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28/10/2005

Les femmes face au Capitalisme

[Rébellion n°4 Janvier/Février 2004]

Au moment où s’ouvre un nouveau débat sur la parité homme/femme dans le monde du travail, il nous paraît important de nous pencher sur l’originalité du travail féminin dans la logique capitaliste d’exploitation. Loin des stéréotypes machistes et de la propagande féministe, il faut bien dire que la situation des femmes dans l’entreprise est complexe, le capitalisme leur réserve une place à part dans son enfer. En fait, c'est en premier lieu sur les femmes travailleuses que les capitalistes font peser les diverses démarches de précarisation, pour les généraliser ensuite à l'ensemble du salariat. Le capitalisme prend appui sur l’ancienne domination sociale des femmes pour les utiliser comme champ d’application de sa logique néo-libérale. Le but du capital est de briser la révolte populaire en divisant encore davantage les classes laborieuses. L’émancipation des femmes passe donc par une prise de conscience de la logique du capital, par le dépassement des faux clivages et une lutte commune et complémentaire avec les hommes contre le Système.

Et le capitalisme créa le « travail féminin »

C’est durant la période d’industrialisation de l’Europe que les femmes des classes populaires commencèrent à quitter le monde domestique pour celui de la manufacture. Jusque là, les femmes assumaient déjà la charge de travail importante de la gestion du foyer et participaient activement à la vie de la communauté.

Fait significatif, les productions spécifiquement féminines seront dès cette époque rémunérées plus faiblement que celles des hommes, cela étant basé sur la reproduction par le capitalisme naissant de la domination sociale exercée par les hommes dans les sociétés traditionnelles sur les femmes.

La mécanisation a rendu les travaux les plus pénibles accessibles aux femmes. Le regroupement au sein des fabriques de la main-d’œuvre féminine permit une concentration de la production. Mais surtout le coût peu élevé du travail des femmes et des enfants (la moitié du salaire d’un homme) permit au patronat de dégager un plus grand profit. Au milieu du 19ème siècle, on vit ainsi se dessiner une division du travail entre les sexes, renforcée par la tendance du capitalisme à remplacer la main-d’œuvre masculine dotée d’un fort savoir-faire et de connaissances par des femmes jugées dociles et sans formation professionnelle.

La Première Guerre Mondiale accéléra le processus d’intégration des femmes au marché du travail. Mais c’est avec le développement des activités tertiaires et du salariat que les femmes se verront participer à la mise en place d’une division par sexe des tâches qui aboutira à la constitution de secteurs quasiment réservés au travail féminin. Les « Trente Glorieuses » continuent le processus en l’amplifiant. Il ne sera remis en cause qu’avec la crise économique des années 80.

La dégradation du marché du travail a créé des inégalités nouvelles entre les sexes : en terme d’accès au marché du travail et de type d’emploi. La flexibilité du travail s’impose ( emplois « aidés » par l’Etat, intérim, CDD, temps partiel). Les femmes , et en particulier les moins formées, sont touchées de plein fouet par le chômage, l’instabilité et le sous-emploi.

Selon la sociologue Chantal Nicole-Drancourt : «  la féminisation des emplois atypiques ( emplois précaires) apparaît comme le moyen efficace du passage progressif, et surtout sans obstacle, d’une économie industrielle de croissance basée sur le plein emploi à une économie tertiaire avec emploi flexible et chômage de croissance ». Comme l’analyse très justement Françoise Battagliola (1), le capitalisme en transformation utilise, comme au 19ème siècle, la main d’œuvre féminine comme champ d’application de nouvelles modalités d’emploi. Il utilise le chantage au licenciement pour dominer une main-d’œuvre très peu syndiquée. Il en ressort alors une dégradation croissante des conditions des travailleurs et des travailleuses.

On retrouve quoi qu’il en soit, le discours hypocrite du capitalisme. Ainsi l’aménagement du temps de travail des femmes par le développement du travail à mi-temps. Bien loin d’être un choix individuel qui pourrait bénéficier à l’épanouissement de la personne et de sa famille, il est la mesure imposée qui développe un sous-emploi féminin.

 

Les Conditions de travail des femmes

Si on observe les statistiques sur le marché du travail, on observe une distribution inégale des emplois, avec une division entre secteurs principalement masculins ou féminins.

Les travailleuses se retrouvent dans la plupart des cas dans des emplois qui sont censés exiger peu de qualification et qui sont de bas prestige. Les salaires sont inférieurs, les conditions de travail plus pénibles et précaires en comparaison avec les hommes. Ces emplois typiquement féminins nous les connaissons tous : secrétaire, infirmière, caissière, vendeuse, serveuse… Jugés ennuyeux par les intéressées elles-mêmes, ils sont extrêmement contrôlés et structurés par la hiérarchie patronale.

Le cas le plus concret est celui des caissières de supermarché. Considérées comme des machines vivantes par les directions. Placées sous la surveillance constante des caméras, on leur « conseille » de passer plus de 20 articles à la minute, avec au bout de la route pour les moins productives la culpabilisation, le harcèlement moral des petits chefs et le licenciement pour faute. La grande distribution a logiquement développé la précarité des emplois dans sa guerre commerciale entre enseignes. Et ce sont ces employés qui paient l’addition.

Selon une enquête sur la « santé mentale dans la grande distribution » , menée par des médecins du travail dans l’Indre et Loire en 2000-2001, 92 % des caissières se plaignent de « souffrance mentale ». Les auteurs précisent que « ce métier est souvent une impasse, elles ne s’y épanouissent pas et n’ont aucune perspective de carrière ». Les médecins révèlent que 61 % des femmes interrogées n’ont pas choisi ce métier, 71 % ont un contrat à temps partiel imposé et 7% gagnent moins de 760 euros par mois.

Dans le domaine du discours sur les risques du travail, on rencontre une certaine réticence à reconnaître les exigences propres aux femmes. Le travail des femmes est le plus souvent considéré comme exigeant peu d’efforts et comme une extension du travail domestique ne présentant pas de risques pour la santé. La représentation sociale du travail dangereux s’est calquée sur l’image du travail masculin ( taux élevés d’accidents aux effets immédiats et aux séquelles physiques visibles). Dans le cas des femmes travaillant dans les secteurs liés au tertiaire, on ignore les effets lents des contraintes psychologiques et morales. La dépression étant une des marques des pathologies liées aux conditions du travail féminin.

Mais ces conditions de travail peuvent perdurer à cause d’une autre spécificité du travail féminin : le fort taux de chômage et de précarité. Dès la sortie de leurs études, les jeunes femmes rencontrent plus de difficultés d’insertion dans le monde du travail que celui des hommes du même âge. Les taux de chômage des femmes sont toujours plus élevés, que l’on considère l’âge, le diplôme ou la catégorie professionnelle. En 1998, plus d’un chômeur sur deux était une chômeuse alors que les femmes représentent seulement 44% de la population active.

 

Travail de nuit des femmes : l’égalité à rebours

Le 30 novembre 2001, le gouvernement a fait adopter par l’Assemblée Nationale un texte mettant fin à l’interdiction du travail de nuit pour les femmes dans l’industrie. Ce texte a pris pour prétexte la mise en conformité du droit français avec le droit européen sur l’égalité entre les sexes. En effet, voila plus de 20 ans, une directive européenne levait l’interdiction du travail de nuit pour les femmes, sous prétexte d’égalité. En 1987, une brèche est ouverte par la loi Séguin sur "l’aménagement du temps de travail" qui comporte une clause sur le travail de nuit.

En 1997, la Cour européenne de justice met en demeure la France d’accorder son droit national au droit européen. Pas d’exception dans l’Europe capitaliste de Bruxelles. Cette mesure d’ aggravation des conditions de travail nous la devons au gouvernement Jospin. Sous couvert de respecter l’égalité, on nivelle par le bas. Et ce sont les patrons qui se frottent les mains, encore une fois.

On connaît déjà les ravages que provoque le travail en équipe chez les hommes (diminution de la durée de vie, perturbation du rythme biologique, fatigue accrue donc insécurité accrue sur les lieux de travail). On imagine ce que cela veut dire pour les femmes. Car celles-ci, contrairement à la plupart des travailleurs hommes, ne rentrent pas chez elles le matin pour se coucher mais bien pour emmener les enfants à l’école et remplir les tâches domestiques. Sans oublier qu’un poste qui se féminise est un poste qui se dévalorise, le travail de nuit va subir une banalisation et devenir non pas un "choix" pour ramener plus d’argent, mais une contrainte pour garder un emploi.

 

Non, le travail de nuit pour les femmes n’est pas un progrès de l’égalité des sexes. C’est un retour au XIXème siècle, quand les filles de la classe ouvrière s’étiolaient dans les filatures. La mode est à la rentabilité immédiate, les patrons se soucient peu que les femmes qui travaillent puissent conjuguer vie professionnelle et familiale. La seule façon réellement progressiste d’envisager la question est d’interdire le travail de nuit, pour les femmes comme pour les hommes. Seuls certains secteurs ont besoin de personnel de nuit comme la santé ou les transports, mais certainement pas la production capitaliste ! C’est aux travailleurs et aux travailleuses de décider des modalités de fonctionnement de ces secteurs, de manière collective et en prenant en compte des conditions sociales, familiales et matérielles de chacun. Chaque cas doit être étudié pour savoir si la présence de nuit s’avère nécessaire et si des systèmes automatisés peuvent être mis en place pour éviter la présence humaine.

Cette mesure de la reprise du travail de nuit des femmes dans l’industrie, vient rappeler le rôle de la main d’œuvre féminine dans la production industrielle actuelle. Des « petites mains » de LIP aux travailleuses de Moulinex, les femmes sont toujours présentes dans les usines. Elles sont victimes, comme les hommes, des délocalisations de notre industrie vers le Tiers-Monde. Elles sont aussi les premières à lutter contre la logique capitaliste de destruction de la classe ouvrière européenne !

 

La perspective socialiste d’émancipation de la femme

L’objectif du socialisme européen est de créer une société harmonieuse qui garantisse l’épanouissement de chaque élément qui la constitue dans l’intérêt général de la communauté.

L’objectif du socialisme européen est de créer une société harmonieuse qui garantisse l’épanouissement de chaque élément qui la constitue dans l’intérêt général de la communauté.

Pour cela, les justes revendications des femmes ne doivent pas être enfermées dans le ghetto féministe, ni dédaigneusement traitées par certains éléments machistes. Elles devront être prises en compte, intégrées au programme d’un mouvement révolutionnaire large qui transcende les artificiels clivages du Capital (homme/femme, vieux/jeunes…). La participation des femmes à l’élaboration d’une société socialiste est donc indispensable, leur approche différente de certains problèmes étant enrichissante pour tous.

Comme le rappelle justement Alain de Benoist, la complémentarité des sexes est fondamentale, l’homme a besoin de la femme autant que la femme a besoin de l’homme, non seulement d’un point de vue sexuel, mais aussi d’un point de vue psychologique et spirituel, pour se bâtir par antagonisme, en se confrontant à la différence élémentaire, qui est le signe le plus visible de la division universelle. C’est cette complémentarité dialectique fructueuse, dont l’enfant est le produit, qui fonde affectivement le besoin de la différence mutuelle.

Cette complémentarité doit se retrouver dès maintenant dans le combat pour le socialiste européen. L’émancipation des travailleuses passe par la lutte commune, la solidarité avec les travailleurs contre les exploiteurs. Le féminisme est né dans les marges de la bourgeoisie progressiste et bien pensante avec la complaisance du pouvoir économique avide de stratégies de leurres, qui a substitué à la réelle lutte des classes une lutte des sexes fantasmatique comme l’a clairement montré Alain Soral.

Combattre les inégalités de statut et de salaire entre femmes et hommes répond à un évident objectif de justice sociale, en accord avec le principe «  à travail égal, salaire égal ». Mais c'est aussi attaquer le cœur de l'organisation sociale, par des revendications dont le caractère est immédiatement anti-capitaliste : viser l'égalité des revenus, indépendamment du sexe et à qualification identique, accroître massivement le temps libre, de façon à répartir l'emploi, mais aussi le travail domestique et éducatif, reconnaître la valeur du travail ménager.

Les femmes, salariées ou non, qui ne travaillent pas moins durement chez elles ne voient pas ce travail considéré comme tel dans une société où le capitalisme ne reconnaît que le travail rémunéré. Contre cet état de fait, nous imposerons une reconnaissance de ce travail par un salaire social qui sera mis en place pour celui des deux époux qui accomplit des tâches domestiques et se consacre à l’éducation des enfants. De la même manière, nous impulserons des initiatives qui garantiront l’égalité des droits et le respect social des mères célibataires, en étendant pour elles une couverture sociale de caractère spécial adaptée à leur condition.

L’objectif du socialisme européen est de créer une société harmonieuse qui garantisse l’épanouissement de chaque élément qui la constitue dans l’intérêt général de la communauté.

 

Pour une ligne de front anticapitaliste

[Rébellion n°12 Mai/Juin 2005]

Ceux qui nous ont lu correctement, savent qu’à Rébellion nous goûtons peu les pièges du paradis « démocratique » du capital et sommes peu enclins à participer aux initiatives des vastes rassemblements interclassistes dont celui-ci a besoin pour se survivre à lui-même (depuis les Fronts populaires du passé, en passant par l’union de la Gauche jusqu’au conglomérat actuel de l’altermondialisme et de l’idéologie citoyenniste). Ces impasses historiques constamment réactualisées par le discours sur l’opposition droite/gauche, semblent néanmoins avoir du plomb dans l’aile pour la période qui s’annonce. Malgré tous les efforts déployés par les officines du système afin de maintenir un rapport fantasmatique à la réalité sociale (spectre du fascisme, du terrorisme, de l’islamisme etc.) afin de paralyser toute critique radicale du capital, les clivages politiques habituels commencent un tout petit peu à se fissurer. Déjà la question référendaire traverse et divise tous les courants politiques traditionnels, ce qui en soi n’est pas une grande surprise. Ce qui est plus significatif est le développement de la discussion sous-jacente à ce phénomène : quel modèle de société adoptons-nous ? De quelle Europe parlons-nous au sein d’un monde soumis au processus de mondialisation ? Par ricochet toutes les questions en viennent à se rejoindre et le lien est clairement fait avec la politique mondiale dominée par les Etats-Unis.

La référence exclusive à la libre concurrence dans le projet de constitution européenne (plus de 140 fois dans le texte) à laquelle plus rien ne pourrait ainsi échapper met en exergue le choix de société sur lequel il faut se prononcer. Chacun est ainsi mis au pied du mur, à tel point qu’au sein même de la « droite », certains hommes politiques se déclarant néanmoins libéraux en viennent à contester cette hégémonie définitive et sans partage de l’idéologie ultra libérale. A gauche, certains tirent la leçon de la pratique sociale démocrate au pouvoir, puisque celle-ci s’est globalement résumée- comme on aurait dû s’y attendre- à une gestion des affaires du capital, c’est-à-dire des délocalisations et de la mondialisation, assortie de bons sentiments et de discours à prétentions humanistes pour faire accepter la triste réalité. En conséquence, l’altermondialisme apparaît au mieux comme une énième illusion concernant la façon d’humaniser le capitalisme et au pire comme une stratégie de ce dernier afin de contenir le mécontentement à son égard. Dans cette optique, la critique radicale des présupposés du système revient au devant de la scène avec un sérieux que l’on avait oublié depuis longtemps.

Pour ce qui concerne le thème de l’Europe, même si les clivages subsistent entre souverainistes et européistes, la question posée donne à réfléchir sur notre destin de civilisation et sur notre ancrage en celle-ci. En filigranes apparaît l’interrogation sur les limites de l’Europe, avec la perspective mondialiste d’adhésion de la Turquie. Nul ne se présente sérieusement comme étant indifférent à la richesse du patrimoine européen et de surcroît une conscience commune des liens unissant les peuples européens commence à se dessiner. C’est même pour défendre l’identité de l’Europe que certains se déclarent hostiles à la Constitution (position de Rébellion bien évidemment). Son cadre libéral disloquant les quelques acquis sociaux obtenus de longue lutte ne saurait satisfaire ceux rejetant l’hégémonie du capital. Face à la volonté de la bourgeoisie de sacrifier l’Etat Nation qui lui avait servi de cadre pour se développer (mais aussi de cadre de résistance de la part des travailleurs), la nostalgie à l’égard de ce vieux schéma peut apparaître comme n’étant plus de mise et induire une recherche de voie originale dans l’optique de la remise en question du système.

Enfin, les évènements internationaux où il ne faut pas être grand clerc pour saisir l’offensive mondiale des Etats-Unis afin de dominer la planète, donne à penser sur le poids de l’Europe dans le jeu géopolitique. Là également, le texte constitutionnel est sans ambiguïté, puisqu’il arrime totalement la politique européenne aux intérêts otanesques, soit, en clair, aux intérêts de la puissance étasunienne. Cela permet, en fonction de tout ce que l’on peut observer dans le monde (occupation de l’Irak, diabolisation des pays réticents, encerclement de la Russie) de se déterminer par rapport à l’hyperpuissance et de désigner l’ennemi : la plus grande puissance capitaliste du monde à l’égard de laquelle l’Europe ne peut que s’opposer conjointement avec d’autres peuples en lutte. Mais cela ne pourra réellement se faire qu’en montrant l’exemple d’un autre type de société que nous qualifierons de socialiste.

Ces axes que nous venons d’esquisser nous semblent déterminants pour l’avenir. Certaines convergences, malgré les désaccords sur tel ou tel point, sont à l’ordre du jour, échappant ainsi au carcan idéologique que le pouvoir impose subtilement à tout un chacun. En particulier, la dichotomie droite/gauche est-elle largement désuète eu égard aux fondements sur lequel elle était sensée reposer. Certains en sont venus à raisonner comme si s’affrontaient deux essences éternelles incarnées par le processus historique, oubliant de ce fait que la politique a une dimension d’artifice consistant à redéfinir en permanence un fragile équilibre entre des pratiques humaines souvent contradictoires. On doit effectivement faire des choix, mais pas entre des essences supra humaines. Il s’agit d’évaluer les répercussions de tel ou tel choix politique quant à ce qui concerne le bien commun. Le libéralisme tous azimuts est désastreux à tous égards, l’immigration qui l’accompagne en est un effet collatéral par exemple. Inutile de se cacher la vérité en s’abritant derrière de fumeux principes, véritables essences métaphysiques appliquées abusivement à la politique. Là-dessus des esprits sensés peuvent bien s’accorder. De fait, on commence à comprendre cela et se présente ainsi l’opportunité de faire éclater les clivages dépassés au sein de l’univers politique. Une ligne de front se dégage peu à peu du sein des brumes idéologiques : c’est la ligne de front anticapitaliste débarrassée des vieux oripeaux qui jusqu’à maintenant ont stérilisé toute tentative de venir à bout du processus de la domination de la valeur dans la pratique sociale des hommes.

23/10/2005

Edito du numéro 13 Juillet/Août 2005

>EDITORIAL.

Vive les peuples européens !

Comme nous l’avions souligné dans notre précédent éditorial, la période post-référendaire pourrait laisser apparaître une certain nombre d’opportunités dans la remise en question du consensus que le capital a pu imposer jusqu’ici en France et en Europe. Le peuple français suivi du peuple néerlandais vient de gripper la machine bruxelloise pour notre plus grande satisfaction. Immédiatement, la classe dominante a décidé de geler dans plusieurs pays de l’UE les consultations référendaires qu’elle avait l’intention de conduire au sein d’un scénario qui voulait donner l’impression d’une diversité (dans certains pays, seules les institutions parlementaires étant consultées) dans l’acceptation par les peuples de la machination libérale. L’Espagne avait bien ratifié par voie référendaire la Constitution mais en laissant apparaître une énorme abstention, qui, ajoutée aux tenants du NON représente près de 70% du corps électoral de ce pays ! L’écrasant rejet de l’UE en France et aux Pays-Bas témoigne désormais de l’hostilité des européens à l’égard de la dynamique du capital à laquelle les dirigeants européens veulent donner une forme institutionnelle adéquate par le biais d’une Constitution. Comme le souligne le journal Intervention Communiste, n° 67, de juin 2005 (1) il s’agit d’un « NON DE CLASSE », les prolétaires ayant massivement rejeté le texte qui leur était soumis. Cela constitue la leçon majeure de ce scrutin, selon nous. Les travailleurs commencent à percevoir ce que la bourgeoisie tente de lui cacher soigneusement, c’est-à-dire, le pouvoir dont ils peuvent disposer lorsqu’ils décident de s’opposer au capital. Certes, et nous l’avons déjà souligné maintes fois, cela n’est que le début, le frémissement d’une réponse mais qui en l’occurrence s’avérait urgente et nécessaire afin d’asséner une gifle aux gouvernementx et aux partis politiques mondialistes qui pensaient que la partie engagée afin d’accroître démentiellement la valorisation du capital était gagnée.

Dans la foulée du vote négatif, le processus d’adoption de la Constitution a été gelé lors du dernier sommet de Bruxelles, laissant apparaître ce qui ne cessera jamais tant que le capital dominera : la division de la classe dominante selon ses intérêts « nationaux » propres. Il ne faut pas voir en cela une défense par tel ou tel gouvernement de « son » peuple (gesticulations de Chirac par exemple, à Bruxelles, au sujet du budget européen) mais simplement une manière de gérer avec les moyens du bord la crise politique en cours pour les meilleurs intérêts des bandes capitalistes se partageant le marché. Ainsi, nous qui sommes pour un autre projet européen, n’avons rien à regretter au sujet de la crise secouant les institutions européennes. Intervention Communiste fait remarquer fort justement :

« Notre internationalisme prolétarien (2) ne nous oblige pas à reconnaître les superstructures dont se dotent les Etats impérialistes, parce que justement elles ont été créées par les monopoles et pour les monopoles ! Penser que l’Union Européenne puisse être demain le cadre d’une entente entre les peuples […] cela ne s’est vu nulle part et ne se verra nulle part, sans révolution des exploités et opprimés » (3). Pensons en effet au rôle de certains pays européens (au premier chef, l’Allemagne) dans l’éclatement et le développement des conflits dans les Balkans et en Yougoslavie, par exemple.

Le second facteur de la victoire du NON, passé la plupart du temps sous silence par les défenseurs du système, est le rejet du projet d’intégration de la Turquie dans l’UE, cheval de bataille des mondialistes (même si tout a été fait pour laisser croire que l’adoption de la Constitution n’avait pas de rapport avec cet objectif d’intégration). Le secrétaire d’Etat étasunien, Condoleezza Rice, n’a-t-elle pas déclaré ? : « …ce que nous ne pouvons pas nous permettre, c’est un fossé entre la Turquie et le reste de l’Europe ». Au nom de qui s’exprime-t-elle ? Des intérêts de l’empire yankee bien évidemment. Sachant que le projet constitutionnel arrimait de façon explicite et inconditionnelle les Etats européens à l’Otan, donc aux USA, il est clairement perceptible que la classe dominante européenne tente par tous les moyens d’obtenir des miettes du butin récolté dans le monde par l’hyperpuissance capitaliste. C’est là une des contradictions de notre époque qui voit une lutte acharnée pour la survie de chaque entité capitaliste au sein de la jungle concurrentielle. On fait parfois mine de s’opposer, pour ensuite obtenir néanmoins la mansuétude du vainqueur toutes catégories, les USA. De fait la bourgeoisie européenne navigue à vue entre tous ces écueils, sans avoir de projet politique cohérent, signe de sa décadence irrémédiable. Le projet géopolitique étasunien d’encerclement de l’Europe et de la Russie par l’Asie centrale turcophone et d’intégration de la Turquie (alliée d’Israël) à l’UE, se voit ainsi défendu tous azimuts par nos « élites » politiques. Probablement, la bourgeoisie européenne espère-t-elle obtenir quelques profits dans des investissements au pays de la Sublime Porte (objectif fort aléatoire lorsqu’on connaît l’état pitoyable de l’économie turque) tout en faisant venir en Europe des masses d’immigrés déracinés de leur plateau anatolien et qui travailleraient chez nous pour des salaires faisant pression à la baisse, pour le plus grand bonheur de nos exploiteurs. Les coûts sociaux d’une telle vague d’immigration étant comme toujours, supportés par les prolétaires indigènes. Quant aux Etats-Unis, ils ne pourraient que se réjouir de la dissolution des travailleurs européens dans le magma d’une immigration frénétique, cela affaiblirait toujours plus la possibilité de se voir opposer un projet politique alternatif à la dynamique du capital. Saluons au passage les formations révolutionnaires turques (notamment le Parti Socialiste Révolutionnaire) s’opposant à l’entrée de leur pays dans l’UE libérale.

En dernier lieu, mettons en garde les travailleurs français contre les manœuvres idéologiques de la gauche libérale ou cryto-libérale qui, au lendemain du scrutin du 29 mai a appelé à rejouer le scénario pitoyable de l’Union de la Gauche. L’intérêt de ce scrutin est justement de faire éclater les misérables clivages permettant de pérenniser la mystification capitaliste. Nous avons depuis bien longtemps affirmé que ce dispositif devait être détruit et que depuis quelque temps un frémissement dans la prise de conscience de cela était perceptible à partir de divers horizons politiques. L’altermondialisme commence à être critiqué pour ce qu’il est, un aménagement du capital, par exemple. La comédie droite/gauche commence à lasser le bon peuple, etc. Aussi, comme toujours, les sociaux-démocrates et leurs alliés de la direction du PC essaient de se refaire une virginité. Récemment, nous avons eu droit à un nouveau psychodrame à propos de la rencontre du Premier Ministre avec les diverses formations politiques du pays dont le FN. Dans une mâle posture, François Hollande a refusé de se rendre à l’invitation de Villepin afin de ne pas être contaminé par le Diable. Buffet, quant à elle, s’est fendue d’une déclaration faisant pensé à tout, sauf à la lutte des classes. Pour ces représentants de la gauche, il vaut sans doute mieux faire des risettes aux membres du gouvernement de la bourgeoisie que de risquer de croiser dans un couloir des membres d’un parti qui, quoique l’on pense de ses thèses qui ne sont pas les nôtres, n’y a lui, jamais participé ! On ne peut pas évidemment en dire de même de tout le monde… Qui a cautionné pendant de longues années l’absence de réactions efficaces à la casse de l’industrie française depuis le milieu des années 70 et depuis 81, les délocalisations, la paupérisation des travailleurs, la montée du chômage ?

Aussi, nous affirmons qu’il faut tourner le dos à cette mascarade organisée par ceux qui sont liés à divers titres au système pourvoyeur de prébendes à leur égard et qu’il est urgent de structurer un pôle efficace de lutte contre la dynamique du capital. La réaction des peuples européens durant ces dernières semaines montre que le système n’a pas définitivement gagné la partie.

 

 

 

NOTES :

(1). Adresse : Les Amis d’Oulianov. B.P. 40084. 75862 Paris cedex 18.

(2). Note de Rébellion : à ce sujet, notre position consiste à dire que socialisme et internationalisme sont inséparables mais qu’il y a des façons différentes d’articuler ces deux notions. Nous disons que l’internationalisme n’est pas du cosmopolitisme (version trotskyste en particulier), qu’il est inséparable d’un attachement à nos patries édifiées par nos peuples et que la meilleure façon de progresser dans une voie socialiste est d’édifier une Europe socialiste dans un mode multipolaire.

(3). N° 67.

London's burning !

Edito du n°14 Septembre/Octobre 2005

 

Si l’été a été riche en divers évènements méritant d’être commentés, il nous paraît néanmoins que les attentats de Londres et leur contexte suscitent la nécessité d’une analyse s’inscrivant dans une appréhension, à plus ou moins long terme, des tendances  lourdes de la mondialisation capitaliste. D’autres que nous, ont pointé du doigt la chronologie des péripéties : annonce du choix de Londres comme ville olympique, proximité du G8 en Ecosse. Autant d’indices conduisant à s’interroger sur la question de savoir à qui profitait le crime. Tout autant que les attentats de New York et de Madrid, ceux de la capitale britannique tombèrent à point nommé pour justifier le resserrement des liens autour de la politique étasunienne - secondée par la Grande-Bretagne- d’agression au Proche et Moyen Orient, « justifiée » par la lutte contre une fantomatique organisation mondiale terroriste islamiste. Chacun sait maintenant que ce qu’est devenue la nébuleuse Al- Qaïda, est à l’origine, la création des services secrets de l’Oncle Sam, cherchant des hommes de mains pour lutter contre ce qui était l’Urss à l’époque de la guerre d’Afghanistan. Même si les alliés d’hier ont pu se retourner, plein d’ingratitude, contre leur mentor initial, il n’est pas certain que cela soit effectivement le cas, l’important en la matière étant le sens et la portée de ce qui advient. Il est, d’ailleurs, parfois plus efficace d’utiliser des agents subjectivement hostiles à sa propre cause afin de pouvoir les condamner devant l’opinion publique, tout en leur laissant les mains libres afin qu’ils organisent des actions servant objectivement sa propre stratégie.

Ainsi B.I, dans un article de son n°102 (1), évoque les propos de John Loftus, ex-procureur fédéral des Etats-Unis, qui « a révélé que le cerveau présumé des attentats de Londres, Haroon Rashid Aswat, était en réalité un atout des services de renseignement britanniques et que le groupe appelé Al-Muhajiroun, basé à Londres, avait été formé durant la crise du Kosovo ». Dans le même article, il est signalé que le cerveau du groupe terroriste a été arrêté à deux reprises, au Pakistan et en Zambie, mais qu’il a été chaque fois relâché. Grâce à quelles interventions et protections ? De même, commencent à être connus les liens entre Bin Laden et la CIA ainsi que l’étrange permissivité dont firent preuve les autorités étasuniennes à l’égard de l’entrée sur leur territoire des principaux protagonistes des attentats du 11 septembre.

Bien que le secret et la manipulation aient été portés par les Etats modernes à un niveau rarement atteint, il est possible de relier un certain nombre de faits entre eux afin de tenter de déjouer les pièges de la désinformation. Dans le même B.I, n°102, un autre article consacré au Kosovo affirme que « Christophe Chaboud, le nouveau chef de l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT), a déclaré, le 11 juillet 2005, que les explosifs utilisés lors des attentats du 7 juillet à Londres étaient des dérivés militaires arrivés en Angleterre en provenance du Kosovo ». Cela est rendu possible par le fait que selon les services grecs qui ont surveillé la région du Sandjak en Serbie du sud et au nord du Monténégro, « s’y trouvent d’importantes cellules de fondamentalistes qui planifient des attentats en Europe ». La présence de tels réseaux sur notre continent s’explique par la politique de déstabilisation de notre continent, adoptée par l’administration de Washington et qui est tout à fait visible depuis l’agression de la Yougoslavie durant les années 90. Des groupes de musulmans fondamentalistes furent envoyés dans les Balkans afin d’y combattre les serbes. « Ces hommes ont été envoyés par le gouvernement de Benazir Bhutto à la requête de l’administration Clinton. Le contingent, recruté et entraîné par le général en retraite Hamid Gul, ex-directeur de l’Inter-Services Intelligence (ISI) pakistanais, comprenait un grand nombre de musulmans britanniques d’origine pakistanaise ».

Quelle leçon importante retenir de ce faisceau d’informations et d’évènements ? Que la mondialisation capitaliste n’est pas ce paradis tant vanté par les idéologues du libéralisme. Qu’il n’y a aucune paix à l’horizon de ce processus d’offensive libérale. Plus que jamais le capital est porteur de guerres, de conflits, sous le masque du discours démocratique se faisant, d’ailleurs, de plus en plus totalitaire. L’impérialisme étasunien a déclaré une guerre sans merci à toutes les nations ayant quelque velléité de vouloir se soustraire à sa domination. Il a instrumentalisé certaines tendances du monde musulman lorsque cela a servi ses intérêts et continue de le faire. Il est prêt, partout, de l’Amérique latine à l’Asie centrale et à l’Europe de l’Est, à engendrer le chaos sous couvert de défense des droits de l’homme. Il est relayé dans son entreprise par les classes dominantes des membres du G8. Là aussi, il n’y a aucune illusion à se faire sur la part d’indépendance que certains pays pourraient donner l’impression d’avoir à l’égard de Washington. Ce ne sont que bisbilles au sein du même panier de crabes. Cela n’exclut pas des « frottements » entre nations capitalistes se partageant le butin de l’exploitation planétaire. C’est en ce sens que nous disons que nous ne sommes pas solidaires des gouvernements européens agissant dans le cadre de l’UE. Ceux-ci n’agissent pas dans le sens de la défense de leurs peuples même lorsqu’il y a désaccord sur tel ou tel point avec les Etats-Unis. C’est toujours le point de vue de la bourgeoisie qui détermine telle ou telle prise de position. Celle-ci tient seulement compte du rapport de forces entre nations et au sein de ces dernières du champ libre qui lui est laissé dans son rapport de forces avec les travailleurs.

La complexité de la vie sociale moderne tend à masquer toujours de plus en plus ces vérités élémentaires. En dernier lieu, les attentats terroristes constituant un paramètre important de l’histoire contemporaine, traduisent un état avancé de la décomposition du système capitaliste dans lequel les mœurs de gangsters se sont généralisées. Les Etats, eux-mêmes, sont devenus des commanditaires plus ou moins directs de ces pratiques d’exaction. Tant sur le plan de la politique extérieure que sur le plan du contrôle idéologique et policier des populations, ces dernières constituent un moyen privilégié de maintien de l’ordre capitaliste.

Il appartient aux révolutionnaires de dénoncer inlassablement la guerre ouverte et secrète que le système conduit contre les peuples.

 

 

 

 

Note :

(1). B.I. CAP.8, BP 391, 75869 Paris Cedex 18.

 

Rébellion n°14 Septembre/Octobre 2005

 

 

 

 

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