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18/11/2010

Georges Sorel : un socialiste révolutionnaire !

Georges Sorel (1847-1922) fut un des grands animateurs du socialisme, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. Proche dans son inspiration d’un Charles Péguy, il était aussi un réconciliateur de Marx et de Proudhon, il avait une vision hautement mystique et morale de la révolution, qui lui faisait haïr les réformistes « à la Jaurès », prêts disait-il à vendre la pureté des idéaux socialistes au nom d’une politique de conciliation avec la démocratie parlementaire et bourgeoise.

Pour Sorel, comme pour Proudhon, la finalité du combat pour la justice est d’abord morale : les hommes doivent rehausser leur caractère à travers exercice de la lutte. C’est précisément par l’action libre des syndicats que les classes ouvrières pourront préserver la grandeur de leur culture, à l’abri de toute politique purement politicienne. Sorel défendait par ailleurs des valeurs de producteurs, attachées au travail, à l’effort, à la créativité et au façonnage de la matière, par opposition aux valeurs décadentes des possédants, seulement soucieux de jouir et de profiter du travail des autres. Dans le monde bourgeois, c’est d’abord et avant tout l’hédonisme nihiliste qui révulsait Sorel, ainsi que l’absence de convictions qui lui est presque inévitablement corollaire, la petitesse d’âme, la mesquinerie, l’étroitesse de vue. Mais, paradoxalement, il n’y avait guère d’écart aux yeux du penseur entre la moralité de la bourgeoisie et celle des animateurs socialistes : s’il fustigeait la médiocrité du monde actuel de l’argent, qui n’avait plus même la force et la volonté dont témoignaient encore autrefois les grands capitaines d’industrie, il n’avait pas de mots assez durs pour la misère existentielle que l’on retrouvait selon lui dans toutes les compromissions réformistes, ou même souvent dans les actions de grèves ponctuelles menées par les travailleurs, capables de sacrifier la noblesse de leur combat pour acheter quelques avantages sociaux accordés à des fins purement clientélistes.


Aux grèves intéressées, Sorel demandait qu’on substitue l’idée d’une grève générale, empruntée à Fernand Pelloutier, et destinée à servir de mythe régénérateur pour le monde ouvrier. La grève générale, lançait-il, doit être menée dans un esprit de gratuité, avec pour ambition de réaliser la révolution dans ce qu’elle a de plus digne et de plus émancipateur pour le plus grand nombre. Elle ne doit pas relever d’une logique d’épicier, mais viser au contraire à une réforme éthique de la société ; c’est par elle, qui plus est, que le prolétariat pourra vraiment apprendre à être lui-même et à s’accomplir dans toutes ses plus remarquables potentialités.

Longtemps partisan des syndicats, Sorel sera pourtant immensément déçu par l’évolution de la lutte sociale. Il connaîtra de ce fait une période d’errance, qui l’amènera à louvoyer tour à tour du côté des royalistes, des nationalistes et des bolchéviques, avant de revenir finalement, non sans un certain scepticisme, à ses premières amours politiques. Mais, en dépit de ses multiples pérégrinations, Sorel aura très peu évolué dans ses idées, sur le fond, au fil de sa vie. Si son parcours personnel l’aura amené à se rapprocher successivement de groupes ou de mouvements différents, c’est qu’il aura chaque fois été déçu de voir que des idées aussi intransigeantes que les siennes pouvaient difficilement susciter un assentiment large et partagé. Aussi mourra-t-il en définitive passablement désillusionné...

Thibaul Isabel

 

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16/04/2010

Sortir de l'Europe du Capital

Article publié dans le numéro 36 de Rébellion Mai/Juin 2009

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« L’Europe est une machine à

réformer la France malgré elle ».

Denis Kessler. Ancien numéro 2 du MEDEF

 

 

 

 

Les préparatifs en vue des élections européennes sont plus que discrets à quelques jours du scrutin. Il est évident que cette échéance électoraliste ne déchaîne pas les foules. Les classes populaires n'ont que faire d'un parlement sans pouvoir, une simple chambre de validation des décisions d'une technocratie de hauts fonctionnaires et un terrain d'action pour la faune douteuse des lobbyistes.

De plus, elle se déroule, dans un contexte de crise profonde du capitalisme. Toutes les données macro-économiques disponibles, y compris celles des propres organismes de l’Union Européenne, confirment le scénario d’une récession économique dans la zone euro couplée à une chute brutale de la production industrielle et à des tendances déflationnistes, signes évidents de la crise qui paralyse les principales économies européennes. En d’autres termes, contrairement à ce qu’avancent les partisans du dogme de l’intégration capitaliste européenne, l’Union Européenne ne s’est pas révélée être un « oasis » au milieu du séisme économique et financier mondial et n’a pas été, comme annoncé, un « rempart contre les mauvais côtés de la mondialisation ».

Surtout, cette élection aurait pu être l'occasion d'ouvrir un vrai débat sur la nature de la construction européenne, sur ses objectifs et son avenir. Mais cela semble être condamné à être escamoté par un tour de passe-passe médiatique. Si nos dirigeants fustigent le manque d'intérêt et le peu d'enthousiasme des citoyens sur cette question, ils ne se risqueront pas d'ouvrir la boîte de Pandore du débat démocratique. La mauvaise surprise de la victoire du NON au référendum sur la Constitution européenne pourrait se reproduire. Le Peuple ne doit pas être informé des buts réels du « Projet européen », car il serait bien capable de reprendre en mains son Destin.

 

Un lourd héritage ...

Depuis son origine, la construction européenne fut au service de la défense et de la propagation du modèle économique et politique libéral. Les glorieux « pères fondateurs » de l'Union , n'étaient pas de doux rêveurs idéalistes ou des philanthropes désintéressés, mais des technocrates et des hommes d'affaires pragmatiques. Dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale les choses étaient claires, il fallait créer un espace économique unifié en Europe pour permettre le développement des grands groupes industriels. Cette idée avait déjà fait son chemin dans les années 1920 dans les cercles patronaux et auprès de jeunes hauts fonctionnaires. La ruine quasi totale de l'économie européenne au lendemain du premier conflit mondial et l’affaiblissement des puissances du continent permettaient de mettre en application leur plan.

Le manque de transparence, le caractère antidémocratique et le pouvoir absolu d’une minorité marquent la construction européenne dès ses débuts. Ainsi, le plan Schuman, qui est considéré comme l'acte de naissance de l'Europe économique, est préparé dans le secret le plus total. Elaboré par neuf technocrates européens sous la direction de Jean Monnet, ils ne rendaient aucun compte à leurs gouvernements respectifs (mais ils avaient pris soins d'associer dans leur démarche le secrétaire d'Etat américain, grand ami de Jean Monnet). Rendu public le 9 Mai 1950, il mettra en place le premier jalon de la fin de la souveraineté des Nations et des Peuples au profit d'un pouvoir supranational. L'accord donnant naissance à la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier entre la France, l'Allemagne Fédérale, l'Italie et les pays du Benelux est signé le 18 avril 1951 : il crée un marché commun pour ses marchandises (supprimant les droits de douane et interdisant les mesures protectionnistes ou d'aides à producteurs nationaux). A cette occasion, la libre concurrence est affirmée comme un principe de ce nouvel espace.

Ce traité engage les pays signataires pour cinquante ans, sans aucune consultation des citoyens.

Bénéficiant du soutien du patronat (qui investit plusieurs millions de francs dans la propagande pro-marché commun), d’anciens fonctionnaires « vichyssois » recyclés, de certains socialistes de la SFIO et de radicaux, mais surtout des sociaux démocrates et des démocrates chrétiens, le processus d'intégration européenne ne fut jamais soumis à la ratification populaire. A l'Assemblée Nationale, il déchaîna les protestations des députés communistes et gaullistes qui y voyaient une perte de l'indépendance nationale. Mais les technocrates dédaignant les parlements et contournant la voie démocratique, ce type de passage en force sera appliqué dans toutes les étapes de la construction de l’union Européenne. .

Les Etats-Unis furent plus que bienveillants à l’égard de ce projet. En effet, le plan Marshall pour la reconstruction de l'Europe de l'Ouest n’était pas un plan d’aide sans contrepartie. Il visait à créer aussi cet espace économique unifié tourné vers l'Atlantique et dépendant de la puissance militaire US.

Permettant à la fois de faire barrage à la propagation du communisme et d'ouvrir davantage nos économies à la surproduction américaine, ce nouveau marché était un gage de l'ancrage des pays européens dans le monde occidental. A l'époque, il n'était absolument pas question d'extension de l'Europe vers l'Est. L'URSS et les pays du bloc soviétique étaient d'office rejetés de cette zone entièrement ouverte aux trusts américains et placée sous la protection de l'OTAN. La CIA, par l'entremise de tout un réseau de fondations et de clubs d’influences (comme le fameux Bilderberg), investit de fortes sommes pour influencer les médias, la jeunesse et les milieux politiques dans ce sens.

 

L'Union Européenne, un bulldozer mondialiste

La suite est connue, avec le Traité de Rome de 1957, l'Europe rentre de plein pied dans la mondialisation avec la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et la restructuration totale de la production et de l'économie européenne.

Dans les années 1970 et 1980, la Communauté Economique Européenne sera l'apôtre d’une politique industrielle dont les principes sont relativement simples, malgré certaines proclamations de Lisbonne en 2000 : laisser le marché privilégier le développement des secteurs les plus compétitifs à un moment donné ou amenés à l’être dans l’avenir ( comme le tertiaire et les nouvelles technologies) et accélérer la restructuration – comprendre la liquidation – des secteurs en difficulté ( industries lourdes, productions locales). Ce principe est valable pour l’ensemble de l’UE, mais aussi pour les régions industrielles européennes prises de manière isolée (le cas du Nord ou de la Lorraine). On connaît le coût humain de cette politique avec les millions de chômeurs européens laissés sur le carreau.

 

La belle discipline monétaire, construite année après année en Europe avec le soutien des institutions de la Communauté et des gouvernements nationaux, doit être saluée comme il se doit : en 1990, un espace économique européen dominé par l’industrie et le crédit ouest-allemand et soumis à une politique monétaire défavorable à la croissance et à l’emploi fonctionne à plein régime. La mise en place de l’euro et de la Banque Centrale Européenne à la fin des années 1990 couronne donc un processus qui voit la victoire des principes économiques ultra-libéraux et, derrière eux, du capital cosmopolite et financier circulant sans entrave sur les marchés d’actions et les marchés monétaires du monde entier. Malheureusement pour nos banquiers européens, la crise actuelle semble venir bouleverser leurs belles prévisions.

Mais l'Europe fut un magnifique prétexte pour les gouvernements des divers pays membres. Ils avaient une justification rêvée pour mener une vaste politique de casse sociale. Destruction des acquis sociaux, déréglementation et ouverture à la concurrence, privatisation des services publics : L’UE a joué un rôle de chef d’orchestre, permettant une coordination internationale des gouvernements afin de mieux faire avaler la pilule de la rigueur aux travailleurs.

 

Le prolétariat contre-attaque

Cette Europe du capital que nous combattons aura eu, paradoxalement, au moins l’avantage de montrer aux travailleurs que la bourgeoisie, elle, sait s’organiser et qu’elle ne manque pas de ressources pour pérenniser son pouvoir de classe. Confusément, cela est perçu, et s’exprime traditionnellement par le taux élevé d’abstention aux élections européennes. Néanmoins la prise de conscience de sa nature, de sa fonction, doit aller plus loin que le simple constat de son éloignement des préoccupations des travailleurs et de son idéologie cynique libérale. Ce que tente de mettre en place l’UE et ses mécanismes de « gouvernance » n’est pas une excroissance superfétatoire du système capitaliste mais une mise en forme politique adéquate au fonctionnement de celui-ci, notamment après sa plongée dans la crise depuis le début des années 70. La dérégulation, le libre marché tous azimuts, la financiarisation (siphonage de la plus-value) croissante de l’économie (déjà analysée par Marx et dont le phénomène appelé maintenant « titrisation » était déjà présente dans la crise de 29 !), tout cela est la conséquence de l’approfondissement de l’exploitation capitaliste tentant de contrecarrer, en élargissant constamment sa base, la chute tendancielle du taux de profit. Face à cette difficulté les capitalistes ne restent jamais les bras croisés et trouvent ponctuellement les solutions pour résoudre la crise qui ne sera jamais la crise finale de celui-ci si des forces sociales n’en imposent pas la disparition. La critique de l’Europe capitaliste ne doit donc pas s’en tenir à une aspiration fantasmatique au retour à l’Etat-Nation soutenant un keynésianisme de gauche et soutenu par lui, celui-ci ne résoudra jamais le problème de la soif de valorisation du capital inhérente à sa dynamique. L’Etat-Nation est un instrument de lutte politique dont le prolétariat doit s’emparer pour lutter efficacement sur son terrain de classe contre la bourgeoisie. Evidemment cela ne fait pas trop écolo ou socialotrotskiste comme son de cloche, mais il en va de notre avenir si nous désirons en avoir un. L’Europe est le champ géopolitique au sein duquel le prolétariat peut s’organiser consciemment et massivement afin de contre-attaquer contre l’empire du capital. C’est cela l’essentiel.

 

 

 

06/04/2010

Contre le libéralisme sauvage.Pour un Socialisme Français

Article publié dans Rébellion 27 – Novembre/Décembre 2007

 

Ils sont militants, diffuseurs, collaborateurs de notre rédaction. Ils sont la force de Rébellion. Ils expliquent leurs motivations et leurs espoirs dans notre enquête sur ceux qui font vivre la démarche socialiste révolutionnaire. Un de nos camarades parisiens, nous donne sa définition de ce que devrait être une critique radicale du libéralisme.

 

Cibler l’ennemi, le circonscrire, le définir précisément, telle est la difficulté tant il semble être protéiforme de nos jours. Passé maître dans l’art du camouflage, il change de peau au gré de ses envies un peu comme un caméléon au coeur de la forêt profonde. Pourtant Carl Schmitt nous a montré la voie dans ses nombreux écrits (1). La dialectique « ami/ennemi » n’est pas un vain mot. En politique, il est nécessaire de l’appliquer à la lettre : « dis-moi qui sont tes ennemis, je te dirai qui tu es ». Nous pensons que ce rôle sied à merveille à la doctrine libérale du capitalisme moderne qu’on essaye par tous les moyens de nous imposer. Avaler une couleuvre n’est jamais chose facile surtout lorsque l’on s’y refuse. Et nous nous y refusons.

Nos sociétés « européennes avancées » sont des sociétés libérales dans lesquelles le socialisme n’est pas et n’a jamais été, j’entends le vrai socialisme. Vouloir redonner ses lettres de noblesses à un mot tant galvaudé est toujours délicat. Surtout lorsque l’on connaît la probité des gens qui s’en réclament de nos jours. Pour prendre un exemple, les « socialistes » du P « S » actuels ne sont rien d’autre que des laquais du libéralisme. Ils n’ont plus rien de socialistes. Il faut donc dénoncer sans relâche l’usurpation qu’ils font du mot socialiste. C’est là un des problèmes majeurs de notre temps. La signification même de certains mots a changé. Or, il est absolument nécessaire de s’accorder sur la définition de chaque mot employé sous peine de ne plus se comprendre. C’est donc à un véritable travail de redéfinition du vocabulaire politique que nous devons nous atteler. Pour commencer, une critique serrée de la société dite libérale est nécessaire pour dire ce dont nous ne voulons pas. Après quoi, nous pouvons passer aux propositions toujours délicates à formuler tant l’avenir semble fortement compromis. Aujourd’hui, nous ne sommes plus maîtres de la situation car nous ne sommes plus maîtres de nos vies. Il faut, et c’est urgent, reprendre le contrôle de nos vies. L’Histoire n’est pas encore finie contrairement à ce que martèlent sans cesse nos « amis » américains. Tout simplement car elle est sans cesse à réinventer. Non linéaire, l’Histoire est toujours ouverte. Non, la société libérale n’a pas encore gagné la partie ! Non, les peuples rebelles n’ont pas encore dit leur dernier mot ! Non les hommes libres ne baisseront pas les bras ! La vie est un combat sans cesse recommencé. Qu’attendons-nous pour remettre les compteurs à zéro ?

 

L’authentique socialisme français

Reprenons le débat trop tôt faussé par le libéralisme. Souvenons-nous des grands anciens, ces socialistes français, qui nous montrent la voie à suivre (2). A commencer par Charles Fourier (1772-1837) « qui voua au commerce une haine implacable, n’y voyant que mensonge, fraude, accaparement et spéculation ! ». Pour lui, « le travail doit être source de satisfaction spirituelle » et « le commerce être tout bonnement supprimé ». Pierre Leroux (1797-1871), l’inventeur du mot « Socialisme » fut quant à lui, l’un des penseurs les plus originaux du XIX° siècle. Dans ses ouvrages, il fustige « l’illusion démocratique » et « tout en stigmatisant l’individualisme, c’est sur l’individu qu’il compte pour la construction du socialisme et qu’il fonde la souveraineté ». Auguste Blanqui (1805-1881) fut plutôt un « tacticien de l’insurrection urbaine ». Il passa plus de 33 ans en prison. « Les révolutions, écrivait-il, c’est l’unique soulagement de l’âme ulcérée des travailleurs, le seul répit à leurs douleurs morales, l’instant toujours trop court qui relève leurs fronts courbés dans la poussière ». Selon lui, « il ne doit pas rester un fusil aux mains de la bourgeoisie ». « Il faut supprimer la presse bourgeoise, évincer leur église et rompre radicalement avec la classe politique, notamment les libéraux et les pseudo-socialistes ». Il n’hésite pas à écrire que « le parlementarisme n’est qu’un ramas de nullités et d’égoïsme où priment quelques artistes de la parole et certaines habiletés malfaisantes ». Au final, « la tâche essentielle de la Révolution sera d’assurer au peuple l’éducation intégrale car, selon lui, l’oppression est fille de l’ignorance ». Proudhon (1809-1865) reste quant à lui l’inestimable auteur de la célèbre apostrophe « la propriété, c’est le vol ». Selon lui, « l’autorité sans liberté qui discute, résiste ou se soumet, est un vain mot ; la liberté, sans une autorité qui lui fasse contrepoids, est un non-sens ». A l’idée de progrès, il préfère « la recherche constante d’équilibres nouveaux ». Comment ne pas évoquer aussi sa fameuse théorie de la « force collective » supérieure à l’addition des forces individuelles qui la composent et « sa division de la société en paysans enfin maîtres du sol, en une myriade de petits fabricants et artisans et pour finir en compagnies ouvrières intelligentes et fières ». Proudhon fut, en tant que socialiste français, un adversaire déclaré du « communisme » bureaucratique et totalitariste qui ne ferait à ses yeux que substituer un nouvel esclavage à l’ancien. Toujours selon Proudhon, « chaque homme doit jouir des mêmes droit à condition de remplir les mêmes devoirs ». Il ne faut pas oublier que c’est à lui que l’on doit une grande part du principe de l’autogestion ouvrière, partagé tout autant par le syndicalisme révolutionnaire que par l’anarchisme. Il rédigea même une petite brochure intitulée « de la capacité politique des classes ouvrières » que l’on peut qualifier de véritable catéchisme du mouvement ouvrier français. Georges Sorel (1847-1922) fut le grand théoricien du syndicalisme révolutionnaire, notamment à travers son maître ouvrage « Réflexions sur la Violence », où il compare le phénomène de la grève générale aux élans d’une guerre. Jean Jaurès fut l’héritier politique des « socialistes français » dans leur ensemble, lui qui refusa jusqu’au dernier moment le suicide de l’Europe. Il paya de sa propre vie son combat pacifiste. Et l’on se prend à rêver de ce qui serait advenu si les foules l’avaient suivi plutôt que de répondre aux sirènes du nihilisme de la Grande Guerre. Nous pouvons aussi citer des auteurs majeurs venus du monde anglo-saxon, au premier rang desquels George Orwell et Christopher Lasch. Mais, amis lecteurs, attention. Il ne s’agit pas de vivre dans la nostalgie d’une époque bénie ou d’un passé révolu. Ce bref rappel doit nous servir de base en vue d’une contre-attaque sévère des lignes libérales ennemis. Il s’agit de s’inspirer de nombre de ces réflexions pour en faire vivre les principes. Le socialisme français a évolué, il s’est adapté. Il doit retrouver dès à présent tout son mordant pour propulser l’ensemble de la société française vers l’avenir.

 

Le libéralisme, fils de la bourgeoisie

La bourgeoisie possédait depuis toujours le pouvoir économique. Elle est fille de la banque. Mais l’argent seul ne suffit pas. Il faut pouvoir l’utiliser à sa guise. Avant de pouvoir donner libre cours à toutes ses fantaisies, un obstacle de taille se présentait sur son chemin : le pouvoir politique. Avec la chute de l’Ancien Régime et la disparition de l’aristocratie traditionnelle, ce fut chose faite. La bourgeoisie s’attaqua ensuite à toutes les classes de la société. Elle répandit partout l’appât du gain. Et en fin de compte, elle opéra une véritable « révolution des moeurs », l’argent devint le seul référent.

Ce système s’incarna dans un pays : les Etats-Unis. La fascination de nos élites pour « l’american way of life » est tout simplement consternante. Elles veulent imposer ce modèle à la France et l’Europe. Le libéralisme maximaliste de la société américaine, c’est la guerre de tous contre tous. Société de déracinés qui s’est construite contre l’Europe, l’Amérique est aussi la société de tous les racismes. Car, ce n’est pas en agrégeant des communautés disparates que l’on construit un peuple. Ainsi les différentes communautés qui séjournent sur le sol américain s’ignorent-elles totalement. Elles vivent parquées dans des quartiers, ou plutôt des ghettos, les unes à côté des autres et sans aucun contact. Le seul lien qui les unit est l’argent. Aux Etats-Unis, le dollar est roi et seule la réussite matérielle importe. Savoir qu’une partie non négligeable de la jeunesse de France a pour modèle les States est inquiétant. La sous culture consumériste US se répand dans le monde comme un torrent de boue…

Le Libéralisme contre les peuples

Détruire les peuples, tous les peuples de la planète, tel semble être l’éternel mot d’ordre du libéralisme. Pourquoi s’attaquer aux peuples avec un tel acharnement ? Tout simplement parce que les peuples sont beaucoup trop dangereux pour la « nouvelle idéologie ». Ils peuvent résister passivement. Ils peuvent lutter activement. Ils peuvent se rebeller, se révolter. Ils peuvent même vaincre. L’histoire est là pour le prouver. Une mosaïque de communautés, que l’on tente de créer en France, en est quant à elle totalement incapable. Car la communauté qu’il faut bien distinguer du peuple est impuissance par essence. Elle est constamment sur la défensive. Elle s’affronte à d’autres communautés ennemies. Mais elle est bien trop faible pour lutter contre « le Tout Libéral ». Et que dire de l’agrégat d’individus ? L’homme seul est profondément vulnérable et surtout il est totalement inoffensif. Perdu dans des immenses mégalopoles sans liens avec les autres humains et la nature. Le prochain objectif du libéralisme sera la destruction de la famille (ultime refuge contre l’atomisation de la société) et des derniers vestiges du « monde d’avant » (campagnes, quartiers populaires, solidarités du quotidien).

 

La société libérale, c’est la société du spectacle

et de la consommation

La société libérale est une société spectaculaire. Tout y est spectacle, en permanence, chaque jour, chaque heure, chaque minute, chaque seconde, partout et nulle part à la fois…

Le Spectacle c’est le grand remue ménage du rien, c’est le vide intersidéral de la pensée, parfaitement incarné par le phénomène télévisuel que nous connaissons bien aujourd’hui. La réalité n’existe plus dans la société libérale avancée. On y vit par procuration. Les autres, les héros du petit écran vivent pour nous. Alors à quoi bon bouger de son canapé. Le sentiment du tragique, celui de pouvoir contrôler sa propre destinée, de pouvoir l’influencer, ont disparu depuis fort longtemps. Tous ces signes, tous ces chiffres que sont les images ne sont pas neutres. Ces dernières agissent sur nos cerveaux comme un leitmotiv : laisse-toi faire et consomme. Tel pourrait être le mot d’ordre de la société de masse dans laquelle on vit. La consommation, ce sont ces affreuses grandes surfaces qui s’alignent à perte de vue dans les zones commerciales on ne peut plus glauques, ces queues à n’en plus finir aux caisses des supermarchés, ces caddies remplis à ras bord d’objets inutiles tous plus chers les uns que les autres, ces voitures alignées devant des pompes à essence inertes…

La consommation, c’est le règne de l’inutile et de la vitesse. C’est le triomphe du vide, c’est le désespoir le plus total, c’est la dépression, c’est le suicide des jeunes à qui la société n’offre rien d’autre que le pouvoir d’achat, c’est ce monde sans aucune issue possible. C’est la solitude démentielle des grandes villes et la naissance d’une race hybride, mi-robot, mi-esclave…

 

Ce que nous voulons

De même que nous refusons l’uniformisation au sens large, nous refusons le port de l’uniforme obligatoire : jean, basket, ipod, coca et macdo. Nous ne voulons pas non plus nous plier aux diktats de la mode en vigueur. Nous rejetons en bloc la post-modernité décadente de la société occidentale. Dans un même ordre d’idées, nous dénonçons l’adoption générale du « système des objets » car avant de posséder des objets ce sont bel et bien les objets qui nous possèdent. Nous n’acceptons en aucune manière le règne sans partage de la « médiacratie » et du système publicitaire qui l’accompagne. Nous dénonçons cette agression permanente et totale des images et des slogans qui pervertit l’humanité. Nous récusons en bloc l’ « idéologie du Même » où tout le monde est interchangeable : les mêmes envies, les mêmes désirs, les mêmes destins, les mêmes fatalités, les mêmes fins. Nous revendiquons le droit d’être différents, de penser différemment, de vivre d’une autre manière.

Nous refusons pour autant de baisser les bras. Nous ne voulons plus de l’idéologie libérale niveleuse et égalitariste par en bas. Nous rejetons la fatalité. Nous réclamons le droit de vivre, tout simplement. Pour cela, nous appelons de nos voeux une véritable Démocratie Organique et non cette vague soupe parlementariste que l’on nous sert tous les jours au « vingt heure ». Nous voulons que le peuple reprenne le pouvoir par la voix référendaire. Nous voulons que les élus du peuple habitent les quartiers populaires. Nous voulons des hommes courageux pour nous représenter, des hommes qui montrent l’exemple, des hommes sans ambitions personnelles, des hommes modestes. Nous dénonçons l’inutile domination des partis et de leurs hommes liges. Dans un même ordre d’idées, nous vomissons le règne de l’argent et tous ceux qui s’y laissent prendre. Nous nous érigeons contre le système boursier, contre les patrons du Cac 40, contre l’actionnariat, contre le dieu dollar et contre la religion du tout profit. Nous ne voulons pas d’une planète morte, de ce « cauchemar climatisé » dont parlait Henry Miller. Nous condamnons le saccage des forêts, le tout voiture, le tout avion, la pollution qu’engendre la société de consommation.

 

Nous nous battons pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Nous appelons de nos voeux un monde multipolaire avec des ensembles civilisationnels fiers de leurs spécificités et identités. Nous affirmons que dans ce « Nouveau Monde », chaque homme « pensera global et agira local ». Nous réclamons haut et fort l’application généralisée, partout et en tout lieu du « Principe de Subsidiarité ». En conclusion, nous récusons toutes les idéologies de masse chères au défunt vingtième siècle : libéralisme, communisme bureaucratique et nazisme. Nous désirons un véritable socialisme, porteur d’espoir pour tous les peuples. Nous voulons des hommes libres. Nous voulons un avenir pour nos enfants.

Nous rejetons la guerre et le terrorisme. Et par-dessus tout, nous rejetons la société libérale qui nous a vu naître…< Jip de Paname

 

NOTES

1>Carl SCHMITT, La notion de politique, Théorie du Partisan, Calmann-Levy, 1972

2>Dominique BIHOREAU, La pensée politique et sociale en France au XIX° siècle, Ellipses, 1995.