Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

28/06/2014

Gangs of New York : Martin Scorcese réfute Guillaume Faye…

Un article du numéro 2 ( mai 2003) de la revue Rébellion qui reste d'actualité ... 

Des échos positifs étant parvenus à nos oreilles sur le dernier film de M. Scorcese, nous avons vu sa dernière œuvre. Nous savions par ces critiques, que celle-ci montrait les solidarités ethniques, le problème de l’immigration irlandaise au milieu du 19 ème siècles à New York. À côté de ses qualités artistiques que nous laissons aux cinéphiles le soin d’analyser, nous avons surtout été marqués par la portée historique, sociale et politique de ce film. En effet, la corrélation entre le capitalisme et l’immigration y est clairement montrée. Une leçon pour ceux qui, comme Guillaume Faye, ne voient de l’immigration extra-européenne qu’une offensive de l’Islam (1) et ignorent ou minimisent le rôle du capital en la matière. On nous rétorquera qu’il s’agit d’une comparaison anachronique puisque le film de Scorcese évoque l’immigration massive de catholiques irlandais au 19 éme. Même s’il y a évidemment des différences majeures avec l’immigration subie par l’Europe actuellement, nous pensons qu’existe un fil conducteur menant d’une situation à l’autre. L’œuvre de Scorcese a ici une portée générale et c’est en ce sens qu’elle est particulièrement réussie.

Évoquons d’abord les différences. D’un côté une immigration européenne – mais pas uniquement, dans le film apparaît la communauté chinoise – d’un autre côté , de nos jours, une immigration largement musulmane, mais là aussi pas uniquement, avec une relative présence de réseaux islamistes, hétérogènes d’ailleurs. Par ailleurs, les Etats-Unis formés par diverses vagues d’immigrants devenus colonisateurs peuplant un large territoire en comparaison avec une civilisation européenne millénaire subissant le choc d’une migration de vaste ampleur venant de tous les pays pauvres économiquement.

L’Europe n’a pas à être bouleversée dans son identité par une immigration massive

Nous affirmons que l’Europe n’a pas à être bouleversée dans son identité par une immigration massive, pas plus que les peuples migrants n’ont à perdre leurs identités en abandonnant leurs aires de civilisations ; ce qui nous amène à la question du capitalisme.

Nous ne cessons pas de le répéter, seul le capitalisme est un système qui a déraciné universellement les peuples pour les nécessités de son marché (besoin variable de main-d’œuvre et effondrement des structures sociales traditionnelles). Les migrations plus anciennes étaient moins importantes quantitativement et le plus souvent s’étalaient sur de très longues périodes pour aboutir en général à des recompositions de civilisations, soit en se fondant dans le creuset culturel des peuples subissant la poussée migratoire, soit en créant une nouvelle stabilité sociale et civilisationnelle recouvrant l’ancienne strate culturelle.

L’utilisation de la démocratie par le capital

Le capitalisme, lui, est producteur de chaos et d’anomie, il fait perdre toute identité, tout repère, en corrompent les identités subsistantes en les transformant en phénomènes de bandes qu’il manipule. « Gangs of New York"  est à cet égard, très significatif car on y voit s’affronter avec violence le gang des « natifs » (eux-mêmes immigrés un ou deux siècles plus tôt) s’opposait au gang des Irlandais récemment débarqués à New York. La bourgeoisie, quant à elle, joue sur les deux tableaux, utilisant tour à tour les miséreux des deux bords. Elle favorise le gang des « natifs »  pour faire régner une apparence d’ordre et de hiérarchie au sein du quartier mal famé de Five Points en utilisant les ressorts du banditisme et de la corruption, tout en se réjouissant de l’arrivée quotidienne des navires bondés d’irlandais prêts à tout pour subsister et qu’elle enrôlera massivement dans l’armée nordiste lors de la guerre de Sécession. Symbolique est la scène où l’on voit des Irlandais sur les quais du port de New York recevant immédiatement des papiers de citoyens américains pour repartir aussitôt, vêtus de leur uniforme, sur un autre navire où on leur promet trois repas par jour, vers la boucherie de la guerre contre les confédérés. Cela ne rappelle t il pas la composition de l’armée US, récemment, en Irak ? L’utilisation de la démocratie par le capital est aussi clairement montrée dans le film. Ainsi les misérables irlandais sont invités à participer à la farce électorale en votant pour un des leurs, lorsque leur nombre et le renouveau de leur identité font qu’ils deviennent une clientèle intéressante pour les politiciens du système. Faut-il faire un dessin pour transposer la situation de nos jours dans la grande civilisation des droits de l’Homme ? Et puisque nous évoquons cette dernière idéologie, comme aux thuriféraires de droite et de gauche du système, on le voit poindre dans la situation historique de l’époque de la guerre de Sécession où de faméliques prolétaires sont envoyés au casse-pipe au nom de la libération des esclaves noirs des états sudistes, par la bourgeoisie industrielle qui est bien indifférente à la condition sociale des immigrés européens et qui vise à la domination sur tout le territoire des Etats-Unis en détruisant le système patriarcal sudiste, et « libéra » les esclaves noirs pour en faire des prolétaires peuplant les ghettos des grandes villes. Analogie avec notre époque et à une autre échelle ?

Le fonctionnement du capitalisme

La violence est omniprésente dans « Gangs of New York ». D’après Faye, la violence, l’insécurité sont des phénomènes liés à l’immigration en Europe ; une violence qui ne serait qu’une offensive conscience, organisée de la part des immigrés contre l’Europe. S’il ne s’agit pas de nier l’existence de pathologies sociales accompagnant l’immigration vers notre continent, il est vain de généraliser en faisant de ce facteur l’explication de tous nos maux. Sur notre continent même, la misère engendrée par le capitalisme a toujours été accompagnée de phénomènes de violence et de criminalisation. Simplement ceux-ci étaient sanctionnés de manière beaucoup plus sévère (le débat sur crimes et sanctions était beaucoup plus vaste par ailleurs). Autre intérêt de cette œuvre cinématographique : le spectateur peut comprendre le fonctionnement du capitalisme quasiment à l’état pur, c’est-à-dire dans un pays n’ayant pas de structures anciennes à supplanter (les Indiens, eux, ont été génocidés). Le triomphe de l’économie sur la dimension sociale, c’est la guerre, le banditisme à tous les étages du corps social, l’arbitraire, le mensonge, la corruption et l’individu prolétarisé ou sous-prolétarisé livré à la loi de la jungle du marché. Les partis politiques n’y sont que des bandes organisées plus ou moins influentes, sous-traitant parfois leurs services de basse besogne. Actuel, actuel !

Au bas de l’échelle, les « gangs » se disputent une part de territoire, d’économie parallèle et se fortifient en adoptant une identité symbolique forte. Les « natifs » du film de Scorese s’accrochent à l’histoire et à la dignité de la nation américaine, les Irlandais à leurs racines culturelles, religieuses. La dimension ethnique s’exacerbe même ; lors de l’émeute gigantesque menée par les pauvres de New York contre la conscription, les responsables politiques bourgeois sont visés, mais aussi quelques noirs sont lynchés, rendus responsables de la conscription parce que la libération des esclaves noirs était la justification, la mystification idéologico-morale avancée par les capitalistes. Donc, à ceux qui pour défendre l’identité européenne font appel à une xénophobie rudimentaire, nous disons que ce n’est pas cela que défendre la cause des peuples, pas plus d’ailleurs que de participer à l’idéologie antiraciste défendue par les officines du capitalisme mondialiste. L’immigration des prolétaires européens dont nous avons parlée n’est elle pas aussi tragique que la traite des esclaves africains ? N’y a-t-il pas eu autant de souffrance en l’occurrence ? Donc, nous ne nous associerons pas aux jérémiades droits de l’hommistes : guerre au capital et à ses amis camouflés (alter mondialistes de tous poils) !

La scène finale du film est également fort éloquente. Pendant que l ‘émeute se déploie dans New York, les deux gangs rivaux sont sur le point de s’étriper. Des canonnières apparaissent alors dans les eaux baignant la cité et bombardent les quartiers pauvres de la ville envoyant des milliers de malheureux ad patres. Force reste à la bourgeoisie…

Le seul chemin qui nous paraît être efficace

Conclusion : lorsque la société est synonyme de chaos, de crise, les tensions entre groupes, communautés, bandes diverses s’exacerbent. Des identités collectives réelles ou fictives légitimes ou manipulées et créees de toutes pièces s’affrontent (voir le Proche-Orient, l’Irlande du Nord, les Balkans…). Le capital, lui, prospère. Son mode d’être n’est pas la stabilité, la prospérité des peuples, mais la subversion permanente de tout ce qu’il approche. Par conséquent, il n’y a pas de « plan » islamique de colonisation de l’Europe selon la théorie de G. Faye. Il y a une immigration inhérente au triomphe de la forme capital actuellement sur la planète, avec parfois une instrumentalisation consciente des immigrés de la part de forces mondialistes voulant la destruction des pays encore homogènes qui contrarient tel ou tel de leurs projets et parfois un appel de main d’œuvre corvéable, à basse rémunération (voir l’appel récent du patronat irlandais réclamant des Africains !). Pour favoriser ce chamboulement universel les bourgeois apprennent aux immigrés qu’ils doivent se venger des méchants Européens et aux Européens qu’ils doivent se soumettre à toutes les vexations et battre leurs coulpes jusqu'à la fin des temps. Pendant ce temps-là, le prolétariat européen qui avait accouché d’une critique radicale du capitalisme ne pense plus au socialisme authentique, celui qui consisterait à prendre enfin sa vie en main en rejetant la démocratie capitaliste représentative. Enfin, une guerre civile ethnique d’où resurgirait une Europe forte – toujours selon la théorie de Faye – est une illusion. Il peut y avoir des affrontements ethniques au sein du chaos économique et social généré par le capital. Mais cela, ce n’est pas la solution anticapitaliste. Le seul chemin qui nous paraît être efficace c’est la pratique de la théorie socialiste révolutionnaire. Par tous les moyens tentons d’imposer la prise de conscience des impasses de la mondialisation capitaliste et de son opposition fictive qu’est l’alter mondialisme.

 Jean Galié 

09/11/2013

Edito du 61 : Bonnets rouges et Rouges bonnets

Il est réjouissant de constater l'existence d'une rébellion bretonne contre l'écotaxe concoctée par l'oligarchie dominante en France et en Europe afin de pressurer toujours plus le bon peuple. Celle-ci ne fait que s'ajouter aux multiples pièges inventés afin de faire les poches de ceux qui bientôt les auront totalement vides. Il est évident que nous vivons sous le règne de la kleptocratie arrogante et il était désespérant de constater que jusqu'à ce jour une certaine apathie régnait chez ceux qui en sont le plus affectés : les travailleurs. Il fut un temps où les révoltes surgissaient pour moins que cela.

La référence à la rébellion des bonnets rouges en Bretagne (bleus en pays bigouden) sous le règne de Louis XIV (1675) contre la pression fiscale devenue insupportable, en est l'illustration. L'analogie entre cette rébellion et les dernières manifestations bretonnes peut être un point de départ pour la compréhension de l'histoire d'une région ayant un fort sentiment identitaire et n'ayant guère oublié son histoire. Mais on ne peut en rester là. En effet, la crise économique de la seconde moitié du 17° siècle en France était aggravée par les besoins pécuniaires découlant de la guerre que la monarchie absolue entreprenait alors. Aujourd'hui, c'est tout le prolétariat mondial qui pâtit des mêmes conditions d'exploitation - certes à des degrés variés - sous l'égide de la globalisation et corrélativement de la politique et de l'idéologie libre-échangistes. C'est une situation particulière à la région bretonne qui a mis l'écotaxe en exergue déclenchant la colère des camionneurs qui a ensuite servi de catalyseur à tous les travailleurs menacés par le chômage, la fermeture de nombreuses entreprises locales obéissant aux lois de la recherche du meilleur taux de profit. Une convergence temporelle de situations tendues a mis le feu aux poudres. La répression étatique ne s'est pas fait attendre comme c'est toujours le cas lorsqu'il s'agit de mater les contestataires à l'égard du système, alors que les voyous profitent toujours de la mansuétude de la classe dominante qui sait qu'ils pourront toujours lui être utiles au sein du chaos grandissant.

Néanmoins la convergence dans la lutte, que le gouvernement redoutait, entre diverses couches de la population (pêcheurs, paysans, ouvriers) et qui a donné un aspect impressionnant à la mobilisation a rapidement laissé apparaître, qu'au-delà de certains intérêts communs pouvant s'opposer au système, une divergence de classe existait au sein du mouvement. D'autant qu'une fraction du patronat appelait à la manifestation de Quimper( les bonnets rouges) - un capitaliste peut toujours être victime de la concurrence d'un autre - et que le Front de Gauche jouant son rôle de radicalité verbeuse appelait quant à lui à manifester à Carhaix (les rouges bonnets). Il s'agissait en fait de freiner des deux côtés la potentialité du développement révolutionnaire de la lutte de classe. Du côté du patronat, pour partie lié au grand capital (de l'agroalimentaire par exemple) et pour partie représenté par des PME, il s'agit de maintenir ses exigences de rentabilité et de désamorcer toute remise en question du rapport social dominant en mobilisant ses salariés dans le suivisme de la collaboration de classe. Pour ce faire, il a reçu, à titre d'exemple, le soutien du maire de Carhaix (de gauche) qui, à cette occasion, a ressorti le serpent de mer de la régionalisation à la mode sociale démocrate, sensée revivifier le tissu économique. La régionalisation sans la critique pratique du capital n'est à nos yeux que la traduction dans les faits de la stratégie technocratique bruxelloise d'affaiblissement des derniers obstacles que se doit de renverser la dynamique outrancière de l'exploitation capitaliste. Alors l'extrême gauche du capital s'attribua comme toujours le beau rôle, afin de se proposer comme solution alternative à la dérive libérale, se drapant dans les oripeaux de l'indignation et en faisant sécession pour aller déambuler à Carhaix où la mobilisation fut des plus modestes. Après ce petit tour pédestre et champêtre les salariés de la pseudo contestation ont rejoint leurs nids douillés urbains, satisfaits d'avoir clamé qu'ils ne défileraient pas aux côtés des patrons. On ne peut, certes, leur reprocher cette proclamation mais plus essentiellement, il s'agit de considérer qu'à aucun moment ils ne s'efforcèrent de peser afin de renverser le rapport de forces avec l'Etat et le capital en appelant à une extension des luttes sur le plan régional et national. Il s'agissait simplement de témoigner de leur pureté d'intention, de conforter leur image essentialisée d'anticapitalistes, reconnue spectaculairement. Pour épicer le tableau, nous eûmes droit au discours sur d'obscurs groupuscules identitaires (d'extrême droite ou/et d'extrême gauche?) plus ou moins folkloriques, spectaculairement médiatisés lors de leur tentative de saccage d'une préfecture. La police tient toujours en réserve sous le mode occulte de tels énergumènes.

Quelles leçons tirer de cette situation? Une première évidence est que le gouvernement actuel fera bientôt une quasi unanimité contre lui. Les mesures antipopulaires s'accumulent au gré des semaines sans que cela ne dérange les commis politiques du système mais enfin, nous savions pour notre part qu'ils étaient là pour ça et seuls les naïfs s'en offusquent. Ce mécontentement ne suffit pas néanmoins pour cristalliser une genèse de prise de conscience de classe d'une certaine ampleur ; il continuera d'alimenter le mouvement du balancier droite/gauche au pouvoir. Existe, par ailleurs, un autre enseignement plus important à nos yeux lié au départ à la question de l'écotaxe évoquée ci-dessus. Celle-ci ne concerne pas directement la masse des prolétaires mais sa contestation a réveillé la Bretagne subissant de plein fouet une accumulation de plans dits "sociaux". Ainsi, à partir, d'un phénomène particulier, surgit une revendication plus générale outrepassant ce phénomène. Ce processus peut donner lieu à une alliance combattive entre des couches sociales très proches les unes des autres sur le plan de leur précarisation socio-économique. Mais cette dynamique ne doit pas rester circonscrite à une problématique régionale aussi spécifique soit-elle. Ce sont les conditions générales vécues par les prolétaires qui leur imposent de lutter au sein d'un front de classe le plus extensif, géographiquement parlant, possible. En attendant une convergence internationale souhaitable de la contestation du système, il est pour le moins nécessaire de mettre en avant le sens universel de ces luttes et de les faire vivre en leur donnant de la force sur un plan national. La spécificité de la Bretagne ne doit pas induire une vision parcellaire des causes ayant entraîné son mouvement social. Elles sont celles, inhérentes au mode de production capitaliste avec son de agriculture intensive polluante, avec ses impératifs de rentabilité dans la production et dans son mode de distribution. La désindustrialisation n'est pas un phénomène nouveau, non plus, ayant déjà affecté tour à tour les diverses provinces françaises. Toute lutte isolée, aussi virulente soit-elle, n'a que peu de chance d'aboutir de nos jours ; rappelons-nous des combats menés par les sidérurgistes lorrains à la fin des années 70 où toute une région était au bord de l'émeute. Cela ne fit pas reculer le capital.

Conclusion : la Bretagne ne saurait se sauver toute seule, inutile de rêver à propos d'une alliance de toutes les classes sociales soudées dans la défense du peuple breton. Ceux qui aiment leur province ne peuvent le montrer qu'en s'attaquant au capital tout comme les prolétaires grecs qui ne sauveront ce qui reste de leur pays qu'en refusant de se faire étrangler par la finance internationale. Les prolétaires de tous les continents auront à trancher les multiples têtes de l'hydre impérialiste, avec ou sans bonnet.


FlyerA401.jpg