16/09/2014
Syndicalisme de la misère. Misère du syndicalisme.
Paru dans le numéro 1 de Rébellion (Juillet /Aout 2003)
Un consensus tacite s’est établi pour masquer l’érosion des effectifs des centrales syndicales. Personne ne cherche à révéler l’ampleur de la chute des adhésions. Le ministre du travail et le patronat n’y ont aucun intérêt, car, ils ont trop besoin de ces « partenaires sociaux » pour conserver l’ordre social en canalisant les revendications du monde du travail.
Avec à peine 9 % de syndiqués sur l’ensemble de la population active, ils ont bien du mal à incarner un organe représentatif de la classe ouvrière. Bien conscientes de cette situation, les directions syndicales se sont repliées sur la gestion des organisations paritaires de protection sociale à laquelle participent le patronat et l’Etat. Le partage du gâteau permettant de conserver une armada de permanents qui sont souvent les seules troupes des syndicats.
Moins de syndicats dans l’entreprise, c’est aussi plus de mauvaises surprises pour le patronat. Les grèves sauvages lancées par des coordinations se sont révélées plus difficiles à gérer, plus dures à canaliser que les mouvements organisés par les sections syndicales. Les conflits se sont durcis. La reprise de la lutte ouvrière à la fin de la décennie 1980, l’apparition de coordinations, lors de la grande grève des cheminots de l’hiver 1986-87, puis dans le conflit des infirmiers de 1988, révèlent une défiance vis-à-vis des appareils syndicaux chez les salariés. Les conflits se sont durcis avec un développement d’actions autonomes et spectaculaires.
Perspective déjà perçue dans les années 1920 par le courant conseilliste, la transformation des syndicats en courroies de transmission du système s’est accompagnée de l’adoption de revendications purement réformistes et catégorielles, d’un discours « citoyenniste » et de surenchères gauchistes (soutien aux sans-papiers, taxation des bénéfices style taxe Tobin…)
En faisant croire aux travailleurs que la hausse des salaires est le but ultime des luttes, les syndicats ne font qu’aménager le cadre de l’exploitation capitaliste.
Ils ne cherchent plus à s’attaquer de front à la domination du capital. Leur discours réformiste tente de faire croire à la fin de la domination de classe et des luttes qui en découlent. Pourtant il suffit de regarder autour de nous, pour constater que le fossé entre classes sociales perdure et s’accroît considérablement. Les affrontements sociaux ne manquent pas et même se multiplient avec la restructuration de l’économie entamée avec la mondialisation. Les syndicats sont d’ailleurs des partenaires de cette restructuration, comme l’illustra l’isolement des luttes lors de la fermeture des sites de la sidérurgie française à la fin des années 1970 et celle des chantiers navals au début des années 1980.
Ayant abandonné la lutte pour se replier sur des positions défensives, les syndicats ne sont plus l’avant garde des travailleurs. Les masses ne sont plus dans les organisations syndicales et l’évolution de ces dernières leur donne raison. Depuis la vaste mystification de l’hiver 95 aux négociations des 35 heures, les salariés se sont aperçus de leur trahison. Manifestant leur désapprobation, les travailleurs votent avec leurs pieds, ne se mobilisent plus sur les mots d’ordre syndicaux, boudent les élections, favorisent d’autres formes d’organisation de combat dans le monde du travail.
Devant l’impossibilité de constituer des contre organisations face aux centrales sclérosées (voir les expériences des syndicats FN ou de SUD), il faut tenter de créer une alternative. Les masses n’étant plus à l’intérieur de syndicats, partons à leur recherche au cœur du monde du travail et des luttes.
Les conseils ouvriers : une alternative ?
Après la Première Guerre Mondiale est apparue la perspective des conseils ouvriers, en Allemagne en particulier. Marqués par un refus du syndicalisme et de la social-démocratie réformiste, les conseils sont une organisation des travailleurs sur le plan géographique et non plus sur la base des branches d’industrie. Ils rejettent la bureaucratie syndicale des permanents au profit des délégués révocables par la base et responsables devant elle. Cette forme d’organisation facilite la participation de salariés syndiqués et non-syndiqués, en particulier des jeunes et des femmes, dans la construction d’une résistance ouvrière unitaire et inventive. Cette assemblée populaire est un lieu où se tissent des liens de solidarité et qui permet à chacun de s’impliquer dans une démocratie directe et dans la création d’alternatives au système.
Certains ont vu dans les conseils ouvriers l’image future de la société socialiste. Cependant une ambiguïté subsiste : le socialisme n’est-il que l’autogestion des structures économiques du capital ? Peut-on promouvoir un autre rapport social en se contentant de gérer des entreprises, sur le terrain économique ? Par exemple, de nos jours il ne s’agit plus de développer seulement les forces productives au nom du prolétariat comme le proposait le mouvement ouvrier, encore au début du vingtième siècle. Le socialisme n’est pas une solution productiviste. Par ailleurs, c’est actuellement une perspective vouée en grande partie à l’échec à cause de l’extension universelle du capital, de ses possibilités concurrentielles et de ses délocalisations. Cette perspective se transformerait rapidement en gestion de leur propre misère, par les travailleurs.
Le conseil est une forme pertinente de lutte dans la mesure où il permet un contrôle par la base. Encore ne l’est-il que s’il échappe aux manipulations gauchistes omniprésentes dans les « coordinations ». Que ce soit par l’intermédiaire de celles-ci ou par l’action des syndicats, les grèves longues, à répétition, épuisantes ne peuvent porter leurs fruits et n’aboutissent qu’au découragement. Elles n’entament pas la force du capital et entretiennent simplement l’illusion, que l’on pourrait aménager le système en demandant toujours plus. Elles entretiennent l’illusion de la pérennité du travail dans sa forme actuelle, le salariat et son corollaire contemporain, l’idéologie hédoniste et consumériste.
Rien ne sert de se battre pour des acquis qui seront rapidement grignotés. Il est plus que jamais nécessaire de rompre avec la logique capitaliste, en portant des coups au capital international notamment, et de ramener les travailleurs sur la voie de leur émancipation, par l’abolition de l’esclavage salarié.
Pour cela, la lutte demeure formatrice de la conscience des travailleurs qui apprennent à déjouer les piéges du système et de ses organisations de pseudo luttes. La résistance n’est pas inutile non plus sur le plan économique face au capital toujours prêt à mettre à mal les conditions d’existence des travailleurs.
Il faut toujours faire ressortir que l’antithèse au libéralisme n’est pas le socialisme bureaucratique d’Etat ni les versions sociales démocrates de l’Etat providence mais le socialisme fédéraliste et mutualiste.
Il appartient au mouvement social de produire une nouvelle figure de la politique permettant de se réapproprier nos conditions d’existence.
Cela implique la construction de réseaux de luttes avançant l’idée d’obsolescence de la démocratie représentative et prônant la démocratie directe pas seulement sur les lieux de travail mais dans la société en général. De là, une propagande contre les partis du système et par delà la droite et de la gauche.
Politique d’abord
La finalité est donc politique ; la doctrine conseilliste reste acéphale, il faut poser le problème du pouvoir. L’aspect positif de cette théorie réside dans la participation active des travailleurs à leurs conditions de travail et d’existence. Néanmoins, il faut insister sur la localisation du pouvoir, en fait l’hégémonie de la perspective socialiste. Celle-ci doit être mise en œuvre par des mesures précises que devrait prendre une République sociale. La République Sociale n’implique pas seulement un nouveau dessein ou un modèle d’Etat qui respecte la réalité primordiale de la Nation, mais avant tout un projet historique capable de matérialiser le concept de Souveraineté Populaire, ouvrant au tissu communautaire le contrôle effectif du mécanisme de gouvernement. On doit constater l’échec des anciens modes d’organisation du mouvement ouvrier -héritiers des luttes sociales du 19° et du 20° siècle- que le développement actuel du capitalisme rend inutiles. Au lieu de s ‘enfermer dans des logiques périmées, le militant Socialiste révolutionnaire doit œuvrer pour amener une prise de conscience des masses. Les jours du système seront comptés à partir du moment où les travailleurs auront compris ces tenants et aboutissants, et qu’ils ne lui reconnaîtront plus de légitimité.
07:59 Publié dans Réflexion - Théorie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : syndicalisme, syndicalisme révolutionnaire, rébellion, socialisme révolutionnaire | Facebook | | Imprimer
18/11/2010
Georges Sorel : un socialiste révolutionnaire !
Georges Sorel (1847-1922) fut un des grands animateurs du socialisme, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. Proche dans son inspiration d’un Charles Péguy, il était aussi un réconciliateur de Marx et de Proudhon, il avait une vision hautement mystique et morale de la révolution, qui lui faisait haïr les réformistes « à la Jaurès », prêts disait-il à vendre la pureté des idéaux socialistes au nom d’une politique de conciliation avec la démocratie parlementaire et bourgeoise.
Pour Sorel, comme pour Proudhon, la finalité du combat pour la justice est d’abord morale : les hommes doivent rehausser leur caractère à travers exercice de la lutte. C’est précisément par l’action libre des syndicats que les classes ouvrières pourront préserver la grandeur de leur culture, à l’abri de toute politique purement politicienne. Sorel défendait par ailleurs des valeurs de producteurs, attachées au travail, à l’effort, à la créativité et au façonnage de la matière, par opposition aux valeurs décadentes des possédants, seulement soucieux de jouir et de profiter du travail des autres. Dans le monde bourgeois, c’est d’abord et avant tout l’hédonisme nihiliste qui révulsait Sorel, ainsi que l’absence de convictions qui lui est presque inévitablement corollaire, la petitesse d’âme, la mesquinerie, l’étroitesse de vue. Mais, paradoxalement, il n’y avait guère d’écart aux yeux du penseur entre la moralité de la bourgeoisie et celle des animateurs socialistes : s’il fustigeait la médiocrité du monde actuel de l’argent, qui n’avait plus même la force et la volonté dont témoignaient encore autrefois les grands capitaines d’industrie, il n’avait pas de mots assez durs pour la misère existentielle que l’on retrouvait selon lui dans toutes les compromissions réformistes, ou même souvent dans les actions de grèves ponctuelles menées par les travailleurs, capables de sacrifier la noblesse de leur combat pour acheter quelques avantages sociaux accordés à des fins purement clientélistes.
Aux grèves intéressées, Sorel demandait qu’on substitue l’idée d’une grève générale, empruntée à Fernand Pelloutier, et destinée à servir de mythe régénérateur pour le monde ouvrier. La grève générale, lançait-il, doit être menée dans un esprit de gratuité, avec pour ambition de réaliser la révolution dans ce qu’elle a de plus digne et de plus émancipateur pour le plus grand nombre. Elle ne doit pas relever d’une logique d’épicier, mais viser au contraire à une réforme éthique de la société ; c’est par elle, qui plus est, que le prolétariat pourra vraiment apprendre à être lui-même et à s’accomplir dans toutes ses plus remarquables potentialités.
Longtemps partisan des syndicats, Sorel sera pourtant immensément déçu par l’évolution de la lutte sociale. Il connaîtra de ce fait une période d’errance, qui l’amènera à louvoyer tour à tour du côté des royalistes, des nationalistes et des bolchéviques, avant de revenir finalement, non sans un certain scepticisme, à ses premières amours politiques. Mais, en dépit de ses multiples pérégrinations, Sorel aura très peu évolué dans ses idées, sur le fond, au fil de sa vie. Si son parcours personnel l’aura amené à se rapprocher successivement de groupes ou de mouvements différents, c’est qu’il aura chaque fois été déçu de voir que des idées aussi intransigeantes que les siennes pouvaient difficilement susciter un assentiment large et partagé. Aussi mourra-t-il en définitive passablement désillusionné...
Thibaul Isabel
19:16 Publié dans Réflexion - Théorie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : socialisme français, syndicalisme, sorel, proudhon, socialisme révolutionnaire | Facebook | | Imprimer
27/07/2010
Rébellion N° 43 : " L'esprit de révolte"
Au sommaire du numéro :
- Editorial : " Le linceul du Vieux Monde".
- Mondialisation : "L'immigration massive, une stratégie du capital".
- Le syndicalisme : Qu'est ce que c'est ? Pourquoi se syndiquer ? pourquoi militer ?
- Le capitalisme n'est pas humainement gérable ... Il faut faut le supprimer !
- Valentine de Saint-Point : le futurisme au féminin.
- Von Salomon : les limites de l'activisme.
- Hugo Pratt : la rébellion de l'Imaginaire.
- Ravachol et la dynamite.
- Le Portugal d'hier et d'aujourd'hui.
Disponible contre 4 euros à notre adresse :
Rébellion c/o RSE BP 62124 31020 TOULOUSE cedex 02.
19:12 Publié dans La revue Rébellion | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ravachol, von salomon, syndicalisme, portugal, valentine de saint-point, socialisme révolutionnaire, socialisme révolutionnaire européen, rébellion toulouse, rébellion 43, hugo pratt, corto maltese | Facebook | | Imprimer