syndicats ne réagissent quasiment pas à cette vaste offensive de l'anglais dans le monde de l'entreprise afin de ne surtout pas paraître rétrogrades, fermés au progrès ou franchouillards. Il faut être moderne !

Valets de l'Empire

Les politiciens, eux, montrent leur volonté d'obéir aux désirs des grands patrons.
Nicolas Sarkozy a ainsi décidé dès sa prise de fonction d'imposer l'apprentissage de l'anglais à l'école dès le CE1 afin de mieux adapter l'offre à la demande des entreprises.
En septembre 2007, l'Assemblée Nationale - faisant fi des avertissements du Comité contre le protocole de Londres qui, par la voix de son président Claude Hagège, a dénoncé "un grave danger pour l'avenir de la langue française dans le domaine scientifique et technique et un vaste programme de domination qui revêt le masque de la mondialisation." - a ratifié le protocole de Londres qui permet à tous les brevets déposés en anglais d'être applicables en France sans traduction. En février 2008, Valérie Pécresse, ministre de l'Enseignement Supérieur, a exprimé officiellement sa volonté de "faire sauter la tabou de l'anglais" comme langue d'enseignement à l'université. (1). 

Si les atlantistes de droite agissent directement par un travail de sape en faveur de la langue de l'Empire, les atlantistes de gauche ne sont cependant pas en reste de par leurs déclarations. C'est ainsi que selon Bernard Kouchner, "le français n'est pas indispensable, l'avenir de la francophonie, c'est l'anglais". Il ajoute dans son livre Deux ou trois choses que je sais de nous : «  Nouveau venu dans le gouvernement de la République, j’avais été étonné, en 1988, que l’on insistât sur l’usage obligatoire du français pour les ministres ». Dans sa logique libérale, le français n’est plus rentable : «  Après tout, même riche d’incomparable potentiel, la langue française n’est pas indispensable : le monde a bien vécu avant elle. Si elle devait céder la place, ce serait précisément à des langues mieux adaptées aux besoins réels et immédiats de ceux qui la délaisseraient ». Citons aussi Claude Allègre qui considère qu'il faut "cesser de considérer l'anglais comme une langue étrangère en France."
De manière plus symbolique mais non moins importante, l'Etat et ses représentants (chef de l'Etat, Premier Ministre, diplomates,.....) n'hésitent plus à s'exprimer en anglais hors de nos frontières. La palme revenant à Madame Christine Lagarde qui va jusqu'à diriger son ministère en utilisant la langue anglaise.

Le tout-anglais est injuste et inefficace

Pour justifier leur collaboration active, les politiciens avancent souvent l'argument de l'efficacité du tout-anglais, pour ne pas devoir avouer qu'ils se plient aux injonctions bruxelloises.
Pourtant, un rapport publié en 2005 par l'université de Genève a établi que le tout-anglais était d'un coût très élevé, sans compter qu'il est très injuste pour les pays d'Europe sauf pour la Grande-Bretagne qui y gagne des milliards de livres. Ce même rapport propose une alternative au tout-anglais : le plurilinguisme ou l'esperanto qui, pour une question de faible coût, d'équité (chaque pays serait à égalité de situation et chaque langue maternelle serait protégée), de précision et de rapidité d'apprentissage pourrait être une solution à privilégier.

Au lieu de combattre le tout-anglais, de défendre notre langue nationale qui est aussi celle de la francophonie (et qui est par exemple bien mieux défendue au Québec qu'en France dans la mesure où la charte québécoise de la langue française - à l'inverse de la charte française - proclame que le français est la langue du commerce et des affaires), au lieu de protéger la diversité linguistique à l'heure où des études montrent que 95% des langues disparaîtront au XXIème siècle à cause de la mondialisation (dont l'UE est le cheval de Troie), la classe politique s'inscrit dans la stratégie collabo du grand patronat qui veut ouvertement faire de l'anglais l'unique langue des affaires et de l'entreprise.

Où est la résistance du peuple de France ?

Face à cette trahison des élus de la Nation, la résignation voire l'indifférence générale l'emportent sur les volontés de résistance et de combat.Un fait essentiel semble en attester : lors d'un Conseil Européen de mars 2006 qui se déroulait durant la semaine de la francophonie, le baron Ernest-Antoine Seillière, patron des patrons "français", n'avait pas hésité à s'exprimer en anglais. Jacques Chirac avait alors su faire preuve d'un relatif courage (ce qui n'est pas arrivé souvent dans sa carrière politique) en quittant la salle avec sa délégation.

Hélas, les réactions n'ont pas été à la hauteur du geste. Les élites et les intellos autoproclamés ont ironisé sur un "geste ringard" et un combat d'arrière-garde. S'exprimer publiquement en anglais était à une époque pas si lointaine considéré comme incompatible avec une fonction de représentant officiel de la France ; aujourd'hui cela est plutôt considéré comme un signe de modernité. C'est ainsi que la nouvelle génération de ministres choisit souvent de parler anglais à l'étranger à l'occasion des points de presse, des conférences,.....
Les "petites gens" n'ont pas relevé le niveau en manifestant leur indifférence entre un haussement d'épaules et deux ballons de rouge (ou deux canettes de coca-cola).

Le rôle essentiel des médias

C'est bien là, la principale différence avec d'autres périodes de notre histoire. Si les élites ont derrière elles une longue tradition de trahison de la Patrie (des éternels Versaillais), les classes populaires avaient toujours su répondre « présent » pour "rester fidèles à la France profanée".
C'était avant que de grands capitaines d'industrie commencent à posséder des journaux, des radios et des chaînes de télévision, c'était avant que l'information ne devienne plus qu'une simple marchandise ayant pour objectif de conformer l'opinion publique aux idées et aux intérêts des propriétaires des grands groupes.  En parallèle à cette concentration de l'outil médiatique entre les mains de quelques-uns (les plus riches), la télévision a pris une place hégémonique au détriment de la presse d'opinion, facilitant ainsi d'autant plus la transmission de valeurs identiques à l'ensemble de la population. Tout le monde regarde les mêmes programmes, tout le monde est soumis aux mêmes référents culturels et à la même propagande du 20h dont le mépris pour tout ce qui fait la grandeur et la spécificité de la France est une des caractéristiques essentielles.

Guerre totale contre la France

La France est triste, la France est toujours en retard, la France est archaïque, la France n'est jamais suffisamment alignée sur ses voisins, la France est en faillite, la France n'est pas compétitive, la France est surendettée, la France est étouffée par le fiscalisme, la France est refermée sur elle-même, moisie, raciste,......Tels sont les poncifs qui sont inlassablement rabâchés par les médias jusqu'à ce qu'ils deviennent des vérités dans les esprits de bien des gens de bonne volonté.

Ces attaques s'inscrivent dans une stratégie globale qui vise un seul et unique objectif : mater définitivement ce vieux pays contestataire qu'est la France, ce potentiel "mouton noir" qui pourrait avoir la mauvaise idée de montrer la voie d'une alternative au libéralisme. Car malgré la résignation apparente du peuple de France, toutes les enquêtes démontrent que nos concitoyens sont en Europe les plus réfractaires à un libéralisme qui fout le bordel dans tous les domaines, en matière économique et sociale avec sa défense des profits et des actionnaires comme sur le plan des moeurs en désintégrant toutes les structures traditionnelles de notre société ou au niveau identitaire en favorisant l'immigration favorable au capitalisme (libre circulation des travailleurs), le supranationalisme (gouvernance mondiale) et l'uniformisation culturelle.

Nous comprenons ainsi que la défense de la langue française - loin d'être un combat d'arrière-garde ou de vieux croûtons - s'inscrit dans une lutte globale contre le libéralisme et ses conséquences que sont la destruction des acquis sociaux, de la souveraineté nationale, des identités et de la diversité culturelle.


Face à ce libéralisme destructeur, il nous faut opposer un "anti-libéralisme grand angle" corrigeant les lacunes d'une gauche "anti-libérale" qui combat le libéralisme économique tout en favorisant le libéralisme sociétal et en s'inscrivant dans un cadre mondialiste mais aussi celles d'une droite nationale qui combat le libéralisme sociétal et défend le cadre national tout en défendant le libéralisme économique.
Un libéralisme destructeur venant des Etats-Unis qu'un François Mitterrand - parmi tant d'autres - a largement contribué à mettre en place tout au long de sa carrière. Mais se sachant condamné par la maladie et n'ayant donc plus rien à perdre ou à gagner, ce même François Mitterrand a, au soir de sa vie, averti les français du danger par une réplique énigmatique mais révélatrice : "Les français sont en guerre mais ils ne le savent pas, ils sont féroces ces américains »......

 

JULIEN.

Note :

(1). Un exemple de la cuistrerie universitaire, la substitution du terme « master » issu des institutions universitaires anglo-saxonnes au terme français de « maîtrise ». Même si l’on désirait un terme commun pour désigner un cursus universitaire analogue dans les pays de l’U.E, il eût été possible de trouver un mot issu non pas d’une origine directe linguistique commune, ce qui est impossible en Europe mais, par exemple, d’une culture commune comme le latin ou le grec. Il fut un temps où l’on parlait encore d’alma mater pour désigner l’Université…

 

03/10/2014

Hugo Pratt : Le voyageur entre deux mondes

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Il arrive que pendant de brefs instants, notre pensée puisse se jouer de la grisaille quotidienne pour vagabonder dans les terres du rêve. L'imaginaire offre aux âmes éveillées une liberté qui ne peut être vendue par les sociétés multinationales spécialisées dans les féeries de pacotille. L'homme libre puise dans les songes la force de réenchanter le monde qui l'entoure et de ne pas sombrer dans le désespoir de ses contemporains. Hugo Pratt, par son talent et la ligne claire de ses dessins, nous a offert de partager un peu de la richesse des légendes dorées qui avaient bercé son existence. Sachant comme il est dur de vivre dans une époque sans fantaisie, sans imprévus et sans joie, il nous invite dans son oeuvre à traverser le miroir pour le rejoindre.

Une jeunesse buissonnière

Hugo Pratt aimait à dire qu'il connaissait treize façons différentes de conter sa vie, dont sa préférée était la septième... Dans cette affirmation qui pourrait passer pour farfelue quand l'on ne connaît pas son histoire, on retrouve ce goût vénitien des masques mystificateurs, mais surtout le sentiment d'avoir vécu bien plus d'aventures qu'une vie ordinaire ne pourrait en contenir.

Né le 15 Juin 1927 dans une Italie en pleine mode des chemises noires, ses racines plongent dans l'ancienne Venise d'avant l'invasion touristique. Sa famille était le reflet de cette citén entre Occident et Orient, dont les habitants conservent farouchement l'indépendance. Son père, Rolando Pratt, homme cultivé et dynamique, était un militant fasciste des plus ardents. C'est ,d'ailleurs, grâce à son engagement qu'il devait rencontrer la mère de l'artiste, Eveline Genero, dont le père était le fondateur de la section locale du parti fasciste, « La Serenissima ».

Les Generos avait des origines marranes (les marranes étaient des juifs espagnols ou portugais convertis plus ou moins de force) qui les faisaient s'intéresser aux pratiques ésotériques de la Kabbale. S'il régnait dans la famille Pratt un certain agnosticisme, on se passionnait volontiers pour les cultes secrets et pour les hérésies. La mère d'Hugo l'entraînait souvent visiter les anciennes rues du vieux ghetto où il entendit pour la première fois les noms maudits de Simon le Magicien, d'Origène, d'Arius et d'Hypatie. On lui parlait aussi de la clavicule de salomon, de l'émeraude verte de Satan et du Saint Graal dans les palais de la noblesse vénitienne. Toutes ces références ajoutées à d'autres viendront enrichir son oeuvre future.

Hugo Pratt quitte Venise en 1937 pour la première grande aventure de sa vie. Son père est envoyé en mission en Ethiopie, alors à peine conquise par les troupes du Duce. Il découvre l'Afrique et la bêtise de la colonisation occidentale qui veut imposer ses valeurs « civilisatrices » à des peuples aux antiques et nobles traditions. On lui présente l'aventurier français,Henry de Monfreid, et ses pas rencontrent ceux de Rimbaud dans les étendues désertiques de la Somalie.

Quand la seconde guerre mondiale éclate, il est mobilisé pour combattre les résisistants éthiopiens dans une unité de police indigène. Il a, à peine, 16 ans et se retrouve pendant plusieurs mois dans le désert de Dankalie parmi les nomades et les contrebandiers. Suite à la défaite italienne en Afrique et à l'occupation britannique, le père du dessinateur meurt peu après son arrestation par les alliés ; il laisse à son fils un exemplaire de l'Ile au trésor en lui assurant que, lui aussi, y découvrira son trésor. Hugo est interné avec sa mère dans un camp de concentration anglais pour les civils italiens. Il bénéficie d'un rapatriement sanitaire et retrouve son pays profondément divisé. Dans la guerre civile qui durera deux ans, il choisit de rester fidèle à ses amis quel que soit le bord qu'ils aient pu choisir. Il profite de l'anarchie régnante pour mener ses coups d'éclats personnels sous divers uniformes (incorporé de force à la marine de guerre allemande, il déserte et rejoint les troupes américaines) et séduire les plus jolies jeunes filles de Venise. Mais il se découvre en même temps un talent pour le dessin, et plus particulièrement la bande dessinée, qu'il cultivera jusqu'à ce que la célébrité le rattrape.

A travers les 7 portes de la vie.

La guerre finie, Hugo Pratt se retrouve rapidement à l'étroit dans une Europe en voie d'uniformisation. Il embarque pour l'Argentine et s'installe dans une des villes les plus animées de l'époque, Buenos Aires. Le régime péroniste ne le change pas trop de l'Italie Mussolinienne ; il fréquante une foule de personnes hautes en couleurs, des collabos français et des oustachis croates en exil, ainsi que les juifs du groupe Synagogues et le jazzman noir américain Dizzy Gillespie, le tout sur fond de tango et de pratique virile du rugby. Au bout de dix ans, il se résoudra à regagner l'Europe, mais gardera l'habitude de voyager autour du monde, de l'Irlande à l'Ile de Pâques en passant par l'Amazonie et l'Angola. Le succès sera au rendez-vous, en 1967, avec la parution de La Ballade de la Mer salée où aura lieu la première apparition de Corto Maltèse, le héros qui va le consacrer comme un maître de la BD mondiale.

Ce marin errant est une sorte d'Ulysse, bien décidé à ne pas laisser les dieux choisir pour lui son destin. Personnage romantique, il mène ses combats sans se soucier du regard que les autres porteront sur ses actes. Fidèle à lui-même et à ses amis (dont fictivement font partie Jack London et Joseph Staline), il n'hésite pas à s'engager pour des causes, de préférence, perdues. Suivi comme son ombre par son « pendant » maléfique et néanmoins frère de sang, le voleur Raspoutine, il poursuit sa route, imperturbable.

Hugo Pratt collaborera à Pif, journal qui connut un énorme succès auprès de plusieurs générations d'enfants, aux côtés de Rahan et de Ragnar le Viking. Dans les années 1970, il se sentait comme un martien dans une époque dominée par un gauchisme de luxe qui s'était arrogé le monopole de la pensée vertueuse. Avec les années Quatre-vingt, les pseudos-révolutionnaires de Mai devinrent de féroces yuppies sans foi ni loi, mais le regard qu'ils portèrentt sur le travail de Pratt resta le même : inutiles et enfantines sont les aventures de Corto. Retiré des affaires du monde dans sa maison-bibliothèque suisse où sont rassemblés près de 30 000 ouvrages, il leur répond à sa façon : « Le monde actuel, guidé par la technologie et les considérations économiques liées à la rentabilité et au profit n'intéresseraient pas beaucoup Corto Maltese. Il vit dans un monde où rien n'est décidé à l'avance, où il faut sans cesse faire des choix ». On retiendra également de lui cette phrase lourde de signification pour un artiste issu du siècle passé : « Il m'arrive de ne plus avoir envie de sortir de ce monde de mythes et même de ne plus savoir où est le monde réel ». Le 20 août 1995, lors d'une belle nuit d'été, Hugo Pratt fit son dernier songe et rejoignit définitivement la fée Morgane dans l'Ile d'Avalon.

 

A lire (après l'ensemble des albums de l'auteur), Le Désir d’être inutile. Entretiens autobiographiques avec Dominique Petitfaux, Robert Laffont.