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10/03/2015

Proudhon et Marx : Toujours irréconciliables ?

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L’affrontement entre le Français et l’Allemand a fait couler beaucoup d’encre. « Entre le socialisme proudhonien et le socialisme marxiste, il y a un désaccord plus grave qu’une querelle politique ou une rivalité d’école. Ce sont deux tempéraments qui s’affrontent, deux conceptions de la vie qui s’opposent » écrivait Robert Aron. La brouille des deux philosophes ne s’est pas apaisée avec le temps, les plus dogmatiques de leurs partisans respectifs entretenant la rivalité.

Pourtant les choses avaient si bien commencé. Dès sa jeunesse, Proudhon a exercé sur Marx une influence constante.  C’est en disciple et en continuateur de Proudhon qu’il a entrepris en 1844 ce qui deviendra la tâche exclusive de son existence. Marx a dit l’impression extraordinaire que firent sur lui les premiers écrits du "penseur le plus hardi du socialisme français" (1842). La Sainte Famille (1845) contient une véritable défense de Proudhon qui y est reconnu maître du socialisme scientifique, père des théories de la valeur-travail et de la plus-value. Il y défend le penseur français contre les attaques des « jeunes hégéliens ». Néanmoins, Marx pense déjà aller plus loin que Proudhon dans l’optique de la critique de l’économie politique :

« Dire que Proudhon veut supprimer le non-avoir et le mode ancien d’avoir revient exactement à dire qu’il veut abolir l’état d’aliénation pratique de l’homme par rapport à son essence objective, l’expression économique de l’auto-aliénation humaine. Mais comme sa critique de l’économie politique est encore prisonnière des présuppositions de l’économie politique, la réappropriation du monde objectif lui-même reste conçue sous la forme que la possession revêt dans l’économie politique. ». Lénine notera à propos de cet ouvrage : « Marx quitte ici la philosophie hégélienne et s’engage sur le chemin du socialisme. Cette évolution est évidente. On voit que Marx a déjà acquis et comment il passe à un nouveau cercle d’idées. ». (Cahiers philosophiques) .

Dans L’Idéologie allemande (1846) il réitèrera sa critique selon laquelle « Proudhon critique l’économie politique en se plaçant au point de vue de l’économiste, le droit en se plaçant au point de vue du juriste » tout en reconnaissant que « Proudhon oppose les illusions des juristes et des économistes à leur pratique ». Ces évaluations impartiales se situent dans sa polémique contre certains représentants d’un socialisme fumeux (« le socialisme vrai ») en Allemagne, qui s’attaquent malhonnêtement à Proudhon. Concernant l’idée de dialectique sérielle, formulée par ce dernier, Marx la qualifie de : «… tentative de fournir une méthode de pensée grâce à laquelle on substitue aux idées considérées comme des entités le processus même de la pensée. Partant du point de vue français, Proudhon est en quête d’une dialectique, comme celle que Hegel a réellement fournie. Il y a donc ici parenté de fait avec Hegel… Il était donc facile […] de faire une critique de la dialectique proudhonienne pour peu qu’on ait réussi à faire celle de la dialectique hégélienne ».

De fait, on comprend ici que Marx reproche au français ce qu’il a déjà critiqué chez Hegel, c’est-à-dire son idéalisme. Mais rappelons que Marx parlera également du « noyau rationnel » de la dialectique hégélienne. Hegel supérieur aux matérialistes vulgaires ! Alors, mutatis mutandis, qu’en est-il de Proudhon ? Ultérieurement, Marx écrira à propos de la dialectique proudhonienne, dans une lettre datée du 24 janvier 1865 : « Il s’efforçait en même temps d’exposer par la méthode dialectique le système des catégories économiques. Dans sa méthode d’analyse, la « contradiction » hégélienne devait se substituer à l’insoluble « antinomie kantienne ».

Pour la critique de ces deux gros volumes, je vous renvoie à ma réplique. J’y montrais, entre autres, qu’il n’avait pas percé le secret de la dialectique scientifique ; et d’autre part, qu’il partageait les illusions de la philosophie spéculative : au lieu de saisir les catégories économiques comme des expressions théoriques des rapports de production historiques qui correspondent à un niveau donné du développement de la production matérielle, sa divagation les transforme en idées éternelles, préexistantes. […] Proudhon avait un penchant naturel pour la dialectique, mais il n’a jamais compris la vraie dialectique scientifique ; il n’a réussi que dans le sophisme. »

Ce jugement sera définitif aux yeux de Marx.

 

La pensée émancipée de Marx va mettre au clair de nombreux concepts que Proudhon n’avait fait qu’aborder. 

En mai 1846, Marx avait choisi Proudhon comme correspondant français du "réseau de propagande socialiste" qu’il organise. Mais, dans sa lettre d’acceptation, Proudhon, son aîné de dix ans, lui donne des conseils le mettant en garde contre le dogmatisme autoritaire, le romantisme révolutionnaire et l’esprit d’exclusion, néfastes à la cause socialiste. Piqué au vif, le jeune Marx rompit avec Proudhon, et aussitôt son admiration de disciple se changea en une rancune tenace et une sorte de fascination négative. Sa réponse aux thèses de Proudhon, Misère de la philosophie (écrite en 1847) si elle pointe certaines des insuffisances de l’œuvre du Français reste marquée par la rancoeur. Proudhon ne s’y trompe pas, loin d’attribuer leur brouille à un antagonisme doctrinal, il note : « En vérité Marx est jaloux… Le véritable sens de l’ouvrage de Marx, c’est qu’il a le regret que partout j’ai pensé comme lui et que je l’ai dit avant lui ». La pensée émancipée de Marx va mettre au clair de nombreux concepts que Proudhon n’avait fait qu’aborder. Sur le fond, Marx définit assez bien ce qui le sépare de Proudhon, dans un passage biffé de L’idéologie allemande : « Proudhon, que critiquait violemment, dès 1841, le journal des ouvriers communistes, La Fraternité, pour ses thèses du salaire égal, de la qualité de travailleur en général, et les autres préjugés en matière économique que l’on rencontrait chez cet excellent écrivain et dont les communistes n’ont adopté rien d’autre que sa critique de la propriété. »

A l’heure actuelle, Proudhon et Marx sont-ils encore irréconciliables ? Pour reprendre la démarche de Gurvitch, il nous paraît intéressant de les confronter et d’en tirer des éléments d’analyse pour notre époque : « La pensée de Proudhon et celle de Marx, au lieu de s’exclure, se complètent et se corrigent mutuellement ». Sur quel plan ? Probablement sur le plan des objectifs politiques que nous nourrissons contre le capitalisme et que les communards de 1871 avaient repris à leur compte sous l’appellation de fédéralisme. Proudhon écrivait en 1863 dans Du principe fédératif et de la nécessité de reconstituer le parti de la révolution : « Toutes mes idées économiques, élaborées depuis vingt-cinq ans, peuvent se résumer en ces trois mots : Fédération agricole-industrielle ; Toutes mes vues politiques se réduisent à une formule semblable : Fédération politique ou Décentralisation ; […] toutes mes espérances d’actualité et d’avenir sont exprimées par ce troisième terme, corollaire des deux autres : Fédération progressive. »

Le véritable fédéralisme est aux antipodes des caricatures que veulent nous en donner les politiciens européistes. Redonner le pouvoir aux travailleurs selon le principe de subsidiarité serait une amorce de réappropriation du politique en vue du dépassement de la logique du capital et de l’aliénation salariée que Marx, lui-même, a si bien analysée et dénoncée. Pendant que les zélateurs des deux « prophètes » s’acharnent à faire une différenciation tranchée, le mouvement ouvrier peut puiser sans dogmatisme dans leurs pensées. 

18/11/2010

Georges Sorel : un socialiste révolutionnaire !

Georges Sorel (1847-1922) fut un des grands animateurs du socialisme, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. Proche dans son inspiration d’un Charles Péguy, il était aussi un réconciliateur de Marx et de Proudhon, il avait une vision hautement mystique et morale de la révolution, qui lui faisait haïr les réformistes « à la Jaurès », prêts disait-il à vendre la pureté des idéaux socialistes au nom d’une politique de conciliation avec la démocratie parlementaire et bourgeoise.

Pour Sorel, comme pour Proudhon, la finalité du combat pour la justice est d’abord morale : les hommes doivent rehausser leur caractère à travers exercice de la lutte. C’est précisément par l’action libre des syndicats que les classes ouvrières pourront préserver la grandeur de leur culture, à l’abri de toute politique purement politicienne. Sorel défendait par ailleurs des valeurs de producteurs, attachées au travail, à l’effort, à la créativité et au façonnage de la matière, par opposition aux valeurs décadentes des possédants, seulement soucieux de jouir et de profiter du travail des autres. Dans le monde bourgeois, c’est d’abord et avant tout l’hédonisme nihiliste qui révulsait Sorel, ainsi que l’absence de convictions qui lui est presque inévitablement corollaire, la petitesse d’âme, la mesquinerie, l’étroitesse de vue. Mais, paradoxalement, il n’y avait guère d’écart aux yeux du penseur entre la moralité de la bourgeoisie et celle des animateurs socialistes : s’il fustigeait la médiocrité du monde actuel de l’argent, qui n’avait plus même la force et la volonté dont témoignaient encore autrefois les grands capitaines d’industrie, il n’avait pas de mots assez durs pour la misère existentielle que l’on retrouvait selon lui dans toutes les compromissions réformistes, ou même souvent dans les actions de grèves ponctuelles menées par les travailleurs, capables de sacrifier la noblesse de leur combat pour acheter quelques avantages sociaux accordés à des fins purement clientélistes.


Aux grèves intéressées, Sorel demandait qu’on substitue l’idée d’une grève générale, empruntée à Fernand Pelloutier, et destinée à servir de mythe régénérateur pour le monde ouvrier. La grève générale, lançait-il, doit être menée dans un esprit de gratuité, avec pour ambition de réaliser la révolution dans ce qu’elle a de plus digne et de plus émancipateur pour le plus grand nombre. Elle ne doit pas relever d’une logique d’épicier, mais viser au contraire à une réforme éthique de la société ; c’est par elle, qui plus est, que le prolétariat pourra vraiment apprendre à être lui-même et à s’accomplir dans toutes ses plus remarquables potentialités.

Longtemps partisan des syndicats, Sorel sera pourtant immensément déçu par l’évolution de la lutte sociale. Il connaîtra de ce fait une période d’errance, qui l’amènera à louvoyer tour à tour du côté des royalistes, des nationalistes et des bolchéviques, avant de revenir finalement, non sans un certain scepticisme, à ses premières amours politiques. Mais, en dépit de ses multiples pérégrinations, Sorel aura très peu évolué dans ses idées, sur le fond, au fil de sa vie. Si son parcours personnel l’aura amené à se rapprocher successivement de groupes ou de mouvements différents, c’est qu’il aura chaque fois été déçu de voir que des idées aussi intransigeantes que les siennes pouvaient difficilement susciter un assentiment large et partagé. Aussi mourra-t-il en définitive passablement désillusionné...

Thibaul Isabel

 

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04/02/2008

Contre le libéralisme sauvage

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Contre le libéralisme sauvage
Pour un Socialisme Français

 
(Article paru dans Rébellion n°27 Novembre-Décembre 2007 )

Ils sont militants, diffuseurs, collaborateurs de notre rédaction. Ils sont la force de Rébellion. Ils expliquent leurs motivations et leurs espoirs dans notre enquête sur ceux qui font vivre la démarche socialiste révolutionnaire. Un de nos camarades parisiens, nous donne sa définition de ce que devrait être une critique radicale du libéralisme.


Cibler l’ennemi, le circonscrire, le définir précisément, telle est la difficulté tant il semble être protéiforme de nos jours. Passé maître dans l’art du camouflage, il change de peau au gré de ses envies un peu comme un caméléon au cœur de la forêt profonde. Pourtant Carl Schmitt nous a montré la voie dans ses nombreux écrits (1). La dialectique « ami/ennemi » n’est pas un vain mot. En politique, il est nécessaire de l’appliquer à la lettre : « dis-moi qui sont tes ennemis, je te dirai qui tu es ». Nous pensons que ce rôle sied à merveille à la doctrine libérale du capitalisme moderne qu’on essaye par tous les moyens de nous imposer. Avaler une couleuvre n’est jamais chose facile surtout lorsque l’on s’y refuse. Et nous nous y refusons.


Nos sociétés «  européennes avancées » sont des sociétés libérales dans lesquelles le socialisme n’est pas et n’a jamais été, j’entends le vrai socialisme. Vouloir redonner ses lettres de noblesses à un mot tant galvaudé est toujours délicat. Surtout lorsque l’on connaît la probité des gens qui s’en réclament de nos jours. Pour prendre un exemple, les « socialistes » du P  « S » actuels ne sont rien d’autre que des laquais du libéralisme. Ils n’ont plus rien de socialistes. Il faut donc dénoncer sans relâche l’usurpation qu’ils font du mot socialiste. C’est là un des problèmes majeurs de notre temps. La signification même de certains mots a changé. Or, il est absolument nécessaire de s’accorder sur la définition de chaque mot employé sous peine de ne plus se comprendre. C’est donc à un véritable travail de redéfinition du vocabulaire politique que nous devons nous atteler. Pour commencer, une critique serrée de la société dite libérale est nécessaire pour dire ce dont nous ne voulons pas. Après quoi, nous pouvons passer aux propositions toujours délicates à formuler tant l’avenir semble fortement compromis. Aujourd’hui, nous ne sommes plus maîtres de la situation car nous ne sommes plus maîtres de nos vies. Il faut, et c’est urgent, reprendre le contrôle de nos vies. L’Histoire n’est pas encore finie contrairement à ce que martèlent sans cesse nos « amis » américains. Tout simplement car elle est sans cesse à réinventer. Non linéaire, l’Histoire est toujours ouverte. Non, la société libérale n’a pas encore gagné la partie ! Non, les peuples rebelles n’ont pas encore dit leur dernier mot ! Non les hommes libres ne baisseront pas les bras ! La vie est un combat sans cesse recommencé. Qu’attendons-nous pour remettre les compteurs à zéro ?

L’authentique socialisme français


Reprenons le débat trop tôt faussé par le libéralisme. Souvenons-nous des grands anciens, ces socialistes français, qui nous montrent la voie à suivre (2). A commencer par Charles Fourier (1772-1837) «  qui voua au commerce une haine implacable, n’y voyant que mensonge, fraude, accaparement et spéculation ! ». Pour lui, « le travail doit être source de satisfaction spirituelle » et « le commerce être tout bonnement supprimé ». Pierre Leroux (1797-1871), l’inventeur du mot « Socialisme » fut quant à lui, l’un des penseurs les plus originaux du XIX° siècle. Dans ses ouvrages, il fustige « l’illusion démocratique » et « tout en stigmatisant l’individualisme, c’est sur l’individu qu’il compte pour la construction du socialisme et qu’il fonde la souveraineté ». Auguste Blanqui (1805-1881) fut plutôt un « tacticien de l’insurrection urbaine ». Il passa plus de 33 ans en prison. « Les révolutions, écrivait-il, c’est l’unique soulagement de l’âme ulcérée des travailleurs, le seul répit à leurs douleurs morales, l’instant toujours trop court qui relève leurs fronts courbés dans la poussière ». Selon lui, « il ne doit pas rester un fusil aux mains de la bourgeoisie ». « Il faut supprimer la presse bourgeoise, évincer leur église et rompre radicalement avec la classe politique, notamment les libéraux et les pseudo-socialistes ». Il n’hésite pas à écrire que « le parlementarisme n’est qu’un ramas de nullités et d’égoïsme où priment quelques artistes de la parole et certaines habiletés malfaisantes ». Au final, « la tâche essentielle de la Révolution sera d’assurer au peuple l’éducation intégrale car, selon lui, l’oppression est fille de l’ignorance ». Proudhon (1809-1865) reste quant à lui l’inestimable auteur de la célèbre apostrophe « la propriété, c’est le vol ». Selon lui, « l’autorité sans liberté qui discute, résiste ou se soumet, est un vain mot ; la liberté, sans une autorité qui lui fasse contrepoids, est un non-sens ». A l’idée de progrès, il préfère « la recherche constante d’équilibres nouveaux ». Comment ne pas évoquer aussi sa fameuse théorie de la « force collective » supérieure à l’addition des forces individuelles qui la composent et « sa division de la société en paysans enfin maîtres du sol, en une myriade de petits fabricants et artisans et pour finir en compagnies ouvrières intelligentes et fières ». Proudhon fut, en tant que socialiste français, un adversaire déclaré du « communisme » bureaucratique et totalitariste qui ne ferait à ses yeux que substituer un nouvel esclavage à l’ancien. Toujours selon Proudhon, « chaque homme doit jouir des mêmes droit à condition de remplir les mêmes devoirs ». Il ne faut pas oublier que c’est à lui que l’on doit une grande part du principe de l’autogestion ouvrière, partagé tout autant par le syndicalisme révolutionnaire que par l’anarchisme. Il rédigea même une petite brochure intitulée « de la capacité politique des classes ouvrières » que l’on peut qualifier de véritable catéchisme du mouvement ouvrier français. Georges Sorel (1847-1922) fut le grand théoricien du syndicalisme révolutionnaire, notamment à travers son maître ouvrage « Réflexions sur la Violence », où il compare le phénomène de la grève générale aux élans d’une guerre. Jean Jaurès fut l’héritier politique des « socialistes français » dans leur ensemble, lui qui refusa jusqu’au dernier moment le suicide de l’Europe. Il paya de sa propre vie son combat pacifiste. Et l’on se prend à rêver de ce qui serait advenu si les foules l’avaient suivi plutôt que de répondre aux sirènes du nihilisme de la Grande Guerre. Nous pouvons aussi citer des auteurs majeurs venus du monde anglo-saxon, au premier rang desquels George Orwell et Christopher Lasch. Mais, amis lecteurs, attention. Il ne s’agit pas de vivre dans la nostalgie d’une époque bénie ou d’un passé révolu. Ce bref rappel doit nous servir  de base en vue d’une contre-attaque sévère des lignes libérales ennemis. Il s’agit de s’inspirer de nombre de ces réflexions pour en faire vivre les principes. Le socialisme français a évolué, il s’est adapté. Il doit retrouver dès à présent tout son mordant pour propulser l’ensemble de la société française vers l’avenir.

Le libéralisme, fils de la bourgeoisie
La bourgeoisie possédait depuis toujours le pouvoir économique. Elle est fille de la banque. Mais l’argent seul ne suffit pas. Il faut pouvoir l’utiliser à sa guise. Avant de pouvoir donner libre cours à toutes ses fantaisies, un obstacle de taille se présentait sur son chemin : le pouvoir politique. Avec la chute de l’Ancien Régime et la disparition de l’aristocratie traditionnelle, ce fut chose faite. La bourgeoisie s’attaqua ensuite à toutes les classes de la société. Elle répandit partout l’appât du gain. Et en fin de compte, elle opéra une véritable « révolution des mœurs », l’argent devint le seul référent.


 Ce système s’incarna dans un pays : les Etats-Unis. La fascination de nos élites pour « l’american way of life » est tout simplement consternante. Elles veulent imposer ce modèle à la France et l’Europe. Le libéralisme maximaliste de la société américaine, c’est la guerre de tous contre tous. Société de déracinés qui s’est construite contre l’Europe, l’Amérique est aussi la société de tous les racismes. Car, ce n’est pas en agrégeant des communautés disparates que l’on construit un peuple. Ainsi les différentes communautés qui séjournent sur le sol américain s’ignorent-elles totalement. Elles vivent parquées dans des quartiers, ou plutôt des ghettos, les unes à côté des autres et sans aucun contact. Le seul lien qui les unit est l’argent. Aux Etats-Unis, le dollar est roi et seule la réussite matérielle importe. Savoir qu’une partie non négligeable de la jeunesse de France a pour modèle les States est inquiétant. La sous culture consumériste US se répand dans le monde comme un torrent de boue…
 
Le Libéralisme contre les peuples
Détruire les peuples, tous les peuples de la planète, tel semble être l’éternel mot d’ordre du libéralisme. Pourquoi s’attaquer aux peuples avec un tel acharnement ? Tout simplement parce que les peuples sont beaucoup trop dangereux pour la « nouvelle idéologie ». Ils peuvent résister passivement. Ils peuvent lutter activement. Ils peuvent se rebeller, se révolter. Ils peuvent même vaincre. L’histoire est là pour le prouver.

Une mosaïque de communautés, que l’on tente de créer en France, en est quant à elle totalement incapable. Car la communauté qu’il faut bien distinguer du peuple est impuissance par essence. Elle est constamment sur la défensive. Elle s’affronte à d’autres communautés ennemies. Mais elle est bien trop faible pour lutter contre « le Tout Libéral ». Et que dire de l’agrégat d’individus ? L’homme seul est profondément vulnérable et surtout il est totalement inoffensif. Perdu dans des immenses mégalopoles sans liens avec les autres humains et la nature. Le prochain objectif du libéralisme sera la destruction de la famille (ultime refuge contre l’atomisation de la société) et des derniers vestiges du « monde d’avant » (campagnes, quartiers populaires, solidarités du quotidien).  

La société libérale, c’est la société
du spectacle et de la consommation
La société libérale est une société spectaculaire. Tout y est spectacle, en permanence, chaque jour, chaque heure, chaque minute, chaque seconde, partout et nulle part à la fois…


Le Spectacle c’est le grand remue ménage du rien, c’est le vide intersidéral de la pensée, parfaitement incarné par le phénomène télévisuel que nous connaissons bien aujourd’hui. La réalité n’existe plus dans la société libérale avancée. On y vit par procuration. Les autres, les héros du petit écran vivent pour nous. Alors à quoi bon bouger de son canapé. Le sentiment du tragique, celui de pouvoir contrôler sa propre destinée, de pouvoir l’influencer, ont disparu depuis fort longtemps. Tous ces signes, tous ces chiffres que sont les images ne sont pas neutres. Ces dernières agissent sur nos cerveaux comme un leitmotiv : laisse-toi faire et consomme. Tel pourrait être le mot d’ordre de la société de masse dans laquelle on vit. La consommation, ce sont ces affreuses grandes surfaces qui s’alignent à perte de vue dans les zones commerciales on ne peut plus glauques, ces queues à n’en plus finir aux caisses des supermarchés, ces caddies remplis à ras bord d’objets inutiles tous plus chers les uns que les autres, ces voitures alignées devant des pompes à essence inertes…


La consommation, c’est le règne de l’inutile et de la vitesse. C’est le triomphe du vide, c’est le désespoir le plus total, c’est la dépression, c’est le suicide des jeunes à qui la société n’offre rien d’autre que le pouvoir d’achat, c’est ce monde sans aucune issue possible. C’est la solitude démentielle des grandes villes et la naissance d’une race hybride, mi-robot, mi-esclave…

Ce que nous voulons
De même que nous refusons l’uniformisation au sens large, nous refusons le port de l’uniforme obligatoire : jean, basket, ipod, coca et macdo. Nous ne voulons pas non plus nous plier aux diktats de la mode en vigueur. Nous rejetons en bloc la post-modernité décadente de la société occidentale. Dans un même ordre d’idées, nous dénonçons l’adoption générale du « système des objets » car avant de posséder des objets ce sont bel et bien les objets qui nous possèdent. Nous n’acceptons en aucune manière le règne sans partage de la « médiacratie » et du système publicitaire qui l’accompagne. Nous dénonçons cette agression permanente et totale des images et des slogans qui pervertit l’humanité. Nous récusons en bloc l’ « idéologie du Même » où tout le monde est interchangeable : les mêmes envies, les mêmes désirs, les mêmes destins, les mêmes fatalités, les mêmes fins. Nous revendiquons le droit d’être différents, de penser différemment, de vivre d’une autre manière.


Nous refusons pour autant de baisser les bras. Nous ne voulons plus de l’idéologie libérale niveleuse et égalitariste par en bas. Nous rejetons la fatalité. Nous réclamons le droit de vivre, tout simplement. Pour cela, nous appelons de nos vœux une véritable Démocratie Organique et non cette vague soupe parlementariste que l’on nous sert tous les jours au « vingt heure ». Nous voulons que le peuple reprenne le pouvoir par la voix référendaire. Nous voulons que les élus du peuple habitent les quartiers populaires. Nous voulons des hommes courageux pour nous représenter, des hommes qui montrent l’exemple, des hommes sans ambitions personnelles, des hommes modestes. Nous dénonçons l’inutile domination des partis et de leurs hommes liges. Dans un même ordre d’idées, nous vomissons le règne de l’argent et tous ceux qui s’y laissent prendre. Nous nous érigeons contre le système boursier, contre les patrons du Cac 40, contre l’actionnariat, contre le dieu dollar et contre la religion du tout profit. Nous ne voulons pas d’une planète morte, de ce « cauchemar climatisé » dont parlait Henry Miller. Nous condamnons le saccage des forêts, le tout voiture, le tout avion, la pollution qu’engendre la société de consommation.


Nous nous battons pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Nous appelons de nos vœux un monde multipolaire avec des ensembles civilisationnels fiers de leurs spécificités et identités. Nous affirmons que dans ce « Nouveau Monde », chaque homme « pensera global et agira local ». Nous réclamons haut et fort l’application généralisée, partout et en tout lieu du « Principe de Subsidiarité ». En conclusion, nous récusons toutes les idéologies de masse chères au défunt vingtième siècle : libéralisme, communisme bureaucratique et nazisme. Nous désirons un véritable socialisme, porteur d’espoir pour tous les peuples. Nous voulons des hommes libres. Nous voulons un avenir pour nos enfants. Nous rejetons la guerre et le terrorisme. Et par-dessus tout, nous rejetons la société libérale qui nous a vu naître…


Jip de Paname


NOTES
1>Carl SCHMITT, La notion de politique, Théorie du Partisan, Calmann-Levy, 1972
2>Dominique BIHOREAU, La pensée politique et sociale en France au XIX° siècle, Ellipses, 1995.