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25/10/2010

La banlieue désintégrée

Nous reproduisons ici l'éditorial du dernier numéro d'Eléments, actuellement en kiosque, intitulé "La banlieue désintégrée" et signé Robert de Herte.

Dans les années 1950, Robert Lamoureux chantait: «Banlieues, banlieues, paradis des gens heureux». C'était la banlieue «populaire», proche du faubourg, chantée par Jacques Prévert et René Fallet, photographiée par Édouard Boubat et Robert Doisneau. Celle des réseaux d'entraide et de solidarité entre «gens de peu». Un demi-siècle plus tard, la banlieue tend à devenir synonyme d'enfer pour une population de sans-espoir, faite d'otages et de témoins impuissants. C'est qu'entre-temps les banlieues ont été transformées en décharges où l'on a rejeté, expulsé à la périphérie, tout ce que l'on ne voue lait pas voir - déchets urbains et « hommes en trop» - dans des grandes villes transformées en dortoirs pour cadres supérieurs et néo-petits-bourgeois «branchés». Autant dire un centre de tri de l'humanité par le capitalisme tardif.

Aujourd'hui, du fait de l'immigration, le problème des banlieues se ramène pour la droite à un problème ethnique, pour la gauche à un problème social. La vérité est que les deux aspects sont indissociables, mais surtout que le phénomène des banlieues va bien au-delà. C'est dire qu'on ne peut l'appréhender en s'en tenant, d'un côté à la « culture de l'excuse», de l'autre aux fantasmes sur 1'«islamisation». Il ne faut en effet pas confondre les communautés au sens sociologique et au sens politique. Les banlieues ne se composent pas tant de «communautés» organisées que d'un caravansérail de populations différentes artificiellement juxtaposées. Celles-ci ne se divisent pas non plus de façon manichéenne entre discriminants et discriminés, possédants et dépossédés. Tout ne s'y résume pas à un problème de surveillance et de contrôle, à la façon dont on surveillait les «classes dangereuses» à l'époque où l'habitat constituait une forme de discipline sociale.

Nous l'avons déjà dit ici même, les «jeunes des cités» ne remettent nullement en question le système qui les exclut. Ils cherchent moins la reconnaissance qu'un raccourci vers l'argent, qu'un branchement plus direct sur les réseaux du profit. Quoi qu'aient pu en dire certains sociologues, rien de moins contestataire que la violence des banlieues - violence brute, manifestation de mauvaise humeur convulsive qui ne s'assortit ni d'un discours politique ni de l'ombre d'une revendication. Ce n'est pas une révolte du «rien» au sens de: «Nous ne sommes rien, soyons tout! », c'est une révolte pour rien, et qui ne débouche sur rien. Les bandes de crapules qui règnent par le trafic, la violence et la terreur sur les populations des quartiers «sensibles» sont plutôt la dernière incarnation en date de ce que Marx appelait le lumpenprolétariat. «Le lumpenprolétariat, disait Engels, cette lie d'individus corrompus de toutes les classes, qui a son quartier général dans les grandes villes, est le pire de tous les alliés possibles». Les « racailles» n'aiment pas le populo, mais le pognon. Leur modèle, ce n'est pas l'islam ou la révolution. Ce n'est pas Lénine ou Mahomet. C'est Al Capone et Bernard Madoff. (Délinquance pour délinquance, il faut d'ailleurs rappeler que celle des grands prédateurs financiers en col blanc fait chaque jour plus de dégâts que celle de toutes les racailles» de banlieues réunies) . A une époque où l'économie criminelle est devenue un sous-produit de l'économie globale, leur seule ambition est de recycler à la base, de façon brutale, des pratiques qui règnent déjà au sommet. De devenir les «golden boys des bas-fonds» (Jean-Claude Michéa).

Les «jeunes des banlieues», dont on dénonce partout le refus ou l'incapacité de s'intégrer dans la société, sont de ce point de vue parfaitement intégrés au système qui domine cette même société. Présenter la délinquance des jeunes comme le résultat mécanique de la misère et du chômage, c'est s'épargner de voir ce qui, dans la logique même du système d'accumulation du capital légitime en profondeur leur attitude: des valeurs exclusivement tournées vers le profit et la réussite matérielle, le spectacle de l'argent facile, dont l'exemple vient d'en haut. C'est du même coup masquer la violence inhérente aux rapports sociaux propres au système capitaliste – le retour d'un capitalisme sauvage, auquel répond logiquement la nouvelle sauvagerie sociale. La désintégration des banlieues résume à elle seule la décomposition du monde occidental. Elles sont le symptôme d'une dé-liaison sociale, d'une dissociation généralisée. L'échec de 1'« intégration» ne résulte pas seulement de l'absence de volonté de s'intégrer, mais aussi de la disparition de tout modèle expliquant pourquoi il faudrait s'intégrer. Et d'ailleurs, s'intégrer à quoi? Un pays, une société, un système de valeurs, un supermarché? «Une société elle-même en voie de désintégration n'a aucune chance de pouvoir intégrer ses immigrés, écrivait Jean Baudrillard, puisqu'ils sont à la fois le résultat et l'analyseur sauvage de cette désintégration». Les immigrés souffrent d'une crise d'identité dans une société qui ne sait plus elle-même qui elle est, d'où elle vient ni où elle va. On s'étonne qu'ils méprisent le pays où ils vivent, mais ce pays est incapable de donner de lui-même une définition. On veut que les «jeunes» aiment une France qui, non seulement ne les aime pas, mais ne s'aime plus.

A une époque où plus de 50 % de la population mondiale vit désormais dans les villes, et plus du tiers des citadins dans des bidonvilles, il n'est par ailleurs pas exagéré de parler de «banlieuisation» du monde. Partout, en effet, sont à l'œuvre les mêmes tendances d'urbanisme antisocial qui ont abouti aux banlieues actuelles.

La« banlieue» d'aujourd'hui ne se comprend que si l'on est conscient de la profonde mutation qui, à l'époque de la modernité tardive, a affecté la ville. La grande métropole a cessé d'être une entité spatiale bien déterminée, un lieu différencié, pour devenir une «agglomération», une zone dont les métastases («unités d'habitation», «grands ensembles» et «infrastructures») s'étendent à l'infini en proliférant de manière anarchique dans des périphéries qui glissent lentement dans le néant. Henri Lefebvre parlait d'un nécessaire «droit à la ville ». Mais la grande ville n'est plus un lieu. Elle est un espace qui se déploie grâce à la destruction du site et à la suppression du lieu. Elle est dé-mesure et il-limitation. Elle est pure extension, c'est-à-dire dé-localisation au sens propre. C'est en ce sens qu'elle réalise l'idéal de l'urbanisme comme technique historiquement associée à l'invention de la perspective, c'est-à-dire à la géométrisation intégrale de l'espace, et du rationalisme fonctionnel, c'est-à-dire de l'hygiénisme appliqué à l'architecture, qui aboutit au déploiement de l'espace systématisé.

Comme l'écrit Jean Vioulac, l'urbanisation «n'est plus l'installation de l'homme dans le site de la ville, c'est-à-dire dans un centre, un pôle à partir duquel le monde puisse se déployer et faire sens. La banlieue se définit par l'absence de pôle, elle est un espace urbain qui a rompu les amarres avec son, ancien centre sans pour autant se reconstituer elle-même à partir d'un centre. La ban-lieue est bannie de tout lieu, elle est le bannissement même du lieu [ ... ] Elle est l' ápolis redoutée par Sophocle». La banlieue est devenue un non-lieu. On y vit (ou on y survit), mais on n'y habite plus. Le drame est que la société actuelle, qui s'en désole, dénonce des maux (urbanisme sauvage et immigration incontrôlée) dont elle est la cause et déplore les conséquences d'une situation qu'elle a elle-même créée.

Robert de Herte (Eléments n°137, octobre-décembre 2010)

11/10/2010

TRAVAIL SALARIE ET CAPITAL : IDEOLOGIE ET PRAXIS.

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Editorial du numéro 44 de la revue Rébellion ( disponible prochainement) 

Il y aurait actuellement, en France, un "débat" sur les retraites. La bourgeoisie affectionne ce terme, un peu moins sa réalité. De débat, il n'y en eut guère, du moins avec ceux qui sont directement concernés : les salariés. Il y eut quelques dialogues médiatiques entre des représentants de la majorité parlementaire et son opposition, histoire de faire tourner la boutique à illusions. Par ailleurs, il est bien connu qu'en France, il n'existe pas suffisamment de "dialogue social". Mais pour parler de quoi? Du dialogue social à la collaboration de classe, il n'y a qu'un pas ; pas que devrait franchir le prolétariat afin d'acquiescer à son dépeçage. La classe dominante ne connaît que les rapports de force, sur ce point elle a, d'ailleurs, raison. C'est à ceux qui pâtissent de cette situation - la grande majorité de la société - de le comprendre. A cet égard, le poids de l'idéologie n'est pas accessoire ni contingent. Pour l'oligarchie capitaliste au pouvoir le calcul serait simple, relevant de l'arithmétique élémentaire. La retraite par répartition serait en mauvaise posture car les prolétaires ne travaillent pas assez longtemps afin de pouvoir payer les retraités futurs, les actifs finançant les inactifs. La décision gouvernementale relèverait d'un humanisme et du souci de l'avenir de la Nation! Nous n'étions pas habitués à ces élans de générosité de la part du capital ; nonobstant le fait que ce n'est pas à ce dernier que l'on demande de faire des efforts en la matière...

Evidemment dans les données du problème évoqué il n'est jamais question de la réalité du rapport social et il est de notoriété que les classes sociales n'existent pas. Subsiste une simple question de comptabilité. Dans la sphère sereine et pieuse de l'idéologie, l'évidence immédiate est de rigueur, le monde tel qu'il est doit se pérenniser : produire des marchandises et faire toujours plus d'argent. Pourquoi parlerait-on alors des finalités de la vie sociale que les hommes pourraient envisager consciemment sans être dominés aveuglément par l'économie devenue nécessité, seconde nature travestie en fatalité transcendante? Pourquoi travaillons-nous? N'y a-t-il pas d'autre voie possible pour l'humanité que celle de l'aliénation de son existence au travail salarié dont la nature est de permettre la valorisation du capital via le marché mondial au sein duquel circulent d'innombrables marchandises desquelles, par ailleurs, beaucoup de prolétaires ne connaîtront jamais la couleur ni la saveur (paupérisation).

Aussi est-il erroné de discuter de la question des retraites en acceptant les termes par lesquels la classe dominante la formule et la présente médiatiquement. La réalité de celle-ci ne relève pas d'une comptabilité financière et/ou démographique - étant donné le développement des forces productives actuel - mais provient du coeur même du système d'exploitation capitaliste dans sa lutte contre la chute du taux de profit aboutissant à une quête indéfinie d'une masse croissante de profit par tous les moyens (intensification de la productivité, allongement du temps de travail, privatisation des secteurs publics, financiarisation d'un maximum d'opérations d'échange). Le temps de non travail est toujours synonyme d'absence de valorisation pour le capital (le loisir lui-même a été aliéné dans sa nature propre pour être marchandisé).

Que faire alors des chômeurs et des prolétaires retraités? Les premiers sont tout à tour bouches inutiles et armée de réserve dans laquelle il est possible de puiser ponctuellement, permettant ainsi de faire pression sur la masse salariale des actifs (capital variable chez Marx). Quant aux autres, ils commencent à vivre un peu trop longtemps (encore que cela soit très relatif) et pour un système dont le calcul égoïste est le moteur essentiel, ils deviennent carrément surnuméraires. Les luttes ouvrières avaient réussi jusqu'à aujourd'hui à contrecarrer cette tendance (1) mais le capital, étranglé par ses contradictions, se doit de reprendre les hostilités contre le prolétariat et de confisquer les miettes qui lui avaient été concédées antérieurement afin de sauvegarder la "paix sociale". La guerre à outrance que se mènent les diverses bandes du capitalisme à travers le monde globalisé lui dicte cette nécessité.

De ce point de vue la mise en oeuvre par les Etats-Unis, à la fin du mois de septembre, de mesures protectionnistes visant directement la Chine marque le début effectif d'un nouveau cycle conflictuel impérialiste dont on avait déjà perçu les prodromes. Les Etats-Unis feront tout afin de déstabiliser intérieurement le pouvoir chinois, dans un premier temps. L'évolution de la situation dépendra également de la façon dont les contradictions sociales internes à la République Populaire seront abordées au sein de celle-ci. Les luttes sociales y sont nombreuses dorénavant et le prolétariat proteste contre la mainmise du capital avec sa soif d'exploitation dans secteurs de la production. Les rapports de force à l'intérieur du Parti Communiste Chinois devront être examinés de près et il est souhaitable que les voix révolutionnaires s'y fassent entendre tout en reprenant le dessus, notamment lors du prochain congrès du PCC. Avec cette situation conflictuelle entre les deux plus grandes puissances mondiales actuelles, nous sommes à un tournant de l'histoire de l'humanité ; il faut en prendre clairement la mesure.

Les deux sujets évoqués précédemment paraissent être éloignés et étrangers l'un à l'égard de l'autre. Il n'en est rien en réalité. Nous traitons de la même dynamique : la course à l'abîme de la trajectoire du capital avec la multiplications des conflits interimpérialistes plus ou moins ouverts, des coups tordus entre Etats et bandes concurrentes, des dispositions guerrières envers les Etats essayant de sauvegarder un minimum d'indépendance, des mesures imposées d'exploitation intensive de la force de travail disponible du prolétariat et cela en fonction des conditions historiques et géopolitiques propres à chaque aire culturelle.

Bien entendu, la fonction de l'idéologie dominante est de minimiser ces problèmes et d'en brosser un tableau édulcoré comme nous le disions ci-dessus. En Europe, et particulièrement en France, la fonction de l'opposition "démocratique", de "gauche", "républicaine" et autres sornettes est de valider cette mystification idéologique. Ainsi la contestation des dispositions concernant les retraites ne vise pas, pour les partis de gauche, à remettre en question le coeur du système d'exploitation et d'aliénation mais à se remettre en selle pour l'élection présidentielle de 2012 ; jeu dérisoire dont il est souhaitable que le mouvement ouvrier se débarrasse rapidement. Dans l'immédiat la façon, néanmoins, dont celui-ci pourrait déjouer ce piège n'est pas encore directement perceptible.

Depuis quelques semaines plusieurs journées d'actions syndicales s'enchaînent sans résultats, le gouvernement à clairement affirmé qu'il ne reculerait pas et que nous devions nous préparer à une augmentation progressive de l'âge de départ à la retraite.Durant ces vingt dernières années, rien n'est venu véritablement gêner le programme clair des instances mondialistes pour détruire les acquis sociaux conquis par les prolétaires européens au prix de longues luttes.

 

La mobilisation actuelle est loin de donner corps au mythe de la grève générale (2). Il y a plusieurs facteurs à prendre en compte pour expliquer cela. La fin des « bastions ouvriers », les grandes entreprises que les délocalisations et les restructurations ont quasiment tuées, et le développement de petites structures où le droit de grève est uniquement théorique, rendent les mobilisations sociales difficiles. Les directions syndicales majoritaires refusent d'être dépassées par une base potentiellement incontrôlable et de toute manière veulent simplement trouver un accord ménageant leur rôle de partenaires sociaux du capital. Si le refus de la réforme est largement majoritaire dans la population française, il ne débouche pas sur une mobilisation populaire. Au final, on ressort juste les figures de la Gauche pour préparer le futur cirque de la prochaine présidentielle.

La leçon à tirer de tout cela ? Que la simple défense des « acquis sociaux » est vouée à l'échec si elle n'est pas d'abord une offensive pour le socialisme révolutionnaire. Que défiler de manière festive et moutonnière est stupide, qu'il vaut mieux s'organiser et se former sérieusement pour frapper fort. Il est donc nécessaire que les révolutionnaires poursuivent leur travail d'explication en vue de l'approfondissement de la lutte et de l'élévation du niveau de conscience afin que celle-ci s'actualise adéquatement au sein du prolétariat, en tant que conscience de classe.

NOTES:

1) Les luttes du prolétariat sur le terrain économique sont justifiées. C'est un combat contre l'exploitation qu'il ne faut jamais cesser. Néanmoins, elles ne constituent pas une fin en soi; leur intérêt les transcende. Elles permettent d'apprendre à lutter à la base et sont les prémisses d'une éducation politique.

D'autre part, pour le socialisme la question des "retraites" serait autrement envisageable. C'est le travail salarié qui est un bagne, pas l'activité de production et de création qui pourrait être vécue sous des modalités encore inexplorées.

2) Si tant est que la grève générale soit la réalité sur la base de laquelle puisse s'exercer un renversement du système capitaliste. Il est possible d'en douter; les processus historiques sont plus complexes que cela, en particulier les processus révolutionnaires. La grève générale ne peut être qu'un épisode parmi d'autres dans l'offensive révolutionnaire.

 

07/10/2010

Crise économique : La Hongrie défie le FMI

La Hongrie qui assurera pour 6 mois à partir du 1er janvier 2011 la présidence de l’UE (Union Européenne), subit très fortement les conséquences d’une crise financière qui n’en finit pas. Pourtant pas si éloignée des objectifs de Maastricht en matière de déficit (3,8 % en 2008), la Hongrie devient le premier pays de l’Union européenne à obtenir un soutien financier de la Troïka FMI, UE et Banque mondiale. 

En octobre 2008, un plan de 20 milliards d’euros est décidé pour la Hongrie : 12,3 milliards d’euros sont prêtés par le FMI ; 6,5 par l’Union européenne et 1 par la Banque mondiale. Le stock de la dette s’accroit mécaniquement. Outre la perte sèche en paiement des intérêts qui alourdit le déficit, les conditions sont sévères pour la population : hausse de 5 points de la TVA, aujourd’hui à 25 % ; âge légal de départ à la retraite porté à 65 ans ; gel des salaires des fonctionnaires pour deux ans ; suppression du treizième mois des retraités ; baisses des aides publiques à l’agriculture et aux transports publics…

L’extrême droite entre au Parlement

La Hongrie, auparavant gouvernée par les sociaux-démocrates, avait réussi à sauvegarder un système social relativement protecteur, mais l’application, sur injonction du FMI, de telles mesures d’austérité a mécontenté la population et bénéficié à la droite conservatrice qui a remporté les élections législatives d’avril 2010. Pourtant, la victoire du nouveau premier ministre conservateur, Viktor Orban, est aussitôt saluée par l’agence de notation Fitch Ratings qui estime que son parti, le Fidesz, obtenant la majorité nécessaire pour modifier la Constitution, « représente une opportunité pour introduire des réformes structurelles  » |1|. Les sociaux-démocrates ont ainsi connu une défaite historique et ont ouvert un boulevard à l’extrême-droite (Jobbik) qui est entrée au Parlement pour la première fois avec un score de 16,6 %. 

A peine arrivé à la tête de l’Etat, le gouvernement lance des déclarations alarmistes sur la situation financière du pays évoquant une sous-estimation des comptes par l’exécutif précédent ramenant le déficit à 7,5 % du PIB, bien plus que les 3,8 % escomptés par le FMI. Coup de bluff ou falsification de comptes ? Le lendemain 5 juin 2010, un vent de panique fait chuter les Bourses de Londres, Paris, Budapest…et l’euro se déprécie dans la crainte de difficultés semblable à celles de la Grèce. Le gouvernement sous pression tente alors de se reprendre et multiplie les communiqués pour calmer tant bien que mal les spéculateurs survoltés.

Taxer le capital ou le travail ?

Pour réduire son déficit à 3,8% du PIB en 2010 comme le réclame le FMI et l’UE, le gouvernement prépare l’instauration d’une taxe temporaire sur l’ensemble du secteur financier, qui permettrait de prélever 0,45% de l’actif net des banques (calculée non pas sur les bénéfices, mais sur le chiffre d’affaires), de taxer à hauteur de 5,2% les revenus des compagnies d’assurance et de 5,6 % pour les autres entités financières (bourse, agents financiers, gérants de fonds d’investissement…). La Hongrie surenchérit ainsi sur Obama qui a timidement évoqué une taxe de seulement 0,15 % sur les banques. Mais cette mesure qui devrait rapporter environ 650 millions d’euros de recettes annuelles pendant deux ans (en 2010 et 2011), soit environ 0,8 % du PIB selon le gouvernement, ne plait pas aux banques : celles-ci font pression et menacent de retirer leurs investissements en Hongrie. Quand au FMI, il stoppe toute négociation et menace de fermer le robinet du crédit accordé en 2008. Le plan devant initialement expirer en mars 2010 avait pourtant été prolongé jusqu’à octobre de la même année. 

C’est bien évidemment le projet de taxe sur le secteur financier, véritable pomme de discorde entre le FMI et la Hongrie, qui bloque la poursuite du prêt. Le Fonds estime que le pays doit prendre des mesures en adéquation avec le dogme néolibéral en cours : entendez par là taxer les pauvres avant de taxer les banques : certes, les pauvres ont peu d’argent mais il y a beaucoup de pauvres... N’auriez vous pas remarqué le cynisme à l’œuvre ?  

De plus, le projet de plafonnement des rémunérations dans la fonction publique, salaire du gouverneur de la banque centrale compris, est tout à fait aux antipodes des recommandations du Fonds qui préfère un nivellement par le bas en réduisant ou gelant les salaires comme en Grèce ou en Roumanie par exemple. Attention à ne pas se faire d’illusion pour autant de la part d’un parti au pouvoir qui avait déjà favorisé la pénétration du néolibéralisme dans les années 1990…

« C’est soit la taxe bancaire, soit l’austérité »

Christoph Rosenberg, qui conduisait la délégation du FMI en Hongrie, a indiqué que l’organisation internationale souhaitait obtenir davantage de précisions sur le budget de l’année prochaine : "Lorsque nous viendrons la prochaine fois, à moins que nous ne venions la semaine prochaine, le gouvernement aura logiquement avancé sur le budget 2011 et ce sera un budget très important", a-t-il dit |2|. Une fois de plus le FMI s’apprête à revoir la copie du gouvernement et intervenir directement dans l’élaboration du budget hongrois au dépend de toute souveraineté. En attendant, le FMI estime que le pays va devoir prendre « des mesures supplémentaires » d’austérité pour parvenir aux objectifs de déficit qu’il a lui-même fixé. De son côté, le ministre de l’Economie Gyorgy Matolcsy déclare lors d’un entretien : « Nous avons dit que nous ne pouvions pas mettre en place de nouvelles mesures de rigueur [...]. Cela fait cinq ans que nous appliquons des mesures d’austérité, c’est pourquoi nous en sommes là ». «  Nous allons imposer la taxe bancaire, nous savons que c’est un lourd fardeau supplémentaire, mais nous savons également que nous pouvons atteindre (l’objectif) d’un déficit de 3,8%  », « C’est soit la taxe bancaire, soit l’austérité », a-t-il par ailleurs ajouté |3|. Afin de se protéger d’une extrême droite en pleine ascension lors des prochaines élections municipales début octobre, la droite conservatrice au pouvoir veut éviter des mesures trop impopulaires et rejette toute poursuite de négociation avec le Fonds.

Rupture consommée entre la Hongrie et le FMI ?

Le 17 juillet le FMI suspend la négociation et par voie de conséquence, le versement de nouvelles tranches. Dans un premier temps, la sanction des marchés ne s’est pas fait attendre et la monnaie nationale, le forint reculait d’environ 2,4% à l’ouverture, tandis que la Bourse perdait plus de 4%. Le premier ministre, Viktor Orban, monte au créneau et réussit à calmer les spéculations en remerciant le FMI pour son « aide de trois ans  » tout en indiquant que « l’accord sur le prêt expirait en octobre, et qu’il n’y avait donc rien à suspendre. ». « Les banques étaient à l’origine de la crise mondiale, il est normal qu’elles contribuent au rétablissement  » de la situation, a-t-il souligné |4|. 

La nouvelle loi sur la taxe financière qui prévoit par ailleurs une réduction de l’impôt sur les petites et moyennes entreprises (PME) de 16 à 10 %, est approuvée haut la main (301 votes en faveur et seulement 12 contre) le 22 juillet par le Parlement dominé par le Fidesz de M. Orban. Sans surprise, dès le lendemain, les agences de notation financière Moody’s et Standard and Poor’s placent la note de la dette souveraine hongroise sous surveillance avec un possible abaissement à la clé. Le rôle de ces agences, juges et parties d’un système spéculatif mortifère, est résumé en peu de temps : on améliore la note lors de l’accession du gouvernement conservateur au pouvoir en l’estimant sur la voie de l’austérité capitaliste et quand on se rend compte que les mesures prennent un chemin divergeant du dogme néolibéral, on s’apprête à l’abaisser.

Le journal “Le Monde” soutient les créanciers

Contrairement aux dire du journal français Le Monde |5| dans son édition du 20 juillet, il faut soutenir l’insoumission affichée du gouvernement hongrois envers le FMI et défendre l’idée qu’il en fasse de même avec son autre créancier, l’Union européenne. Prendre ses distances envers ces créanciers ne constitue en rien une insulte envers le peuple hongrois qui devra in fine rembourser une dette dont les conditions imposées par le FMI et l’UE sont déjà un lourd fardeau pour la population. 

Bien sûr, il faut aller au-delà d’une simple rupture diplomatique en proposant par exemple un front de pays unis contre le paiement de la dette, car comme l’a si bien dit Sankara, ancien président du Burkina Faso, quelques mois avant d’être assassiné : « La dette ne peut pas être remboursée parce que d’abord si nous ne payons pas, nos bailleurs de fonds ne mourront pas. Soyons-en sûrs. Par contre si nous payons, c’est nous qui allons mourir. Soyons-en sûrs également. (…) Si le Burkina Faso tout seul refuse de payer la dette, je ne serais pas là à la prochaine conférence. Par contre, avec le soutien de tous, dont j’ai besoin, (applaudissements) avec le soutien de tous, nous pourrons éviter de payer. Et en évitant de payer nous pourrons consacrer nos maigres ressources à notre développement. » |6| Seule une mobilisation populaire réclamant la vérité sur la destination des sommes empruntées au même titre que la satisfaction des revendications en termes de salaires, emplois ou protection sociale permettra de faire payer le coût de la crise aux véritables responsables de celles–ci. 

C’est pourquoi il est primordial pour les peuples d’Europe et d’ailleurs, d’auditer ces dettes entachées d’illégalités pour en répudier le paiement. C’est un premier pas vers la souveraineté qui permettrait d’envoyer les énormes fonds dédiés au remboursement de la dette vers les véritables besoins des populations en matière de santé, d’éducation ou de pensions de retraite, de sauvegarder leurs services publics plutôt que de les offrir aux entreprises privées.

Source : Jérôme Duval 

http://www.mondialisation.ca/

 

Notes

|1| Hongrie : Fitch salue le résultat électoral, Le Figaro, 26 avril 2010 : http://www.lefigaro.fr/flash-eco/20...

|2| http://tempsreel.nouvelobs.com/actu...

|3| http://fr.reuters.com/article/frEur...

|4| http://www.lesechos.fr/info/inter/a...

|5| « M. Orban affiche ouvertement une insultante désinvolture à l’adresse de ses créanciers », Le Monde, 19 juillet 2010. http://www.lemonde.fr/idees/article...

|6| Discours de Thomas SANKARA à Addis-Abeba, le 29 Juillet 1987, quelques mois avant sa mort.