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04/06/2015

Campagne : Non au Traité Transatlantique !

Le milliardaire américain Warren Buffett déclarait en 2005 sur la chaîne de télévision CNN : « Il y a une lutte des classes, ma classe la gagne, alors qu'elle ne le devrait pas »

En ce début de siècle où le pouvoir de l’argent peut désormais s’exhiber avec le plus parfait cynisme et un mépris toujours plus exacerbé des populations, faut-il s’étonner de voir surgir un nouveau projet de traité rédigé par les têtes-pensantes de l’oligarchie occidentale ?

D’abord l’AMI (Accord Multilatéral sur l’Investissement), hier le TAFTA pour Trans-Atlantic Free Trade Agreement (Traité de Libre-échange Transatlantique), aujourd’hui le TTIP pour Transatlantic Trade and Investment Partnership Agreement (Partenariat Transatlantique de Commerce et d’Investissement), les acronymes changent, peu importe, car les objectifs demeurent les mêmes. Quant aux causes de la réactivation actuelle d’un projet qui remonte aux années 90, elles sont intimement liées aux difficultés des Etats-Unis à imposer leur hégémonie par l’intermédiaire de l’Organisation Mondiale du Commerce.

Le TTIP a pour particularité de s’élaborer dans le secret, afin de créer fait accompli et irréversibilité. Comme le disait un technocrate d’EDF à l’époque de la montée en puissance du nucléaire français sans consultation des populations : « On ne prévient pas les grenouilles quand on assèche les marais ». Les décisions sont prises à huis clos par des « décideurs » appartenant aux multinationales, aux groupes financiers et bancaires, aux divers groupes de pression mais aussi à la technocratie des différents Etats concernés. Les medias officiels ne vont donc pas s’empresser de vous informer de la teneur de ce traité ni même de son existence.

Mais de quoi s’agit-il ?

L’Europe persiste à faire respecter, très modestement, un certain nombre de normes de production. C’est à l’évidence une anomalie insupportable pour les détenteurs de capitaux mondialisés, un frein obsolète et ringard à la « libre circulation des marchandises », et donc à la nécessaire recherche du profit le plus abject.

Dans la religion du libre-échangisme, nos gourous mondialistes ont donc l’intention d’y remédier en réalisant une parfaite harmonisation des réglementations européenne et américaine.

C’est en Europe que l’œuvre de destruction aura le plus fort impact. Les Etats-Unis sont en effet d’ores et déjà le lieu d’une protection sociale minimale et de normes de production peu contraignantes à l’image du fast-food, néo-bouffe synthétique.

Ne soyons pas candides, il ne s’agit pas d’une inféodation économique de l’Europe à la puissance américaine, mais d’une parfaite collaboration des pseudo-élites européenne et américaine dans une même direction, y compris bien sûr des personnels politiques nationaux.

Bœuf aux hormones, néo-poulet nettoyé à l’eau de Javel, omniprésence totalitaire des OGM, disparition des AOC (Appellations d’Origine Contrôlée) sont à l’ordre du jour. L’agriculture française subira l’estocade et les suicides d’agriculteurs vont pouvoir s’accélérer jusqu’à leur disparition, leur transformation en animateurs culturels de bord d’autoroutes ou au mieux leur reconversion dans le tourisme rural.

Mais c’est aussi le sort des salariés ou des professions libérales qui sera fragilisé par la destruction du droit du travail et la déréglementation des conditions d’accès à certaines professions. Les projets de l’insignifiant Macron – petit soldat du Système fraîchement sorti des entrailles de Rothschild – participent à l’évidence de cette désagrégation organisée des métiers dont l’idée saugrenue de transformer des postiers en inspecteurs du permis de conduire est emblématique.

Le TTIP organise aussi la possibilité de réaliser « juridiquement » la totale dictature des marchés et du Capital mondialisé sur les hommes et leurs institutions. En effet, au plus grand mépris de notre « démocratie représentative », fiction d’une représentation populaire, il sera possible d’avoir recours à un « mécanisme de règlement des différends » entre Etats et investisseurs privés : l’Investor-to-State Dispute Settlement (ISDS). Ainsi, les investisseurs outrés par le maintien d’une norme ou une quelconque résistance locale à l’invasion de leurs produits ou de leur mode de production, pourront poursuivre en justice l’Etat signataire récalcitrant devant un tribunal arbitral international tel que le CIRDI (Centre International pour le Règlement des Différends Relatifs à l’Investissement) situé à Washington. La signature du Traité impliquera dès lors condamnation et peines financières lourdes jusqu’à assujettissement total.

La création d’un grand marché européen tant vanté par nos pseudo-élites n’a apporté que dérégulation, régression sociale, chômage, délocalisations, pauvreté, endettement organisé. Le grand marché transatlantique programmé sera un fantastique accélérateur de cette dégradation de nos conditions de vie.

Comment expliquer l’apparition de ce funeste projet des mondialistes ? Depuis plus de 30 ans maintenant, toute critique sociale un tant soit peu solide et organisée a disparu du continent européen. Les peuples tétanisés et sans perspective politique subissent et tentent d’ignorer la violence qui leur est faite. Or, le système capitaliste n’a connu de frein à son ignominie intrinsèque que parce que des obstacles à sa toute-puissance s’étaient maintenus. Dès lors que ces obstacles ont disparu, ce système apparaît sans fard dans sa pure logique d’oppression et d’écrasement des peuples.

L’Europe est une anomalie, un reste de frein à l’expansion nihiliste du Capital, du fait de ses particularités historiques, culturelles, un lieu de la conscience et du conflit politique, elle doit donc plier et s’aligner sur le diktat anglo-saxon ultra libéral.

Le TTIP c’est la négation du droit des peuples, la baisse de qualité généralisée, le règne définitif de l’ersatz et de la falsification des produits sur fond d’esclavage par la dette. Ce que nos ennemis souhaitent c’est l’avènement d’un monde d’hommes soumis et corvéables à merci, atomisés, déracinés, acculturés, abêtis, à durée de vie courte, mais producteurs et consommateurs de poisons à bas coût de production pour la victoire insensée du profit et de l’accumulation de capital.

Le TTIP constitue avec l’OTAN les deux faces d’une même pièce, économique pour la première, militaire pour la seconde, signifiant la destruction planifiée de toute souveraineté des peuples européens.

Il est urgent de comprendre la nature de ce projet mortifère, véritable fosse commune de notre civilisation. Lutter contre le TTIP, c’est s’opposer à la barbarie et à la déshumanisation programmée. Le TTIP est l’aboutissement logique d’une oppression qui a débuté au Royaume-Uni au début du XIXème siècle instaurant la déraison marchande et la dictature de la marchandise pour le profit d’une élite nihiliste et débilitante. Ce Système doit être abattu et la dénonciation du TTIP est l’occasion de la prise de conscience de cette nécessité historique.

 

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13/03/2015

Campagne : Non au Traité Transatlantique !

Dans le cadre de la campagne de refus du Traité transatlantique, nous appelons à une importante mobilisation pour une diffusion massive de notre tract sur le sujet. L'action de terrain est nécessaire pour la libération de la France et de l'Europe ! 

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Le tract de la campagne :

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12/02/2015

Rébellion 68 : L'Editorial de Jean Galié

 

EDITORIAL EN GUISE DIALOGIQUE. FAUT-IL LUTTER CONTRE LE TAFTA ?

Nous avons reçu d'une lectrice le texte suivant auquel nous répondons ci-après : "Qu'il s’agisse de gens de gauche, d’extrême gauche, d’extrême droite ou d’ailleurs, plusieurs voix s’élèvent actuellement contre le Transatlantic Free Trade Area (TAFTA), c’est-à-dire le traité de libre échange entre l’Union Européenne et les Etats-Unis. Cette contestation a même donné lieu à une manifestation, dernièrement, dans quelques villes de France. Dans les médias, en revanche, c’est le grand silence (ou presque).

Et pour cause ! Ce traité, en effet, a de quoi faire peur. Il représente en quelque sorte le stade ultime de l’assujettissement économique de l’Europe aux Etats-Unis ou, en d’autres termes, la mort de l’Europe sur le plan social et économique : suppression de tout ce qui entrave la libre concurrence des activités de service, comme la santé et l’éducation, l’eau, l’énergie, la recherche, les transports, la sécurité sociale, les services financiers, les assurances… Bref, une lente privatisation des services publics au profit de grandes firmes multinationales. Et ne parlons pas de la suppression des tarifs douaniers qui provoquera une catastrophe majeure dans le monde agricole !...

Mais ne soyons pas dupes ! Ce traité est le fruit d’une politique de « rouleau compresseur », mise en marche depuis longtemps : 1990, première déclaration transatlantique entre les Etats-Unis et l’Europe, mai 1998, signature du premier partenariat économique transatlantique, juin 2005, sommet américano-européen, avril 2007, création du « Conseil économique transatlantique », février 2009, le Parlement européen entérine l’idée d’un grand marché transatlantique, juin 2013, mandat est donné par les Etats membres de l’Union Européenne pour négocier avec les Etats-Unis la création d’un grand marché commun transatlantique… A ce titre, les propos tenus par David Rockefeller, à Newsweek, le 1er février 1999 sont d’une grande limpidité : « Quelque chose doit remplacer les gouvernements, et le pouvoir privé me semble l’entité adéquate pour le faire. » Mais, en 1848, les propos de K. Marx étaient eux aussi d’une grande limpidité : « Les pouvoirs publics modernes ne sont qu’un comité qui administre les affaires communes de la classe bourgeoise tout entière. »…

La création de ce grand marché transatlantique permettrait, nous dit-on, d’obtenir une augmentation conséquente des revenus pour les ménages européens d’ici quelques années… Tout compte fait, le TAFTA est un peu le cheval de Troie du mondialisme.

Mais, au final, quelle importance ? Oui, quelle importance que l’Europe finisse sous tutelle des Etats-Unis ? Pourquoi devrions-nous choisir entre une Europe libre d’échanger, c’est-à-dire libre d’exploiter comme elle l’entend tous les prolétaires que nous sommes et une Europe soumise aux dictats américains, simplement obligée d’adapter sa méthode d’exploitation à celle des USA ?!....

Au bout du compte, le résultat sera le même : la marchandisation des hommes… car le Capital n’a pas d’autre but : « La production ne produit pas l’homme seulement en tant que marchandise, l’homme défini comme marchandise, elle le produit, conformément à cette définition, comme un être déshumanisé aussi bien intellectuellement que physiquement – immoralité, dégénérescence, abrutissement de ouvriers et des capitalistes. Son produit est la marchandise douée de conscience de soi et d’activité propre…la marchandise humaine… » (K. Marx. Manuscrits de 1844)

Le choix à faire se situe donc ailleurs… Il ne s’agit pas d ‘améliorer ou de conserver ce qui est, ce qui a été et qui, de toute façon, sera perdu à court ou à moyen terme, il s’agit de regarder devant nous, de se donner les moyens de bâtir un monde débarrassé de l’argent et de tous ses corollaires.

Il ne faut pas perdre de vue que la concentration des capitaux est non seulement inévitable, mais indispensable au capital et fondamentalement nécessaire au renversement de ce monde : « Corrélativement à cette centralisation , à l’expropriation du grand nombre des capitalistes par le petit, se développent sur une échelle toujours croissante l’application de la science à la technique, l’exploitation de la terre avec méthode et ensemble, la transformation de l’outil en instruments puissants seulement par l’usage commun, partant l’économie des moyens de production, l’entrelacement de tous les peuples dans le réseau du marché universel, d’où le caractère international imprimé au régime capitaliste. » (Le Capital, livre premier, 1867). Le TAFTA correspond donc pleinement et intrinsèquement à la course folle du mode de production capitaliste. S’y opposer ne nous libérera nullement de l’asservissement pitoyable auquel nous sommes réduits. D’évidence, la seule véritable lutte à mener, c’est de détruire ce qui nous empêche de vivre…" Lisa

Transatlantic Free Trade Area, TAFTA, traité transatlantique, jean galié

 

 

Commentaire de Jean Galié :

Voici un texte limpide dans son expression et qui a l'insigne mérite de la radicalité tout en contribuant à un questionnement réel concernant les positions que doivent adopter les révolutionnaires engagés sur la voie de la sortie du règne despotique du capital.

Il est exact d'affirmer que nous n'avons pas à choisir entre deux composantes du capital mondial ; la logique inhérente au mode de production capitaliste se concrétisera peu ou prou, et dans l'état présent des choses on ne voit guère comment le TAFTA ne serait pas appliqué, nonobstant le fait que des oppositions au sein des diverses fractions du capital pourrait ralentir ce processus. Néanmoins, il ne faut pas s'attendre, dans l'immédiat, à ce que des tensions inter-impérialistes, au sein du monde occidental, fassent capoter cette dynamique d'extension et d'intensification de l'exploitation des prolétaires autour du projet en jeu. Les exigences géopolitiques et stratégiques imposent une uniformisation atlantiste à ce qui fait office de bloc occidental face aux autres aires géopolitiques concurrentes.

De surcroît, il est actuellement inenvisageable de voir les prolétaires européens se dresser comme un seul homme contre la mise en œuvre du projet scélérat, ne cultivons pas d'illusions à cet égard, l'offensive contre le capitalisme n'est malheureusement pas d'une ampleur suffisante actuellement.

Pour autant, nous avons toujours pensé que même si les luttes à caractère économique des travailleurs ne pouvaient remettre en question le règne du capital, qui reprend d'une main ce qu'il a concédé d'une autre, il n'en était pas moins nécessaire de combattre l'exploitation et de ne pas se laisser tondre la laine sur le dos. Au cours de ce combat il est possible de forger des moyens de lutte et d'unification face à la classe dominante. Ce sont aussi des moments où peut émerger chez les travailleurs, la conscience que la vie réduite aux exigences économiques du taux de profit est une impasse pour l'humanité.

En conséquence, il nous paraît pertinent de dénoncer le TAFTA, pour des raisons essentiellement tactiques, en les articulant à l'axe majeur de remise en question du capital dans sa globalité. Chaque fois que les prolétaires luttent contre une initiative de celui-ci, ils font bien car ils formulent leurs exigences en n'étant plus seulement des instruments passifs, des forces de travail à disposition du procès de valorisation. Toute l'histoire du mouvement ouvrier est celle de cette résistance. Il faut, certes, aller plus loin mais l'indifférentisme ne saurait être ici de mise. A l'inverse, nous savons que l'opportunisme réformiste n'est qu'une façon de nous faire acquiescer à notre aliénation. Il est donc hors de question de se rallier à ses mots d'ordre tendant à moraliser le capitalisme.

Alors "quelle importance que l'Europe finisse sous tutelle des Etats-Unis?" Pourquoi s'opposer au TAFTA? Non pas parce que c'est le TAFTA en soi! Mais bien parce qu'il est une médiation concrète dans le devenir du capital à son concept absolu, c'est-à-dire à la concrétisation du capital absolu. Celui-ci, comme l'a montré Costanzo Preve, est un phénomène culturel global (1) qui mène une guerre sans merci afin d'éradiquer toute substance humaine faisant obstacle à la marchandisation du monde.

Tout ce qui est culture au sens large n'est pas réductible à l'existence des sociétés de classe au cours de l'histoire. Les représentations mentales, les langues qui les ont rendues possibles, par exemple, bien que marquées par cette existence, ne sont pas déterminées absolument par celle-ci, ne serait-ce que parce qu'elles lui sont préexistantes. Mais même durant le processus historique, elles sont l'expression de la vie commune, de sa créativité (parfois rebelle) et de ses racines populaires.

C'est cela que la capital absolu ne saurait tolérer dans sa dynamique - impossible et contradictoire - tendant à se délester de toute pesanteur humaine dans sa corporéité sensible. N'oublions pas que la marchandise est "une chose sensible suprasensible" (Marx).

Le TAFTA est l'ensemble des relations humaines devenues extérieures à leurs agents productifs, réifiées dans l'expression juridico-économique d'un traité à usage capitalistique. Application, un exemple : l'anglais banalisé à finalité mercatique (nous n'avons rien contre Shakespeare ou William Blake!) doit se substituer aux langues vernaculaires du continent européen (ceci est soigneusement mis en œuvre dans l'Education nationale où l'on apprend à obéir à la voix de son maître sous surveillance européiste bruxelloise!) comme lieu et lien spirituels de l'expérience traditionnelle communautaire des peuples européens. C'est pour cette raison que l'Europe ne doit pas tomber sous tutelle étasunienne (2) afin que nous ne soyons pas noyés dans un magma post-prolétarien renvoyant le changement social aux calendes grecques. Nous ne disposons que de peu de temps à cet effet.

A chaque instant le capital gagne en force (au sein même de son processus de décomposition affectant tout lien social), travaille à affermir ses assises en manipulant la terre et tout le vivant, jusqu'au génome des espèces. Pour "détruire ce qui nous empêche de vivre", il est nécessaire de le faire hic et nunc et non pas dans un ailleurs et un futur improbables où tout sera plié... Ceci n'est pas de l'immédiatisme mais relève de la simple évidence selon laquelle seul l'instant présent nous appartient si tant est que l'on essaie de le penser et d'y agir.

Si l'on se retire sur l'Aventin afin de ne pas participer, avec raison, aux manœuvres de l'ennemi (cirque démocratiste), ce n'est pas pour le regarder agir mais pour le canarder! Aussi, ne peut-on à la fois constater que le TAFTA "a de quoi faire peur" et dire qu'au final cela n'a que peu d'importance. Combattre ce traité n'équivaut pas à s'arrimer à la queue de la classe dominante européenne qui, de toute façon, ne manifeste aucune velléité d'indépendance à l'égard de son maître atlantiste. Par contre, il est nécessaire de donner un contenu autonome, par rapport à l'idéologie capitaliste, à la critique que nous faisons du TAFTA. Celle-ci manifestera les objectifs propres aux forces visant "un monde débarrassé de l'argent et de tous ses corollaires". La dénonciation du traité est un moment essentiel dans la lutte pour accéder à cet au delà du fétichisme de la marchandise.

 

NOTES :

1) "Il n'a jamais existé dans l'histoire de guerre culturelle comme celle qui suit son cours [...] Comment peut-on imaginer qu'on puisse participer au conflit politico-culturel le plus immense - parce qu'il est globalisé - de toute l'histoire, sans passer par la résistance à une nouvelle inquisition omniprésente? Celui qui le croit et se retire, horrifié du danger de contamination, se met lui-même décidément hors de l'histoire." Costanzo Preve. La quatrième guerre mondiale. p. 210.11.12. Ed. Astrée.

2) " En tant qu'il est 'géopolitique', l'empire des Etats-Unis tend à dominer militairement le monde entier par un usage combiné des bases militaires contrôlant certains territoires, et des forces terrestres, maritimes, et aériennes. En tant qu'il est 'culturel', il vise à imposer de plus en plus profondément une grammaire mondiale unifiée des formes de vie, et d'une colonisation générale etsystématique de la vie quotidienne de ses 'sujets-usagers' ". Ibid. p. 169.

 

06/02/2015

Rébellion contre le Traité Transatlantique

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02/07/2014

Entretien avec Alain de Benoist sur le Traité transatlantique

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Pour la revue Rébellion, Alain de Benoist revient sur les enjeux du Traité Transatlantique. 

Rébellion / Quelle sont les origines des négociations pour le Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement ? Quelles sont les parties en présence ?

La « libéralisation » totale des échanges commerciaux est un vieil objectif des milieux financiers et libéraux. Dès le 22 novembre 1990, un an après la chute du Mur de Berlin, les Etats-Unis et l’Europe avaient adopté une première « Déclaration transatlantique » par laquelle ils s’engageaient à « promouvoir les principes de l’économie de marché, à rejeter le protectionnisme, à renforcer et ouvrir davantage les économies nationales à un système de commerce multilatéral ». S’ensuivirent différentes initiatives allant toute dans le sens d’un partenariat commercial euro-américain. En mai 1998, lors du sommet américano-européen de Londres, un premier Partenariat économique transatlantique fut signé.

Le projet fut réactivé en juin 2005, au sommet américano-européen de Washington, sous la forme d’une déclaration solennelle en faveur d’un « Nouveau partenariat économique transatlantique ». Le 30 avril 2007, un « Conseil économique transatlantique » était mis en place par George W. Bush, président des Etats-Unis, Angela Merkel, alors présidente du Conseil européen, et José Manuel Barroso président de la Commission européenne, sous la direction conjointe de Karel De Gucht, commissaire européen au Commerce, et de l’Américain Michael Froman. Cette nouvelle instance se fixait pour objectif de négocier le marché transatlantique dans tous ses aspects législatifs liés à la production, au commerce et aux investissements. Il fut convenu de se réunir tous les ans.

Le 2 février 2009, le Parlement européen adoptait une résolution sur l’« état des relations transatlantiques » invitant à la création effective d’un grand marché transatlantique calqué sur le modèle libéral et impliquant une liberté de circulation totale des hommes, des capitaux, des services et des marchandises. Le texte précisait que ce partenariat transatlantique se fondait « sur des valeurs centrales partagées, telles que la démocratie, les droits de l’homme et l’Etat de droit », et qu’il devait « demeurer la pierre angulaire de l’action extérieure de l’Union ». Le processus pouvait alors s’engager concrètement. Le 13 février 2013, Obama signait avec José Manuel Barroso et Herman Van Rompuy une déclaration adoptant le principe d’un accord de partenariat transatlantique. François Hollande, représentant la France, aissait faire. Le 12 mars, la Commission européenne approuvait le projet de mandat concernant la conclusion d’un tel accord avec les Etats-Unis. Enfin, le 14 juin 2013, les gouvernements des 27 Etats membres de l’Union européenne donnaient officiellement donné mandat à la Commission européenne pour négocier avec le gouvernement américain la création d’un grand marché commun transatlantique, qui a reçu le nom de Partenariat transatlantique de commerce et d’investissements (Trasantlantic Trade and Investment Partnership, TTIP), l’objectif affiché étant de « lier le niveau de libéralisation des deux parties au plus haut niveau de libéralisation obtenu suite aux accords de libre-échange déjà conclus, tout en cherchant à atteindre de nouveaux accès au marché en éliminant les obstacles qui demeurent ». Les négociations officielles se sont ouvertes à Washington le 8 juillet 2013. Elles se poursuivent toujours actuellement, les partenaires espérent parvenir à un accord d’ici 2015.

Rébellion / Décrit comme le plus important accord commercial bilatéral de l'histoire (800 millions de consommateurs, la moitié du PIB mondial et 40% des échanges mondiaux sont directement concernés), il est pourtant négocié dans le plus grand secret par Washington et Bruxelles. Alors que les peuples sont globalement tenus à l'écart des négociations, il semble que les représentants des multinationales et des grands intérêts financiers soient des membres actifs des réunions de préparation. Pourquoi autant de d'opacité autour de ce projet ? Que révèle pour vous ce basculement anti-démocratique du système mondialiste ?

On retrouve dans cette affaire la volonté des milieu libéraux de tenir le plus possible les peuples dans l’ignorance de ce qui va engager leur avenir. Ni l’opinion publique ni ses représentants n’ont en effet eu accès au mandat de négociation. La classe politique, dans son ensemble, s’est réfugiée dans un silence qui laisse pantois. Les traités confiant à la Commission européenne une compétence exclusive en matière commerciale, le Parlement européen n’a même pas été saisi. Beaucoup n’hésitent pas à parler de « négociations commerciales secrètes » pour qualifier ces tractations qui se déroulent à huis-clos. Ce que l’on en sait provident uniquement de « fuites ». Les citoyens n’en ont en rien été informés – ce qui n’est pas le cas, en revanche, des « décideurs » appartenant aux grands groupes privés, aux multinationales et aux divers groupes de pression, qui sont au contraire régulièrement associés aux discussions.

Rébellion / Le contenu du projet de traité semble viser à une libéralisation totale des rapports économiques entre l'Europe et les Etats-Unis. Que recouvrerait exactement le futur accord ?

C’est à la fois simple et immensément ambitieux. Il s’agit de déréglementer complètement les échanges entre les deux plus grands marchés de la planète. Le projet vise pour cela à la « suppression totale des droits de douane sur les produits industriels et agricoles », mais surtout se propose d’« atteindre les niveaux les plus élevés de libéralisation des investissements ».

Pour quel objectif ? L’élimination des barrières commerciales transatlantiques, dit-on, apporterait entre 86 et 119 milliards d’euros par an à l’économie européenne, et entre 65 et 90 milliards aux Etats-Unis, ce qui pourrait entraîner d’ici quinze ans une augmentation moyenne des revenus de 545 euros par ménage européen (chiffres fournis par la Commission européenne et par le Center for Economic Policy Research). Selon un rituel bien au point, on assure que l’accord bénéficiera à tout le monde, qu’il aura un effet favorable sur l’emploi, etc. Rapportées à l’horizon 2027, qui est celui que l’on a retenu, de telles promesses sont en réalité dépourvues de sens. En 1988, la Commission européenne avait déjà affirmé que la mise en place du grand marché européen, prévue pour 1992, créerait entre 2 et 5 millions d’emplois en Europe. On les attend toujours.

Rébellion / Les conséquences du traité, s’il devait être mis en place, seraient sans précédent pour l'Europe. Quels seraient les secteurs les plus touchés ?

La suppression des droits de douane sera surtout sensible dans le secteur du textile et dans le secteur agricole : elle devrait entraîner une chute des exportations agricoles françaises, une industrialisation accrue de l’agriculture européenne, et l’arrivée massive en Europe de soja et de blé américain. Globalement, le démantèlement des droits de douane sera en outre préjudiciable à l’Europe, car le taux moyen de droits de douane est de 5,2 % dans l’Union européenne, tandis qu’il n’est que de 3,5 % aux Etats-Unis. S’ils sont supprimés, les Etats-Unis en retireront donc un avantage de 40 % supérieur à celui de l’UE. Cet avantage sera spécialement marqué dans certains secteurs : les droits de douane sur les matériels de transports sont de 7,8 % en Europe, contre 0 % aux Etats-Unis. Leur suppression portera donc directement atteinte à l’industrie automobile européenne. Et la faiblesse du dollar par rapport à l’euro profitera également aux Etats-Unis au détriment des productions européennes, qui seront incitées à délocaliser, ce qui aggravera d’autant le chômage. Cela dit, la disparition des barrières douanières n’aura pas d’effets macro-économiques véritablement décisifs, puisque les Etats-Unis sont déjà les premiers clients de l’Union européenne, et inversement. A l’heure actuelle, quelque 2,7 milliards de dollars de biens et de services sont échangés chaque jour entre les deux continents !

Rébellion / La fin des normes protectrices et les poursuites possibles pour faire « sauter » les dernières barrières au libre-échange mondial ouvrent-elles la voie à une « privatisation » du droit au service des grands groupes ?

C’est en effet le point essentiel. Beaucoup plus importante que la suppression des droits de douane est l’élimination programmée de ce qu’on appelle les « barrières non tarifaires » (BNT), c’est-à-dire l’ensemble des réglementations que les négociateurs jugent nuisibles parce qu’elles constituent autant d’« entraves » à la liberté du commerce. En clair, les normes constitutionnelles, légales et réglementaires qui, dans chaque pays, seraient susceptibles d’entraver une liberté commerciale érigée en liberté fondamentale : normes de production sociales, salariales, environnementales, sanitaires, financières, économiques, politiques, etc. Pour ce faire, les accords en cours de négociation se proposent d’aboutir à une « harmonisation progressive des réglementations et de la reconnaissance mutuelle des règles et normes en vigueur ». José Manuel Barroso a lui-même précisé que « 80 % des gains économiques attendus de l’accord viendront de la réduction du fardeau réglementaire et de la bureaucratie ». L’enjeu normatif est donc énorme.

Pour libéraliser l’accès aux marchés, l’Union européenne et les Etats-Unis sont censés faire « converger » leurs réglementations dans tous les secteurs. Le problème est que, dans presque tous les cas, les règlements en vigueur aux Etats-Unis sont moins contraignants que ceux qui existent en Europe. Comme les Américains n’envisagent évidemment pas un instant de durcir leur législation, et que l’objectif est de s’aligner sur le « plus haut niveau de libéralisation existant », la « convergence » se fera nécessairement par l’alignement des normes européennes sur les leurs. En fait d’« harmonisation », ce sont les Etats-Unis qui vont imposer à l’Europe leurs règles commerciales.

Dans le domaine agricole, l’ouverture du marché européen devrait entraîner l’arrivée massive des produits à bas coûts de l’agrobusiness américain : bœuf aux hormones, carcasses de viande aspergées à l’acide lactique, viands aux OGM, etc. Jugées depuis longtemps « trop contraignantes » par les Américains, toutes les normes sanitaires européennes pourraient ainsi être condamnées comme « barrières commerciales illégales ». En matière environnementale, la réglementation encadrant l’industrie agro-alimentaire serait démantelée. Les groupes pharmaceutiques pourraient bloquer la distribution des génériques. Les services d’urgence pourraient être contraints de se privatiser. Il pourrait en aller de même de l’eau et de l’énergie. Concernant le gaz de schiste, la fracturation hydraulique deviendrait un droit intangible. En outre, comme aux Etats-Unis les « indications géographiques protégées » ne sont pas reconnues, les « appellations d’origine contrôlées » (AOC) françaises seraient directement menacées. En matière sociale, ce sont toutes les protections liées au droit du travail qui pourraient être remises en cause, de même que le statut des services publics et des marchés publics.

Mais il y a pire encore. L’un des dossiers les plus explosifs de la négociation concerne la mise en place d’un mécanisme d’« arbitrage des différends » entre Etats et investisseurs privées. Ce mécanisme dit de « protection des investissements » (Investor State Dispute Settlement, ISDS) doit permettre aux entreprises multinationales et aux sociétés privées de traîner devant un tribunal ad hoc les Etats ou les collectivités territoriales qui feraient évoluer leur législation dans un sens jugé nuisible à leurs intérêts ou de nature à restreindre leurs bénéfices, c’est-à-dire chaque fois que leurs politiques d’investissement seraient mises en causes par les politiques publiques, afin d’obtenir des dommages et intérêts. Le différend serait arbitré de façon discrétionnaire par des juges ou des experts privés, en dehors des juridictions publiques nationales ou régionales. Le montant des dommages et intérêts serait potentiellement illimité (c’est-à-dire qu’il n’y aurait pas de limite aux pénalités qu’un tribunal pourrait infliger à un Etat au bénéfice d’une multinationale), et le jugement rendu ne serait susceptible d’aucun appel. Un mécanisme de ce type a d’ailleurs déjà été intégré à l’accord commercial que l’Europe a récemment négocié avec le Canada (CETA).

Les firmes multinationales se verraient donc conférer un statut juridique égal à celui des Etats ou des nations, tandis que les investisseurs étrangers obtiendraient le pouvoir de contourner la législation et les tribunaux nationaux pour obtenir des compensations payées par les contribuables pour des actions politiques gouvernementales visant à sauvegarder la qualité de l’air, la sécurité alimentaire, les conditions de travail, le niveau des charges sociales et des salaires ou la stabilité du système bancaire. La capacité des Etats à légiférer étant ainsi remise en question, les normes sociales, fiscales, sanitaires et environnementales, ne résulteraient plus de la loi, mais d’un accord entre groupes privés, firmes multinationales et leurs avocats, consacrant la primauté du droit américain. On assisterait ainsi à une privatisation totale de la justice et du droit, tandis que l’Union européenne s’exposerait à un déluge de demandes d’indemnités provenant des 14 400 multinationales qui possèdent aujourd’hui plus de 50 800 filiales en Europe.

Rébellion / L'Union européenne se révèle un acteur de l'arrimage de notre continent aux intérêts des Etats-Unis. Pensez-vous que cette orientation atlantiste cache une course vers le vide d'une institution technocratique qui tente de renforcer son emprise sur les peuples ?

Ce qui est terrible en effet, c’est que les négociateurs de l’Union européenne semblent s’être engagés dans ces discussions sans le moindre souci de faire passer en premier les intérêts des Européens. On ne peut s’en étonner, puisque l’idéologie de l’Union est cette même idéologie capitaliste et libérale dont se réclament les Etats-Unis. Dans certains domaines, les Européens vont même plus loin que les Américains. Un exemple : le 1er juillet dernier, un document qui a « fuité » grâce à un groupe bruxellois appelé Corporate Europe Observatory (CEO) a révélé que, dans le cadre des négociations sur l’accord commercial transatlantique, les Européens s’aprrêtent à demander eux-mêmes moins de règles pour les banques et les marchés financiers, cet appel à déréglementer la finance, qui résulte du travail de lobbying des banques européennes, remettant directement en cause tout le travail d’encadrement de ce secteur realisé depuis le début de la crise. L’intégration des services financiers à l’accord transatlantique permettrait ainsi aux banques européennes d’opérer aux Etats-Unis avec leurs propres réglementations.

Rébellion / La perte de souveraineté économique de l'Europe représentée par la mise en place du traité Transatlantique ne va t-elle pas renforcer la perte de souveraineté politique déjà existante avec son intégration dans l'OTAN ?

La réponse est dans la question ! Le Wall Street Journal l’a d’ailleurs reconnu avec ingénuité : tout comme le « Partenariat transpacifique » (Trans-Pacific Partnership, TPP) que les Etats-Unis ont également lancé en 2011 pour contenir la montée en puissance de la Chine, le partenariat transatlantique « est une opportunité de réaffirmer le leadership global de l’Ouest dans un monde multipolaire ». Un leadership que les Etats-Unis ne sont pas parvenus à imposer par l’intermédiaire de l’OMC en raison de la résistance des pays pauvres et des pays émergents. Il s’agit donc bien pour eux de tenter de maintenir leur hégémonie mondiale en enlevant aux autres nations la maîtrise de leurs échanges commerciaux au bénéfice de multinationales largement contrôlées par leurs élites financières. La création d’un grand marché transatlantique leur offrirait un partenaire stratégique susceptible de faire tomber les dernières places fortes industrielles européennes. Il permettrait de démanteler l’Union européenne au profit d’une union économique intercontinentale, c’est-à-dire d’arrimer définitivement l’Europe à un grand ensemble « océanique » la coupant de sa partie orientale et de tout lien avec la Russie. 

L’enjeu final est donc bel et bien politique. Par une intégration économique imposée à marche forcée, l’objectif final est de mettre en place une « nouvelle gouvernance » commune aux deux continents. A Washington comme à Bruxelles, on ne dissimule pas que le grand marché transatlantique n’est qu’une étape vers la création d’une structure politique mondiale, qui prendrait le nom d’Union transatlantique. De même que l’intégration économique de l’Europe était censée déboucher sur son unification politique, il s’agirait de créer à terme un grand bloc politico-culturel unifié allant de San Francisco jusqu’aux frontières de la zone d’influence russe. Le continent eurasiatique étant ainsi coupé en deux, une véritable Fédération transatlantique pourrait ainsi voir le jour. Les souverainetés nationales ayant déjà été annexées par la Commission de Bruxelles, c’est la souveraineté européenne qui serait alors transférée aux Etats-Unis. Les nations européennes resteraient dirigées par des directives européennes, mais celles-ci seraient dictées par les Américains. Il s’agit, on le voit, d’un projet d’une immense ambition, dont la réalisation marquerait un tournant historique – sur l’opportunité duquel aucun peuple n’a jamais été consulté.

Rébellion / Grand absent de cette négociation, quel est le regard de la Russie sur ce renforcement des liens du bloc atlantiste ? Propose-t-elle une voie alternative ?

La Russie ne peut que s’inquiéter de la mise en place d’un tel accord, qui contribuerait à l’encercler du point de vue économique et politique, et à la couper un peu plus des pays européens. Elle pourrait bien entendu offrir une alternative aux Européens, en leur proposant de s’associer à la construction d’un grand bloc continental, mais elle sait très bien que l’Union européenne ne s’engagera jamais dans cette voie aussi longtemps qu’elle restera aux ordres de Washington. Dans le passé, Poutine semble avoir espéré que les Européens se montreraient plus soucieux de leur indépendance et prendraient conscience de ce qui rend complémentaires les intérêts russes et les intérêts européens. Je pense qu’aujourd’hui, il ne se fait plus d’illusion. C’est la raison pour laquelle il se rapproche toujours plus de la Chine, afin de créer avec elle une puissance commune qui puisse contre-balancer l’offensive américaine et affaiblir un dollar déjà bien mal en point.

Rébellion / Lors des débats à l'Assemblée nationale, l'UMP comme le PS ont rejeté l’appel à la suspension des discussions déposé par le Front de gauche. Cet alignement de la « gauche » comme de la « droite » est-il une nouvelle preuve de leur adhésion commune à logique libérale ?

Est-il encore besoin de « preuves » ? Le parti socialiste, qui depuis 1983 n’a plus de socialiste que le nom, ressemble aujourd’hui de plus en plus à l’ancienne SFIO. Il a hérité d’un atlantisme qui ne s’est pas démenti depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, ce qui explique que François Hollande se soit bien gardé de revenir sur la réintégration de la France dans l’appareil intégré de l’OTAN. Toute sa politique montre par ailleurs qu’il s’est officiellement soumis à la finance de marché. N’oublions pas non plus que nombre de membres de la Nouvelle Classe, qu’il s’agisse de leaders d’opinion ou de dirigeants des grands « partis de gouvernement », à commencer par François Hollande (promotion 1996), font partie des « Young Leaders » de la French-American Foundation, organisation créée en 1976 pour « renforcer les liens entre la France et les Etats-Unis », notamment par la recherche de « solutions partagées » (c’est aussi le cas de personnalités aussi différentes que Arnaud Montebourg, Aquilino Morelle, Marisol Touraine, Najat Vallaud-Belkacem, Matthieu Pigasse, Laurent Joffrin, David Kessler, Jean-Marie Colombani, Jérôme Clément, Yves de Kerdrel, Pierre Moscovici, Valérie Pécresse, Christine Ockrent, Alain Minc, Anne Lauvergeon, Alain Juppé, etc.). Comment s’étonner alors de la déclaration de Nicole Bricq, ancien ministre du Commerce extérieur, présentant le projet de traité transatlantique comme une « chance pour la France », à laquelle on « ne peut qu’être favorable » ?

Rébellion / De José Bové à Marine Le Pen, en passant par Nicolas Dupont-Aignan et Jean-Luc Mélanchon, des voix se font pourtant entendre contre le projet de traité. Des initiatives de terrain sont lancées par de nombreuses associations ou individus autonomes pour sensibiliser sur cette question. Pensez-vous qu'une opposition populaire puisse faire reculer le système sur cette question ? Assistons nous à la naissance d'un mouvement transversal comme lors du référendum sur la Constitution européenne de 2005 ?

La comparaison que vous faites trouve d’emblée ses limites puisque, contrairement à ce qui s’était passé lors du référendum de 2005, le peuple n’est pas convié à donner son opinion à propos du projet de traité transatlantique. Les protestations très justifiées qui se font entendre ici ou là n’ont donc pas la moindre chance d’empêcher les négociations de se poursuivre. On constate tout simplement que le pouvoir est ailleurs ! Ce qui est vrai, en revanche, c’est que les adversaires du traité se recrutent dans des familles politiques d’origine très différente. En ce sens, il n’est pas exagéré de parler de « mouvement transversal ». C’est une preuve de plus du caractère obsolète des anciens clivages et de la mise en place de clivages nouveaux. Mais cela, on le savait déjà depuis longtemps.

Rébellion / Plus largement, que vous inspirent les contestations sociales et les sursauts « populistes » récents en Europe. Croyez-vous à la naissance d'une alternative au système ?

Il y aurait beaucoup à dire sur les phénomènes que l’on désigne habituellement sous l’étiquette de « populisme ». Chacun sait que la poussée des mouvements populistes (qu’on aurait tort de réduire à un modèle standard, car ils peuvent être très différents les uns des autres) traduit une crise profonde de la représentation, en même temps qu’elle illustre l’épuisement du clivage droite-gauche. Mais il faut aussi préciser que le populisme n’est pas une idéologie, mais un style qui, en tant que tel, peut se combiner avec des ideologies elles aussi très variées. Il est encore trop tôt pour dire s’il peut en sortir une véritable alternative – et non pas seulement une alternance. Disons que ces phénomènes sont à surveiller de près, sans a priori idéologiques et sans idées préconçues.

 

 

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