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01/05/2009

Entretien pour Excelsior

Entretien accordé à Carmen Alvarez, journaliste au quotidien Excelsior de Mexico (mars 2009).

 

Quelle position adoptez-vous envers les changements profonds dérivés de la crise actuelle du capitalisme ?


Tout d’abord, disons qu’il s’agit d’une crise structurelle et non pas d’un épiphénomène dérivant de la rapacité de quelques financiers isolés (même s’ils existent !) ce qui sous-entendrait qu’il suffirait de moraliser le capitalisme pour nous sortir de ce mauvais pas conjoncturel comme on l’entend dire çà et là par des hommes politiques désirant sauver le capitalisme en ignorant les contradictions lui étant intrinsèques (position de Nicolas Sarkozy en France par exemple). La possibilité de la financiarisation du système et de son évidente aberration dont pâtit l’immense majorité des travailleurs réside dans l’incapacité du capital productif d’extorquer le plus rapidement de profit dans le procès de production et de le réaliser sur le marché en vendant le maximum de marchandises à cause de la course effrénée à la concurrence. La manifestation la plus évidente de cette dernière est l’attaque en règle conduite sous l’égide de l’offensive du discours idéologique ultralibéral et mondialiste afin de forcer les barrières protectrices des nations et de créer d’immenses zones géoéconomiques d’échanges au sein desquelles circuleraient hommes et produits réduits au statut de marchandises (la fameuse marchandisation du monde dit-on en français ; Marx quant à lui parlait de réification du rapport social). Le problème c’est qu’il faut pour que cela fonctionne que les pays et individus consommateurs soient réellement solvables, ce qui est loin d’être le cas ! Pendant des décennies on a vu les pays du « nord » prêter des sommes exorbitantes à des pays du « sud » afin que ceux-ci puissent leur acheter avec ce même argent une partie de leur production ! En contrepartie les multinationales avaient et ont toujours le droit de piller les ressources naturelles de ces mêmes pays, eux-mêmes cantonnés à des types de production à objectif d’exportation, cela bouleversant leur fragile équilibre économicosocial. Cette situation a créé un fossé gigantesque entre le nord et le sud. La solution imposée par le FMI est connue, toujours plus de privatisations et toujours plus de misère.


Alors les capitalistes trouvèrent comme ultime recette pour accroître leurs profits de créer des valeurs fictives à partir desquelles il semblait être possible de tourner le dos au réel économique et de jouer dans le virtuel en s’enrichissant rapidement. Mais le crédit n’était pas solide et reposait sur des anticipations qui ne pouvaient être réellement remboursées, de là, la paupérisation dans laquelle se virent plonger de nombreux citoyens, ces derniers mois aux Etats-Unis et maintenant en Europe. La crise nous arrive de plein fouet, en France ce sont des centaines de licenciements voire des milliers chaque jour, en ce moment !


Personne n’a vraiment de solution à cela. On peut regretter que l’Europe bien que globalement grande puissance économique ne soit qu’un nain sur le plan politique. Les gouvernements européens n’ont fait que passer leur temps avec leurs représentants à Bruxelles, à démanteler ce qui fonctionnait en Europe ! Tout cela au nom de la croyance magique à la toute puissance bénéfique du marché : toujours plus de mise en concurrence.

Jamais l’euro n’a réellement été proposé comme alternative à la puissance du dollar qui, somme toute, depuis sa déconnection d’avec l’étalon or ne doit sa suprématie qu’à la force de l’impérialisme étasunien.


Ainsi, sans proposer de solution miracle nous pensons qu’il y a urgence à promouvoir un monde multipolaire dans lequel l’Europe a un rôle essentiel à jouer. Elle doit apprendre à cesser d’être un protectorat étasunien. La politique du Général de Gaulle avait en son temps ouvert largement la voie à cette vision géopolitique qu’il aurait voulu articuler autour de la constitution d’un noyau dur franco-allemand (le pôle carolingien). Malheureusement, ses successeurs tant en France qu’au-delà du Rhin ont franchement trahi cet objectif. Pourtant les possibilités de voir étendre ce projet sont à portée de main si l’Europe voulait bien se tourner vers la Russie. Mais pour ce faire il faudrait clairement rompre avec l’Europe technocratique de Bruxelles et que les peuples européens se réveillent et ne donnent plus un blanc-seing à des gouvernements fantoches. C’est là que la crise du capitalisme peut venir jouer un rôle. Le système capitaliste va avoir de plus en plus de mal à acheter la paix sociale, les travailleurs devront avoir sous les yeux d’immenses perspectives dont nous avons brossé rapidement les contours ci-dessus. De plus en plus, en France, on parle explicitement de lutte de classe même si le discours officiel tente de ne rien laisser transparaître de tout cela.

 

La gauche française est-elle unie dans l’action malgré ses divergences de pensée et quelles sont ses chances lors des prochaines élections ? Quelle gauche peut exister ? Besancenot pourrait-il incarner une nouvelle gauche ?


Le problème est évidemment complexe. La France est héritière d’une riche histoire du mouvement ouvrier (ne rappelons que le chant de l’Internationale et l’expérience de la Commune de Paris de 1871, le Front populaire de 36 et la grève générale de mai 68) mais la gauche actuelle n’est qu’une pâle et infidèle copie de cette tradition. Elle a été durablement affaiblie par la victoire du libéral sécuritaire Nicolas Sarkozy mais après s’être largement convertie elle-même aux valeurs qu’elle aurait dû combattre à cause de sa social démocratisation. Pour comprendre, il faut brièvement remonter quelques décennies en arrière. Après la seconde guerre mondiale, le programme élaboré par la Résistance s’est concrétisé peu ou prou. Lorsque de Gaulle est revenu au pouvoir en 58, c’est le Parti Communiste Français qui est rapidement devenu le plus important parti d’opposition ; dans les années soixante il dépasse les 20% des suffrages aux élections et représente le parti communiste le plus puissant d’Europe de l’ouest. Pour contrebalancer ce poids, les Etats-Unis financeront substantiellement les initiatives de la gauche non communiste alors que les soviétiques n’étaient guère hostiles au général de Gaulle conduisant une politique d’indépendance, de troisième voie en quelque sorte, se concrétisant en particulier par la sortie de la France du commandement intégré de l’OTAN en 1966. Cette décision courageuse suivie de ses déclarations critiques à l’égard des Etats-Unis et d’Israël en 1967 lui coûtèrent très cher : les évènements de mai 68 et la trahison de certains dans son camp lors du référendum de 69. On ne peut rien comprendre à la situation actuelle et à la nature de la gauche en France, de nos jours, si on n’analyse pas un tant soit peu la période que nous venons d’évoquer.


Il y a une réelle ambiguïté au sein de la révolte de mai 68. D’un côté un authentique combat mené par la classe ouvrière qui n’est pas énormément touchée à l’époque par le chômage mais qui est soumise à des cadences de travail assez élevées pour des salaires loin d’être vraiment satisfaisants et d’un autre côté un discours libéral/libertaire promu par le mouvement gauchiste qui aura sa postérité dans le triomphe des valeurs libérales au sein de la société par la suite et dont le processus de mondialisation avait grandement besoin pour se faire accepter. C’est de cette époque que date l’affaiblissement du Parti Communiste, le début de son déclin, ce qui permettra de le piéger par le « Programme Commun de la Gauche » à la fin des années 70 et par sa participation au gouvernement après l’élection de Mitterrand en 81. Durant cette période les leaders gauchistes furent grassement remerciés et rémunérés par la bourgeoisie pour leurs bons services ! A partir des années 80 et 90, le déclin économique de la France s’accélérant (désindustrialisation, délocalisations) la gauche n’eut d’autre préoccupation que de se mobiliser non pas contre le capitalisme mais contre le spectre d’un imaginaire fascisme du Front National de JM Le Pen dont elle avait elle-même suscité l’existence en espérant pouvoir empêcher le retour franc et massif de la droite au pouvoir. L’habileté de Sarkozy apparut lorsqu’il profita de la déconsidération de la gauche auprès d’électeurs écoeurés et qu’il alla chasser sur le terrain du FN en siphonnant les voix de ses électeurs. Dès lors, la gauche était fondamentalement affaiblie et divisée, le PC exsangue et le Parti abusivement appelé Socialiste incapable de se ressaisir. Bien sûr que la gauche se retrouve plus ou moins unie derrière les manifestations des travailleurs poussés dans la rue par la crise mais Sarkozy a trouvé la parade : il a promu un produit marketing efficace, new look comme le disent les publicitaires, il a trouvé Besancenot ! Mélenchon de la gauche du PS s’est allié au PC résiduel pour les prochaines élections européennes, eux-mêmes sont en désaccord avec Besancenot qui, lui-même, peut rafler des voix à la gauche classique sous prétexte de radicalité tout en participant à son affaiblissement. Ainsi peut être également compensé un recul de la droite sarkozyste dans le paysage politique, d’autant que le taux d’abstention est souvent important aux élections européennes et qu’avec un minimum de voix on peut donner l’impression de faire un score honorable d’un côté comme de l’autre. Besancenot est bel et bien le facteur factice, ayant « travaillé » dans la banlieue hyperbourgeoise de Neuilly fief originel de Sarkozy, confortablement logé dans un appartement lui appartenant dans un quartier des plus huppés de Paris (acheté avec une paye de facteur ?) et pavanant dans tous les médias audiovisuels et écrits de France. Est-ce cela un révolutionnaire craint par la bourgeoisie ?


Ce qui nous semble plus sérieux et intéressant depuis quelques années est l’apparition de courants et de penseurs plus ou moins isolés qui par leurs propos et leur pratique remettent en question l’opposition usée et spectaculaire droite/gauche. Lors du référendum sur la constitution européenne où la majorité s’est prononcée pour le « non », on s’est aperçu de l’existence d’une résistance transcourant qui ne recouvrait pas le prisme des positions des partis politiques traditionnels. Ainsi dans notre revue nous sommes pour une Europe ayant un projet politique commun et à long terme nous défendons un socialisme à l’échelle de notre continent. Néanmoins, nous sommes aux côtés de souverainistes contre l’européisme technocratique de Bruxelles parce que nous pensons que tactiquement nous devons défendre les acquis sociaux garantis par l’existence politique d’une nation indépendante. Autrement nous serons emportés par la course aux abîmes du capitalisme. Il faut articuler lutte de classe et défense de la nation afin que celle-ci soit dirigée hégémoniquement en vue de l’intérêt de la majorité des travailleurs et selon les finalités du bien commun.

 

Sarkozy est-il un allié des Etats-Unis ?


Hélas oui ! Après une longue et triste série de présidents ayant un discours de pseudo       indépendance à l’égard des Etats-Unis et une pratique de réelle démission face aux diktats de l’empire unipolaire étasunien (notamment lors des conflits avec l’Irak et de l’agression de l’ex-Yougoslavie) Sarkozy vient de tirer explicitement les conclusions de ce lent glissement (aussi peut-on lui reconnaître une réelle franchise là où les autres faisaient plutôt semblant de s’opposer) en réintégrant la France au sein du commandement de l’OTAN sous prétexte que notre pays pourrait ainsi peser sur les décisions de l’oncle Sam. Ceci serait risible si la situation n’était pas aussi inquiétante car la France sera de plus en plus engagée en Afghanistan et ailleurs, si les Etats-Unis le désirent. Sarkozy s’est rallié à la stratégie de Brzezinski, inspirateur, homme de l’ombre et stratège d’Obama sur lequel on se fait malheureusement trop d’illusions de par le monde. Celui-ci va lâcher du lest sur le proche Orient et l’Iran mais pour mieux s’occuper de l’Afghanistan, du Pakistan et des gros morceaux qu’il vise derrière ces pays, la Russie et la Chine. Cela est bien pire que les délires des néo conservateurs précédemment au pouvoir à Washington. Quand Sarkozy fait mine de prendre des initiatives, on lui coupe l’herbe sous le pied (exemple avec l’histoire des otages de la guérilla en Colombie) pour lui faire comprendre que son pouvoir est quelque peu limité.


De plus avec cette politique de ralliement explicite à l’empire unipolaire, Sarkozy retarde la possibilité qu’aurait eu l’Europe d’avoir un réel destin géopolitique indépendant. A ce niveau également s’impose, aux travailleurs français et aux européens, la nécessité de la lutte contre ce système, ce modèle obsolète de civilisation qu’on appelle l’Occident.

 

Quelle vision avez-vous du Mexique et de l’Amérique latine ?


Nous confessons tout en nous en excusant de ne pas être des spécialistes et connaisseurs de votre pays. Néanmoins, dans les grandes lignes, nous pourrions affirmer que le Mexique n’a guère à gagner à être intégré dans ce grand marché de l’Amérique du nord reposant sur les mêmes avantages fantasmatiques que l’on nous a fait miroiter sur tous les continents avec le modèle libéral. Nous soutenons sincèrement l’expérience bolivarienne du camarade Chavez au Venezuela, espérant qu’il pourra faire incliner sa politique vers un socialisme original. Là, également, les forces réactionnaires soutenues par les Etats-Unis essaieront par tous les moyens, comme elles l’ont fait par le passé dans les pays latinoaméricains, de faire capoter la tentative de libération nationale à l’égard de l’emprise impérialiste étasunienne.

 

Néanmoins la situation a changé par rapport aux dernières décennies puisqu’une gauche plus ou moins originale est parvenue au pouvoir dans certains pays d’Amérique du sud. Il ne faut ni surestimer l’expérience ni sous-estimer l’impact du projet bolivarien. Chavez a une vision géopolitique pour le continent latinoaméricain et nous souhaiterions que l’Europe soit alliée de ce projet, aussi faudrait-il pour cela, comme nous l’avons dit ci-dessus, que l’Europe elle-même soit engagée dans une vision géopolitique d’envergure faisant pièce aux diktats étasuniens. Chavez symbolise la possibilité de l’existence d’un monde multipolaire qui rendrait confiance et dignité à tous les peuples et cultures en promouvant une réelle diversité aux antipodes du monothéisme de marché dont on perçoit les conséquences terrifiantes pour l’avenir de l’espèce humaine. Celle-ci ne peut continuer son aventure que grâce à la préservation de ses multiples identités culturelles en devenir. Le continent latinoaméricain est lui-même l’expression, par la rencontre de diverses cultures et peuples et par la synthèse qui en est sortie, de l’importance de ce que nous avançons. Aussi le projet bolivarien nous est apparu rapidement comme étant une divine surprise, une preuve de la validité et de la valeur que nous accordons à l’idée des grands ensembles géopolitiques diversifiés. En plus Chavez est un socialiste authentique et un révolutionnaire ! Le Mexique aurait, nous semble-t-il, tout intérêt à se tourner vers un tel projet plutôt que de lorgner vers son voisin impérialiste du nord.

 


Jean Galié.

Au nom de la revue bimestrielle socialiste révolutionnaire européenne « Rébellion ».

 

09/04/2009

Rébellion 35

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L’EDITORIAL

CAPITAL & ZOMBIE

MOUVEMENT

CONSTRUISONS L’ORGANISATION SOCIALISTE

RÉVOLUTIONNAIRE EUROPÉENNE !

UN SOCIALISME AUX COULEURS DE LA FRANCE

ET DE L’EUROPE - RÉBELLION, LE LIVRE MANIFESTE

INTERNATIONAL

LES ETATS-UNIS UTILISENT L’EUROPE COMME TETE DE PONT

POUR ATTAQUER L’EURASIE

ANTICAPITALISME

LUTTE DES CLASSES : RÉALITES ET NÉCESSITES

POUR LES RÉVOLTES DE DEMAIN

ACTUALITE

«TERRORISME» ET MANIPULATIONS :

QUI CHERCHE A NOUS FAIRE PEUR ?

HISTOIRE

MILITARISME ET PATRIOTISME DANS LE SOCIALISME FRANÇAIS

DU XIXE SIÈCLE (2) - REGARD SUR JEAN JAURES

CULTURE

JEAN GIONO, LE TRIOMPHE DE LA VIE

CHRONIQUE : REQUIEM POUR LA CONTRE-REVOLUTION

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Rébellion le bimestriel  de

L’Organisation Socialiste Révolutionnaire Européenne

 

Disponible contre 3 euros port compris à notre adresse :

Rébellion c/o RSE BP 62124 31020 TOULOUSE cedex 02 FRANCE


07/04/2009

Capital et Zombie

Editorial du numéro 35 de Rébellion ( disponible au début de la semaine prochaine) 

Si le développement du monde moderne et sa mobilisation totale sous l’égide de la puissance scientifico-technique ont réalisé le « désenchantement du monde », la danse méphistophélesque du cycle de valorisation du capital s’étendant à tout le globe terrestre n’a parallèlement guère laissé d’espace vierge où le fétichisme de la marchandise n’aurait pas cours. Ainsi toutes les pratiques et croyances humaines se trouvent être ensorcelées par le processus de mondialisation contemporain. Les dernières semaines de rébellion aux Antilles viennent nous rappeler, via le vocabulaire vaudou, et l’articulation dialectique contradiction principale/contradiction secondaire recouvrant le binôme lutte de classe /lutte de race, qu’il est toujours possible de se « dézombifier ». Le soi disant contrat social cher aux théoriciens du droit naturel de l’époque ascensionnelle du mode de production capitaliste n’était en réalité qu’un pacte inégal et trompeur avec le royaume des ténèbres et son maléfique souverain, le capital qui est la valeur ayant le diable au corps. Contre quelques rares et insuffisantes espèces sonnantes et trébuchantes, le prolétaire, libre contracteur sur un marché de dupes, ne pouvait qu’aliéner son âme, sa volonté et donc son corps à un maître collectif ivre de consommation de sa force de travail. Le prolétaire était transformé en zombie auquel étaient magnanimement accordées les miettes plus ou moins importantes issues du productivisme le plus abject.

Dans sa phase d’expansion coloniale, le capital n’avait guère d’autre ressource pour satisfaire sa soif de profit et de trafic que d’instaurer dans certains pays le mode de production esclavagiste excluant le salariat et son illusoire liberté, mais dont la finalité - à la différence de l’esclavage antique ou perdurant dans des pays non européens au marché plus ou moins restreint dans son intensité - était essentiellement tournée vers l’exportation en direction des métropoles européennes. C’est ainsi que la France a hérité dans ses départements antillais d’une société à structure coloniale puis néocoloniale en ce sens que la domination de classe s’articule à une domination de race. L’inertie propre aux représentations idéologiques, couplée aux archaïsmes économiques hérités de phases économiques antérieures a largement laissé perduré une situation sociale et politique jugée à juste titre comme insupportable par la majorité des antillais. Et comme la crise capitaliste s’approfondissant ne laisse aucun lieu de la planète à l’abri d’une paupérisation croissante, les prolétaires antillais poussés dans leurs derniers retranchements ne purent que se lancer dans la lutte de classe. Nous disons bien de classe ; car si l’esclave-marchandise fut bien importé pour sa corporéité visible de race, son usage effectif dans le procès de consommation de sa force de travail fut effectivement réalisé au sein du rapport social capitaliste engendré au sein du commerce mondial (et l’épanouissant en retour) et du rapport entre les nations dominantes se partageant celui-ci et son espace géographique. L’identité antillaise visible dans sa corporéité raciale et ses pratiques culturelles put ainsi apparaître au premier plan de la lutte récente, dirigée très souvent et immédiatement contre la minorité béké, tout aussi visible en sa position dominante. Mais ce qui est visible, l’apparence, fait retour à son intelligibilité essentielle : la contradiction principale - l’activité humaine devenant marchandise - celle entre le travail mort (le capital accumulé) et le travail vivant (la force de travail). Quand le capital ne peut plus consommer de force vive de travail (crise) il la laisse dépérir, elle est surnuméraire. Quand il ne peut l’entretenir un tant soit peu en attendant de nouvelles opportunités d’extension de marché (chômage, allocations diverses) sa condition s’aggrave : le prolétaire vit de plus en plus comme un zombie. Lorsque le descendant d’esclaves n’a pu accéder, du moins pas la majorité d’entre eux, à la condition des couches moyennes à cause de la pérennité de structures économico-sociales remontant à une phase antérieure du mode de production capitaliste, la contradiction secondaire raciale (secondaire parce que dérivée de la situation du commerce de l’esclave-marchandise comme nous l’avons expliqué ci-dessus) se manifeste au premier plan, se réactualise car engendrée par la dynamique propre à la contradiction principale qui, elle, s’approfondit parce qu’universelle (crise actuelle du capitalisme).

En conséquence de quoi nous considérons que la lutte des travailleurs antillais ces dernières semaines, signifie une tentative de reprise en main de leur propre destin dans leurs conditions particulières d’existence ainsi qu’une réponse adéquate à la paupérisation dont ont actuellement à pâtir tous les travailleurs confrontés à la crise capitaliste. C’est là toute la portée de ce que nous appelons, faisant référence à la culture des caraïbes, leur dézombification. Désormais celle-ci a gagné la métropole où la journée de grève du 19 mars a été un succès alors que pleuvent quotidiennement les licenciements sur la tête des prolétaires. Alors qu’aux Antilles accouraient quelques quimboiseurs aux visages pâles venus offrir leurs services afin de récupérer le mouvement de révolte, on pourra compter ici également sur la gauche et l’extrême gauche du capital pour faire tourner en rond les travailleurs, désamorcer la puissance de leur combat qui devra s’actualiser pour résister à l’ampleur de la crise économique et sociale du capital. Néanmoins la ficelle est usée et de plus en plus de monde comprend le rôle alloué à ces soit disants anticapitalistes promus par les médias de la bourgeoisie. Ainsi chacun a pu voir sur Internet les images de l’agression conduite contre le cortège du centre Zahra venu apporter son soutien au combat de la résistance palestinienne lors d’une manifestation parisienne, par les bandes policières anarcho-trotskistes. Les travailleurs comprendront à l’occasion de leurs luttes ce que représente le gauchisme depuis des décennies : quelques rouages secrets du pouvoir du capital.

Les enjeux actuels sont gigantesques ; le système n’a d’autre solution à proposer à sa crise structurelle qu’un discours lénifiant sur son illusoire refondation et moralisation et la pratique d’une planétarisation de son économisme délirant le conduisant à une course aux abîmes dans des conflits impérialistes guerriers de grande ampleur. Obama sera l’exécuteur de cette tension extrême dirigée vers les puissances à abattre pour les Etats-Unis, que sont principalement la Russie et la Chine, et cela selon les vœux de son mentor et stratège, et des intérêts de la Trilatérale qu’il représente, Brzezinski. L’Europe comme toujours fait montre de son néant politique et du vide sidéral de ses intentions. Elle est zombifiée par la volonté impériale étasunienne et Sarkozy vient d’annoncer, ce que nous qualifiions dans notre précédent éditorial de ce qui restera le « fait marquant de la présidence sarkozyenne », l’intégration totale de la France au sein de l’OTAN, trahissant de fait la grande vision géopolitique gaullienne d’indépendance de notre Nation et de l’Europe à l’égard de l’impérialisme étasunien. Le Général de Gaulle avait clairement analysé ce qui se tramait au moyen de cette structure militaire impérialiste déployée sur notre continent : « le protectorat américain sous le couvert de l’OTAN ». Charles de Gaulle en 1966. Le représentant politique de la bourgeoisie française vient de céder le glaive de notre souveraineté à l’empire unipolaire porteur du projet du choc des civilisations et de la stratégie d’occupation et de démantèlement de l’espace eurasien.

Tout comme aux Antilles, où ti baron samedi veille la nuit à l’entrée des cimetières, ti baron Sarkozy veille désormais à l’entrée du cimetière de l’indépendance nationale et du destin de l’Europe.   

 

Erratum du numéro 35 : Dans la traduction, par ailleurs irréprochable, de Yves Branca de l'entretien de Tiberio Graziani, s'est malencontreusement glissée une coquille, page 10, dernier paragraphe, ligne quatre. Il fallait lire "séparatistes-sécessionnistes" au lieu de "sioniste". 

06/02/2009

L'éditorial de Rébellion 34

SACCAGE DE LA BANDE DE GAZA :

UNE CONTRIBUTION SIONISTE

AU CAPITALISME POURRISSANT

 

 Au moment où nous écrivons, la trêve vient d’être décrétée unilatéralement à Gaza par l’Etat impérialiste sioniste afin de ne pas troubler l’intronisation du baroque Obama (cf. notre précédent n°), sorte de kermesse bouffonne à l’accent sentimentalo-religieux, diffusée planétairement. On ne nous fera pas croire au hasard du calendrier : le sale boulot devait être achevé avant que la nouvelle administration étasunienne n’entre en fonction, le clan Bush se tenant coi alors que ses successeurs ne pipaient mot sur l’agression sioniste, laissant entendre par ailleurs qu’un nouvel âge d’or sous tutelle étasunienne allait prendre forme d’ici peu : les pauvres aux Etats-Unis recevront une nouvelle manne sociale et on fermera les vilaines geôles de Guantanamo. Il n’est évidemment pas question de mettre fin à l’occupation impérialiste de la base militaire sise en territoire cubain ; ce que peu de monde souligne…

   Restait donc aux européens de prendre des initiatives diplomatiques afin de faire semblant de modérer l’attaque sioniste, ce qui est pour le moins compréhensible, non pas parce qu’ils auraient un poids diplomatique réel mais parce que ce sont eux qui vont payer la facture des destructions commises durant ces trois semaines et qui atteignent déjà des sommes astronomiques. Les sionistes se déchaînent, les palestiniens trinquent et les travailleurs européens mettront encore la main à la poche à cause de l’infamie de leurs bourgeoisies locales respectives. Cette infamie est marquée du sceau de l’OTAN ; l’évolution inquiétante mais pas inattendue du gouvernement français en est un exemple. Qui va se coucher face aux desiderata de la politique des Etats-Unis en Afghanistan ? Qui va débourser de l’argent afin de soutenir cette entreprise impérialiste aux justifications idéologiques totalement floues (un soi- disant combat contre le terrorisme) ? Les européens ! Qui peut encore envoyer des troupes disponibles sur le théâtre du conflit ? La France ! Il est de plus en plus question d’une intégration totale de celle-ci au sein de l’OTAN, ce sera là le fait marquant de la présidence sarkozyenne. D’ailleurs ce dernier ne s’empresse-t-il pas d’accourir à l’aide de l’axe américano sioniste dès qu’il le peut. Lors de son périple médiatique au Proche Orient ne vient-il pas de proposer son aide afin d’envoyer des navires de guerre de façon à contrôler le rivage maritime de la bande de Gaza afin que des armes ne puissent y parvenir ? On compatit aux souffrances palestiniennes mais enfin quelle est cette étrange idée d’avoir des armes afin de ne pas rester pieds et poings liés face à la puissance coloniale locale ?

  Car c’est en premier lieu à un processus de colonisation devenu séculaire, que s’oppose la résistance palestinienne. Chassés de leurs terres, dispersés dans des camps, agglutinés certains par centaines de milliers sur le minuscule territoire de la bande de Gaza, on peut comprendre que les résistants soient de mauvaise humeur –on le serait à moins- et tirent quelques roquettes sur leur ennemi. On se demande bien qui terrorise qui depuis des décennies ! Il est, en effet, foncièrement légitime de se demander en quoi l’occupation de la Palestine par les sionistes est justifiée. L’idéologie sioniste est particulièrement délirante : si tout un chacun en venait à revendiquer son installation sur un territoire quitté depuis des millénaires par des ancêtres à la généalogie plus ou moins invérifiable, nous assisterions au chaos le plus effrayant qui soit sur notre planète. C’est pourtant là l’essence du nationalisme sioniste, un des avatars tardifs du nationalisme agressif moderne. Sa spécificité tient à ce que, à la différence des revendications irrédentistes du 19° et du début du 20° siècle, il ne s’appuyait même pas sur l’existence d’une nation ou d’un peuple présents hic et nunc, au moment de sa revendication territoriale et que la Palestine était déjà amplement peuplée…de palestiniens. Il fallait donc chasser ces derniers par toutes sortes d’exaction afin d’établir une colonie de peuplement, substitution de population qui allait s’accélérer après 1945, expression et extension d’un « foyer national juif ». De surcroît avec une référence pseudo théologique ! C’est devant cette mystification qu’allait s’incliner la majorité des pays de la communauté internationale. On comprend, par exemple, que les indiens d’Amérique du nord aient résisté à la colonisation de peuplement dont ils furent les victimes puisque largement exterminés, colonisation entreprise afin d’assouvir la recherche de marchés extracapitalistes à l’époque ; on comprendra alors que la résistance palestinienne fut totalement légitime et qu’elle le reste. Mais l’analogie s’arrête là, car la colonisation de l’Amérique se fit à l’époque de l’ascension du développement du mode de production capitaliste et sur un territoire beaucoup plus vaste où la bourgeoisie pouvait construire sa domination directement sans combattre les restes de l’Ancien Régime comme en Europe mais tout simplement en éradiquant les communautés archaïques indiennes là où elles gênaient. Ainsi se déversait vers le nouveau continent le surplus démographique ne pouvant survivre en Europe et ailleurs. L’Etat colon sioniste surgit dans un tout autre contexte : sur les ruines de l’empire ottoman et du mandat d’occupation britannique à une époque de décadence du capitalisme et de processus de décolonisation ! Et de surcroît à un moment d’apparition d’un certain nationalisme arabe, d’une prise de conscience du monde arabe qu’un nouveau cours historique devient possible pour lui. Des tentatives d’inspiration socialiste seront, en particulier, tentées (Nasser, baasisme etc.)

   Le second point est également très important : l’Etat impérialiste sioniste ne doit son existence qu’à l’aide du plus grand Etat capitaliste, les Etats-Unis (1) et au soutien de nombreux capitalistes sionistes constituant une part non négligeable du capital global dominant. Contexte de la guerre froide et solidarité internationale sioniste cimenteront l’édifice de l’Etat occupant la Palestine au détriment du peuple millénaire s’y trouvant, Etat que même certains juifs religieux considèrent comme étant la parodie de l’Israël transcendantal. Ainsi dans ce contexte l’Etat sioniste ne pourra se maintenir face à l’hostilité du monde arabe que par des guerres à répétition, des exactions perpétuelles, des déplacements de population mais également par la corruption des Etats arabes, de sa bourgeoisie pourrie dès qu’apparue, via les pressions diplomatiques de  l’impérialisme étasunien. De même la déstabilisation de la résistance palestinienne en s’appuiera sur ses secteurs les plus réformistes et les plus accessibles aux sirènes du veau d’or.

   Cela apparut rapidement lorsque les pays arabes lâchèrent la résistance palestinienne quand ce ne fut pas pour la réprimer directement, l’affaiblissant d’autant. Dans le contexte de régression sociale et politique de la plupart des pays arabes de la région et de celui plus large de la crise du capitalisme affectant ces derniers, le peuple palestinien s’est vu alloué le rôle de peuple errant, n’ayant droit à un minimum d’existence que s’il ne manifestait justement pas ce minimum d’existence. De là, la caricature de pouvoir accordé à l’Autorité palestinienne et le morcellement calculé des parcelles de territoire sur lesquels celle-ci s’exercerait. La stratégie impérialiste trouve au Proche Orient son modèle d’application le plus pur qu’elle appliquera un peu partout afin de manipuler un chaos politique, social, économique, indescriptible au-dessus duquel elle entend régner afin de perpétuer l’aberration capitaliste (Balkans, Irak, Afghanistan, etc.). La Palestine est le laboratoire dans lequel s’expérimente l’anomie en marche du monde futur si rien ne vient le renverser.

   Ainsi, s’il est bien nécessaire de soutenir la résistance héroïque, tenace des palestiniens, il ne sert à rien de se masquer que la solution du problème se trouve au cœur des métropoles du capitalisme dominant, là où les structures du capital sont les plus fortes et où il y a quelque chose à exproprier. L’apparition et la consolidation de pays et de forces contestant la domination sans partage de l’axe américano sioniste dans le monde pourraient appuyer le mouvement de remise en question du capital, nécessaire, répétons-le, au cœur des pays industrialisés. Aussi, si la vieille taupe continue de creuser ses tunnels à Gaza, elle est en train de miner les fondements de l’ordre capitaliste européen. Sans crier à une victoire prématurée, nous voyons d’un bon œil l’amorce d’une critique pratique radicale se mettant en œuvre en ce début d’année lors de divers incidents récents s’étant produits en Islande, à Riga, à Tallinn et en Bulgarie, prenant ainsi le relais de l’agitation en Grèce.

  Le peuple palestinien globalement prolétaire symbolise la condition universelle du prolétaire à l’époque du capitalisme pourrissant, c’est-à-dire du capitalisme ne pouvant même plus se revendiquer du mythe du progrès continu de l’humanité. C’est le capitalisme d’une classe sociale de voyous pérennisant son idéal du matérialisme le plus trivial, le plus prédateur à l’échelle universelle, le plus hypocrite dans sa folie destructrice (bombes au phosphore et à l’uranium appauvri sur Gaza comme naguère en Serbie) se réclamant du droit.

  Camarades palestiniens, votre souffrance est un symbole, à la fois de l’ignominie du capitalisme et du courage de ceux qui osent encore y opposer leur humanité !

 

 NOTE :

1) « L’Amérique reste profondément impliquée dans la sécurité d’Israël ». Obama, le 22/09/2009. Qui avait encore des illusions sur le personnage ?  

 

03/02/2009

Rébellion 34

Le numéro de Janvier/Février de Rébellion sort cette semaine !

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SOMMAIRE

L’ÉDITORIAL

Saccage de la bande de Gaza.

Une contribution sioniste au capitalisme

pourrissant

ACTUALITÉ

C’est la crise !

Comment le Capitalisme tente d’anticiper

le choc

>COMMUNIQUE

Un cancer ronge le monde contemporain :

L’axe américano-sioniste

10 questions sur la crise de Michel Collon

MILITANTISME

TRACT

Refusez la résignation, la rébellion

est nécéssaire !

>CERCLES REBELLION

Ne restez pas spéctateurs, agissez !

INTERNATIONAL

l’Afghanistan en 2009.

Le bourbier de l’Occident

HISTOIRE

Militarisme & Patriotisme du socialisme

français au XIXème siècle(1)

>HERITAGE

Fernand Pelloutier

CULTURE

Jean-Claude Michéa

La dualité de la pensée unique

>CINEMA

Ouvrons les frontières...

Au cinéma est-européen !

>CHRONIQUE LITTERAIRE

La pèche au Brochet de Mai 68