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21/12/2014

Dialogue entre Arnaud Bordes et Jean Parvulescu : Pour une révolte littéraire au Monde Moderne

 

 

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Dialogue entre Arnaud Bordes et Jean Parvulescu paru dans Rébellion

Qui êtes-vous, Arnaud Bordes ? D’où venez-vous, qu’elles sont vos origines effectives, vos antécédents ? Quelle idée vous faite-vous, secrètement, de vous-même ? Ces aveux sont-ils difficiles ?

Mes activités balancent entre l’édition – éditions Alexipharmaque ; l’écriture de recueils de nouvelles, Le Plomb (A contrario), Voir la Vierge (Auda Isarn), Le bazar de Clodagh (Auda Isarn) ; la chronique littéraire dans quelques revues ; la lecture.

Mes origines sont entre Charentes et Castille (mais seraient-elles autres, que j’en serais aussi satisfait). De moi-même, je n’ai pas d’idée, fût-elle secrète. Je me fiche assez de savoir qui je suis, laissant ces questions à l’adolescence, aux autres. J’ai des passions, que je tente de cultiver, qui m’aident : les anciens médicastres tels Ambroise Paré, Galien, les choses mornes, la littérature fantastique, la décadente aussi, et la naturaliste que je révère, les femmes au profil aquilin, les films de zombies (il n’y a pas, d’évidence, de meilleures critiques sociologiques), la musique industrielle, les « artificialistes » tels Julien Offroy de La Mettrie, Balthazar Gracián, certain ésotérisme, Fulcanelli, Dujols, Guénon, Gordon et, puisque occasion m’est donnée, et sans flatterie, votre œuvre irradiante cher Jean Parvulesco.

Comment avez-vous conçu la mise en œuvre, à Pau, des éditions Alexipharmaque ? A quelle inspiration avez-vous cédé, en l’occurrence ?

Il me semblait dommage, sinon parfaitement absurde, que des auteurs d’importance ne soient pas plus souvent, ou pas assez, ou pas du tout, édités.

Donner à de jeunes talents l’occasion d’être publiés.

Revenir, simplement mais fermement, loin des modes et des suffrages, pour d’avisés lecteurs, aux fondamentaux, aux textes : un style exigeant, un imaginaire ample, une pensée fervente, cohérente, référencée, une esthétique ; arpenter des verticalités, des hiérarchies également.

Y eut-il jamais là, comme vous le sous-entendez peut-être, quelque magique inspiration ? Le saurai-je ? A moins de considérer la proximité de Lourdes et, véritable «coincidentia oppositorum », la présence, en 1920, à Pau, qui n’est autrement que passionnante monotonie et platitude géomantique, de cet instrument de tortures, beau, coruscant et entre tous apocryphe, appelé La Vierge de fer…

 

Quel est le programme de vos prochaines parutions ? Est-ce un secret ?

Nombreux sont les aléas auxquels est confrontée une modeste maison telle qu’Alexipharmaque (parfaitement indépendante et sans subvention aucune). Des publications se précisent toutefois : La morale de l’histoire d’Arnaud Nîmes - roman incisif sur les liens étroits entre libre échangisme économique et transgression sexuelle, critique coupante du libéralisme libertaire. ; L’enfer de caniches de Raphaël Lambin - variation fiévreuse, noire, cruelle, gyrovague, sur le sain, célèbre, adage de Céline : « L’amour, c’est l’infini à la portée des caniches » ; assurément un autre essai du brillant cinéphile Ludovic Maubreuil…

 

Quelle est votre attitude à l’égard d’un éventuel projet pour la création d’une Société des Ecrivains Européens non-conformistes ?

Je suis perplexe. Je ne crois pas aux sociétés d’écrivains, je n’ai pas foi en le non-conformisme, qui ne se revendique pas, ne se partage pas (sous peine, par définition, de ne l’être plus), qui se vit intérieurement, tel un exil intérieur, si l’on veut jungerien, hielscherien. Je tiens plus pour des convergences et des solidarités tacites, d’autant plus pérennes et profondes qu’en effet tacites, des entraides souterraines et efficaces.

 

Croyez-vous à un prochain redressement décisif des actuelles littéraires françaises et européennes, à l’avenir, proche ou plus lointain, à la fois prévu et imprévu ? A l’avènement d’une nouvelle pensée européenne disposée à une confrontation décisive avec les tenants, visibles ou cachées, de l’œuvre négative de l’ennemi intérieur de notre civilisation, l’ennemi de l’être transcendantal de notre propre histoire et de tout ce que nous sommes ?

Au risque de vous apparaître d’un pessimisme excessif, je n’y crois pas non plus – sinon à quelques surrections ponctuelles, résurgences isolées, précisément imprévues.

En outre, dès lors qu’on y souscrit, telle est l’économie des cycles temporels : cycles qui, on le sait, sont ordre supérieur, instruisent l’Histoire, prescrivent, alternativement comme progressivement, or et harmonie, fer et chaos. Et, s’il est un ennemi, il n’est que l’expression de cette catastrophe lente qu’est notre âge de fer. Et, de même, s’il est un avènement ou un redressement, voire un retournement, il sera l’expression d’un autre âge – âge d’or, donc. Ne serait-ce pas encourir le péril de l’Inversion, que de vouloir forcer, hâter, provoquer, les desseins de Dieu, de la Providence, ou du Cosmos ? N’oublions pas : le temps ne respecte pas ce que l’on fait sans lui.

 

Quelles sont les orientations profondes des littératures actuelles qui vous semblent correspondre le plus avec propres vues ?

Il y a, pour n’en citer que quelques-uns uns, d’excellents auteurs : Jérôme Leroy, Pierre Bordage, Andreas Eschbach, Guy Dupré… Pour autant, je n’aperçois pas d’orientations profondes et d’ensemble dans les littératures actuelles. Et, du reste, je ne lui en demande pas tant, à la littérature. Qu’elle soit comme susdit, qu’elle soit d’abord sa propre ambition ne serait déjà pas si mal et suffirait. Ne l’accablons pas de trop de finalités. La littérature n’a jamais rien changé, à part elle-même, et, disons, quelques instants de vie.

Maisles critères de J. L. Borges, aussi, pourraient être avancés : la circularité – quand une œuvre revient se boucler sur elle-même ; la nécessité – quand une œuvre ne comporte rien d’arbitraire, d’aléatoire, de fortuit ; la totalité – quand une œuvre contient l’ensemble des possibles.

Au niveau théorique, et quelle que soit l’obédience, il y a des travaux évidemment incontournables : ceux d’Alain de Benoist, Michel Clouscard (in memoriam) Alexandre Douguine, Jean-Claude Michéa, Slavoj Žižek,Alain Soral, Jacques Ellul (in memoriam) et, pourquoi pas, si je puis me permettre, car publiés chez Alexipharmaque, ceux de Rodolphe Badinand (Requiem pour la Contre-Révolution), ceux de Louis Alexandre et Jean Galié (Rébellion, l’alternative socialiste révolutionnaire européenne).

 

Comment, d’après vous, pourrions-nous lutter, faire face à l’intolérable pression actuelle d’une certaine « police de la pensée », en France et dans toute l’Europe, voire dans le monde entier ? Serait-il concevable que celle-ci puisse durer, en continuité, longtemps encore ?

Simplement, avec patience et persévérance, en faisant ce que nous avons à faire. Et puisque la police de la pensée procède souvent par conspiration du silence, profitons-en, faisons-le nôtre ce silence, qui est aussi espace et étendues, en le(s) remplissant, de bruits autant que d’harmoniques.

Police de la pensée qui, paradoxalement, en nous reléguant, crée les conditions d’éprouver des valeurs qui, normalement, et d’après nombre d’auteurs de prédilection, nous importent (le devraient, du moins) : une forme d’ascèse, de discipline, d’allant vers l’essentiel, de radicalité.

 

En effet, comment faut-il à présent contre-attaquer, d’une manière vraiment décisive, l’entreprise de barrage permanent et de démantèlement poursuivi par l’«ennemi intérieur » et son « pouvoir rampant », pour qu’à n’en plus finir ils fassent obstacle à la présence-là de l’expression renouvelante et vive des nôtres ? Comment nous organiser offensivement, en toute lucidité, pour faire face à l’arrêt de mort que l’on nous signifie ?

Soit l’exigence et, par conséquent, un saut qualitatif dans une forme d’esseulement. Soit la facilité et la médiocrité et, par conséquent, peut-être, un saut quantitatif dans les suffrages.

On ne peut pas à la fois dénoncer l’« ennemi intérieur » (et sa manifestation systémique) et en même temps se donner d’exister en utilisant son mode pullulant d’expression.

Cesser de se poser, souvent, par rapport au « pouvoir rampant ». Mais s’imposer à nous-mêmes, être notre propre autorité.

Pourrait-on s’appuyer sur une révolte populaire ? Qui adviendra, s’il y a lieu. Ne nous leurrons toutefois pas. Il n’y aura pas de soulèvement inspiré (ou si peu) par une idéologie, une théorie, quelle qu’elle soit. Une juste exaspération prévaudra, surtout.

En outre, que nous le voulions ou pas, nous sommes tous plutôt tertiarisés, dans l’échange et l’économie de services, la maîtrise des signes, des abstractions. Et donc plutôt, fatalement, dans nos personnes mêmes, en quelque sorte, dématérialisés – quasi-apraxiques aussi. Or, quand prédominaient encore le primaire et le secondaire, que le travail était relié à la matière, à sa concrète dureté, le potentiel réactif, la capacité d’action, n’étaient-ils pas d’autant plus fermes ?

Nous ne sommes, désormais, ni dans la matière (se rappellerait-elle naturellement, régulièrement, à nous) ni dans l’esprit, le spirituel. Nous sommes dans cette zone intermédiaire, flottante, indifférenciée, tentaculaire, de leurres, qu’est le Spectacle (Spectacle dont, d’ailleurs, la prolifération est simultanée à l’émergence du tertiaire).

 

Et ne vous semblerait-il donc pas que, en attendant, la nécessité de la mise en place, de notre côté, d’un « dispositif de réseaux suractivés d’ensemble » devant pénétrer en profondeur le front actuel de la vie culturelle conventionnelle, totalement dévoyée par les agents de terrain et les foyers de la surveillance continuelle au service suractivé de la conspiration en place, « la conspiration du non-être » et du « politiquement correct ». Là, il s’agit, pour nous autres, d’une question de vie ou de mort.

Même réponse que précédemment.

 

Comment comprenez-vous le problème de l’énigmatique présence en continuité de Dominique de Roux ? Etes-vous sensible à son œuvre littéraire de rupture, à sa propre vie aventureuse et tragique ? Que pensez-vous de l’étrange - de l’inquiétante – emprise qu’il semblerait exercer à présent sur toute une frange de l’actuelle génération de jeunes écrivains qui montent en ligne ?

Je n’entends rien à Dominique de Roux, à sa littérature du moins, que je ne saurais juger mais qui, décidément, ne m’a jamais enchanté.

En revanche, je veux bien comprendre que le personnage fascine, reître ardent qui tailla des brèches, donna, presque sacrificiellement, presque oblativement, de sa personne, pour que soient des éditions, des revues, pour que des noms, des écrivains, oubliés et anathématisés, resurgissent. Mais il ne suffit pas de s’en réclamer, d’en être influencé, de le citer, quand, à la fin, l’on ne fait qu’y poser, en restant concentré sur sa plume, son ego, son petit dandysme droitard. Pourquoi ces jeunes gens ne créent pas, par exemple, de maison d’éditions, des revues, ou ne partent pas vers des confins géopolitiques ? Pour, précisément, incarner mieux, perpétuer, l’activisme, le combat, la guerre, portés par Dominique de Roux – sa manière d’abnégation.

 

Connaissez-vous l’œuvre géniale de Henri Bosco, à présent, déjà, tout à fait méconnue ? Et plus particulièrement son immense roman nuptial et cosmogonique, Un rameau dans la nuit ?Ne croyez-vous pas qu’il serait de vos devoirs d’état de reprendre la parution de ses livres, de réveiller l’attention des nôtres sur l’importance significative d’une affirmation de son œuvre ?

Si l’œuvre d’Henri Bosco ressortit certainement à l’ésotérisme, elle est d’abord tentative chaque fois renouvelée d’appréhender les mystères, ascension et descension dans leurs abîmes, supérieurs et inférieurs.

Mystères qui seraient comme autant de monstruosités en tant qu’ils échappent au langage. Les mystères, semble nous dire Henri Bosco, ne participent pas à l’humanité, à l’humain, d’où leur monstruosité. Et l’humain ne peut dire l’inhumain. Les mystères sont tels parce qu’ils sont indescriptibles, innommables. Un mystère ne correspond à rien, peut-être même pas à lui-même. Un mystère est, selon l’étymologie, plus anomal qu’anormal : il est sans loi, contraire à la loi, à la règle et, donc, contraire au langage, puisque le langage ordonne, puisque le langage légifère. Un mystère contredit ou, mieux, il est un non-dit ou mieux encore, un non radical, un non sans nom… Pour définir un mystère, il faudrait inventer une langue mystérieuse… Ce à quoi s’emploie Henri Bosco dont le langage, sous de simples dehors, est troublant et épiphanique. De là, également, une hantise, cette sensation d’une sourde monstruosité à l’affût dans les paysages, les décors de ses romans.

Romans où le mystère serait aussi avertissement, une sorte de borne se manifestant dans le labyrinthe de la nature – dans le labyrinthe du monde - pour signifier à celui qui s’est égaré qu’il est vraiment allé trop loin, et que s’il ne veut pas être, dans le sens d’une damnation, être perdu à tout jamais et, pourquoi pas, transformé en monstruosité, il doit s’employer avec diligence à revenir sur ses pas.

Plus qu’Un rameau dans la nuit, j’apprécie Le mas Théotime et Malicroix où les mystères, monstres de ténèbres et clartés, sont angoissants à souhait.

Quant à le rééditer, c’est à envisager.

 

Comment situez-vous les écrits philosophiques, ainsi que les doctrines géopolitiques d’avant-garde d’Alexandre Douguine ? N’est-il pas question, dit-on, que vous éditiez un grand volume d’entretiens inédits avec lui ? N’est-il pas question que vous vous rendiez vous-même à Moscou pour faire ces entretiens ?

Il est difficile d’atteindre un tel niveau de synthèse et d’inspiration. Célébrons, donc, Béhémoth tellurocratique ! Contre Léviathan thalassocratique et son dissolvant empire.

Des entretiens inédits ? Le rêve en est caressé.

 

Etes-vous vraiment conscient de l’importance que peut prendre une entreprise comme la votre, en plein développement, dans la marche des futurs combats pour la mise en situation de la plus Grande Europe continentale ? Et vous-même, êtes-vous un partisan de l’idée impériale de la plus Grande Europe continentale suivant l’axe géopolitique fondamental Paris-Berlin-Moscou ?

J’essaie de faire du mieux qu’il m’est possible. Si je peux permettre à la fois à de nouveaux talents de s’exprimer, à des écrivains de métier de continuer leur œuvre et à des pensées dissidentes de se recueillir dans un livre, je suis satisfait. Et puis Alexipharmaque va lentement, apprécie le temps qui passe, prends le temps de choisir et d’établir les manuscrits – toutes choses auxquelles je tiens, dans notre modernité perdue dans la vitesse et l’immédiat.

Quant à l’axe géopolitique fondamental Paris-Berlin-Moscou, c’est un beau concept, brillamment taillé et facetté, passionnant, aussi beau, aussi idéal que, par exemple, L’Etoile rouge, roman dans lequel Alexandre Bogdanov (théoricien par ailleurs du Proletkult) imagina une parfaite société socialiste et technicienne sur Mars.

 

31/05/2013

Sortie du numéro 58 de la revue Rébellion

 michel thibault,mathias cardet,david l'epée,alexandre douguine,arnaud bordes,charles robin,parti communiste chinois,terouga,zentropa,chavez

 

ÉDITORIAL

La critique moralisante

RÉFLEXION
La rue abattra les tyrans !
Découragement ? par zentropa 

INTERNATIONAL
Venezuela. Viva Chavez !
Elections Italiennes. Entre populisme et paralysie par Xavier Eman 


Le Printemps arabe change-t-il la géopolitique du Proche-Orient ? par Terouga 

Chine. Le XVIIIème Congrès du PCC. Fantômes dans la brume. par

ENTRETIEN

Rencontre avec Lucien de Gouverner par le chaos. Ingénierie sociale et mondialisation.

IDÉES

Perspectives Michéennes. La triple transformation libérale par Charle Robin

PHILOSOPHIE

L'esquisse d'une éducation non conformiste dans la pensée de Confucius par Thibault Isabel.

FIGURE
Alexandre Douguine. Révolte contre le monde post-moderne.


 CULTURE
Rap & Business. Qui veut la part du Ghetto ?
Rencontre avec Mathias Cardet. L'effroyable imposture du Rap.

Entretien avec Arnaud Bordes. Chroniques livres et musique.


5 euros (port compris) pour un numéro de 48 pages. 

Commande à notre adresse :

Rébellion c/o RSE BP  62124 - 31020 TOULOUSE cedex 02

02/03/2013

Entretien de Rébellion avec Que Faire ?

 

La revue Rébellion a fêté ses 10 ans ! Une décennie de combat contre le système sous toutes ses formes. L’occasion pour QUE FAIRE d'interroger l'équipe qui pilote le journal...

QUE FAIRE : Actuellement, Rébellion c'est une équipe de combien de rédacteurs ? D'abonnés ? De lecteurs ?

Louis Alexandre : En 10 ans, nous n'avons pas chômé. L'équipe de rédaction est constituée de quelques camarades présents depuis l'origine qui assurent bénévolement les indispensables tâches militantes permettant à Rébellion de poursuivre sa lutte.

Sans cette équipe, le journal n'existerait pas. Peu de personnes savent la masse de travail que représentent la rédaction et la collecte des articles, la maquette, la gestion de l'impression et de la diffusion, le secrétariat d'une revue.

Mais je pense que cet engagement est payant. Pas de manière vulgairement matérielle, mais par le simple fait qu'il nous tire vers le haut. Il nous fait dépasser joyeusement nos limites dans une aventure qui est un pied de nez aux bien-pensants. Tout donner pour une cause, sans rien attendre, apprend l'humilité, la persévérance et le courage. Tout cela avec le sourire et en ne se privant jamais de rire …

Nous avons conservé l'esprit d'origine dans le fonctionnement de la rédaction. C'est-à-dire que les articles issus du travail des membres de la rédaction restent collectifs et anonymes, selon le principe de « l'impersonnalité » de l'action et de la réflexion qui nous est cher.

Nous avons aussi ouvert nos colonnes à des «compagnons de route» comme les talentueux Thibault Isabel, David L'Epée, Charles Robin, Michel Thibault, Arnaud Bordes et à un certain Terouga que vous connaissez peut-être à «Que faire ?». Ils ont profondément enrichi notre revue.

En conservant notre indépendance, nous sommes parvenus à faire progresser notre diffusion. A l'heure actuelle, nous en sommes à plusieurs centaines de numéros vendus à chaque livraison et notre lectorat est vraiment très riche. Ce résultat, nous le devons surtout à une communication ciblée et à l'existence récente de nouveaux réseaux de diffusion «dissidents» (comme les sites Kontre Kulture et Scriptoblog/le Retour aux Sources ou des médias comme Méridien Zéro).

Nous avons lancé une vaste campagne d'abonnement pour nos dix ans. C'est notre priorité à l'heure actuelle, car c'est la seule garantie pour nous, de poursuivre notre développement. Pour donner un chiffre, nous sommes presque parvenus à rassembler les 150 abonnés de plus que nous nous étions fixé d'atteindre en septembre.

 

QUE FAIRE : Il y a dix ans, quels étaient les objectifs de la revue ? Vous avez obtenu quelles réussites ? Quels échecs ?

Jean Galié : L'objectif que nous poursuivons était clairement énoncé dès la parution de nos premiers numéros. Il s'agissait de faire de la revue un noyau théorique solide afin d'impulser une dynamique de regroupement des intelligences et des volontés autour de l'objectif de la critique radicale, sans concessions, de la domination du capital.

Cela devait se faire en-dehors des organisations politiques existantes dans lesquelles nous ne nous reconnaissions pas. Autant faire l'effort, pensions-nous, de produire notre propre théorie critique plutôt que de suivre des formations à propos desquelles nous aurions nourri des doutes ou de la méfiance. Il ne faut pas nécessairement désirer se relier à quelque chose pour s'illusionner et se rassurer ; évidemment cette voie est plus difficile. Nous reprenions l'idée de Lénine, en la transposant et l'aménageant dans un nouveau contexte, selon laquelle un journal peut devenir une référence en attendant la constitution d'un pôle politique plus structuré et militant. `

L'histoire ne nous a pas donné tort si l'on veut bien considérer le fait que depuis cette date, la crise du système s'est approfondie et que les diverses organisations politiques existantes ne font que tourner en rond et répéter des recettes surannées. Par ailleurs, on voit bien que le prolétariat n'adhère pas massivement à celles-ci malgré son mécontentement profond. Quant aux groupes plus marginaux qui annoncaient qu'ils allaient tout bouleverser, ils ne furent qu'un feu de paille à la hauteur d'engouements éphémères.

En conséquence, il ne nous semble pas nous être égarés. La pérennité de la parution régulière de la revue est déjà une réussite puisqu'elle témoigne de l'existence d'un lectorat régulier et/ou se renouvelant. Le fait que des esprits intelligents tiennent compte de ce que nous écrivons et collaborent plus ou moins régulièrement à notre travail est également un indice positif.

Quant aux échecs, sans vouloir nous dédouaner de nos imperfections, ce qui est le plus important réside dans le fait que comme l'écrivait Hegel, on ne peut être mieux que son temps mais au mieux son temps. Il est douloureux de le constater, mais la majorité des exploités reste comme frappée de stupeur, encore trop amorphe face aux attaques incessantes qu'elle subit de la part d'une classe dominante hyper-active dans la poursuite de ses intérêts.

Dans ces conditions, il est difficile d'impulser une orientation vers une lutte réelle et frontale contre les conditions sociales existantes en intervenant au sein des luttes sociales. Ne serait-ce que diffuser une simple revue relève de l'exploit lorsqu'on ne dispose pas de relais médiatiques. En un sens, ce phénomène prouve que nous ne participons pas du spectacle marchand contemporain. Nous ne voulons pas accéder à une notoriété spectaculaire, pour autant nous ne répugnons pas à rendre publiques nos idées, nous y travaillons modestement.


QUE FAIRE : Avec la revue il y a l'Organisation Socialiste Révolutionnaire Européenne, l'organisation s'est-elle développée aussi ?

Louis Alexandre : L'OSRE est un chantier en construction permanente. Nous sommes une petite équipe et nos moyens ne peuvent malheureusement pas se démultiplier. Nous sommes donc réalistes et axons notre travail sur des campagnes ciblées (comme notre lutte contre le capital et l'Otan en Europe par exemple) et nous cherchons à nous implanter durablement sur plusieurs villes (comme Toulouse, Nice ou Paris par exemple) .

Dès lors, l'OSRE est un «squelette» qui sert à structurer notre réseau. Son nom résume son rôle, une organisation pour renforcer les luttes menées pour le SRE.


QUE FAIRE : Quelles relations avez-vous avec les autres "opposants" au système ? Extrême droite ? Extrême gauche ?

Jean Galié : Les relations avec d'autres organisations dépendent du fait de leur réelle opposition au "système". Nous pouvons sur tel ou tel point important collaborer à une campagne allant dans le sens d'une dénonciation de l'offensive du capital (l'anti-impérialisme, par exemple). Pour nous, le critère déterminant est celui de l'authentique dénonciation de la pratique et de l'idéologie du capitalisme. Il y a aussi des échanges de presse pour ceux qui sont intéressés par nos travaux.

Pour ce qui concerne la question des deux "extrêmes" que vous évoquez, elle devrait être traitée selon les mêmes critères mais nous tenons à préciser que cette classification nous paraît obscure et relever plutôt d'une simplification outrancière générée par les besoins idéologiques du système. La grille de lecture couramment utilisée à cet effet relève plus du fonctionnement du moulin à vent (paroles du verbalisme ambiant) confusionniste que d'une approche rationnelle du phénomène. Ce qui est essentiel reste à nos yeux, le combat pour la création de la communauté humaine libérée des chaînes du travail salarié et du capital. Disons qu'à cet égard, existent au sein du manège entretenu par la classe dominante, une gauche et une droite avec leurs extrêmes... du capital.


QUE FAIRE : Souhaitez-vous des changements dans la revue ? Dans la forme ? Dans le fond ?

Louis Alexandre : Même si Rébellion est aujourd'hui une revue de qualité reconnue, nous ne nous reposons pas sur nos lauriers. Nous savons que nous devons suivre les évolutions des nouvelles technologies et être à l'affut de nouveaux terrains de diffusion.

Nous avons toujours à l'esprit d'améliorer la qualité et la lisibilité de la revue. Il apparaît aussi important de définir une ligne claire et compréhensible pour remporter l'adhésion d'un plus large public. Nous avons entrepris voici dix ans un important travail de renouveau idéologique qui est arrivé à sa pleine maturité. Il nous faut donc le diffuser et le rendre porteur sur le terrain.

Il reste une multitude de thèmes que nous souhaitons aborder d'un point de vue nouveau. Rébellion vous (et nous) réserve encore des surprises.


QUE FAIRE : Quels retours avez-vous de votre lectorat ? Y a-t-il des déceptions ? Des révélations ? Des malentendus ?

Louis Alexandre : c'est justement l'objet d'une large enquête que nous avons lancée voici un mois. Notre revue avait besoin de mieux connaître ses «nouveaux lecteurs» et leurs attentes. Nous sommes en train de dépouiller les premiers retours actuellement. Nous rendrons compte en détail de cela dans les pages du bulletin interne de notre structure, «Rébellion-infos».

Mais déjà nous pouvons dire que les retours sont positifs et encourageants. Nous assistons à un important renouvellement de nos lecteurs et à l'apparition d'un esprit particulier parmi son lectorat.

Dire que la presse est en crise est une erreur. C'est la presse du système aux idées creuses qui meurt, mais aussi les publications «dissidentes» enfermées dans leurs visions sclérosées qui tournent en rond. Il y a un loi darwinienne en matière politique, «seuls les meilleurs survivent et propérent». Une revue qui ose et qui innove aura de l'audience. Rébellion fait pour sa part le pari de faire confiance à ses lecteurs pour porter son message révolutionnaire au plus grand nombre.

Jean Galié : Les malentendus - lorsqu'ils ne sont pas intéressés, télécommandés - peuvent toujours exister. Ils relèvent, nous semble-t-il, de la difficulté que certains ont de lire ce qui est réllement écrit et non ce qu'ils s'imaginent que nous écrivons. C'est un symptôme de l'atténuation voire de la disparition contemporaine de la pensée critique capable de s'élever au-dessus de l'apparence mensongère de la réalité aliénée. Il y a recul de la capacité à conceptualiser et pour critiquer il faut aussi être capable de dialoguer. Heureusement, il arrive également que nous ayons été bien lus et compris ; parfois cela laisse apparaître de réelles convergences d'analyse. Cela prouve que notre démarche n'est pas vaine.


Source : http://quefaire.e-monsite.com

 

19/01/2013

Sortie du Rébellion 56

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Au sommaire du numéro : 

Editorial : Réflexion en écho à celle d'un philosophe transalpin

Actualité : la rébellion des peuples européens. 

Idées : Penser le libéralisme par Charles Robin. 

L'Odyssée de la crise. 

Entretien avec Francis Cousin : L'Etre contre l'Avoir. 

Esprit Libre : La liberté d'expression ne se demande pas. elle se prend !

Entretiens avec Arnaud Guyot-Jeannin et Javier R. Portella

Polémique : Retour sur la pensée de Richard Millet. 

Culture : Les illusions de la contre-culture par David l'Epée. 

Chroniques livres. 

 

Le numéro est disponible contre 4 euros à notre adresse : 

Rébellion c/o RSE BP 62124  31020  TOULOUSE cedex 02 

02/09/2011

Eléments de musique industrielle

Ses probables fondements sont dans le Futurisme, dans la praxis et les théories que Luigi Russolo énonça dans  L’art des bruits : le bruit comme enrichissement de la matière sonore, et concerts joués sur des instruments inventés ; puis, également, dans les musiques expérimentales : de John Cage et du silence considéré comme note à part entière, à Pierre Boulez et aux compositions aléatoires, en passant par les recherches concrètes de Pierre Schaeffer, avec objets sonores et manipulations des supports (bandes, magnétophones…).

Au-delà des avant-gardes, on retrouve l’influence du Punk dont sont amplifiées les caractéristiques premières : violence et bruit ; autant que celle du Krautrock dont sera repris l’électronique, la géométrie.

Dans un rapport plus immédiat, elle désigne la froideur, la brutalité, la violence, la déshumanisation des installations industrielles, de la technique et de son asservissement, dont elle illustrera, reproduira les séquences, l’automation, la répétition, (stakhanovisme, fordisme)… Intégrant ces modalités sonores, elle exténue les mélodies et travaille donc le bruit, opulent et morne des machines, ou chaotique, blanc et parfaitement aléatoire. Antiphonique, diaphonique, disharmonique, la musique industrielle est une anti-musique.

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***

La musique industrielle est un extrémisme et une polysémie. Elle s’entend comme consommation, au sens de société de consommation, de démocratie de marché, ou de culture de masse, dont sera faite la critique radicale. Ainsi, en seront reflétées les aberrations, autant l’aliénation, le contrôle et la propagande que l’uniformisation et la réification des personnes : d’où, régulièrement, la mise en avant d’uniformes, d’imageries militaires et totalitaires. Car, semble-t-on nous dire, et quand le raccourci serait peut-être facile, entre totalitarisme historique et totalitarisme consumériste, s’impose une solution de continuité, dont les différences résideront moins dans les résultats que dans les moyens pour y atteindre, seront moins de nature que de degré.

De même, il s’agira d’en détourner les codes et signes. Un tel détournement opérant soit comme annulation, soit comme démultiplication, puisque la société de consommation est avant tout, déjà, elle-même, détournement et, justement, consommation de signes : un objet vaut moins par sa valeur d’usage que par sa valeur d’échange, laquelle peut s’entendre par la manière dont l’objet est connoté : marque, statut social conféré. - D’où, régulièrement aussi, dans pochettes et livrets, la proposition de logos, de dazibao, d’une esthétique du slogan.

Dans une logique similaire, par simple provocation certes, mais pour interroger aussi le rapport normalité/anormalité, la dialectique des marges et du centre et, jusqu’aux limites, instruire liberté et idéologie libertaire – laquelle n’est sans doute rien plus qu’un moyen d’altérer la cohésion sociale et, par la culture du narcissisme induite, d’atomiser l’individu – la musique industrielle est transgressive. Aussi, investira-t-elle les domaines de la pornographie, de la sexualité, de ses déviances et perversions les plus obscènes et crues (nécrophagie, parthenophagie, amélotation…), de la psychiatrie et de l’antipsychiatrie, des sérials killers… Plus strictement politiquement, et dans une souveraine ambiguïté, il s’agira de convoquer fascisme, nazisme, stalinisme, univers concentrationnaire et terrorisme – lequel sera considéré évidemment comme stratégie de la tension puis, c’est à y réfléchir, comme seule possibilité, dans nos sociétés modernes, de retrouver, au moins formellement, les modalités d’une voie initiatique : la clandestinité, si elle est sociale, est aussi changement radical d’identité, d’être - rupture ontologique.

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La scène industrielle se caractérise par son autonomie. Elle affirme maîtrise gestionnaire et contrôle des moyens de (ses) production(s) via des collectifs et des structures indépendantes souvent créés par les artistes, les groupes eux-mêmes. A ce titre, Throbbing Gristle, groupe séminal et paradigmatique, initia précisément, avec Industrial records, le concept de label indépendant

Performatrice, tenante de la culture du happening, elle développe une scénographie extrême par l’utilisation d’éléments extra-musicaux (vidéos, drapeaux, croix enflammées, libations contraires et impies, mutilations, têtes de mouton…)  ; tandis que, livrant une véritable guerre de l’information, elle publie divers supports (tracts, affiches, livres, revues, voir Grey Wolves) et fait sienne toutes les techniques de propagande (propagande par le fait, s’il en est), jusqu’à perpétrer (voir l’excellente formation PPF) des attentats sonores, aussi improvisés qu’inattendus, dans les lieux publics.

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Plurielles, les premières formations industrielles sont devenues cultes et classiques. Citons, outre Throbbing Gristle, SPK (décliné en Surgical Penis Klinik, ou SePpuku, ou encore System Planning Korporation et Socialistiches Patienten Kollektik), Cabaret Voltaire, Test Department, Whitehouse, Nocturnal Emissions, Einsturzende Neubaten, Lustmord… Qualifiés désormais d’old school, ces artistes, par leurs travaux, par leurs recherches, en privilégiant telles tessitures, en utilisant tels supports et objets, en créant telles ambiances, chacun ayant sa radicale spécificité, se perpétueront au travers d’épigones et initieront de nombreux sous-genres dont les qualités sont à la fois strictes et poreuses. Ainsi du Power electronics, agressif, abrasif, autoritaire ; du Dark ambient, religieux, cosmique, crowleyien, rituel, ésotérique ; du Death industrial, analogique, vrombissant, opaque, sordide… A quoi s’ajoute, constitutive mais parallèle, la culture dark folk/martiale, qui s’affirme par des ambiances  wandervogel, völkisch, néo-classiques, héroïques, évoliennes, révolutionnaires conservatrices. 

Quant à conclure, la musique industrielle, intégrée dans l’économie des cycles temporels, est parfois présentée comme une expression de l’âge de fer.

 

Arnaud Bordes 

Article du Rébellion 38 ( août 2008)

 

A écouter :

SPK : Leichenschrei

Whitehouse : Birthdeath experience

Throbbing Gristle : The third and final report

Genocide organ : Leichenlinie

Lustmord : Paradise disowned

Brigher death now : innerwar

Megaptera : The curse of the scarecrow