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17/04/2010

Réinventons la patrie ! (2)

Patrie et Socialisme

La Patrie à réinventer. Le Devenir du Socialisme

 

Article publié dans le numéro 39 de Rébellion Novembre/Décembre 2009

Deuxième partie de nos positions du dossier sur les régions, la Nation et l’Europe

 

 

 

Nous poursuivons ici l’analyse débutée dans le numéro 38 de Rébellion sur la question nationale. Au moment où le gouvernement de Nicolas Sarkozy entreprend une nouvelle campagne médiatique bidon autour de l’ « Identité Nationale », probablement pour faire oublier les dernières affaires révélatrices de son niveau de corruption et la faillite du « sarkozisme » face à la dure réalité d’un monde en crise, il nous paraît utile de réaffirmer certains principes fondamentaux et de présenter une alternative à ces écrans de fumée.

 

La Nation aux travailleurs !

Une rupture radicale doit être clairement faite, aussi bien, avec les conceptions réactionnaires et bourgeoises de l’idée nationale qu’avec les tenants d’une mondialisation « post nationale » (qu’ils soient des représentants des multinationales, des bobos altermondialistes ou les derniers rejetons des groupuscules gauchistes). L’enjeu est de faire le lien entre la question nationale et la question sociale, c'est-à-dire de poser clairement la priorité de la libération de la France et de l’Europe de la domination capitaliste, ce qui aurait par voie de conséquence une portée internationale essentielle.

Dans le cas français, le cadre national est riche en perspectives novatrices et révolutionnaires que nous ne devons pas laisser corrompre ou dénigrer par les discours démagogiques et les illusions de ses récupérateurs ou opposants. Historiquement porteuse d’un esprit frondeur et rebelle, la France est née de l’idée que toute injustice devait obligatoirement donner naissance à une résistance capable de la vaincre. Que la liberté de la Nation et de son Peuple ne pouvait être divisée, que la communauté nationale offrait à l’individu un cadre pour son épanouissement en lui garantissant la solidarité de l’ensemble de ses concitoyens. « Un grand peuple ne vit pas de son passé, comme un rentier de ses rentes » comme l’écrivait Bernanos, il nous appartient de redonner son sens à ses anciennes notions de justice, de liberté et de souveraineté populaire. L’oligarchie qui nous dirige ayant renié la Nation, les travailleurs doivent la réinventer et en faire tout autre chose.

 

C’est dans cette optique que nous mettons en exergue l’idée de Nation des travailleurs, signifiant avant toute chose le renversement du rapport de force entre le capital et le prolétariat (immense majorité de la population). La domination réelle du capital bien qu’ayant fait diminué en quantité relative la classe ouvrière traditionnelle (délocalisation et chômage de larges secteurs industriels) n’en a pas moins plongé la majorité des travailleurs et des chômeurs dans une situation de prolétarisation, c’est-à-dire de précarité grandissante du point de vue de leurs conditions d’existence la plus élémentaire. Face à cette attaque de grande envergure déclenchée par le capital (lutte de classe), la réponse adéquate ne passe pas par trente six mille chemins. Les illusions réformistes ont fait long feu. Il n’y a qu’une seule solution, celle de renverser le rapport de force, non pas simplement de manière ponctuelle en essayant, même si cela est légitime, de compenser les pertes « économiques » de niveau de vie mais en tentant d’établir une hégémonie politique en faveur du plus grand nombre : le prolétariat, et cela afin que ce dernier dépasse sa condition.

Le cadre national est l’instrument adéquat au sein duquel le prolétariat peut redonner sens à sa vie sans être atomisé dans une néo barbarie sociale, qui serait son seul horizon possible avec le maintien du système en place. Qu’on le veuille ou non, l’Etat républicain offre encore l’opportunité d’exercer la puissance souveraine et de choisir les grandes orientations comme celles de sortir de l’OTAN, du carcan d’impotence de l’UE en proposant aux autres peuples européens une voie autonome de destin, par exemple. De même sur le plan intérieur, il s’agit de combattre ce qui peut malheureusement apparaître comme une « fatalité » économique, la condition au plus haut point précaire et soumise à la contingence la plus arbitraire, imposée aux classes populaires par le capital.

 

La socialisation des conditions de production et de distribution n’a pas uniquement une portée économique. Sa signification l’outrepasse. Il s’agit de renverser les finalités de l’être social qui sont actuellement aliénées au productivisme et au consumérisme par le processus d’instrumentalisation/manipulation des consciences. Sans se faire d’illusions sur la nature humaine, nous pouvons raisonnablement soutenir la thèse selon laquelle le capital dans sa domination réelle (soumission du rapport social à l’économie productiviste) entrave toute créativité humaine chez la plupart des hommes. Le socialisme prend alors le sens de participation consciente de chacun aux décisions le concernant sur le plan social. C’est notre réponse à la question de l’identité nationale qui ne se situe pas dans une essence intemporelle mais dans un effort constructif et qualitatif de la part d’un peuple prenant ses destinées en mains, y compris dans le contexte international de la lutte de classe et de la lutte pour une vision culturelle d’ensemble (monde multipolaire dans lequel l’Europe a son mot à dire).

En France, la conscience nationale fut toujours naturellement liée à une conscience socialiste et révolutionnaire forte dans le mouvement ouvrier. Elle connaît aujourd’hui un regain d’intérêt causé par le fait que toutes les attaques dont sont victimes les travailleurs français viennent de la logique d’un capitalisme mondialisé. Pour cela, la Nation peut servir de base à la création d’un rapport de force politique favorable car elle est encore un frein à l’extension de la globalisation et un lieu d’expression pour la solidarité. Elle est un levier pour faire basculer le Peuple dans le combat pour sa libération nationale et sociale.

 

Le rôle de la Nation dans la construction du socialisme

Car le débat sur la question nationale nous ramène à celui du choix de société dans laquelle nous voulons vivre. Pour nous, qui combattons pour le socialisme, nous ne voulons pas nous libérer de l’oppression du capitalisme mondialiste, pour retomber sous le joug d’un capitalisme « national ».

Dans un premier temps, la (re)nationalisation totale des secteurs clés économiques et des services publics doit permettre de remettre au service du peuple, l’outil économique. Le retour dans le cadre national de larges pans de la production et de la distribution économique s’accompagne d’une socialisation progressive de la Nation. Ainsi les conseils d’entreprise seront amenés à diriger l’activité de ces nouvelles structures. Cela passe par une redéfinition des besoins et des moyens de les satisfaire par une praxis sociale non aliénante. La dimension de la coopération des producteurs doit être l’axe central de cette nouvelle praxis, celle qui justement ne les réduirait pas à être de simples agents économiques.

Cela a, par exemple, de vastes répercussions sur le rôle de la formation, de l’éducation qui doit fournir aux travailleurs les outils leur permettant d’intervenir « théoriquement » dans le cadre de leur activité (cf. les analyses de Marx lorsqu’il explique que le travail devient de plus en plus « théorique »).

 

A partir de là, il ne faut plus considérer la technique sous son seul aspect de l’arraisonnement du monde mais comme pratique dialectisée par l’enrichissement du lien social. C’est la réponse au débat biaisé sur la croissance /décroissance. La liberté est toujours au-delà de la nécessité, en conséquence il n’y a un destin de la domination technique productiviste à croissance exponentielle que parce que la téléologie propre à l’être social est sous l’emprise de la domination réelle du capital. Dit autrement, le travail n’est pas que du travail ! Il peut apparaître comme lien social non aliéné s’il débouche sur autre chose que sur la seule préoccupation de la nécessité économique.

Ontologiquement, il est moyen de produire et de reproduire ses conditions d’existence au sens large, en d’autres termes il ne permet pas seulement de vivre mais de « bien vivre », c’est-à-dire non dans l’illimité de la quête marchande et financière mais dans l’ouverture à sa signification communautaire et à la réalisation personnelle des individualités.

Concrètement, un système de production et de distribution socialiste prendra en compte d’autres critères que la recherche du profit. On peut imaginer sans mal que les conditions de travail, la recherche de la qualité des produits, la valorisation de la production décentralisée et locale, le respect des équilibres naturels, seront des objectifs tout à fait réalisables pour ce nouveau rapport social.

Cela le capital l’interdit à jamais. L’idée utopique qu’il existerait un « bon capitalisme populaire », basée sur les entrepreneurs de PME familiales à la démarche paternaliste et d’honnêtes petits actionnaires, est un doux rêve qui ne résiste pas aux faits. S’il est évident que nombreux d’entre eux souffrent des retombées de la mondialisation et des dérèglements de l’économie, et qu’ils glissent progressivement vers les couches populaires du fait de leur paupérisation, ils n’en peuvent pas pour autant donner la direction aux luttes de l’ensemble des travailleurs (trop attachés à la croyance en l’éternisation d’un « bon » capitalisme). Ils doivent prendre conscience que la socialisation progressive des rapports de production est la seule solution pour sortir de leur impasse actuelle, la collectivisation de vastes secteurs de l’économie (au sens défini ci-dessus) pouvant même représenter pour eux une amélioration de leurs conditions de vie.

 

Communautés locales et régions : un rôle crucial dans la socialisation

Au cœur de notre réflexion et de notre action, l’idée de la socialisation est à nos yeux la seule solution pour que chacun s’habitue à prendre une part active et consciente au travail qui a toujours une portée collective et cesse d’être instrument ou spectateur passif de la domination capitaliste. La socialisation doit s’appuyer sur des bases « saines » (c’est-à-dire non mercantiles et liées à l’idée de solidarité et d’un minimum de décence morale commune, la « common decency » d’Orwell) que représentent les rapports humains authentiques existant encore dans nos sociétés. Pour cela, les communautés locales constituées par des communes populaires auront un rôle important à jouer. Nous serons amenés à développer dans un futur article cette idée mais nous pouvons d’ores et déjà la définir comme étant une unité politique et territoriale assez proche de l’esprit des premiers soviets de la Révolution Russe ou du fédéralisme avancé par la Commune de Paris.

 

Partisan de la subsidiarité, nous pensons qu’une articulation est possible entre les divers niveaux de compétence. Il s’agit évidemment du fameux principe de subsidiarité évoqué par les instances de l’UE mais qui pour cette dernière est un peu comme l’Arlésienne que l’on attend toujours… Cela n’est d’ailleurs pas si étonnant que cela car ce principe se situe aux antipodes du fonctionnement de la société capitaliste, de ses nécessités fondamentales. La subsidiarité consiste si l’on veut le dire le plus simplement du monde à s’occuper de ce qui nous regarde ! Justement, la démocratie représentative si chère au capital contemporain consiste à nous faire croire que l’on s’occupe, grâce à elle, de ce qui nous regarde. Le citoyen y est invité à participer à sa propre mystification et à s’identifier aux décisions inhérentes au fonctionnement optimal du capital dans sa quête illimitée du profit. Restent alors quelques miettes de pouvoir et de prébendes concédées à ceux qui veulent bien entrer dans le jeu de la politique du système.

 

Il est étrange que l’on ait peu insisté sur la compatibilité du socialisme et de la subsidiarité. Le premier ne peut vraiment se concrétiser et répondre aux attentes des citoyens que par le moyen de leur large participation à l’élaboration des orientations les concernant le plus immédiatement, c’est-à-dire sur le plan local plus ou moins proche selon les circonstances. Quant au second, si l’on ne veut pas seulement l’envisager comme une simple figure de style, il ne peut gagner en contenu que dans la mesure où il pourrait donner forme aux aspirations les plus communautaires et non à l’imposition d’intérêts particuliers à la majorité.

C’est en ce sens, la concrétisation des termes du Contrat Social évoqué par Rousseau, qui a été trop souvent mal compris. Qu’ « il n’y ait pas de sociétés particulières dans l’Etat » écrit le philosophe. On croit devoir lire cette affirmation comme étant un plaidoyer pour la centralisation artificielle à tout prix. C’est à notre avis un contresens puisque l’auteur précise que s’il doit en exister (réalisme !) il faut alors favoriser leur multiplication ! Comment alors les articuler si l’on veut qu’en résulte la « volonté générale » (qui n’a rien d’abstraite !).

Réponse : par la subsidiarité, c’est-à-dire par l’espace public se dégageant de la discussion concernant ce qui semble être le plus pertinent pour telle ou telle instance communautaire existant à telle ou telle échelle ; les communautés plus larges (au sens d’instances de décisions à portée plus large comme la région par rapport à la commune et ainsi de suite) englobant celles du stade inférieur non pour les phagocyter mais pour leur donner les moyens d’exister dans un monde complexe (par exemple, questions de sécurité nationale, approvisionnements divers, etc.).

 

Sans entrer dans une description de notre futur qui serait utopique, qui ne perçoit qu’un tel fonctionnement porte en lui l’empreinte de la socialisation de nombreux facteurs de notre activité, de notre existence sociale ? Les nouvelles réalisations que le Socialisme apportera ainsi, laissent entrevoir un vaste champ du possible pour faire revivre les collectivités et communautés locales. L’attachement à des cultures enracinées ne sera nullement incompatible avec la participation à cette transformation radicale de la société. Elles trouveront leur place naturellement dans cette nouvelle organisation.

Mais nous devons préciser qu’une relative centralisation sera toujours nécessaire. Si la relocalisation de l’économie veut être efficace, elle doit être coordonnée au niveau de la France et de l’Europe par une planification intelligente dans le domaine de la production et de la distribution. Nous ne pouvons que souscrire à l’analyse d’un collectif issu du PCF sur la question de la centralisation: « Elle constitue la meilleure garantie dans l’élévation de la productivité, dans la lutte contre les gaspillages, dans la diminution de la bureaucratie. De plus, c’est elle qui assure un développement homogène de la communauté nationale sur l’ensemble du territoire. (…) La première des libertés locales reste la liberté de pouvoir atteindre un niveau de développement identique aux autres collectivités. (…) Un contre-exemple remarquable à l’efficacité de ces politiques peut être celui de l’Espagne où peuvent se côtoyer une Catalogne richissime et un Sud du pays en quasi sous-développement. L’homogénéité des niveaux de vie à l’intérieur du pays ne peut donc se faire que par une répartition des richesses par l’action de l’État central. En revanche, il convient que l’élaboration des politiques mises en œuvre par la nation soit un projet concerté, associant les citoyens de base, par l’intermédiaire de structures locales, aux pouvoirs importants, qui soit le fondement de la démocratie dans le pays. De même, il est impératif que la mise en place réelle des politiques de développement se fasse, sur le terrain, par des organismes responsables et révocables par les citoyens en cas d’incompétence, de mauvaise volonté ou de procédés douteux [1] ».

 

La crise économique et financière actuelle laisse entrevoir la possibilité de sortir du capitalisme. Il est nécessaire de décoloniser notre imaginaire de la marchandise, selon la formule de Serge Latouche (de son existence sensible/suprasensible, ajouterons-nous avec Marx), et de proposer une alternative viable au système capitaliste. Cette alternative ne saurait prendre la forme d’un inenvisageable retour à un mirifique âge d’or et ne sera en aucun cas unique, mais conforme au génie propre de chaque culture. Elle devra nécessairement tenir compte de la finitude de la Terre et de ses productions naturelles et sera donc libérée du tropisme du consumérisme. L’Europe, et plus généralement les pays du Nord, devront repenser intégralement leur système de production et de consommation pour le rendre compatible avec les limites des ressources naturelles. La théorie de la décroissance signifiant pour nous la fin de l’accumulation capitaliste, fin inhérente au socialisme, pourrait être le paradigme permettant de concilier le caractère prométhéen de la civilisation européenne (non réductible à l’économisme) et la réduction de notre empreinte écologique. Elle préconise entre autres choses de relocaliser la production des biens et des services, et par voie de conséquence, les emplois. Elle est en ce sens un frein à la mondialisation car elle conduit au réenracinement en s’opposant à la logique de la nomadisation. Elle s’articule logiquement avec une conception subsidiariste de la société dans le cadre d’une Europe réellement fédérale que nous appelons de nos vœux<.

 

NOTE

1>Collectif, « L’idéologie Européenne », Editions Adem, 2008.

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Réinventons la patrie ! (1)

Article publié dans le numéro 38 de Rébellion Septembre/Octobre 2009

Introduction de la première partie du dossier sur les régions, la nation et l’Europe

 

 

Communautés locales – Régions – Nation – Europe

Une unité harmonieuse dans une diversité enrichissante

 

EUROPA.jpgQuand nous avons lancé l’idée d’un dossier sur les rapports entre les diverses corps sociaux, dans le but de dégager des positions claires sur le sujet, nous ne pensions pas que tant de questions et de pistes de réflexion en sortiraient. Il apparaît que loin d’être un simple débat sur de froides institutions, c’est une réflexion profonde sur notre société qui en ressort. Cars toutes ces interrogations sont liées à notre conception et notre perception de la réalité sociale.

 

L’atomisation, par le triomphe de la néo-modernité (c’est-à-dire le règne idéologique et pratique du capitalisme sur l’ensemble des aspects de nos vies), des liens qui unissaient le «  Peuple », laisse la majorité de celui-ci sans repaires autres que ceux que lui fournit le système. « La guerre de tous contre tous » a brisé et rendu l’idée d’une destinée commune impossible. Certains ont cru voir en cela une « liberté », une émancipation, débarrassant l’individu du poids de la communauté. Mais ces naïfs (pour ne pas dire idiots) célèbrent simplement l’événement d’une nouvelle servitude. Cars les hommes sont avant tout des constructeurs de société (« l’animal politique » d’Aristote) ; en se réunissant ils savent créer solidarité et fraternité dans un élan commun. Cette créativité communautaire donne un sens à l’existence sociale et humaine. Elle est nécessairement à reconstruire sur des bases inédites car il n’est pas possible de retourner à des bases antécapitalistes. Elle est aussi le point de rupture avec la communauté despotique du capital, « communauté réelle de l’argent » (Marx). Elle est, encore moins, un projet utopique édifié a priori, ignorant les limites et imperfections de la condition humaine. Elle serait probablement la concrétisation et la libération des potentialités humaines qui sont, aujourd’hui, instrumentalisées à des fins de profit par le capital. Pour briser toute résistance, le capitalisme s’est appliqué à détruire les liens traditionnels (ceux des communautés agraires, des communautés précapitalistes) et ceux qui naissent de son exploitation, de la lutte contre celle-ci (comme l’unité de la classe ouvrière). Avec la mondialisation, il a étendu son œuvre aux nations et aux civilisations. La perte, qu’entraîne cet acte de guerre contre les peuples, est d’autant plus ressentie cruellement qu’elle a laissé le terrain libre à des reconstructions d’identités bancales, oscillant entre des modes consuméristes et un communautarisme menant à la ghettoïsation.

 

Dans un premier temps, nous avons voulu ouvrir un débat pour mettre en relief les diverses positions sur la question des rapports entre les communautés locales, les régions, la Nation et l’Europe. Nous avons très vite constaté que la remise en cause de « l’Etat-Nation » n’a pas encore permis de faire naître une réflexion globale pouvant trouver une alternative à son impasse actuelle. A la suite de ce panorama, il nous paraît important de réaffirmer que face au bulldozer capitaliste seule une lutte dont le but est de (re)créer une société harmonieuse sur des bases nouvelles est capable de vaincre. Notre projet socialiste révolutionnaire se fixe comme objectif d’être un moteur de la réappropriation par les travailleurs de leur destin. En arrachant des mains de l'Etat capitaliste la Nation, nous ne reprenons que notre bien. La Patrie mérite mieux que les faux éloges que lui ont adressé un Sarkozy ou une Royal lors des dernières présidentielles. Elle est porteuse d'une idée révolutionnaire que nous devons faire renaître. La « Nation aux Travailleurs » peu devenir un « mythe mobilisateur », un pôle de regroupement et de lutte face au capitalisme international comme « national » ( les grands groupes français du style Bouygues ou ELF ne nous sont pas plus sympathiques que ceux venus d'autres parties du monde). La bourgeoisie nationale n’est plus « progressiste » comme on pouvait parfois le penser au 19° siècle lorsqu’elle s’opposait à des résidus de la société féodale (perspective de Marx alors, quoique ce schéma ne lui parût pas absolument de portée universelle à la fin de sa vie). Elle ne peut ni ne souhaite, d’ailleurs, le redevenir.

 

Pour nous l’unité de la France comme de l’Europe n’est pas une chose immuable, existant hors du temps, comme toutes les réalités sociales. Elle définit un ensemble de rapports très complexes et très riches qui s’insèrent dans un vaste mouvement social. Nous pensons donc qu'une juste articulation est possible entre les deux, nous avons voulu montrer grâce à certaines pistes de réflexion qu'il n'y a aucune fatalité au chaos capitaliste<

 

Rébellion

 

 

Patrie et Socialisme

L'idée nationale à réinventer

 

SREB.jpgLe capitalisme triomphant est parvenu à faire croire qu'aucune alternative n'était possible à sa domination sur nos vies. Pour détruire ses fondements idéologiques, il est important de redonner leur sens aux mots qu'il détourne ou stigmatise. La Nation est un de ceux-là. Pensée comme un archaïsme par les tenants de l'oligarchie dominante, que la mondialisation va heureusement, à leurs yeux, faire disparaître, elle est un symbole puissant qui pourrait devenir une force pour le mouvement révolutionnaire. Pour mieux faire comprendre notre conception de l'idée nationale, et ses nombreuses articulations, nous livrons ici la première partie d'un article de synthèse sur la question.

 

Comprendre le sens de son héritage historique

Définir la Nation française, c'est d'abord reconnaître l'importance de son héritage historique dans sa forme actuelle. Si le rôle de la royauté capétienne est reconnu dans l'unification des diverses composantes qui la constituent, la naissance d'un fort sentiment national est plus difficilement situable. Faire remonter son apparition à la fin du Moyen Age ou à l'Epoque Moderne est possible, mais l'idée de Nation se révèlera pleinement au peuple français avec la Révolution de 1789.

 

« L'Etat-Nation » naîtra de ce phénomène fondateur et en conservera les ambiguïtés. La Révolution est, en effet, à la fois un élan populaire, révolutionnaire, patriotique et un attachement à des valeurs positives et collectives fortes comme la souveraineté populaire, l'égalité, la liberté. Des idées qui seront à l'origine d'un « esprit français » spécifique, qui viendra renforcer une communauté nationale née de la langue, de la culture et de l'histoire. Mais elle est aussi l’avènement de l'ère bourgeoise. La déchéance des élites de l'Ancien Régime, laissa le champ libre à la nouvelle classe dirigeante qui imposa la modernisation à la société française pour son seul profit. Le capitalisme naissant transforma les structures nationales pour permettre son extension et n'hésita pas à détourner le patriotisme français dans des entreprises guerrières, en Europe, puis dans le Monde.

Une division s'opérera et se renforcera entre « l'Etat » (l’organisme dirigeant aux mains de la bourgeoisie qui pourra prendre successivement la forme de la Monarchie, de l'Empire ou de la République) et la « Nation » (comprise au sens du Peuple participant au politique). Un divorce qui ne cessera de se renforcer au gré de la lutte que les classes populaires auront à mener au cours du XIX siècle contre le Patronat et les gouvernements à ses ordres. Les acquis faisant la spécificité d'un pseudo « modèle social français » sont les fruits d'un combat sans cesse renouvelé : « Si en France le système de redistribution sociale possède un caractère plus égalitaire que chez beaucoup de nos voisins, cela n’est nullement un don du ciel ou un particularisme insulaire ; ce n’est que la résultante d’une lutte, d’un combat de classes, qui s’est avéré en France particulièrement dur et précoce. Ce n’est pas sans raison qu’un Karl Marx, pouvait déjà dire que la France est le théâtre de la lutte des classes. Ce n’est pas sans raison non plus que, pendant deux siècles, les plus brillants révolutionnaires séjourneront en France et en étudieront l’histoire ».

 

La construction du socialisme français prendra en compte la réalité de la Nation, en établissant le lien entre un patriotisme révolutionnaire et une solidarité internationale forte. Cette spécificité trouvera un écho dans le combat de la Commune de Paris, symbole de la tentative de création d'une société plus juste et égalitaire et de régénération nationale. Elle traversera l'ensemble des courants du socialisme français jusqu'à la Grande Guerre. Jean Jaurès pouvait ainsi écrire « Mais ce qui est certain, c’est que la volonté irréductible de l’Internationale est qu’aucune patrie n’ait à souffrir dans son autonomie. Arracher les patries aux maquignons de la patrie, aux castes du militarisme et aux bandes de la finance, permettre à toutes les nations le développement indéfini dans la démocratie et dans la paix, ce n’est pas seulement servir l’internationale et le prolétariat universel, par qui l’humanité à peine ébauchée se réalisera, c’est servir la patrie elle-même. Internationale et patrie sont désormais liées. C’est dans l’internationale que l’indépendance des nations a sa plus haute garantie ; c’est dans les nations indépendantes que l’internationale a ses organes les plus puissants et les plus nobles. On pourrait presque dire : un peu d’internationalisme éloigne de la patrie ; beaucoup d’internationalisme y ramène. Un peu de patriotisme éloigne de l’Internationale ; beaucoup de patriotisme y ramène ».

 

Pour nous, l'héritage historique de la Nation n'est pas une fin en soi, il est un point de départ. Il doit nous permettre de poursuivre l'aventure collective qu'est la France, en l'orientant vers une voie spécifique de construction du socialisme à l'échelle d'une Europe libérée du Capitalisme. En pratique, les formes que peuvent prendre la Nation sont appelées à se transformer pour faire face aux défis de notre époque. Les travailleurs en reprenant en mains leur destin, seront amenés à redéfinir le rôle des institutions et à remettre en cause le fonctionnement d'un Etat qui appartenait à ses ennemis de classe depuis l'origine. Pour cette raison, nous n'avons jamais idéalisé l'ancien modèle républicain jacobin et nous rejetons ses mythes, de même des nationalismes barrésien ou maurassien liés à la défense d'une « société traditionnelle » qui n'exista jamais, telle qu’ils se la représentaient et qui servit à justifier leur alliance avec les forces conservatrices et réactionnaires.

La contradiction historique entre la Nation et l'Etat se retrouvera jusqu'à nos jours, cars elle est le fruit du maintien du système capitaliste. Nous avons souvent évoqué dans Rébellion les étapes de cette lutte et l'histoire du mouvement ouvrier révolutionnaire pour ne pas avoir à y revenir en détail dans cet article de synthèse.

Durant la mise en place de sa domination, la bourgeoise entreprit de mener une politique impérialiste et belliciste dans le cadre européen ou international (par exemple avec le colonialisme). Elle se drapa toujours dans le drapeau tricolore, pour mieux le trahir ensuite. Les travailleurs étant régulièrement sacrifiés sur l'autel de ses intérêts, on ne saurait les tenir pour responsables de sa folie meurtrière. Les entreprises de culpabilisation des classes populaires, menées depuis les années 1970, ne peuvent apparaître que pour ce qu'elles sont : des outils servant à désarmer, désorienter et à diviser la résistance à la véritable oppression capitaliste dans son stade mondialisé. Bien au contraire, les classes populaires maintiendront l'honneur de la France et l'attachement à ses valeurs quand l'oligarchie du capitalisme « national » passera à son extension mondialiste.

 

L'oligarchie mondialiste contre les Peuples

En effet, dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale, les classes dirigeantes françaises ont bien compris qu'une nouvelle époque s’ouvrait pour le capitalisme (le fameux plan Marshall). Sur les ruines de notre pays, elles allaient entreprendre une vaste braderie de notre indépendance nationale. Le phénomène de mondialisation de l'économie ouvrait de nouveaux terrains à sa soif de richesse, le carcan national devait voler en éclats. L'ouverture de la France aux capitaux et aux entreprises américaines, puis la construction du Marché Commun Européen permirent à de nombreuses « entreprises familiales » françaises de s'internationaliser et de conquérir des parts de marché non négligeables (voir le cas emblématique de l’Oréal). Ce virage mondialiste allait s'accélérer dans les années 1970 et 1980, de nombreuses firmes, poussées par la quête d’un taux de profit satisfaisant, s'acharnèrent à détruire le tissu industriel français par des restructurations et délocalisations sauvages avec la complicité des gouvernements successifs. Dans cette oeuvre, le grand patronat français joua à fond son rôle et ne laissa aucune chance à des millions de travailleurs réduits au chômage ou à la précarité. Il y gagna le droit de prendre sa place au sein des quelques multinationales qui se partagent les marchés mondiaux. A l'heure actuelle, certains de ses représentants manifestent leurs talents dans l'exploitation, en se hissant aux premiers rangs de la bourgeoisie internationale. Au niveau politique, on assista au même phénomène, les institutions supranationales intégrant les dirigeants français de Droite comme de Gauche. Du FMI aux institutions « Européennes », ceux-ci surent faire preuve de servilité à l’égard des nouvelles règles et amener la France à se « moderniser » par des privatisations massives et la disparition des dernières lois sociales. Le vieil impérialisme français participa lui aussi à cette affaire, en tentant de conserver ses prés carrés (l’Afrique de l'Ouest, le Liban, la Méditerranée) et de profiter de son intégration à l'OTAN afin de concourir à la défense de l’ordre capitaliste mondial qui lui concèdera toujours quelques miettes. Pour participer à cette vaste curée, les représentants français ont intégré et fait leur, l'idéologie dominante de la globalisation des échanges marchands tous azimuts (« le monothéisme de marché »). Ils se sont parfaitement adaptés et sont totalement intégrés à ce système de domination mondiale, servant leurs propres intérêts dans un monde de concurrence effrénée et ne se sentant plus appartenir à la Nation française.

 

Ce phénomène de rupture entre, d’une part, les élites mondialisées donnant le spectacle du nomadisme au sein du village mondial consumériste et, le Peuple d’autre part, s’avère être une clé d'analyse importante afin de comprendre l'acharnement dont firent preuve les classes dirigeantes dans le musellement de la volonté populaire. La peur du retour du Peuple français, de sa prise de conscience des dysfonctionnements de la société, de ses conséquences et des ravages du capitalisme, mine la bonne conscience de nos maîtres. En s'attaquant à la souveraineté populaire et nationale, ils pensent pouvoir conserver leur régime d’aliénation et d’exploitation. Mais rien n'est moins sûr. (A suivre) ...

 

 

Retour sur la grève générale en Guadeloupe

Article publié dans le numéro 37 de Rébellion Juillet/Août 2009

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gua01.jpgCe premier article est très largement inspiré d'un témoignage de Sadi Sainton, étudiant à l'université Antilles Guyane en Guadeloupe paru sur le site HNS info qui nous a aimablement autorisé de prendre un certain nombre d'extraits utiles à l'écriture de cet article. Il nous a paru important de revenir sur l'immense mouvement populaire qu’a connu la Guadeloupe à la fin de l’hiver dernier à travers une grève générale contre les profits abusifs (que cessent ceux qui ne parlent que de grève contre la vie chère car il ne s’agit pas tout à fait de cela).

Pourquoi ? Parce que les informations qui sont parvenues sur nos petits écrans de télévision furent forcément quelques peu partielles (et partiales). Parce qu'il peut y avoir méprise.

Une grève contre la vie chère ? Pas vraiment

Le collectif qui a mené la grève était un ensemble de 49 associations syndicales, politiques, associations de consommateurs et associations culturelles. Elle a déposé (un mois avant le début de la grève générale, et personne n’a jugé bon de s’en préoccuper) un cahier de 146 revendications réparties sur 10 chapitres. Parmi ces chapitres, un (un seul !) concerne la vie chère. Mais alors qu'est-ce que cette grève ? Le collectif qui a été à l’initiative de cette grève s’appelle le LKP : Lyannaj kont pwofitasyon (en français : alliance contre le vol et les profits abusifs). Une mobilisation sans précédant. Le LKP parle de 100 000 personnes dans les rues (sur une population de 460 000, soit près du quart de la population). Au delà de la bataille des chiffres, une chose est sûre : c’est historique. Ce fut la plus grande mobilisation de l’histoire de la Guadeloupe et chaque sortie du LKP créa chaque fois un nouveau record. La Martinique emboîta le pas, puis La Réunion, et enfin la Guyane.

Il ne faut pas traduire pwofitasyon par "profit " au sens littéral du terme, mais bien par profit abusif, désignant l’abus de pouvoir qu’un puissant exerce sur quelqu’un dont il sait déjà qu’il est plus faible que lui, pour le rendre encore plus subordonné.

Le constat est le suivant. En Guadeloupe, les prix sont beaucoup plus élevés qu’en France et donc parmi les plus élevés d’Europe et du monde. On constate (pour les mêmes enseignes et les mêmes produits) des écarts de plus de 100% que l’éloignement (voyez par cette expression le transport) n’explique pas (exemple : 84% sur les pâtes alimentaires). Selon tous les experts, après analyse de la chaîne, de la production au caddie du consommateur, en passant par le transport, le surcoût par rapport à l’hexagone ne devrait pas dépasser 10%. Les différences de prix constatées ressemblent donc fortement à.... du vol organisé.

Quelques exemples de pwofitasyon dénoncés par le LKP :

Le LKP a présenté à l’Etat son expertise des méthodes de fixation des prix, résultat : tout le monde fit le même constat : les prix sont anormaux (même aux yeux de ceux qui étaient contre la grève générale comme forme choisie pour les dénoncer). Le malaise ayant pris une extraordinaire envolée médiatique, Yves Jego, secrétaire d'Etat aux DOM, dut se résoudre à annoncer une action en justice de l’Etat contre la SARA(1) - dont l’actionnaire principal (70%) n'est autre que TOTAL - s'il était démontré après enquête que la SARA eût perçu des sommes indues, sommes qui devraient alors être remises aux Guadeloupéens sous la forme d’un fond pour la formation professionnelle.
Autre détail intéressant. Parmi les revendications portant sur le coût de la vie, il y a eu celle concernant la baisse des tarifs des prestations bancaires. Et que s’est-il passé ? Dès que les banques en Guadeloupe (pourtant les mêmes que dans l’hexagone) ont pris connaissance des revendications les concernant, avant même que cette question ait été négociée, celles-ci ont adopté une baisse de leurs tarifs! Est-ce que cela ne signifie pas de manière évidente que ces tarifs étaient abusifs ?

Revendications

Elles traversèrent TOUS les domaines de la société. Vraiment tout. Les 9 autres chapitres : Education, formation professionnelle, emploi, droits syndicaux et libertés syndicales, services publics, aménagement du territoire et infrastructures, culture, et enfin "pwofitasyon" (il s’agit de réclamer des mesures pour contrôler les prix). Ce fut un véritable mouvement sociétal, touchant l’ensemble des acteurs de la société. Rappelons que ces revendications étaient au nombre de 146 et que le LKP en définit 19 à négocier immédiatement, puis d’autres demandant des réponses plus purement politiques voire institutionnelles, qui devront être débattues à long et moyen terme.

Mais alors pourquoi les médias n'ont-ils parlé que de ces foutus 200€ que le LKP demandait ? Parce que c'est sur ce point - comme tout le monde s’y attendait – qu’ont achoppé les négociations. Le LKP n’en démordit pas. Le patronat non plus. Les positions se radicalisèrent logiquement.

Guadeloupe asphyxiée ? Les guadeloupéens morts de faim ?

Laissons plutôt parler le camarade Saiton : " Un ami métropolitain m’a appelé pour me demander si on tenait le coup. Au début j’ai commencé à répondre que malgré la durée du conflit, la mobilisation était toujours de mise. Il me coupe : non, je voulais dire...Arrivez-vous à remplir le réfrigérateur ?"

Certes, la Guadeloupe était en grève générale. Les hyper marchés et super marchés étaient fermés. En revanche, les petits commerces de proximités étaient ouverts, mais les rayons des magasins de plus en plus vides...

Néanmoins: la Guadeloupe s’est organisée. L’UPG (Union des Producteurs Guadeloupéens) ainsi que les pêcheurs font parti du LKP. Les poissons n'étaient pas en grève : les pêcheurs ont continué à pêcher et à vendre leur poisson. Les animaux n'étaient pas non plus en grève : les éleveurs ont continué à s’occuper de leurs bêtes et à vendre leur viande. La terre n’était pas non plus en grève : les cultivateurs ont continué à travailler dans leurs exploitations et à vendre leur denrées. Les réfrigérateurs n’ont jamais été aussi pleins. Les hyper marchés étaient fermés, mais les marchés étaient ouverts. Il y a mieux : des marchés populaires se sont mis en place devant les piquets de grève et un peu partout. Les producteurs y vendaient leurs denrées au prix auxquels ils ont l’habitude de les vendre aux super marchés. Conséquence : ils n'ont pas perdu leur récolte ni leur revenus, et le portefeuille du consommateur a apprécié puisque les marges exorbitantes de la grande distribution étaient supprimées. Les Guadeloupéens ont mangé à leur faim et - fait intéressant- ils n'ont jamais autant consommé local !

"Je n’ai pas de purée mousseline, je n’ai plus de pâtes panzani... et alors ? J’ai des tubercules, des légumes, de la viande, du poisson, des fruits frais, des fruits secs, des fruits de mer... Et ça coûte moins cher que d’habitude. En fait, je crois que je n’avais jamais mangé aussi équilibré de ma vie. Si vous n’avez jamais entendu tout ça, est-ce que la presse nationale fait de la désinformation ? Je n’irai pas jusqu’à dire qu’on vous ment. Disons que parmi tout ce que les envoyés spéciaux des médias nationaux voient, ils choisissent 5%, et le choisissent d’une manière assez surprenante.

La première semaine, ils n’en parlaient pas. La deuxième semaine, ils n’ont montré que des images de touristes dont les vacances ont été gâchées par cette grève (je suis sincèrement désolé pour eux, mais c’est la vie). Ils ont montré des rayons de super marchés vides et ont semblé vouloir dire que la rupture des stocks créait le plus grand désarroi... Ils ont fustigé une grève qui - dit-on - pénaliserait de manière irrémédiable l’économie Guadeloupéenne. Puis Le secrétaire d’Etat aux DOM est arrivé en Guadeloupe. Il y a carrément déplacé son cabinet et son staff. La presse ne pouvait plus se contenter des mini sujets bâclés. Ils ont commencé à en parler un peu plus. Aujourd’hui, l’information que vous recevez est de plus en plus conforme à ce qui se passe. Les "vrais" reportages font leur apparition. France Inter a fait une longue émission dessus, j’ai pu voir un long article sur Elie Domota, porte parole du LKP dans je journal Le Monde. Libération a publié un long texte d’Ernest Pépin (écrivain Guadeloupéen)... Ca commence à changer. "

Lycéens et étudiants, ne voulant pas être en reste, se sont aussi organisés :"J’étais à Paris VI lors de la grève contre le CPE et sur les 12 semaines prévues du semestre, on a pu faire 11 semaines (moyennant le sacrifice des vacances scolaires). Il y a fort à parier que nous ferons la même chose. Tout le monde est prêt à voir disparaître les vacances de Pâques, Pentecôte et les jours fériés. D’ailleurs les cours sont mis en ligne par les enseignants dans de nombreux établissement. Et RFO (2), va bientôt commencer à diffuser des cours faits par des enseignants sur les plateaux de télévision."

La polémique sur la question ethnique

"La Gwadloup sé tan-nou, la Gwadloup sé pa ta yo. Yo péké fè sa yo vlé, adan péyi an-nou! " Traduction littérale : " La Guadeloupe est à nous, La Guadeloupe n’est pas à eux. Ils ne feront pas ce qu’ils veulent dans notre pays! " Tel fut le slogan repris à l'unisson par les milliers de manifestants depuis le 20 janvier dernier, d'où l'interrogation et l'inquiétude de certains : Mais qu'est-ce que ces "nous"? Les Noirs ? et ces "eux" ? Les Blancs ? Et si oui, lesquels ? Les blancs ordinaires, ou plutôt ces "békés", ces descendants des maîtres d’esclaves qui ont conservé leur domination économique et d’influence grâce aux héritages de génération en génération depuis l’époque esclavagiste, et ce jusqu’à aujourd'hui ? Pour Sadi Sainton, il ne s'agit pas de cela. "Moi qui vis ce mouvement de l’intérieur, moi qui reprends ce refrain avec joie depuis 4 semaines, je n’ai jamais désigné le blanc par ce "eux" et tous les gens de mon entourage sans exception sont du même avis." Mais qui alors ?

"Les responsables de la pwofitasyon. La Guadeloupe n’est pas un simple tube digestif, une sorte de terre de consommation, un simple marché où tout le monde peut venir faire ce qu’il veut, comme dans une zone de non droit. Or les "pwofitasyon" révélées par ce collectif, et que plus personne ne conteste donne bien l’impression que c’est le cas depuis déjà trop longtemps. Avec la complicité de l’État Français. (....)On en est à une situation où il a fallu qu’un collectif de 49 associations déclenche une grève générale et les plus grandes manifestations de l’histoire de la Guadeloupe pour que l’Etat, joue enfin son rôle d’arbitre et de répression des fraudes. De nombreuses voix en Guadeloupe avaient déjà dénoncé ces faits, mais de manières isolées et sans réel résultat. Aujourd’hui, la tendance semble s’inverser. C’est ce "eux" là que nous dénonçons depuis 4 semaines. Quant au "nous", il est prometteur de quelque chose de tout à fait nouveau, qui peut être enfin dépassera les clivages de race (ou en tous cas tendra vers ça). La première personne à m’avoir envoyé un sms pour me dire de venir en meeting est une Guadeloupéenne ...blanche !

(...)Pour moi, un Guadeloupéen est quelqu’un qui lie son destin à celui de la Guadeloupe. Il est souvent noir (question de chiffre), mais il est aussi blanc, indien (de nombreux indiens ont débarqué en Guadeloupe après l’abolition de l’esclavage). Il pourrait même être vert pomme que cela ne dérangerait pas les dizaines de milliers de manifestants qui chantent ce slogan. Surtout, nous ne sommes pas prêts à échanger sous prétexte de la race, une pwofitasyon blanche contre une pwofitasyon noire. Ce Nous-Eux est moral, bien plus que racial. Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de problème de racisme en Guadeloupe. Il est clair que la société est pyramidale et que plus on monte vers le sommet de la pyramide, plus les peaux sont claires. (...) Le poids de l’histoire esclavagiste et coloniale est palpable. Nous voilà avec ce mouvement face à un formidable défi qui consiste à poser les problèmes tels qu’ils sont, pour les régler, et les dépasser. Permettez-moi d’ajouter que je suis assez optimiste sur cette question".

Évolution statutaire ?

La question mérite d'être posée. Quoi qu'il en soit, le débat est ranimé. Le mouvement s’est exprimé principalement sous forme de grève mais la densité du cahier de revendications montre clairement que tous les fondements de la société ont été remis en question.

Parmi les meneurs du LKP, nombreux sont ceux qui sont "au moins" autonomistes. Pourtant, après plusieurs semaines, aucun membre (sans exception) n’avait jamais prononcé les mots "évolution statutaire". C’est un débat qui déchaîne les passions et pour le bien du mouvement, il convient de rappeler que ce n’est pas le but du mouvement. Ce mouvement pose des questions et met en avant ce que veulent les Guadeloupéens. Si les hommes politiques apportent parmi leurs réponses une question institutionnelle, elle sera de toutes les façons objet de débats, et de référendum populaire. Les lois françaises ont été conçues pour répondre à une réalité géopolitique précise, celle d’une France au coeur de l’Europe, celle d'une société post-industrielle. Elle n’ont jamais convenu ni aux colonies, ni plus tard aux DOM-TOM et COM. Si bien que pour pallier le "handicap", les guadeloupéens sont toujours passés par des lois qui mettent en avant de nombreuses spécificités. Aujourd’hui, le système d’intégration a clairement montrés ses limites. Ceux qui jadis s’en accommodaient, ont soutenu massivement un mouvement social, qui - bien que ce ne soit pas son objectif – a attiré l’attention sur le fait que rien ne marche et qu’il faut peut-être songer à changer les choses en profondeur.

"Quel que soit ce qui arrive, l’indépendance n’est absolument pas à l’ordre du jour. Ni l’Etat, ni le LKP, ni les nombreux manifestants qui soutiennent le LKP, ni même les organisations anciennement indépendantistes des années 60, 70 et 80 ne considèrent que la question est à l’ordre du jour. Les organisations "anciennement indépendantistes" continuent à énoncer le principe moral du droit des peuples à l’autodétermination qui est un droit inaliénable inscrit dans la charte de l’ONU ; mais s’accordent pour dire qu’il faut aller pas à pas, sans brûler les étapes.(...) Les pistes avancées sont plutôt celles d’une évolution statutaire dans le cadre de la République Français (genre article 73 et 74 de la constitution) vers plus de pouvoir décisionnel local, plus de pouvoir législatif et douanier, afin de répondre à la réalité géopolitique (Nous sommes européens, mais nos îles baignent dans le bassin caraïbéen !!!).

Début de la répression

Plutôt que de longs discours et des montagnes de chiffres, laissons le mot de la fin à Sadi Sainton : "Le mouvement a pris une dimension internationale. Hier, c’est le révérend Jessy Jackson en personne qui a envoyé son soutien au peuple de Guadeloupe et au LKP. Les organisations syndicales du monde entier (je n’exagère pas) rentrent en contact avec le LKP pour leur demander comment ils arrivent à mobiliser 100 000 personnes sans un débordement (3) (...) La Guadeloupe vient de connaître ses jours les plus calmes niveau violences domestiques. Jamais il n’y a eu si peu d’agressions, de faits divers ou d’accidents de voitures.(...) Les Guadeloupéens sont vraiment fiers de ce mouvement.(...)Mais la répression a commencé face à un mouvement pacifiste. Il y a eu une soixantaine d’arrestations de gens qui étaient simplement sur les barrages pacifiques. Un des pontes du LKP a été blessé. Il a subi des injures racistes venant des forces de l’ordre, tous ceux qui s’y connaissent un peu en histoire de la Guadeloupe savent que tout cela est monnaie courante lors des répressions de mouvement sociaux aux DOM.(...) Le préfet et l’Etat jouent à un jeu dangereux. Car l’ensemble des gens mobilisés connaissent le poids de l’histoire, la tension est à son comble et beaucoup ont déjà averti que cette foi- ci, les guadeloupéens ne mourront pas.(...)Le LKP a appelé au calme. Il appelle à la mobilisation massive et pacifiste pour faire reculer la répression. L’immense majorité des interpellés aujourd’hui ont été relâchés grâce - une fois de plus - à la pression populaire de la foule, massée pacifiquement devant la police et le tribunal de Pointe-à-Pitre. La tension redescend petit à petit. (...) Le préfet avait promis que les environ 4000 CRS débarqués en Guadeloupe dès le début du conflit étaient juste une sécurité qu’il souhaitait de tout coeur ne pas utiliser. Depuis que les négociations sont bloquées, d’autres ont débarqué..."<

NOTES

1>SARA : Société Anonyme de Raffinage Antillaise

2>RFO : Principale Chaîne TV locale, branche de France télévision

3>Le SO du LKP s'occupant de la sécurité générale

16/04/2010

Sortir de l'Europe du Capital

Article publié dans le numéro 36 de Rébellion Mai/Juin 2009

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« L’Europe est une machine à

réformer la France malgré elle ».

Denis Kessler. Ancien numéro 2 du MEDEF

 

 

 

 

Les préparatifs en vue des élections européennes sont plus que discrets à quelques jours du scrutin. Il est évident que cette échéance électoraliste ne déchaîne pas les foules. Les classes populaires n'ont que faire d'un parlement sans pouvoir, une simple chambre de validation des décisions d'une technocratie de hauts fonctionnaires et un terrain d'action pour la faune douteuse des lobbyistes.

De plus, elle se déroule, dans un contexte de crise profonde du capitalisme. Toutes les données macro-économiques disponibles, y compris celles des propres organismes de l’Union Européenne, confirment le scénario d’une récession économique dans la zone euro couplée à une chute brutale de la production industrielle et à des tendances déflationnistes, signes évidents de la crise qui paralyse les principales économies européennes. En d’autres termes, contrairement à ce qu’avancent les partisans du dogme de l’intégration capitaliste européenne, l’Union Européenne ne s’est pas révélée être un « oasis » au milieu du séisme économique et financier mondial et n’a pas été, comme annoncé, un « rempart contre les mauvais côtés de la mondialisation ».

Surtout, cette élection aurait pu être l'occasion d'ouvrir un vrai débat sur la nature de la construction européenne, sur ses objectifs et son avenir. Mais cela semble être condamné à être escamoté par un tour de passe-passe médiatique. Si nos dirigeants fustigent le manque d'intérêt et le peu d'enthousiasme des citoyens sur cette question, ils ne se risqueront pas d'ouvrir la boîte de Pandore du débat démocratique. La mauvaise surprise de la victoire du NON au référendum sur la Constitution européenne pourrait se reproduire. Le Peuple ne doit pas être informé des buts réels du « Projet européen », car il serait bien capable de reprendre en mains son Destin.

 

Un lourd héritage ...

Depuis son origine, la construction européenne fut au service de la défense et de la propagation du modèle économique et politique libéral. Les glorieux « pères fondateurs » de l'Union , n'étaient pas de doux rêveurs idéalistes ou des philanthropes désintéressés, mais des technocrates et des hommes d'affaires pragmatiques. Dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale les choses étaient claires, il fallait créer un espace économique unifié en Europe pour permettre le développement des grands groupes industriels. Cette idée avait déjà fait son chemin dans les années 1920 dans les cercles patronaux et auprès de jeunes hauts fonctionnaires. La ruine quasi totale de l'économie européenne au lendemain du premier conflit mondial et l’affaiblissement des puissances du continent permettaient de mettre en application leur plan.

Le manque de transparence, le caractère antidémocratique et le pouvoir absolu d’une minorité marquent la construction européenne dès ses débuts. Ainsi, le plan Schuman, qui est considéré comme l'acte de naissance de l'Europe économique, est préparé dans le secret le plus total. Elaboré par neuf technocrates européens sous la direction de Jean Monnet, ils ne rendaient aucun compte à leurs gouvernements respectifs (mais ils avaient pris soins d'associer dans leur démarche le secrétaire d'Etat américain, grand ami de Jean Monnet). Rendu public le 9 Mai 1950, il mettra en place le premier jalon de la fin de la souveraineté des Nations et des Peuples au profit d'un pouvoir supranational. L'accord donnant naissance à la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier entre la France, l'Allemagne Fédérale, l'Italie et les pays du Benelux est signé le 18 avril 1951 : il crée un marché commun pour ses marchandises (supprimant les droits de douane et interdisant les mesures protectionnistes ou d'aides à producteurs nationaux). A cette occasion, la libre concurrence est affirmée comme un principe de ce nouvel espace.

Ce traité engage les pays signataires pour cinquante ans, sans aucune consultation des citoyens.

Bénéficiant du soutien du patronat (qui investit plusieurs millions de francs dans la propagande pro-marché commun), d’anciens fonctionnaires « vichyssois » recyclés, de certains socialistes de la SFIO et de radicaux, mais surtout des sociaux démocrates et des démocrates chrétiens, le processus d'intégration européenne ne fut jamais soumis à la ratification populaire. A l'Assemblée Nationale, il déchaîna les protestations des députés communistes et gaullistes qui y voyaient une perte de l'indépendance nationale. Mais les technocrates dédaignant les parlements et contournant la voie démocratique, ce type de passage en force sera appliqué dans toutes les étapes de la construction de l’union Européenne. .

Les Etats-Unis furent plus que bienveillants à l’égard de ce projet. En effet, le plan Marshall pour la reconstruction de l'Europe de l'Ouest n’était pas un plan d’aide sans contrepartie. Il visait à créer aussi cet espace économique unifié tourné vers l'Atlantique et dépendant de la puissance militaire US.

Permettant à la fois de faire barrage à la propagation du communisme et d'ouvrir davantage nos économies à la surproduction américaine, ce nouveau marché était un gage de l'ancrage des pays européens dans le monde occidental. A l'époque, il n'était absolument pas question d'extension de l'Europe vers l'Est. L'URSS et les pays du bloc soviétique étaient d'office rejetés de cette zone entièrement ouverte aux trusts américains et placée sous la protection de l'OTAN. La CIA, par l'entremise de tout un réseau de fondations et de clubs d’influences (comme le fameux Bilderberg), investit de fortes sommes pour influencer les médias, la jeunesse et les milieux politiques dans ce sens.

 

L'Union Européenne, un bulldozer mondialiste

La suite est connue, avec le Traité de Rome de 1957, l'Europe rentre de plein pied dans la mondialisation avec la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et la restructuration totale de la production et de l'économie européenne.

Dans les années 1970 et 1980, la Communauté Economique Européenne sera l'apôtre d’une politique industrielle dont les principes sont relativement simples, malgré certaines proclamations de Lisbonne en 2000 : laisser le marché privilégier le développement des secteurs les plus compétitifs à un moment donné ou amenés à l’être dans l’avenir ( comme le tertiaire et les nouvelles technologies) et accélérer la restructuration – comprendre la liquidation – des secteurs en difficulté ( industries lourdes, productions locales). Ce principe est valable pour l’ensemble de l’UE, mais aussi pour les régions industrielles européennes prises de manière isolée (le cas du Nord ou de la Lorraine). On connaît le coût humain de cette politique avec les millions de chômeurs européens laissés sur le carreau.

 

La belle discipline monétaire, construite année après année en Europe avec le soutien des institutions de la Communauté et des gouvernements nationaux, doit être saluée comme il se doit : en 1990, un espace économique européen dominé par l’industrie et le crédit ouest-allemand et soumis à une politique monétaire défavorable à la croissance et à l’emploi fonctionne à plein régime. La mise en place de l’euro et de la Banque Centrale Européenne à la fin des années 1990 couronne donc un processus qui voit la victoire des principes économiques ultra-libéraux et, derrière eux, du capital cosmopolite et financier circulant sans entrave sur les marchés d’actions et les marchés monétaires du monde entier. Malheureusement pour nos banquiers européens, la crise actuelle semble venir bouleverser leurs belles prévisions.

Mais l'Europe fut un magnifique prétexte pour les gouvernements des divers pays membres. Ils avaient une justification rêvée pour mener une vaste politique de casse sociale. Destruction des acquis sociaux, déréglementation et ouverture à la concurrence, privatisation des services publics : L’UE a joué un rôle de chef d’orchestre, permettant une coordination internationale des gouvernements afin de mieux faire avaler la pilule de la rigueur aux travailleurs.

 

Le prolétariat contre-attaque

Cette Europe du capital que nous combattons aura eu, paradoxalement, au moins l’avantage de montrer aux travailleurs que la bourgeoisie, elle, sait s’organiser et qu’elle ne manque pas de ressources pour pérenniser son pouvoir de classe. Confusément, cela est perçu, et s’exprime traditionnellement par le taux élevé d’abstention aux élections européennes. Néanmoins la prise de conscience de sa nature, de sa fonction, doit aller plus loin que le simple constat de son éloignement des préoccupations des travailleurs et de son idéologie cynique libérale. Ce que tente de mettre en place l’UE et ses mécanismes de « gouvernance » n’est pas une excroissance superfétatoire du système capitaliste mais une mise en forme politique adéquate au fonctionnement de celui-ci, notamment après sa plongée dans la crise depuis le début des années 70. La dérégulation, le libre marché tous azimuts, la financiarisation (siphonage de la plus-value) croissante de l’économie (déjà analysée par Marx et dont le phénomène appelé maintenant « titrisation » était déjà présente dans la crise de 29 !), tout cela est la conséquence de l’approfondissement de l’exploitation capitaliste tentant de contrecarrer, en élargissant constamment sa base, la chute tendancielle du taux de profit. Face à cette difficulté les capitalistes ne restent jamais les bras croisés et trouvent ponctuellement les solutions pour résoudre la crise qui ne sera jamais la crise finale de celui-ci si des forces sociales n’en imposent pas la disparition. La critique de l’Europe capitaliste ne doit donc pas s’en tenir à une aspiration fantasmatique au retour à l’Etat-Nation soutenant un keynésianisme de gauche et soutenu par lui, celui-ci ne résoudra jamais le problème de la soif de valorisation du capital inhérente à sa dynamique. L’Etat-Nation est un instrument de lutte politique dont le prolétariat doit s’emparer pour lutter efficacement sur son terrain de classe contre la bourgeoisie. Evidemment cela ne fait pas trop écolo ou socialotrotskiste comme son de cloche, mais il en va de notre avenir si nous désirons en avoir un. L’Europe est le champ géopolitique au sein duquel le prolétariat peut s’organiser consciemment et massivement afin de contre-attaquer contre l’empire du capital. C’est cela l’essentiel.

 

 

 

07/04/2010

Chroniques ouvrières

Chroniques parues dans Rébellion 32 – Septembre/Octobre 2008

 

sorel.jpgPour une histoire de la grève…

Au cours du cycle historique du socialisme français, le mythe de la Grève générale s’est égrené de différentes façons. D’une forme quasiment pure, pour ne pas dire cristalline, il s’est chan­gé au cours du temps en une forme impure, pour ne pas dire corrompue. Mais la rupture a bel et bien eu lieue. Le temps est venu du retour aux sources divines de la Grève générale. Devant nous il n’y a plus qu’un champ de rui­nes. Il nous faut donc tout reconstruire. Le cycle mortel de la Grève s’achève enfin.

Aux armes citoyens !

Petit rappel historique : on dénote pour la Grève quatre phases historiques bien marquées.

La grève-violence surgit brutalement au coeur de l’histoire européenne à partir du XIX° siècle. C’est le mythe de la grève générale. Il fut chanté d’une façon admirable par Georges Sorel, notam­ment. Il reste la référence primordiale, sorte de paradis perdu des socialistes révolutionnaires. Mais il ne doit surtout pas se changer en mythe incapacitant. Il doit au contraire être dépassé pour renaître aujourd’hui.

La grève-militante correspond, quant à elle, aux années soixante-dix. La nais­sance du Gauchisme soixante-huitard l’accompagne. Elle est une violence dévoyée voire une violence impure. La grève-militante est désordonnée, chaotique, sans fondements nets et précis. Elle oscille entre deux options contradictoires : un doux anarchisme et un communisme pur et dur. La grève-miltante, c’est l’acte de décès du mythe de la Grève générale.

La grève-festive naît avec l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand, le 10 mai 1981. Elle symbolise l’apogée du syndicalisme français. Elle annonce aussi sa mort prochaine. Le mythe même de la grève est alors totalement déconsidéré. Dans la rue, on assiste à des parodies de grèves, à des masca­rades. Le folklore remplace la tradition au sein des cortèges. Les grèves sont également trop nombreuses, trop cor­poratistes et dispersées. Ce sont des micro-grèves inutiles et bruyantes. On s’agite pour s’agiter. On crie dans la rue. On se défoule. Mais on n’y croit déjà plus. La grève perd alors son caractère violemment révolutionnaire.

La grève-désespérée apparaît à l’aube des années 2000. Elle s’organise en rupture avec les vieux syndicats omni­potents totalement déconsidérés aux yeux du peuple. On parle alors de grève de la base, voire de révoltes autonomes. La voix des syndicats n’est plus la voix des ouvriers. Le peuple a pris le large. Il s’en est allé flirter avec le vieux mythe renaissant de la Grève générale. Voici pourquoi les grèves qui se préparent, celles du XXI° siècle, seront beaucoup plus féroces que par le passé. Voici pourquoi le Sabotage va prendre bien­tôt une ampleur démesurée. Le peuple est au bord de la rupture. Et même si le système est fort intelligemment verrouillé, il ne tiendra plus longtemps. Car dans tout système, il y a une faille. Il suffit juste de la trouver…< Jip de Paname

 

 

Le Chat, ennemi naturel du libéralisme !

Le chat est par essence un ennemi du système. Il est l’anti-efficacité, l’anti-productivité, l’antiutilitarisme même. En un mot, c’est l’animal le plus anti-libéral qui soit. D’ailleurs la vie d’un chat ressemble à s’y méprendre à celle d’un chômeur d’aujourd’hui. Le chat dort en moyenne dix-sept heures par jour. Ce qui est considérable au vu du nombre d’insomniaques qui hantent la nuit noire de notre société. Il sort principalement la nuit. Comment pourrait-il alors se rendre efficace le jour comme tout bon homo oeconomicus qui se respecte? Le chat ne connaît ni les cadences infernales, ni la concurrence déloyale. Il ne supporte pas les foules anonymes. Il aime sa différence, sa liberté, son indépendance.

Le chat défend son territoire là où l’homme moderne se targue de n’en avoir aucun. Sans terre, sans patrie, sans racines, sans culture, sans identité, l’homo oeconomicus est un nomade sans foi ni loi. Il ne connaît aucune autre attache que celle de son compte en banque. Bassement matérialiste, l’homme mo-derne est un animal qui manque cruellement de grâce. Il est une bête féroce et égoïste. Le chat a quant à lui conservé toute sa malice ancestrale ainsi que sa grâce légendaire. Contrairement à l’homme moderne, le chat est un animal courageux. Pour assurer sa survie, il n’hésite pas à montrer ses griffes.

Même ses ennemis, les chiens, ne l’effraient pas, tout juste peuvent-ils le surprendre. Le chat privilégie le duel quand l’homme moderne se rue sur sa proie en bande impavide. Le chat est le remède naturel à notre société. Il soigne

les hommes de leurs dépressions et de leurs angoisses. Carresser un chat, c’est rependre goût à la vie. C’est se sauver soi-même du chaos libéral. C’est se soulager le corps et l’âme. L’ennemi du chat, le système libéral, ne s’y est d’ailleurs pas trompé. Partout où règne en maître le libéralisme, le chat est purement et simplement éradiqué. Pour ne prendre que quelques exemples parmi tant d’autres, Rome, la ville éternelle est devenue en quelques années la proie des promoteurs immobiliers. Elle a en conséquence été nettoyée de fond en comble. Si bien que le vieux forum Romain, refuge des chats s’il en est, s’est vidé brutalement de sa substance. Et c’est toute la ville impériale qui a brutalement vendu son âme au plus offrant.

Et que dire de Venise ? Plus aucun chat pour courir sur les ponts de la Sérénissime. De sombres individus à casquette éructant du globish à longueur d’années, les poches pleines de billets verts, les ont peu à peu remplacés. Lorsque les chats désertent les rues, le chaos ressurgit. Non pas le chaos qui précède l’ordre, mais bien plûtot le chaos informe qu’appelle de ses voeux le libéralisme triomphant. Ce chaos qui dévaste tout sur son passage. Privée de ses chats, la ville perd son âme. Elle renonce à son antique statut de cité enracinée. Elle se transforme en un vaste décor à l’usage des touristes ou pire en cité dortoir. Le petit peuple des rues s’efface à la suite de ses chats. Il est rejeté vers la grande banlieue, vaste no man’s land où s’achève toute Culture. A sa place, les bobos et leur pseudo civilisation hygiéniste surgissent de toute part : propreté, sécurité, fausse mixité. Le triptyque du néo-libéralisme se cale dans les cerveaux humains déjà trop abîmés pour pouvoir encore lui résister. Pour ses détracteurs, le chat est sale. Il porte en lui toutes les maladies de l’homme. Autrefois n’était-il pas brûlé en place publique, ce fier compagnon des sorcières, ce chat noir du paganisme antique?

Symbole d’une révolte totale contre le monde moderne, le chat s’oppose naturellement à la civilisation du bruit, de la vitesse et de la pollution. Il encourage la lecture, occupation devenue subversive aux yeux de la police de la pensée. Il ronronne rien qu’à cette harmonie subtile que ne connaissent plus les hommes pressés d’aujourd’hui. Ce n’est pas un hasard si le chat est l’animal fétiche de nos poètes, s’il accompagne toujours les éveilleurs de peuple dans leurs quêtes impossibles, s’il incarne encore de nos jours cette sagesse qui fait tant défaut à notre monde moderne et s’il demeure le pur symbole de notre Rébellion...< Jip de Paname.