28/06/2014
Gangs of New York : Martin Scorcese réfute Guillaume Faye…
Un article du numéro 2 ( mai 2003) de la revue Rébellion qui reste d'actualité ...
Des échos positifs étant parvenus à nos oreilles sur le dernier film de M. Scorcese, nous avons vu sa dernière œuvre. Nous savions par ces critiques, que celle-ci montrait les solidarités ethniques, le problème de l’immigration irlandaise au milieu du 19 ème siècles à New York. À côté de ses qualités artistiques que nous laissons aux cinéphiles le soin d’analyser, nous avons surtout été marqués par la portée historique, sociale et politique de ce film. En effet, la corrélation entre le capitalisme et l’immigration y est clairement montrée. Une leçon pour ceux qui, comme Guillaume Faye, ne voient de l’immigration extra-européenne qu’une offensive de l’Islam (1) et ignorent ou minimisent le rôle du capital en la matière. On nous rétorquera qu’il s’agit d’une comparaison anachronique puisque le film de Scorcese évoque l’immigration massive de catholiques irlandais au 19 éme. Même s’il y a évidemment des différences majeures avec l’immigration subie par l’Europe actuellement, nous pensons qu’existe un fil conducteur menant d’une situation à l’autre. L’œuvre de Scorcese a ici une portée générale et c’est en ce sens qu’elle est particulièrement réussie.
Évoquons d’abord les différences. D’un côté une immigration européenne – mais pas uniquement, dans le film apparaît la communauté chinoise – d’un autre côté , de nos jours, une immigration largement musulmane, mais là aussi pas uniquement, avec une relative présence de réseaux islamistes, hétérogènes d’ailleurs. Par ailleurs, les Etats-Unis formés par diverses vagues d’immigrants devenus colonisateurs peuplant un large territoire en comparaison avec une civilisation européenne millénaire subissant le choc d’une migration de vaste ampleur venant de tous les pays pauvres économiquement.
L’Europe n’a pas à être bouleversée dans son identité par une immigration massive
Nous affirmons que l’Europe n’a pas à être bouleversée dans son identité par une immigration massive, pas plus que les peuples migrants n’ont à perdre leurs identités en abandonnant leurs aires de civilisations ; ce qui nous amène à la question du capitalisme.
Nous ne cessons pas de le répéter, seul le capitalisme est un système qui a déraciné universellement les peuples pour les nécessités de son marché (besoin variable de main-d’œuvre et effondrement des structures sociales traditionnelles). Les migrations plus anciennes étaient moins importantes quantitativement et le plus souvent s’étalaient sur de très longues périodes pour aboutir en général à des recompositions de civilisations, soit en se fondant dans le creuset culturel des peuples subissant la poussée migratoire, soit en créant une nouvelle stabilité sociale et civilisationnelle recouvrant l’ancienne strate culturelle.
L’utilisation de la démocratie par le capital
Le capitalisme, lui, est producteur de chaos et d’anomie, il fait perdre toute identité, tout repère, en corrompent les identités subsistantes en les transformant en phénomènes de bandes qu’il manipule. « Gangs of New York" est à cet égard, très significatif car on y voit s’affronter avec violence le gang des « natifs » (eux-mêmes immigrés un ou deux siècles plus tôt) s’opposait au gang des Irlandais récemment débarqués à New York. La bourgeoisie, quant à elle, joue sur les deux tableaux, utilisant tour à tour les miséreux des deux bords. Elle favorise le gang des « natifs » pour faire régner une apparence d’ordre et de hiérarchie au sein du quartier mal famé de Five Points en utilisant les ressorts du banditisme et de la corruption, tout en se réjouissant de l’arrivée quotidienne des navires bondés d’irlandais prêts à tout pour subsister et qu’elle enrôlera massivement dans l’armée nordiste lors de la guerre de Sécession. Symbolique est la scène où l’on voit des Irlandais sur les quais du port de New York recevant immédiatement des papiers de citoyens américains pour repartir aussitôt, vêtus de leur uniforme, sur un autre navire où on leur promet trois repas par jour, vers la boucherie de la guerre contre les confédérés. Cela ne rappelle t il pas la composition de l’armée US, récemment, en Irak ? L’utilisation de la démocratie par le capital est aussi clairement montrée dans le film. Ainsi les misérables irlandais sont invités à participer à la farce électorale en votant pour un des leurs, lorsque leur nombre et le renouveau de leur identité font qu’ils deviennent une clientèle intéressante pour les politiciens du système. Faut-il faire un dessin pour transposer la situation de nos jours dans la grande civilisation des droits de l’Homme ? Et puisque nous évoquons cette dernière idéologie, comme aux thuriféraires de droite et de gauche du système, on le voit poindre dans la situation historique de l’époque de la guerre de Sécession où de faméliques prolétaires sont envoyés au casse-pipe au nom de la libération des esclaves noirs des états sudistes, par la bourgeoisie industrielle qui est bien indifférente à la condition sociale des immigrés européens et qui vise à la domination sur tout le territoire des Etats-Unis en détruisant le système patriarcal sudiste, et « libéra » les esclaves noirs pour en faire des prolétaires peuplant les ghettos des grandes villes. Analogie avec notre époque et à une autre échelle ?
Le fonctionnement du capitalisme
La violence est omniprésente dans « Gangs of New York ». D’après Faye, la violence, l’insécurité sont des phénomènes liés à l’immigration en Europe ; une violence qui ne serait qu’une offensive conscience, organisée de la part des immigrés contre l’Europe. S’il ne s’agit pas de nier l’existence de pathologies sociales accompagnant l’immigration vers notre continent, il est vain de généraliser en faisant de ce facteur l’explication de tous nos maux. Sur notre continent même, la misère engendrée par le capitalisme a toujours été accompagnée de phénomènes de violence et de criminalisation. Simplement ceux-ci étaient sanctionnés de manière beaucoup plus sévère (le débat sur crimes et sanctions était beaucoup plus vaste par ailleurs). Autre intérêt de cette œuvre cinématographique : le spectateur peut comprendre le fonctionnement du capitalisme quasiment à l’état pur, c’est-à-dire dans un pays n’ayant pas de structures anciennes à supplanter (les Indiens, eux, ont été génocidés). Le triomphe de l’économie sur la dimension sociale, c’est la guerre, le banditisme à tous les étages du corps social, l’arbitraire, le mensonge, la corruption et l’individu prolétarisé ou sous-prolétarisé livré à la loi de la jungle du marché. Les partis politiques n’y sont que des bandes organisées plus ou moins influentes, sous-traitant parfois leurs services de basse besogne. Actuel, actuel !
Au bas de l’échelle, les « gangs » se disputent une part de territoire, d’économie parallèle et se fortifient en adoptant une identité symbolique forte. Les « natifs » du film de Scorese s’accrochent à l’histoire et à la dignité de la nation américaine, les Irlandais à leurs racines culturelles, religieuses. La dimension ethnique s’exacerbe même ; lors de l’émeute gigantesque menée par les pauvres de New York contre la conscription, les responsables politiques bourgeois sont visés, mais aussi quelques noirs sont lynchés, rendus responsables de la conscription parce que la libération des esclaves noirs était la justification, la mystification idéologico-morale avancée par les capitalistes. Donc, à ceux qui pour défendre l’identité européenne font appel à une xénophobie rudimentaire, nous disons que ce n’est pas cela que défendre la cause des peuples, pas plus d’ailleurs que de participer à l’idéologie antiraciste défendue par les officines du capitalisme mondialiste. L’immigration des prolétaires européens dont nous avons parlée n’est elle pas aussi tragique que la traite des esclaves africains ? N’y a-t-il pas eu autant de souffrance en l’occurrence ? Donc, nous ne nous associerons pas aux jérémiades droits de l’hommistes : guerre au capital et à ses amis camouflés (alter mondialistes de tous poils) !
La scène finale du film est également fort éloquente. Pendant que l ‘émeute se déploie dans New York, les deux gangs rivaux sont sur le point de s’étriper. Des canonnières apparaissent alors dans les eaux baignant la cité et bombardent les quartiers pauvres de la ville envoyant des milliers de malheureux ad patres. Force reste à la bourgeoisie…
Le seul chemin qui nous paraît être efficace
Conclusion : lorsque la société est synonyme de chaos, de crise, les tensions entre groupes, communautés, bandes diverses s’exacerbent. Des identités collectives réelles ou fictives légitimes ou manipulées et créees de toutes pièces s’affrontent (voir le Proche-Orient, l’Irlande du Nord, les Balkans…). Le capital, lui, prospère. Son mode d’être n’est pas la stabilité, la prospérité des peuples, mais la subversion permanente de tout ce qu’il approche. Par conséquent, il n’y a pas de « plan » islamique de colonisation de l’Europe selon la théorie de G. Faye. Il y a une immigration inhérente au triomphe de la forme capital actuellement sur la planète, avec parfois une instrumentalisation consciente des immigrés de la part de forces mondialistes voulant la destruction des pays encore homogènes qui contrarient tel ou tel de leurs projets et parfois un appel de main d’œuvre corvéable, à basse rémunération (voir l’appel récent du patronat irlandais réclamant des Africains !). Pour favoriser ce chamboulement universel les bourgeois apprennent aux immigrés qu’ils doivent se venger des méchants Européens et aux Européens qu’ils doivent se soumettre à toutes les vexations et battre leurs coulpes jusqu'à la fin des temps. Pendant ce temps-là, le prolétariat européen qui avait accouché d’une critique radicale du capitalisme ne pense plus au socialisme authentique, celui qui consisterait à prendre enfin sa vie en main en rejetant la démocratie capitaliste représentative. Enfin, une guerre civile ethnique d’où resurgirait une Europe forte – toujours selon la théorie de Faye – est une illusion. Il peut y avoir des affrontements ethniques au sein du chaos économique et social généré par le capital. Mais cela, ce n’est pas la solution anticapitaliste. Le seul chemin qui nous paraît être efficace c’est la pratique de la théorie socialiste révolutionnaire. Par tous les moyens tentons d’imposer la prise de conscience des impasses de la mondialisation capitaliste et de son opposition fictive qu’est l’alter mondialisme.
Jean Galié
08:47 Publié dans Réflexion - Théorie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean galié, guillaume faye, immigration, europe, identité, identitaire, révolte | Facebook | | Imprimer
17/04/2010
Réinventons la patrie ! (1)
Article publié dans le numéro 38 de Rébellion Septembre/Octobre 2009
Introduction de la première partie du dossier sur les régions, la nation et l’Europe
Communautés locales – Régions – Nation – Europe
Une unité harmonieuse dans une diversité enrichissante
Quand nous avons lancé l’idée d’un dossier sur les rapports entre les diverses corps sociaux, dans le but de dégager des positions claires sur le sujet, nous ne pensions pas que tant de questions et de pistes de réflexion en sortiraient. Il apparaît que loin d’être un simple débat sur de froides institutions, c’est une réflexion profonde sur notre société qui en ressort. Cars toutes ces interrogations sont liées à notre conception et notre perception de la réalité sociale.
L’atomisation, par le triomphe de la néo-modernité (c’est-à-dire le règne idéologique et pratique du capitalisme sur l’ensemble des aspects de nos vies), des liens qui unissaient le « Peuple », laisse la majorité de celui-ci sans repaires autres que ceux que lui fournit le système. « La guerre de tous contre tous » a brisé et rendu l’idée d’une destinée commune impossible. Certains ont cru voir en cela une « liberté », une émancipation, débarrassant l’individu du poids de la communauté. Mais ces naïfs (pour ne pas dire idiots) célèbrent simplement l’événement d’une nouvelle servitude. Cars les hommes sont avant tout des constructeurs de société (« l’animal politique » d’Aristote) ; en se réunissant ils savent créer solidarité et fraternité dans un élan commun. Cette créativité communautaire donne un sens à l’existence sociale et humaine. Elle est nécessairement à reconstruire sur des bases inédites car il n’est pas possible de retourner à des bases antécapitalistes. Elle est aussi le point de rupture avec la communauté despotique du capital, « communauté réelle de l’argent » (Marx). Elle est, encore moins, un projet utopique édifié a priori, ignorant les limites et imperfections de la condition humaine. Elle serait probablement la concrétisation et la libération des potentialités humaines qui sont, aujourd’hui, instrumentalisées à des fins de profit par le capital. Pour briser toute résistance, le capitalisme s’est appliqué à détruire les liens traditionnels (ceux des communautés agraires, des communautés précapitalistes) et ceux qui naissent de son exploitation, de la lutte contre celle-ci (comme l’unité de la classe ouvrière). Avec la mondialisation, il a étendu son œuvre aux nations et aux civilisations. La perte, qu’entraîne cet acte de guerre contre les peuples, est d’autant plus ressentie cruellement qu’elle a laissé le terrain libre à des reconstructions d’identités bancales, oscillant entre des modes consuméristes et un communautarisme menant à la ghettoïsation.
Dans un premier temps, nous avons voulu ouvrir un débat pour mettre en relief les diverses positions sur la question des rapports entre les communautés locales, les régions, la Nation et l’Europe. Nous avons très vite constaté que la remise en cause de « l’Etat-Nation » n’a pas encore permis de faire naître une réflexion globale pouvant trouver une alternative à son impasse actuelle. A la suite de ce panorama, il nous paraît important de réaffirmer que face au bulldozer capitaliste seule une lutte dont le but est de (re)créer une société harmonieuse sur des bases nouvelles est capable de vaincre. Notre projet socialiste révolutionnaire se fixe comme objectif d’être un moteur de la réappropriation par les travailleurs de leur destin. En arrachant des mains de l'Etat capitaliste la Nation, nous ne reprenons que notre bien. La Patrie mérite mieux que les faux éloges que lui ont adressé un Sarkozy ou une Royal lors des dernières présidentielles. Elle est porteuse d'une idée révolutionnaire que nous devons faire renaître. La « Nation aux Travailleurs » peu devenir un « mythe mobilisateur », un pôle de regroupement et de lutte face au capitalisme international comme « national » ( les grands groupes français du style Bouygues ou ELF ne nous sont pas plus sympathiques que ceux venus d'autres parties du monde). La bourgeoisie nationale n’est plus « progressiste » comme on pouvait parfois le penser au 19° siècle lorsqu’elle s’opposait à des résidus de la société féodale (perspective de Marx alors, quoique ce schéma ne lui parût pas absolument de portée universelle à la fin de sa vie). Elle ne peut ni ne souhaite, d’ailleurs, le redevenir.
Pour nous l’unité de la France comme de l’Europe n’est pas une chose immuable, existant hors du temps, comme toutes les réalités sociales. Elle définit un ensemble de rapports très complexes et très riches qui s’insèrent dans un vaste mouvement social. Nous pensons donc qu'une juste articulation est possible entre les deux, nous avons voulu montrer grâce à certaines pistes de réflexion qu'il n'y a aucune fatalité au chaos capitaliste<
Rébellion
Patrie et Socialisme
L'idée nationale à réinventer
Le capitalisme triomphant est parvenu à faire croire qu'aucune alternative n'était possible à sa domination sur nos vies. Pour détruire ses fondements idéologiques, il est important de redonner leur sens aux mots qu'il détourne ou stigmatise. La Nation est un de ceux-là. Pensée comme un archaïsme par les tenants de l'oligarchie dominante, que la mondialisation va heureusement, à leurs yeux, faire disparaître, elle est un symbole puissant qui pourrait devenir une force pour le mouvement révolutionnaire. Pour mieux faire comprendre notre conception de l'idée nationale, et ses nombreuses articulations, nous livrons ici la première partie d'un article de synthèse sur la question.
Comprendre le sens de son héritage historique
Définir la Nation française, c'est d'abord reconnaître l'importance de son héritage historique dans sa forme actuelle. Si le rôle de la royauté capétienne est reconnu dans l'unification des diverses composantes qui la constituent, la naissance d'un fort sentiment national est plus difficilement situable. Faire remonter son apparition à la fin du Moyen Age ou à l'Epoque Moderne est possible, mais l'idée de Nation se révèlera pleinement au peuple français avec la Révolution de 1789.
« L'Etat-Nation » naîtra de ce phénomène fondateur et en conservera les ambiguïtés. La Révolution est, en effet, à la fois un élan populaire, révolutionnaire, patriotique et un attachement à des valeurs positives et collectives fortes comme la souveraineté populaire, l'égalité, la liberté. Des idées qui seront à l'origine d'un « esprit français » spécifique, qui viendra renforcer une communauté nationale née de la langue, de la culture et de l'histoire. Mais elle est aussi l’avènement de l'ère bourgeoise. La déchéance des élites de l'Ancien Régime, laissa le champ libre à la nouvelle classe dirigeante qui imposa la modernisation à la société française pour son seul profit. Le capitalisme naissant transforma les structures nationales pour permettre son extension et n'hésita pas à détourner le patriotisme français dans des entreprises guerrières, en Europe, puis dans le Monde.
Une division s'opérera et se renforcera entre « l'Etat » (l’organisme dirigeant aux mains de la bourgeoisie qui pourra prendre successivement la forme de la Monarchie, de l'Empire ou de la République) et la « Nation » (comprise au sens du Peuple participant au politique). Un divorce qui ne cessera de se renforcer au gré de la lutte que les classes populaires auront à mener au cours du XIX siècle contre le Patronat et les gouvernements à ses ordres. Les acquis faisant la spécificité d'un pseudo « modèle social français » sont les fruits d'un combat sans cesse renouvelé : « Si en France le système de redistribution sociale possède un caractère plus égalitaire que chez beaucoup de nos voisins, cela n’est nullement un don du ciel ou un particularisme insulaire ; ce n’est que la résultante d’une lutte, d’un combat de classes, qui s’est avéré en France particulièrement dur et précoce. Ce n’est pas sans raison qu’un Karl Marx, pouvait déjà dire que la France est le théâtre de la lutte des classes. Ce n’est pas sans raison non plus que, pendant deux siècles, les plus brillants révolutionnaires séjourneront en France et en étudieront l’histoire ».
La construction du socialisme français prendra en compte la réalité de la Nation, en établissant le lien entre un patriotisme révolutionnaire et une solidarité internationale forte. Cette spécificité trouvera un écho dans le combat de la Commune de Paris, symbole de la tentative de création d'une société plus juste et égalitaire et de régénération nationale. Elle traversera l'ensemble des courants du socialisme français jusqu'à la Grande Guerre. Jean Jaurès pouvait ainsi écrire « Mais ce qui est certain, c’est que la volonté irréductible de l’Internationale est qu’aucune patrie n’ait à souffrir dans son autonomie. Arracher les patries aux maquignons de la patrie, aux castes du militarisme et aux bandes de la finance, permettre à toutes les nations le développement indéfini dans la démocratie et dans la paix, ce n’est pas seulement servir l’internationale et le prolétariat universel, par qui l’humanité à peine ébauchée se réalisera, c’est servir la patrie elle-même. Internationale et patrie sont désormais liées. C’est dans l’internationale que l’indépendance des nations a sa plus haute garantie ; c’est dans les nations indépendantes que l’internationale a ses organes les plus puissants et les plus nobles. On pourrait presque dire : un peu d’internationalisme éloigne de la patrie ; beaucoup d’internationalisme y ramène. Un peu de patriotisme éloigne de l’Internationale ; beaucoup de patriotisme y ramène ».
Pour nous, l'héritage historique de la Nation n'est pas une fin en soi, il est un point de départ. Il doit nous permettre de poursuivre l'aventure collective qu'est la France, en l'orientant vers une voie spécifique de construction du socialisme à l'échelle d'une Europe libérée du Capitalisme. En pratique, les formes que peuvent prendre la Nation sont appelées à se transformer pour faire face aux défis de notre époque. Les travailleurs en reprenant en mains leur destin, seront amenés à redéfinir le rôle des institutions et à remettre en cause le fonctionnement d'un Etat qui appartenait à ses ennemis de classe depuis l'origine. Pour cette raison, nous n'avons jamais idéalisé l'ancien modèle républicain jacobin et nous rejetons ses mythes, de même des nationalismes barrésien ou maurassien liés à la défense d'une « société traditionnelle » qui n'exista jamais, telle qu’ils se la représentaient et qui servit à justifier leur alliance avec les forces conservatrices et réactionnaires.
La contradiction historique entre la Nation et l'Etat se retrouvera jusqu'à nos jours, cars elle est le fruit du maintien du système capitaliste. Nous avons souvent évoqué dans Rébellion les étapes de cette lutte et l'histoire du mouvement ouvrier révolutionnaire pour ne pas avoir à y revenir en détail dans cet article de synthèse.
Durant la mise en place de sa domination, la bourgeoise entreprit de mener une politique impérialiste et belliciste dans le cadre européen ou international (par exemple avec le colonialisme). Elle se drapa toujours dans le drapeau tricolore, pour mieux le trahir ensuite. Les travailleurs étant régulièrement sacrifiés sur l'autel de ses intérêts, on ne saurait les tenir pour responsables de sa folie meurtrière. Les entreprises de culpabilisation des classes populaires, menées depuis les années 1970, ne peuvent apparaître que pour ce qu'elles sont : des outils servant à désarmer, désorienter et à diviser la résistance à la véritable oppression capitaliste dans son stade mondialisé. Bien au contraire, les classes populaires maintiendront l'honneur de la France et l'attachement à ses valeurs quand l'oligarchie du capitalisme « national » passera à son extension mondialiste.
L'oligarchie mondialiste contre les Peuples
En effet, dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale, les classes dirigeantes françaises ont bien compris qu'une nouvelle époque s’ouvrait pour le capitalisme (le fameux plan Marshall). Sur les ruines de notre pays, elles allaient entreprendre une vaste braderie de notre indépendance nationale. Le phénomène de mondialisation de l'économie ouvrait de nouveaux terrains à sa soif de richesse, le carcan national devait voler en éclats. L'ouverture de la France aux capitaux et aux entreprises américaines, puis la construction du Marché Commun Européen permirent à de nombreuses « entreprises familiales » françaises de s'internationaliser et de conquérir des parts de marché non négligeables (voir le cas emblématique de l’Oréal). Ce virage mondialiste allait s'accélérer dans les années 1970 et 1980, de nombreuses firmes, poussées par la quête d’un taux de profit satisfaisant, s'acharnèrent à détruire le tissu industriel français par des restructurations et délocalisations sauvages avec la complicité des gouvernements successifs. Dans cette oeuvre, le grand patronat français joua à fond son rôle et ne laissa aucune chance à des millions de travailleurs réduits au chômage ou à la précarité. Il y gagna le droit de prendre sa place au sein des quelques multinationales qui se partagent les marchés mondiaux. A l'heure actuelle, certains de ses représentants manifestent leurs talents dans l'exploitation, en se hissant aux premiers rangs de la bourgeoisie internationale. Au niveau politique, on assista au même phénomène, les institutions supranationales intégrant les dirigeants français de Droite comme de Gauche. Du FMI aux institutions « Européennes », ceux-ci surent faire preuve de servilité à l’égard des nouvelles règles et amener la France à se « moderniser » par des privatisations massives et la disparition des dernières lois sociales. Le vieil impérialisme français participa lui aussi à cette affaire, en tentant de conserver ses prés carrés (l’Afrique de l'Ouest, le Liban, la Méditerranée) et de profiter de son intégration à l'OTAN afin de concourir à la défense de l’ordre capitaliste mondial qui lui concèdera toujours quelques miettes. Pour participer à cette vaste curée, les représentants français ont intégré et fait leur, l'idéologie dominante de la globalisation des échanges marchands tous azimuts (« le monothéisme de marché »). Ils se sont parfaitement adaptés et sont totalement intégrés à ce système de domination mondiale, servant leurs propres intérêts dans un monde de concurrence effrénée et ne se sentant plus appartenir à la Nation française.
Ce phénomène de rupture entre, d’une part, les élites mondialisées donnant le spectacle du nomadisme au sein du village mondial consumériste et, le Peuple d’autre part, s’avère être une clé d'analyse importante afin de comprendre l'acharnement dont firent preuve les classes dirigeantes dans le musellement de la volonté populaire. La peur du retour du Peuple français, de sa prise de conscience des dysfonctionnements de la société, de ses conséquences et des ravages du capitalisme, mine la bonne conscience de nos maîtres. En s'attaquant à la souveraineté populaire et nationale, ils pensent pouvoir conserver leur régime d’aliénation et d’exploitation. Mais rien n'est moins sûr. (A suivre) ...
12:22 Publié dans La revue Rébellion, Réflexion - Théorie | Lien permanent | Tags : régionalisme, nationalisme, europe, socialisme révolutionnaire, rébellion, rébellion toulouse, sre | Facebook | | Imprimer
29/11/2009
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EDITORIAL
Le livre de la jungle
DOSSIER
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+La longue route de la question Basque
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+NOS POSITIONS.
Réinventer la patrie.
Construire l'Alternative Socialiste Révolutionnaire.
INTERNATIONAL
La révolution indienne d'Evo Morales
CULTURE/CHRONIQUES
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