07/04/2010
Chroniques ouvrières
Chroniques parues dans Rébellion 32 – Septembre/Octobre 2008
Pour une histoire de la grève…
Au cours du cycle historique du socialisme français, le mythe de la Grève générale s’est égrené de différentes façons. D’une forme quasiment pure, pour ne pas dire cristalline, il s’est changé au cours du temps en une forme impure, pour ne pas dire corrompue. Mais la rupture a bel et bien eu lieue. Le temps est venu du retour aux sources divines de la Grève générale. Devant nous il n’y a plus qu’un champ de ruines. Il nous faut donc tout reconstruire. Le cycle mortel de la Grève s’achève enfin.
Aux armes citoyens !
Petit rappel historique : on dénote pour la Grève quatre phases historiques bien marquées.
La grève-violence surgit brutalement au coeur de l’histoire européenne à partir du XIX° siècle. C’est le mythe de la grève générale. Il fut chanté d’une façon admirable par Georges Sorel, notamment. Il reste la référence primordiale, sorte de paradis perdu des socialistes révolutionnaires. Mais il ne doit surtout pas se changer en mythe incapacitant. Il doit au contraire être dépassé pour renaître aujourd’hui.
La grève-militante correspond, quant à elle, aux années soixante-dix. La naissance du Gauchisme soixante-huitard l’accompagne. Elle est une violence dévoyée voire une violence impure. La grève-militante est désordonnée, chaotique, sans fondements nets et précis. Elle oscille entre deux options contradictoires : un doux anarchisme et un communisme pur et dur. La grève-miltante, c’est l’acte de décès du mythe de la Grève générale.
La grève-festive naît avec l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand, le 10 mai 1981. Elle symbolise l’apogée du syndicalisme français. Elle annonce aussi sa mort prochaine. Le mythe même de la grève est alors totalement déconsidéré. Dans la rue, on assiste à des parodies de grèves, à des mascarades. Le folklore remplace la tradition au sein des cortèges. Les grèves sont également trop nombreuses, trop corporatistes et dispersées. Ce sont des micro-grèves inutiles et bruyantes. On s’agite pour s’agiter. On crie dans la rue. On se défoule. Mais on n’y croit déjà plus. La grève perd alors son caractère violemment révolutionnaire.
La grève-désespérée apparaît à l’aube des années 2000. Elle s’organise en rupture avec les vieux syndicats omnipotents totalement déconsidérés aux yeux du peuple. On parle alors de grève de la base, voire de révoltes autonomes. La voix des syndicats n’est plus la voix des ouvriers. Le peuple a pris le large. Il s’en est allé flirter avec le vieux mythe renaissant de la Grève générale. Voici pourquoi les grèves qui se préparent, celles du XXI° siècle, seront beaucoup plus féroces que par le passé. Voici pourquoi le Sabotage va prendre bientôt une ampleur démesurée. Le peuple est au bord de la rupture. Et même si le système est fort intelligemment verrouillé, il ne tiendra plus longtemps. Car dans tout système, il y a une faille. Il suffit juste de la trouver…< Jip de Paname
Le Chat, ennemi naturel du libéralisme !
Le chat est par essence un ennemi du système. Il est l’anti-efficacité, l’anti-productivité, l’antiutilitarisme même. En un mot, c’est l’animal le plus anti-libéral qui soit. D’ailleurs la vie d’un chat ressemble à s’y méprendre à celle d’un chômeur d’aujourd’hui. Le chat dort en moyenne dix-sept heures par jour. Ce qui est considérable au vu du nombre d’insomniaques qui hantent la nuit noire de notre société. Il sort principalement la nuit. Comment pourrait-il alors se rendre efficace le jour comme tout bon homo oeconomicus qui se respecte? Le chat ne connaît ni les cadences infernales, ni la concurrence déloyale. Il ne supporte pas les foules anonymes. Il aime sa différence, sa liberté, son indépendance.
Le chat défend son territoire là où l’homme moderne se targue de n’en avoir aucun. Sans terre, sans patrie, sans racines, sans culture, sans identité, l’homo oeconomicus est un nomade sans foi ni loi. Il ne connaît aucune autre attache que celle de son compte en banque. Bassement matérialiste, l’homme mo-derne est un animal qui manque cruellement de grâce. Il est une bête féroce et égoïste. Le chat a quant à lui conservé toute sa malice ancestrale ainsi que sa grâce légendaire. Contrairement à l’homme moderne, le chat est un animal courageux. Pour assurer sa survie, il n’hésite pas à montrer ses griffes.
Même ses ennemis, les chiens, ne l’effraient pas, tout juste peuvent-ils le surprendre. Le chat privilégie le duel quand l’homme moderne se rue sur sa proie en bande impavide. Le chat est le remède naturel à notre société. Il soigne
les hommes de leurs dépressions et de leurs angoisses. Carresser un chat, c’est rependre goût à la vie. C’est se sauver soi-même du chaos libéral. C’est se soulager le corps et l’âme. L’ennemi du chat, le système libéral, ne s’y est d’ailleurs pas trompé. Partout où règne en maître le libéralisme, le chat est purement et simplement éradiqué. Pour ne prendre que quelques exemples parmi tant d’autres, Rome, la ville éternelle est devenue en quelques années la proie des promoteurs immobiliers. Elle a en conséquence été nettoyée de fond en comble. Si bien que le vieux forum Romain, refuge des chats s’il en est, s’est vidé brutalement de sa substance. Et c’est toute la ville impériale qui a brutalement vendu son âme au plus offrant.
Et que dire de Venise ? Plus aucun chat pour courir sur les ponts de la Sérénissime. De sombres individus à casquette éructant du globish à longueur d’années, les poches pleines de billets verts, les ont peu à peu remplacés. Lorsque les chats désertent les rues, le chaos ressurgit. Non pas le chaos qui précède l’ordre, mais bien plûtot le chaos informe qu’appelle de ses voeux le libéralisme triomphant. Ce chaos qui dévaste tout sur son passage. Privée de ses chats, la ville perd son âme. Elle renonce à son antique statut de cité enracinée. Elle se transforme en un vaste décor à l’usage des touristes ou pire en cité dortoir. Le petit peuple des rues s’efface à la suite de ses chats. Il est rejeté vers la grande banlieue, vaste no man’s land où s’achève toute Culture. A sa place, les bobos et leur pseudo civilisation hygiéniste surgissent de toute part : propreté, sécurité, fausse mixité. Le triptyque du néo-libéralisme se cale dans les cerveaux humains déjà trop abîmés pour pouvoir encore lui résister. Pour ses détracteurs, le chat est sale. Il porte en lui toutes les maladies de l’homme. Autrefois n’était-il pas brûlé en place publique, ce fier compagnon des sorcières, ce chat noir du paganisme antique?
Symbole d’une révolte totale contre le monde moderne, le chat s’oppose naturellement à la civilisation du bruit, de la vitesse et de la pollution. Il encourage la lecture, occupation devenue subversive aux yeux de la police de la pensée. Il ronronne rien qu’à cette harmonie subtile que ne connaissent plus les hommes pressés d’aujourd’hui. Ce n’est pas un hasard si le chat est l’animal fétiche de nos poètes, s’il accompagne toujours les éveilleurs de peuple dans leurs quêtes impossibles, s’il incarne encore de nos jours cette sagesse qui fait tant défaut à notre monde moderne et s’il demeure le pur symbole de notre Rébellion...< Jip de Paname.
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Une mise en abîme : L’ étrange Knut Hamsun de Jean Parvulesc
Chronique parue dans Rébellion 32 – Septembre/Octobre 2008
Le propos de Jean Parvulesco s’inscrit dans la ligne de réapparition de l’oeuvre de l’écrivain norvégien Knut Hamsun sur lequel la revue Nouvelle Ecole de 2006 avait fait paraître un numéro et dans lequel Michel d’Urance, auteur d’un essai récent sur l’ancien prix Nobel de Littérature aux éditions Pardès, avait déjà produit un article révélant « l’oeuvre métaphysique » de celui-ci, d’après l’interprétation qu’en donne aujourd’hui Jean Parvulesco. Ce dernier s’attache dans une nouvelle brochure à déchiffrer, s’appuyant sur le travail d’essai biographique de Michel d’Urance, le noyau ultime, la matrice profonde de l’oeuvre hamsunien. Il s’agit donc d’une mise en abîme du travail de Michel d’Urance, grâce à laquelle se révèlent la profondeur cachée et l’étrangeté d’Hamsun. Jean Parvulesco rend opératoire le décryptage de celui-ci au moyen du concept « géopolitique fondamental de l’ « ancien sentier européen » évoqué par Michel d’Urance, initialement dans Nouvelle Ecole. Que révèle cet « ancien sentier européen » ? « La clef opérative de toute ouverture ontologique de la situation politico-historique et civilisationnelle qui est, dramatiquement, celle du «Grand Continent» eurasiatique, et plus particulièrement de la plus Grande Europe continentale à l’heure actuelle ». Voilà de quoi justifier l’intérêt porté à la signification de l’existence des héros hamsuniens.
Jean Parvulesco évoque fort poétiquement le destin de ces derniers, authentiques « vagabonds mystiques » errant, semble-t-il aveuglément, vers leur lieu, leur centre, de prédestination ontologique. Il insiste sur le fait que Michel d’Urance met en avant le processus de « différenciation du héros à l’épreuve de la conquête de soi-même ». Il y aurait là un présage littéraire adressé à tous les Européens auquel ces derniers –nos contemporains- feraient bien de prêter attention, car il n’y a pas d’autre issue au gouffre sur lequel nous sommes penchés et qui est celui de la béance ouverte entre l’être et l’existence. Où la littérature s’élève au niveau du « travail philosophique ». En effet, ne doit-on pas se poser la question de ce que signifie une « vie accomplie » ? Jean Parvulesco parle de « reliance » de l’être à l’existence, de « projection de l’être hors de lui-même » qui va se configurer sous une « certaine forme de destin ». Mais cette configuration sera assumée par les « vagabonds mystiques » chargés, alors, d’une « mission spéciale » ; assumée et donc différenciée. De sorte que toute existence en action est ainsi fondée originellement et non pas suspendue dans le vide du néant, cher à l’existentialisme sartrien. Raymond Abellio, lui-même, avait critiqué fort judicieusement la désespérance de la philosophie sartrienne, en montrant que de la néantisation du monde donné (en soi) par la conscience (pour soi) ne pouvait surgir une véritable communauté des consciences (la rencontre d’autrui est toujours réificatrice dans l’Etre et le Néant). Ce type d’existentialisme s’éloigne au plus haut point de l’ancien sentier européen, étrangement désocculté en revanche par Knut Hamsun. De sorte, que la vie de celui-ci, apparaît comme étant une « percée de l’être ». En regard de laquelle percée, les contingences historiques, politico-historiques, vécues par le norvégien, acquièrent un sens plus profond qu’une historiographie superficielle ne pourait le laisser penser. Son soutien indéfectible à Adolf Hitler n’était-il pas plutôt un « engagement final avec l’Allemagne » mais comme en « étranger parallèle » au nazisme ? C’est là que Knut Hamsun nous révèlerait, en fait, son secret d’après Jean Parvulesco : « l’idée d’une Grande Allemagne continentale, centre polaire de l’Europe et du «Grand Continent» eurasiatique ». Il va sans dire que cela ne pouvait satisfaire la vulgate nationale socialiste. Hamsun avait perçu dans un contexte fort peu favorable les lignes de force d’une géopolitique hostile au capitalisme et en particulier à l’Angleterre et aux Etats-Unis, porteurs d’un « anti-destin matérialiste » évidemment aux antipodes de la vision boréale et eurasiatique du grand écrivain. Actualisant le propos, Jean Parvulesco écrit : « Le plus grand péril pour la Nouvelle Europe, pour la plus Grande Europe continentale, «hyperboréenne», c’était l’impérialisme matérialiste de la conjuration politique anglo-américaine en cours d’affirmation planétaire, tout comme aujourd’hui. Il s’agissait –il s’agit- de la confrontation finale de deux mondes apocalyptiquement antagonistes : un seul de ces deux mondes sera amené à survivre ».
Sûrement par d’autres voies, les peuples européens seront appelés à résoudre cette alternative, s’ils veulent surmonter « la déréliction européenne ». Ce qu’il y a également, d’irréductiblement européen chez Knut Hamsun est son évocation de l’amour et du soubassement mystérieux, mystique de la féminité ouvrant à la passion le chemin de la transfiguration de l’existence dans des expériences limites.
En dernier lieu, la portée ontologique de l’oeuvre hamsunien se dévoile dans la figure ultime du héros, pas si fictif que cela, chez lequel la vie est scandée par ce mouvement de reprise et d’ascension conduit par le « Je transcendantal » se dépouillant progressivement de ses oripeaux successifs, et au terme duquel, il atteint son identité finale. Jean Parvulesco pose alors la question : « ce «je» se posant au-delà de toute attache ne serait-il pas, aussi, une figuration apaisante de «Dieu»? » En conséquence, ne vaut-il pas la peine d’emprunter le chemin nous conduisant vers l’ancien sentier européen ?<
L’étrange Knut Hamsun.
Jean Parvulesco. Ed. DVX.
A commander à : dvxeditions@gmail.com
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06/04/2010
Vincenot :Entre Anarchisme individualiste et retour à la Terre
Chronique parue dans Rébellion 27- Novembre/Décembre 2007
Avoir Les Yeux en face des trous, c’est accepter de se prendre la réalité en pleine gueule ! Henri Vincenot, connu et reconnu comme l’immortel chantre de la terre bourguignonne et de ses secrets (La Billebaude, Le Pape des escargots...), le pépère moustachu que l’on aime à lire, en rêvant, les nuits d’hiver, savait aussi, en bon gaulois, gueuler un bon coup quand il le fallait ! Et même bien plus que cela... Il le prouve à merveille avec Les Yeux en face des trous, roman méconnu (oublié ?) que l’on peut lire comme un pamphlet ! Roman paru, accessoirement, en 1959, au temps de l’industrialisation triomphante... Mais, trêve de discours, le bouquin ne s’y prête guère, venons-en aux faits !Le narrateur, Jefkins, après avoir erré par monts et par vaux, vécu maintes aventures en faisant le tour du monde moderne (Etats-Unis, URSS), prend femme dans une famille paysanne, enracinée, depuis de nombreuses générations, dans ce sol bourguignon dont on hume les senteurs à travers la description de la « terre usée (...) par le piétinement familier, l’orme sec où grincent les pintades, le tas de sarments où nichent les vipères, et, sur le pâtis, le traîneau à bois, laissé là comme un squelette de grand échassier blanchissant au soleil. « Chez ces gens, il redécouvre les joies simples du foyer et de la ferme. Cette chaleur perdue de la vie villageoise, celle qui voyait chacun se lever au petit matin pour aider le voisin à faire accoucher sa vache, avant de se retrouver, au coin du feu, pipe à la bouche, autour de la gnôle coulant à flots !Et voilà qu’un jour, les ingénieurs, oiseaux de malheur, se pointent chez eux pour trouver du pétrole ! Et dégradent les esprits, abusent les ruraux enthousiastes et inconscients... Et pourtant ! Cela ne se fera pas faute de résistance. Dans la famille, sur le point d’être expropriée - c’est-à-dire chassée en toute légalité - contre un (prétendu) équivalent sonnant et trébuchant, le malaise s’est installé. Jefkins (qui, pour le coup, sait à quoi s’en tenir !) a bien su voir dans l’ingénieur, « un de ceux qui foutraient le feu à la planète par dévotion aux logarithmes, un fondu qui, faute de bander, fait l’amour avec sa règle à calcul, et s’imagine qu’il nous intéresse ».
Le pépère Féli, oscillant entre folie et lucidité, en vient - peut-être parce qu’il n’y a « rien à attendre de bon des gens qui refusent un canon ! « -à employer les grands moyens. Fuite. Poursuite. Feu sur quelques envahisseurs ! Feu sur quelques profanateurs de la terre ! Poursuite à nouveau. Puis arrestation. Jefkins, un peu porte-parole de l’auteur, doit se résoudre à renouer avec sa vie d’aventurier et à laisser... sa terre aux cons ! C’est le début d’un long et palpitant périple parisien. Paris et sa misère, Paris et son horreur, Paris et sa laideur qui compromet les charmes qu’on lui trouvera par ailleurs... Là-bas, il goûtera l’usine et l’exploitation. Usine peu regardante sur les conditions de travail ; usine d’avant-garde. Dans, les deux cas, le fier paysan fera l’expérience de la dépossession de soi. Et en ressortira, sourire aux lèvres et tête haute, à mille lieues au-dessus des zombis, plus remonté que jamais contre ce qu’il avait déjà vu à l’oeuvre en son domaine et qu’on appelle «Progrès». « Appelez-vous progrès les corons, les ateliers, les brais poisseux qui coulent dans les ruisseaux, les goudrons qui rongent les herbes, étranglent les arbres, les gaz qui brûlent tout et transforment un pays verdoyant en un cratère où les animaux même se font honte de vivre ? «Si Jefkins reste inaccessible à la massification de ce monde inhumain, il le doit peut-être à son individualisme frondeur et anarchisant. Excessif (« Je suis, comme chacun, le seul exemplaire d’une race unique dont je suis exclusivement chargé d’assurer la conservation et d’assumer le destin. (...) Je n’ai pas de semblable »), mais pas sans fondements. C’est ainsi qu’il se rira des bonzes syndicaux venant recruter. « Où est la foule, il y a des idoles. Mieux vaut le
désert, même avec la soif et la brûlure du soleil... « (Nietzsche). Isolé par l»hostilité généralisée, jamais son regard ne perdra sa profonde acuité. Il s’exhale du bouquin un souffle proprement révolutionnaire ! Là où Jefkins passe, se met en marche un impitoyable jeu de massacre des idoles du progrès. Une lumière froide est ainsi jetée sur la tragique réalité de l’immigration. Ce que la politique ne sait pas dire, l’écriture peut le traduire :» Quand on voit un Berbère, le bâton en travers des épaules, aller, la tête droite, bien drapé dans ses flanelles, l’oeil perdu dans des horizons bibliques et qu’on le revoit ici, on se demande où est le bienfait de la civilisation... (...) Ici, regarde-le rêver qu’une perceuse lui crève le crâne parce qu’il a mal rempli l’imprimé de la Sécurité sociale. Il est accablé d’une journée de travail accomplie à un rythme qui le dépasse. Il est hanté par la journée de demain où l’attendent les contremaîtres, les moqueries, les règlements, les horaires, et cette extraordinaire piocheuse pneumatique dont l’admirable efficacité en tous terrains ne fera de ceux qui l’emploient que des vieillards précoces... « Visionnaire, Jefkins - et à travers lui, Vincenot - voit, au-delà de l’écrasant capitalisme productiviste, l’étouffant capitaliste consumériste. Il en parle dans des pages entourées d’allusions à la féminisation que ne renierait pas Alain Soral : « Je ne donne pas cinquante ans à l’humanité pour que la femme soit devenue son tortionnaire. Son besoin d’aimer peut devenir, pour peu qu’on sache l’appliquer, le meilleur auxiliaire de l’inexorable exploitation de l’homme par la société. (...) Tout ce qui fait de la femme une amante farouche, une épouse parfaite, une mère admirable, peut en faire la pire des gardes-chiourmes. » Les Yeux en face des trous, roman qui fait peur, réfléchir et force le fou rire, c’est aussi des personnages hauts en couleur ! Tel Robert Baylet, dit «balayette». Sorte de Saint-Taupin (symbole de l’épopée des prêtres-ouvriers) qui, ingénieur de formation, hante, pour vivre avec les pauvres et se rapprocher du Christ, les usines et les taudis. Persuadé qu’il est que l’introduction des prêtres dans la civilisation des robots rachètera le progrès, il a toutes les peines du monde à comprendre qu’il est illusoire de vouloir réformer le système. Ce que son ami Jefkins traduira, bien à sa façon, en proposant « le camp de concentration pour tous les taupins et les sous-taupins «, car, après tout, on en a fusillé pour moins que ça !
Toutefois, ce livre ne se limite pas aux phrases provocatrices et fracassantes qu’il contient. Son dénouement est heureux, prometteur. Vincenot est un éveilleur par qui l’on aimerait tous être réveillés et emmenés vers les cimes... En attendant, nous avons ses bouquins... et c’est déjà mieux que rien ! Mais nous avons aussi cette clef, qu’il nous livre au détour d’une page et qui permettra peut-être aux rescapés de la post-humanité de sauver leur âme : « Au passage dans les combes des monts de Bourgogne, j’ai eu comme une révélation : j’ai revu ces forêts, ces friches, ces lointains abrupts, où montait la fumée blanche d’un bûcheron. Que n’y ai-je pensé plus tôt ? Il y a là, dans ces solitudes, je le sais pour les avoir rencontrés à la chasse, de petits villages de pierre, vides comme des carapaces de scarabées. Des hameaux qu’on trouve encore, dans des taillis farouches, en écartant les broussailles de la main. Des maisons, endormies pour toujours. Pour toujours ? " L’homme de l’avenir renaîtra dans les friches et les bois".<
Disponible en Livre de Poche
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Contre le libéralisme sauvage.Pour un Socialisme Français
Article publié dans Rébellion 27 – Novembre/Décembre 2007
Ils sont militants, diffuseurs, collaborateurs de notre rédaction. Ils sont la force de Rébellion. Ils expliquent leurs motivations et leurs espoirs dans notre enquête sur ceux qui font vivre la démarche socialiste révolutionnaire. Un de nos camarades parisiens, nous donne sa définition de ce que devrait être une critique radicale du libéralisme.
Cibler l’ennemi, le circonscrire, le définir précisément, telle est la difficulté tant il semble être protéiforme de nos jours. Passé maître dans l’art du camouflage, il change de peau au gré de ses envies un peu comme un caméléon au coeur de la forêt profonde. Pourtant Carl Schmitt nous a montré la voie dans ses nombreux écrits (1). La dialectique « ami/ennemi » n’est pas un vain mot. En politique, il est nécessaire de l’appliquer à la lettre : « dis-moi qui sont tes ennemis, je te dirai qui tu es ». Nous pensons que ce rôle sied à merveille à la doctrine libérale du capitalisme moderne qu’on essaye par tous les moyens de nous imposer. Avaler une couleuvre n’est jamais chose facile surtout lorsque l’on s’y refuse. Et nous nous y refusons.
Nos sociétés « européennes avancées » sont des sociétés libérales dans lesquelles le socialisme n’est pas et n’a jamais été, j’entends le vrai socialisme. Vouloir redonner ses lettres de noblesses à un mot tant galvaudé est toujours délicat. Surtout lorsque l’on connaît la probité des gens qui s’en réclament de nos jours. Pour prendre un exemple, les « socialistes » du P « S » actuels ne sont rien d’autre que des laquais du libéralisme. Ils n’ont plus rien de socialistes. Il faut donc dénoncer sans relâche l’usurpation qu’ils font du mot socialiste. C’est là un des problèmes majeurs de notre temps. La signification même de certains mots a changé. Or, il est absolument nécessaire de s’accorder sur la définition de chaque mot employé sous peine de ne plus se comprendre. C’est donc à un véritable travail de redéfinition du vocabulaire politique que nous devons nous atteler. Pour commencer, une critique serrée de la société dite libérale est nécessaire pour dire ce dont nous ne voulons pas. Après quoi, nous pouvons passer aux propositions toujours délicates à formuler tant l’avenir semble fortement compromis. Aujourd’hui, nous ne sommes plus maîtres de la situation car nous ne sommes plus maîtres de nos vies. Il faut, et c’est urgent, reprendre le contrôle de nos vies. L’Histoire n’est pas encore finie contrairement à ce que martèlent sans cesse nos « amis » américains. Tout simplement car elle est sans cesse à réinventer. Non linéaire, l’Histoire est toujours ouverte. Non, la société libérale n’a pas encore gagné la partie ! Non, les peuples rebelles n’ont pas encore dit leur dernier mot ! Non les hommes libres ne baisseront pas les bras ! La vie est un combat sans cesse recommencé. Qu’attendons-nous pour remettre les compteurs à zéro ?
L’authentique socialisme français
Reprenons le débat trop tôt faussé par le libéralisme. Souvenons-nous des grands anciens, ces socialistes français, qui nous montrent la voie à suivre (2). A commencer par Charles Fourier (1772-1837) « qui voua au commerce une haine implacable, n’y voyant que mensonge, fraude, accaparement et spéculation ! ». Pour lui, « le travail doit être source de satisfaction spirituelle » et « le commerce être tout bonnement supprimé ». Pierre Leroux (1797-1871), l’inventeur du mot « Socialisme » fut quant à lui, l’un des penseurs les plus originaux du XIX° siècle. Dans ses ouvrages, il fustige « l’illusion démocratique » et « tout en stigmatisant l’individualisme, c’est sur l’individu qu’il compte pour la construction du socialisme et qu’il fonde la souveraineté ». Auguste Blanqui (1805-1881) fut plutôt un « tacticien de l’insurrection urbaine ». Il passa plus de 33 ans en prison. « Les révolutions, écrivait-il, c’est l’unique soulagement de l’âme ulcérée des travailleurs, le seul répit à leurs douleurs morales, l’instant toujours trop court qui relève leurs fronts courbés dans la poussière ». Selon lui, « il ne doit pas rester un fusil aux mains de la bourgeoisie ». « Il faut supprimer la presse bourgeoise, évincer leur église et rompre radicalement avec la classe politique, notamment les libéraux et les pseudo-socialistes ». Il n’hésite pas à écrire que « le parlementarisme n’est qu’un ramas de nullités et d’égoïsme où priment quelques artistes de la parole et certaines habiletés malfaisantes ». Au final, « la tâche essentielle de la Révolution sera d’assurer au peuple l’éducation intégrale car, selon lui, l’oppression est fille de l’ignorance ». Proudhon (1809-1865) reste quant à lui l’inestimable auteur de la célèbre apostrophe « la propriété, c’est le vol ». Selon lui, « l’autorité sans liberté qui discute, résiste ou se soumet, est un vain mot ; la liberté, sans une autorité qui lui fasse contrepoids, est un non-sens ». A l’idée de progrès, il préfère « la recherche constante d’équilibres nouveaux ». Comment ne pas évoquer aussi sa fameuse théorie de la « force collective » supérieure à l’addition des forces individuelles qui la composent et « sa division de la société en paysans enfin maîtres du sol, en une myriade de petits fabricants et artisans et pour finir en compagnies ouvrières intelligentes et fières ». Proudhon fut, en tant que socialiste français, un adversaire déclaré du « communisme » bureaucratique et totalitariste qui ne ferait à ses yeux que substituer un nouvel esclavage à l’ancien. Toujours selon Proudhon, « chaque homme doit jouir des mêmes droit à condition de remplir les mêmes devoirs ». Il ne faut pas oublier que c’est à lui que l’on doit une grande part du principe de l’autogestion ouvrière, partagé tout autant par le syndicalisme révolutionnaire que par l’anarchisme. Il rédigea même une petite brochure intitulée « de la capacité politique des classes ouvrières » que l’on peut qualifier de véritable catéchisme du mouvement ouvrier français. Georges Sorel (1847-1922) fut le grand théoricien du syndicalisme révolutionnaire, notamment à travers son maître ouvrage « Réflexions sur la Violence », où il compare le phénomène de la grève générale aux élans d’une guerre. Jean Jaurès fut l’héritier politique des « socialistes français » dans leur ensemble, lui qui refusa jusqu’au dernier moment le suicide de l’Europe. Il paya de sa propre vie son combat pacifiste. Et l’on se prend à rêver de ce qui serait advenu si les foules l’avaient suivi plutôt que de répondre aux sirènes du nihilisme de la Grande Guerre. Nous pouvons aussi citer des auteurs majeurs venus du monde anglo-saxon, au premier rang desquels George Orwell et Christopher Lasch. Mais, amis lecteurs, attention. Il ne s’agit pas de vivre dans la nostalgie d’une époque bénie ou d’un passé révolu. Ce bref rappel doit nous servir de base en vue d’une contre-attaque sévère des lignes libérales ennemis. Il s’agit de s’inspirer de nombre de ces réflexions pour en faire vivre les principes. Le socialisme français a évolué, il s’est adapté. Il doit retrouver dès à présent tout son mordant pour propulser l’ensemble de la société française vers l’avenir.
Le libéralisme, fils de la bourgeoisie
La bourgeoisie possédait depuis toujours le pouvoir économique. Elle est fille de la banque. Mais l’argent seul ne suffit pas. Il faut pouvoir l’utiliser à sa guise. Avant de pouvoir donner libre cours à toutes ses fantaisies, un obstacle de taille se présentait sur son chemin : le pouvoir politique. Avec la chute de l’Ancien Régime et la disparition de l’aristocratie traditionnelle, ce fut chose faite. La bourgeoisie s’attaqua ensuite à toutes les classes de la société. Elle répandit partout l’appât du gain. Et en fin de compte, elle opéra une véritable « révolution des moeurs », l’argent devint le seul référent.
Ce système s’incarna dans un pays : les Etats-Unis. La fascination de nos élites pour « l’american way of life » est tout simplement consternante. Elles veulent imposer ce modèle à la France et l’Europe. Le libéralisme maximaliste de la société américaine, c’est la guerre de tous contre tous. Société de déracinés qui s’est construite contre l’Europe, l’Amérique est aussi la société de tous les racismes. Car, ce n’est pas en agrégeant des communautés disparates que l’on construit un peuple. Ainsi les différentes communautés qui séjournent sur le sol américain s’ignorent-elles totalement. Elles vivent parquées dans des quartiers, ou plutôt des ghettos, les unes à côté des autres et sans aucun contact. Le seul lien qui les unit est l’argent. Aux Etats-Unis, le dollar est roi et seule la réussite matérielle importe. Savoir qu’une partie non négligeable de la jeunesse de France a pour modèle les States est inquiétant. La sous culture consumériste US se répand dans le monde comme un torrent de boue…
Le Libéralisme contre les peuples
Détruire les peuples, tous les peuples de la planète, tel semble être l’éternel mot d’ordre du libéralisme. Pourquoi s’attaquer aux peuples avec un tel acharnement ? Tout simplement parce que les peuples sont beaucoup trop dangereux pour la « nouvelle idéologie ». Ils peuvent résister passivement. Ils peuvent lutter activement. Ils peuvent se rebeller, se révolter. Ils peuvent même vaincre. L’histoire est là pour le prouver. Une mosaïque de communautés, que l’on tente de créer en France, en est quant à elle totalement incapable. Car la communauté qu’il faut bien distinguer du peuple est impuissance par essence. Elle est constamment sur la défensive. Elle s’affronte à d’autres communautés ennemies. Mais elle est bien trop faible pour lutter contre « le Tout Libéral ». Et que dire de l’agrégat d’individus ? L’homme seul est profondément vulnérable et surtout il est totalement inoffensif. Perdu dans des immenses mégalopoles sans liens avec les autres humains et la nature. Le prochain objectif du libéralisme sera la destruction de la famille (ultime refuge contre l’atomisation de la société) et des derniers vestiges du « monde d’avant » (campagnes, quartiers populaires, solidarités du quotidien).
La société libérale, c’est la société du spectacle
et de la consommation
La société libérale est une société spectaculaire. Tout y est spectacle, en permanence, chaque jour, chaque heure, chaque minute, chaque seconde, partout et nulle part à la fois…
Le Spectacle c’est le grand remue ménage du rien, c’est le vide intersidéral de la pensée, parfaitement incarné par le phénomène télévisuel que nous connaissons bien aujourd’hui. La réalité n’existe plus dans la société libérale avancée. On y vit par procuration. Les autres, les héros du petit écran vivent pour nous. Alors à quoi bon bouger de son canapé. Le sentiment du tragique, celui de pouvoir contrôler sa propre destinée, de pouvoir l’influencer, ont disparu depuis fort longtemps. Tous ces signes, tous ces chiffres que sont les images ne sont pas neutres. Ces dernières agissent sur nos cerveaux comme un leitmotiv : laisse-toi faire et consomme. Tel pourrait être le mot d’ordre de la société de masse dans laquelle on vit. La consommation, ce sont ces affreuses grandes surfaces qui s’alignent à perte de vue dans les zones commerciales on ne peut plus glauques, ces queues à n’en plus finir aux caisses des supermarchés, ces caddies remplis à ras bord d’objets inutiles tous plus chers les uns que les autres, ces voitures alignées devant des pompes à essence inertes…
La consommation, c’est le règne de l’inutile et de la vitesse. C’est le triomphe du vide, c’est le désespoir le plus total, c’est la dépression, c’est le suicide des jeunes à qui la société n’offre rien d’autre que le pouvoir d’achat, c’est ce monde sans aucune issue possible. C’est la solitude démentielle des grandes villes et la naissance d’une race hybride, mi-robot, mi-esclave…
Ce que nous voulons
De même que nous refusons l’uniformisation au sens large, nous refusons le port de l’uniforme obligatoire : jean, basket, ipod, coca et macdo. Nous ne voulons pas non plus nous plier aux diktats de la mode en vigueur. Nous rejetons en bloc la post-modernité décadente de la société occidentale. Dans un même ordre d’idées, nous dénonçons l’adoption générale du « système des objets » car avant de posséder des objets ce sont bel et bien les objets qui nous possèdent. Nous n’acceptons en aucune manière le règne sans partage de la « médiacratie » et du système publicitaire qui l’accompagne. Nous dénonçons cette agression permanente et totale des images et des slogans qui pervertit l’humanité. Nous récusons en bloc l’ « idéologie du Même » où tout le monde est interchangeable : les mêmes envies, les mêmes désirs, les mêmes destins, les mêmes fatalités, les mêmes fins. Nous revendiquons le droit d’être différents, de penser différemment, de vivre d’une autre manière.
Nous refusons pour autant de baisser les bras. Nous ne voulons plus de l’idéologie libérale niveleuse et égalitariste par en bas. Nous rejetons la fatalité. Nous réclamons le droit de vivre, tout simplement. Pour cela, nous appelons de nos voeux une véritable Démocratie Organique et non cette vague soupe parlementariste que l’on nous sert tous les jours au « vingt heure ». Nous voulons que le peuple reprenne le pouvoir par la voix référendaire. Nous voulons que les élus du peuple habitent les quartiers populaires. Nous voulons des hommes courageux pour nous représenter, des hommes qui montrent l’exemple, des hommes sans ambitions personnelles, des hommes modestes. Nous dénonçons l’inutile domination des partis et de leurs hommes liges. Dans un même ordre d’idées, nous vomissons le règne de l’argent et tous ceux qui s’y laissent prendre. Nous nous érigeons contre le système boursier, contre les patrons du Cac 40, contre l’actionnariat, contre le dieu dollar et contre la religion du tout profit. Nous ne voulons pas d’une planète morte, de ce « cauchemar climatisé » dont parlait Henry Miller. Nous condamnons le saccage des forêts, le tout voiture, le tout avion, la pollution qu’engendre la société de consommation.
Nous nous battons pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Nous appelons de nos voeux un monde multipolaire avec des ensembles civilisationnels fiers de leurs spécificités et identités. Nous affirmons que dans ce « Nouveau Monde », chaque homme « pensera global et agira local ». Nous réclamons haut et fort l’application généralisée, partout et en tout lieu du « Principe de Subsidiarité ». En conclusion, nous récusons toutes les idéologies de masse chères au défunt vingtième siècle : libéralisme, communisme bureaucratique et nazisme. Nous désirons un véritable socialisme, porteur d’espoir pour tous les peuples. Nous voulons des hommes libres. Nous voulons un avenir pour nos enfants.
Nous rejetons la guerre et le terrorisme. Et par-dessus tout, nous rejetons la société libérale qui nous a vu naître…< Jip de Paname
NOTES
1>Carl SCHMITT, La notion de politique, Théorie du Partisan, Calmann-Levy, 1972
2>Dominique BIHOREAU, La pensée politique et sociale en France au XIX° siècle, Ellipses, 1995.
11:33 Publié dans La revue Rébellion | Lien permanent | Tags : socialisme français, rébellion 27, osre, socialisme révolutionnaire | Facebook | |
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