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16/04/2010

Sortir de l'Europe du Capital

Article publié dans le numéro 36 de Rébellion Mai/Juin 2009

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« L’Europe est une machine à

réformer la France malgré elle ».

Denis Kessler. Ancien numéro 2 du MEDEF

 

 

 

 

Les préparatifs en vue des élections européennes sont plus que discrets à quelques jours du scrutin. Il est évident que cette échéance électoraliste ne déchaîne pas les foules. Les classes populaires n'ont que faire d'un parlement sans pouvoir, une simple chambre de validation des décisions d'une technocratie de hauts fonctionnaires et un terrain d'action pour la faune douteuse des lobbyistes.

De plus, elle se déroule, dans un contexte de crise profonde du capitalisme. Toutes les données macro-économiques disponibles, y compris celles des propres organismes de l’Union Européenne, confirment le scénario d’une récession économique dans la zone euro couplée à une chute brutale de la production industrielle et à des tendances déflationnistes, signes évidents de la crise qui paralyse les principales économies européennes. En d’autres termes, contrairement à ce qu’avancent les partisans du dogme de l’intégration capitaliste européenne, l’Union Européenne ne s’est pas révélée être un « oasis » au milieu du séisme économique et financier mondial et n’a pas été, comme annoncé, un « rempart contre les mauvais côtés de la mondialisation ».

Surtout, cette élection aurait pu être l'occasion d'ouvrir un vrai débat sur la nature de la construction européenne, sur ses objectifs et son avenir. Mais cela semble être condamné à être escamoté par un tour de passe-passe médiatique. Si nos dirigeants fustigent le manque d'intérêt et le peu d'enthousiasme des citoyens sur cette question, ils ne se risqueront pas d'ouvrir la boîte de Pandore du débat démocratique. La mauvaise surprise de la victoire du NON au référendum sur la Constitution européenne pourrait se reproduire. Le Peuple ne doit pas être informé des buts réels du « Projet européen », car il serait bien capable de reprendre en mains son Destin.

 

Un lourd héritage ...

Depuis son origine, la construction européenne fut au service de la défense et de la propagation du modèle économique et politique libéral. Les glorieux « pères fondateurs » de l'Union , n'étaient pas de doux rêveurs idéalistes ou des philanthropes désintéressés, mais des technocrates et des hommes d'affaires pragmatiques. Dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale les choses étaient claires, il fallait créer un espace économique unifié en Europe pour permettre le développement des grands groupes industriels. Cette idée avait déjà fait son chemin dans les années 1920 dans les cercles patronaux et auprès de jeunes hauts fonctionnaires. La ruine quasi totale de l'économie européenne au lendemain du premier conflit mondial et l’affaiblissement des puissances du continent permettaient de mettre en application leur plan.

Le manque de transparence, le caractère antidémocratique et le pouvoir absolu d’une minorité marquent la construction européenne dès ses débuts. Ainsi, le plan Schuman, qui est considéré comme l'acte de naissance de l'Europe économique, est préparé dans le secret le plus total. Elaboré par neuf technocrates européens sous la direction de Jean Monnet, ils ne rendaient aucun compte à leurs gouvernements respectifs (mais ils avaient pris soins d'associer dans leur démarche le secrétaire d'Etat américain, grand ami de Jean Monnet). Rendu public le 9 Mai 1950, il mettra en place le premier jalon de la fin de la souveraineté des Nations et des Peuples au profit d'un pouvoir supranational. L'accord donnant naissance à la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier entre la France, l'Allemagne Fédérale, l'Italie et les pays du Benelux est signé le 18 avril 1951 : il crée un marché commun pour ses marchandises (supprimant les droits de douane et interdisant les mesures protectionnistes ou d'aides à producteurs nationaux). A cette occasion, la libre concurrence est affirmée comme un principe de ce nouvel espace.

Ce traité engage les pays signataires pour cinquante ans, sans aucune consultation des citoyens.

Bénéficiant du soutien du patronat (qui investit plusieurs millions de francs dans la propagande pro-marché commun), d’anciens fonctionnaires « vichyssois » recyclés, de certains socialistes de la SFIO et de radicaux, mais surtout des sociaux démocrates et des démocrates chrétiens, le processus d'intégration européenne ne fut jamais soumis à la ratification populaire. A l'Assemblée Nationale, il déchaîna les protestations des députés communistes et gaullistes qui y voyaient une perte de l'indépendance nationale. Mais les technocrates dédaignant les parlements et contournant la voie démocratique, ce type de passage en force sera appliqué dans toutes les étapes de la construction de l’union Européenne. .

Les Etats-Unis furent plus que bienveillants à l’égard de ce projet. En effet, le plan Marshall pour la reconstruction de l'Europe de l'Ouest n’était pas un plan d’aide sans contrepartie. Il visait à créer aussi cet espace économique unifié tourné vers l'Atlantique et dépendant de la puissance militaire US.

Permettant à la fois de faire barrage à la propagation du communisme et d'ouvrir davantage nos économies à la surproduction américaine, ce nouveau marché était un gage de l'ancrage des pays européens dans le monde occidental. A l'époque, il n'était absolument pas question d'extension de l'Europe vers l'Est. L'URSS et les pays du bloc soviétique étaient d'office rejetés de cette zone entièrement ouverte aux trusts américains et placée sous la protection de l'OTAN. La CIA, par l'entremise de tout un réseau de fondations et de clubs d’influences (comme le fameux Bilderberg), investit de fortes sommes pour influencer les médias, la jeunesse et les milieux politiques dans ce sens.

 

L'Union Européenne, un bulldozer mondialiste

La suite est connue, avec le Traité de Rome de 1957, l'Europe rentre de plein pied dans la mondialisation avec la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et la restructuration totale de la production et de l'économie européenne.

Dans les années 1970 et 1980, la Communauté Economique Européenne sera l'apôtre d’une politique industrielle dont les principes sont relativement simples, malgré certaines proclamations de Lisbonne en 2000 : laisser le marché privilégier le développement des secteurs les plus compétitifs à un moment donné ou amenés à l’être dans l’avenir ( comme le tertiaire et les nouvelles technologies) et accélérer la restructuration – comprendre la liquidation – des secteurs en difficulté ( industries lourdes, productions locales). Ce principe est valable pour l’ensemble de l’UE, mais aussi pour les régions industrielles européennes prises de manière isolée (le cas du Nord ou de la Lorraine). On connaît le coût humain de cette politique avec les millions de chômeurs européens laissés sur le carreau.

 

La belle discipline monétaire, construite année après année en Europe avec le soutien des institutions de la Communauté et des gouvernements nationaux, doit être saluée comme il se doit : en 1990, un espace économique européen dominé par l’industrie et le crédit ouest-allemand et soumis à une politique monétaire défavorable à la croissance et à l’emploi fonctionne à plein régime. La mise en place de l’euro et de la Banque Centrale Européenne à la fin des années 1990 couronne donc un processus qui voit la victoire des principes économiques ultra-libéraux et, derrière eux, du capital cosmopolite et financier circulant sans entrave sur les marchés d’actions et les marchés monétaires du monde entier. Malheureusement pour nos banquiers européens, la crise actuelle semble venir bouleverser leurs belles prévisions.

Mais l'Europe fut un magnifique prétexte pour les gouvernements des divers pays membres. Ils avaient une justification rêvée pour mener une vaste politique de casse sociale. Destruction des acquis sociaux, déréglementation et ouverture à la concurrence, privatisation des services publics : L’UE a joué un rôle de chef d’orchestre, permettant une coordination internationale des gouvernements afin de mieux faire avaler la pilule de la rigueur aux travailleurs.

 

Le prolétariat contre-attaque

Cette Europe du capital que nous combattons aura eu, paradoxalement, au moins l’avantage de montrer aux travailleurs que la bourgeoisie, elle, sait s’organiser et qu’elle ne manque pas de ressources pour pérenniser son pouvoir de classe. Confusément, cela est perçu, et s’exprime traditionnellement par le taux élevé d’abstention aux élections européennes. Néanmoins la prise de conscience de sa nature, de sa fonction, doit aller plus loin que le simple constat de son éloignement des préoccupations des travailleurs et de son idéologie cynique libérale. Ce que tente de mettre en place l’UE et ses mécanismes de « gouvernance » n’est pas une excroissance superfétatoire du système capitaliste mais une mise en forme politique adéquate au fonctionnement de celui-ci, notamment après sa plongée dans la crise depuis le début des années 70. La dérégulation, le libre marché tous azimuts, la financiarisation (siphonage de la plus-value) croissante de l’économie (déjà analysée par Marx et dont le phénomène appelé maintenant « titrisation » était déjà présente dans la crise de 29 !), tout cela est la conséquence de l’approfondissement de l’exploitation capitaliste tentant de contrecarrer, en élargissant constamment sa base, la chute tendancielle du taux de profit. Face à cette difficulté les capitalistes ne restent jamais les bras croisés et trouvent ponctuellement les solutions pour résoudre la crise qui ne sera jamais la crise finale de celui-ci si des forces sociales n’en imposent pas la disparition. La critique de l’Europe capitaliste ne doit donc pas s’en tenir à une aspiration fantasmatique au retour à l’Etat-Nation soutenant un keynésianisme de gauche et soutenu par lui, celui-ci ne résoudra jamais le problème de la soif de valorisation du capital inhérente à sa dynamique. L’Etat-Nation est un instrument de lutte politique dont le prolétariat doit s’emparer pour lutter efficacement sur son terrain de classe contre la bourgeoisie. Evidemment cela ne fait pas trop écolo ou socialotrotskiste comme son de cloche, mais il en va de notre avenir si nous désirons en avoir un. L’Europe est le champ géopolitique au sein duquel le prolétariat peut s’organiser consciemment et massivement afin de contre-attaquer contre l’empire du capital. C’est cela l’essentiel.

 

 

 

07/04/2010

Chroniques ouvrières

Chroniques parues dans Rébellion 32 – Septembre/Octobre 2008

 

sorel.jpgPour une histoire de la grève…

Au cours du cycle historique du socialisme français, le mythe de la Grève générale s’est égrené de différentes façons. D’une forme quasiment pure, pour ne pas dire cristalline, il s’est chan­gé au cours du temps en une forme impure, pour ne pas dire corrompue. Mais la rupture a bel et bien eu lieue. Le temps est venu du retour aux sources divines de la Grève générale. Devant nous il n’y a plus qu’un champ de rui­nes. Il nous faut donc tout reconstruire. Le cycle mortel de la Grève s’achève enfin.

Aux armes citoyens !

Petit rappel historique : on dénote pour la Grève quatre phases historiques bien marquées.

La grève-violence surgit brutalement au coeur de l’histoire européenne à partir du XIX° siècle. C’est le mythe de la grève générale. Il fut chanté d’une façon admirable par Georges Sorel, notam­ment. Il reste la référence primordiale, sorte de paradis perdu des socialistes révolutionnaires. Mais il ne doit surtout pas se changer en mythe incapacitant. Il doit au contraire être dépassé pour renaître aujourd’hui.

La grève-militante correspond, quant à elle, aux années soixante-dix. La nais­sance du Gauchisme soixante-huitard l’accompagne. Elle est une violence dévoyée voire une violence impure. La grève-militante est désordonnée, chaotique, sans fondements nets et précis. Elle oscille entre deux options contradictoires : un doux anarchisme et un communisme pur et dur. La grève-miltante, c’est l’acte de décès du mythe de la Grève générale.

La grève-festive naît avec l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand, le 10 mai 1981. Elle symbolise l’apogée du syndicalisme français. Elle annonce aussi sa mort prochaine. Le mythe même de la grève est alors totalement déconsidéré. Dans la rue, on assiste à des parodies de grèves, à des masca­rades. Le folklore remplace la tradition au sein des cortèges. Les grèves sont également trop nombreuses, trop cor­poratistes et dispersées. Ce sont des micro-grèves inutiles et bruyantes. On s’agite pour s’agiter. On crie dans la rue. On se défoule. Mais on n’y croit déjà plus. La grève perd alors son caractère violemment révolutionnaire.

La grève-désespérée apparaît à l’aube des années 2000. Elle s’organise en rupture avec les vieux syndicats omni­potents totalement déconsidérés aux yeux du peuple. On parle alors de grève de la base, voire de révoltes autonomes. La voix des syndicats n’est plus la voix des ouvriers. Le peuple a pris le large. Il s’en est allé flirter avec le vieux mythe renaissant de la Grève générale. Voici pourquoi les grèves qui se préparent, celles du XXI° siècle, seront beaucoup plus féroces que par le passé. Voici pourquoi le Sabotage va prendre bien­tôt une ampleur démesurée. Le peuple est au bord de la rupture. Et même si le système est fort intelligemment verrouillé, il ne tiendra plus longtemps. Car dans tout système, il y a une faille. Il suffit juste de la trouver…< Jip de Paname

 

 

Le Chat, ennemi naturel du libéralisme !

Le chat est par essence un ennemi du système. Il est l’anti-efficacité, l’anti-productivité, l’antiutilitarisme même. En un mot, c’est l’animal le plus anti-libéral qui soit. D’ailleurs la vie d’un chat ressemble à s’y méprendre à celle d’un chômeur d’aujourd’hui. Le chat dort en moyenne dix-sept heures par jour. Ce qui est considérable au vu du nombre d’insomniaques qui hantent la nuit noire de notre société. Il sort principalement la nuit. Comment pourrait-il alors se rendre efficace le jour comme tout bon homo oeconomicus qui se respecte? Le chat ne connaît ni les cadences infernales, ni la concurrence déloyale. Il ne supporte pas les foules anonymes. Il aime sa différence, sa liberté, son indépendance.

Le chat défend son territoire là où l’homme moderne se targue de n’en avoir aucun. Sans terre, sans patrie, sans racines, sans culture, sans identité, l’homo oeconomicus est un nomade sans foi ni loi. Il ne connaît aucune autre attache que celle de son compte en banque. Bassement matérialiste, l’homme mo-derne est un animal qui manque cruellement de grâce. Il est une bête féroce et égoïste. Le chat a quant à lui conservé toute sa malice ancestrale ainsi que sa grâce légendaire. Contrairement à l’homme moderne, le chat est un animal courageux. Pour assurer sa survie, il n’hésite pas à montrer ses griffes.

Même ses ennemis, les chiens, ne l’effraient pas, tout juste peuvent-ils le surprendre. Le chat privilégie le duel quand l’homme moderne se rue sur sa proie en bande impavide. Le chat est le remède naturel à notre société. Il soigne

les hommes de leurs dépressions et de leurs angoisses. Carresser un chat, c’est rependre goût à la vie. C’est se sauver soi-même du chaos libéral. C’est se soulager le corps et l’âme. L’ennemi du chat, le système libéral, ne s’y est d’ailleurs pas trompé. Partout où règne en maître le libéralisme, le chat est purement et simplement éradiqué. Pour ne prendre que quelques exemples parmi tant d’autres, Rome, la ville éternelle est devenue en quelques années la proie des promoteurs immobiliers. Elle a en conséquence été nettoyée de fond en comble. Si bien que le vieux forum Romain, refuge des chats s’il en est, s’est vidé brutalement de sa substance. Et c’est toute la ville impériale qui a brutalement vendu son âme au plus offrant.

Et que dire de Venise ? Plus aucun chat pour courir sur les ponts de la Sérénissime. De sombres individus à casquette éructant du globish à longueur d’années, les poches pleines de billets verts, les ont peu à peu remplacés. Lorsque les chats désertent les rues, le chaos ressurgit. Non pas le chaos qui précède l’ordre, mais bien plûtot le chaos informe qu’appelle de ses voeux le libéralisme triomphant. Ce chaos qui dévaste tout sur son passage. Privée de ses chats, la ville perd son âme. Elle renonce à son antique statut de cité enracinée. Elle se transforme en un vaste décor à l’usage des touristes ou pire en cité dortoir. Le petit peuple des rues s’efface à la suite de ses chats. Il est rejeté vers la grande banlieue, vaste no man’s land où s’achève toute Culture. A sa place, les bobos et leur pseudo civilisation hygiéniste surgissent de toute part : propreté, sécurité, fausse mixité. Le triptyque du néo-libéralisme se cale dans les cerveaux humains déjà trop abîmés pour pouvoir encore lui résister. Pour ses détracteurs, le chat est sale. Il porte en lui toutes les maladies de l’homme. Autrefois n’était-il pas brûlé en place publique, ce fier compagnon des sorcières, ce chat noir du paganisme antique?

Symbole d’une révolte totale contre le monde moderne, le chat s’oppose naturellement à la civilisation du bruit, de la vitesse et de la pollution. Il encourage la lecture, occupation devenue subversive aux yeux de la police de la pensée. Il ronronne rien qu’à cette harmonie subtile que ne connaissent plus les hommes pressés d’aujourd’hui. Ce n’est pas un hasard si le chat est l’animal fétiche de nos poètes, s’il accompagne toujours les éveilleurs de peuple dans leurs quêtes impossibles, s’il incarne encore de nos jours cette sagesse qui fait tant défaut à notre monde moderne et s’il demeure le pur symbole de notre Rébellion...< Jip de Paname.

06/04/2010

Contre le libéralisme sauvage.Pour un Socialisme Français

Article publié dans Rébellion 27 – Novembre/Décembre 2007

 

Ils sont militants, diffuseurs, collaborateurs de notre rédaction. Ils sont la force de Rébellion. Ils expliquent leurs motivations et leurs espoirs dans notre enquête sur ceux qui font vivre la démarche socialiste révolutionnaire. Un de nos camarades parisiens, nous donne sa définition de ce que devrait être une critique radicale du libéralisme.

 

Cibler l’ennemi, le circonscrire, le définir précisément, telle est la difficulté tant il semble être protéiforme de nos jours. Passé maître dans l’art du camouflage, il change de peau au gré de ses envies un peu comme un caméléon au coeur de la forêt profonde. Pourtant Carl Schmitt nous a montré la voie dans ses nombreux écrits (1). La dialectique « ami/ennemi » n’est pas un vain mot. En politique, il est nécessaire de l’appliquer à la lettre : « dis-moi qui sont tes ennemis, je te dirai qui tu es ». Nous pensons que ce rôle sied à merveille à la doctrine libérale du capitalisme moderne qu’on essaye par tous les moyens de nous imposer. Avaler une couleuvre n’est jamais chose facile surtout lorsque l’on s’y refuse. Et nous nous y refusons.

Nos sociétés « européennes avancées » sont des sociétés libérales dans lesquelles le socialisme n’est pas et n’a jamais été, j’entends le vrai socialisme. Vouloir redonner ses lettres de noblesses à un mot tant galvaudé est toujours délicat. Surtout lorsque l’on connaît la probité des gens qui s’en réclament de nos jours. Pour prendre un exemple, les « socialistes » du P « S » actuels ne sont rien d’autre que des laquais du libéralisme. Ils n’ont plus rien de socialistes. Il faut donc dénoncer sans relâche l’usurpation qu’ils font du mot socialiste. C’est là un des problèmes majeurs de notre temps. La signification même de certains mots a changé. Or, il est absolument nécessaire de s’accorder sur la définition de chaque mot employé sous peine de ne plus se comprendre. C’est donc à un véritable travail de redéfinition du vocabulaire politique que nous devons nous atteler. Pour commencer, une critique serrée de la société dite libérale est nécessaire pour dire ce dont nous ne voulons pas. Après quoi, nous pouvons passer aux propositions toujours délicates à formuler tant l’avenir semble fortement compromis. Aujourd’hui, nous ne sommes plus maîtres de la situation car nous ne sommes plus maîtres de nos vies. Il faut, et c’est urgent, reprendre le contrôle de nos vies. L’Histoire n’est pas encore finie contrairement à ce que martèlent sans cesse nos « amis » américains. Tout simplement car elle est sans cesse à réinventer. Non linéaire, l’Histoire est toujours ouverte. Non, la société libérale n’a pas encore gagné la partie ! Non, les peuples rebelles n’ont pas encore dit leur dernier mot ! Non les hommes libres ne baisseront pas les bras ! La vie est un combat sans cesse recommencé. Qu’attendons-nous pour remettre les compteurs à zéro ?

 

L’authentique socialisme français

Reprenons le débat trop tôt faussé par le libéralisme. Souvenons-nous des grands anciens, ces socialistes français, qui nous montrent la voie à suivre (2). A commencer par Charles Fourier (1772-1837) « qui voua au commerce une haine implacable, n’y voyant que mensonge, fraude, accaparement et spéculation ! ». Pour lui, « le travail doit être source de satisfaction spirituelle » et « le commerce être tout bonnement supprimé ». Pierre Leroux (1797-1871), l’inventeur du mot « Socialisme » fut quant à lui, l’un des penseurs les plus originaux du XIX° siècle. Dans ses ouvrages, il fustige « l’illusion démocratique » et « tout en stigmatisant l’individualisme, c’est sur l’individu qu’il compte pour la construction du socialisme et qu’il fonde la souveraineté ». Auguste Blanqui (1805-1881) fut plutôt un « tacticien de l’insurrection urbaine ». Il passa plus de 33 ans en prison. « Les révolutions, écrivait-il, c’est l’unique soulagement de l’âme ulcérée des travailleurs, le seul répit à leurs douleurs morales, l’instant toujours trop court qui relève leurs fronts courbés dans la poussière ». Selon lui, « il ne doit pas rester un fusil aux mains de la bourgeoisie ». « Il faut supprimer la presse bourgeoise, évincer leur église et rompre radicalement avec la classe politique, notamment les libéraux et les pseudo-socialistes ». Il n’hésite pas à écrire que « le parlementarisme n’est qu’un ramas de nullités et d’égoïsme où priment quelques artistes de la parole et certaines habiletés malfaisantes ». Au final, « la tâche essentielle de la Révolution sera d’assurer au peuple l’éducation intégrale car, selon lui, l’oppression est fille de l’ignorance ». Proudhon (1809-1865) reste quant à lui l’inestimable auteur de la célèbre apostrophe « la propriété, c’est le vol ». Selon lui, « l’autorité sans liberté qui discute, résiste ou se soumet, est un vain mot ; la liberté, sans une autorité qui lui fasse contrepoids, est un non-sens ». A l’idée de progrès, il préfère « la recherche constante d’équilibres nouveaux ». Comment ne pas évoquer aussi sa fameuse théorie de la « force collective » supérieure à l’addition des forces individuelles qui la composent et « sa division de la société en paysans enfin maîtres du sol, en une myriade de petits fabricants et artisans et pour finir en compagnies ouvrières intelligentes et fières ». Proudhon fut, en tant que socialiste français, un adversaire déclaré du « communisme » bureaucratique et totalitariste qui ne ferait à ses yeux que substituer un nouvel esclavage à l’ancien. Toujours selon Proudhon, « chaque homme doit jouir des mêmes droit à condition de remplir les mêmes devoirs ». Il ne faut pas oublier que c’est à lui que l’on doit une grande part du principe de l’autogestion ouvrière, partagé tout autant par le syndicalisme révolutionnaire que par l’anarchisme. Il rédigea même une petite brochure intitulée « de la capacité politique des classes ouvrières » que l’on peut qualifier de véritable catéchisme du mouvement ouvrier français. Georges Sorel (1847-1922) fut le grand théoricien du syndicalisme révolutionnaire, notamment à travers son maître ouvrage « Réflexions sur la Violence », où il compare le phénomène de la grève générale aux élans d’une guerre. Jean Jaurès fut l’héritier politique des « socialistes français » dans leur ensemble, lui qui refusa jusqu’au dernier moment le suicide de l’Europe. Il paya de sa propre vie son combat pacifiste. Et l’on se prend à rêver de ce qui serait advenu si les foules l’avaient suivi plutôt que de répondre aux sirènes du nihilisme de la Grande Guerre. Nous pouvons aussi citer des auteurs majeurs venus du monde anglo-saxon, au premier rang desquels George Orwell et Christopher Lasch. Mais, amis lecteurs, attention. Il ne s’agit pas de vivre dans la nostalgie d’une époque bénie ou d’un passé révolu. Ce bref rappel doit nous servir de base en vue d’une contre-attaque sévère des lignes libérales ennemis. Il s’agit de s’inspirer de nombre de ces réflexions pour en faire vivre les principes. Le socialisme français a évolué, il s’est adapté. Il doit retrouver dès à présent tout son mordant pour propulser l’ensemble de la société française vers l’avenir.

 

Le libéralisme, fils de la bourgeoisie

La bourgeoisie possédait depuis toujours le pouvoir économique. Elle est fille de la banque. Mais l’argent seul ne suffit pas. Il faut pouvoir l’utiliser à sa guise. Avant de pouvoir donner libre cours à toutes ses fantaisies, un obstacle de taille se présentait sur son chemin : le pouvoir politique. Avec la chute de l’Ancien Régime et la disparition de l’aristocratie traditionnelle, ce fut chose faite. La bourgeoisie s’attaqua ensuite à toutes les classes de la société. Elle répandit partout l’appât du gain. Et en fin de compte, elle opéra une véritable « révolution des moeurs », l’argent devint le seul référent.

Ce système s’incarna dans un pays : les Etats-Unis. La fascination de nos élites pour « l’american way of life » est tout simplement consternante. Elles veulent imposer ce modèle à la France et l’Europe. Le libéralisme maximaliste de la société américaine, c’est la guerre de tous contre tous. Société de déracinés qui s’est construite contre l’Europe, l’Amérique est aussi la société de tous les racismes. Car, ce n’est pas en agrégeant des communautés disparates que l’on construit un peuple. Ainsi les différentes communautés qui séjournent sur le sol américain s’ignorent-elles totalement. Elles vivent parquées dans des quartiers, ou plutôt des ghettos, les unes à côté des autres et sans aucun contact. Le seul lien qui les unit est l’argent. Aux Etats-Unis, le dollar est roi et seule la réussite matérielle importe. Savoir qu’une partie non négligeable de la jeunesse de France a pour modèle les States est inquiétant. La sous culture consumériste US se répand dans le monde comme un torrent de boue…

Le Libéralisme contre les peuples

Détruire les peuples, tous les peuples de la planète, tel semble être l’éternel mot d’ordre du libéralisme. Pourquoi s’attaquer aux peuples avec un tel acharnement ? Tout simplement parce que les peuples sont beaucoup trop dangereux pour la « nouvelle idéologie ». Ils peuvent résister passivement. Ils peuvent lutter activement. Ils peuvent se rebeller, se révolter. Ils peuvent même vaincre. L’histoire est là pour le prouver. Une mosaïque de communautés, que l’on tente de créer en France, en est quant à elle totalement incapable. Car la communauté qu’il faut bien distinguer du peuple est impuissance par essence. Elle est constamment sur la défensive. Elle s’affronte à d’autres communautés ennemies. Mais elle est bien trop faible pour lutter contre « le Tout Libéral ». Et que dire de l’agrégat d’individus ? L’homme seul est profondément vulnérable et surtout il est totalement inoffensif. Perdu dans des immenses mégalopoles sans liens avec les autres humains et la nature. Le prochain objectif du libéralisme sera la destruction de la famille (ultime refuge contre l’atomisation de la société) et des derniers vestiges du « monde d’avant » (campagnes, quartiers populaires, solidarités du quotidien).

 

La société libérale, c’est la société du spectacle

et de la consommation

La société libérale est une société spectaculaire. Tout y est spectacle, en permanence, chaque jour, chaque heure, chaque minute, chaque seconde, partout et nulle part à la fois…

Le Spectacle c’est le grand remue ménage du rien, c’est le vide intersidéral de la pensée, parfaitement incarné par le phénomène télévisuel que nous connaissons bien aujourd’hui. La réalité n’existe plus dans la société libérale avancée. On y vit par procuration. Les autres, les héros du petit écran vivent pour nous. Alors à quoi bon bouger de son canapé. Le sentiment du tragique, celui de pouvoir contrôler sa propre destinée, de pouvoir l’influencer, ont disparu depuis fort longtemps. Tous ces signes, tous ces chiffres que sont les images ne sont pas neutres. Ces dernières agissent sur nos cerveaux comme un leitmotiv : laisse-toi faire et consomme. Tel pourrait être le mot d’ordre de la société de masse dans laquelle on vit. La consommation, ce sont ces affreuses grandes surfaces qui s’alignent à perte de vue dans les zones commerciales on ne peut plus glauques, ces queues à n’en plus finir aux caisses des supermarchés, ces caddies remplis à ras bord d’objets inutiles tous plus chers les uns que les autres, ces voitures alignées devant des pompes à essence inertes…

La consommation, c’est le règne de l’inutile et de la vitesse. C’est le triomphe du vide, c’est le désespoir le plus total, c’est la dépression, c’est le suicide des jeunes à qui la société n’offre rien d’autre que le pouvoir d’achat, c’est ce monde sans aucune issue possible. C’est la solitude démentielle des grandes villes et la naissance d’une race hybride, mi-robot, mi-esclave…

 

Ce que nous voulons

De même que nous refusons l’uniformisation au sens large, nous refusons le port de l’uniforme obligatoire : jean, basket, ipod, coca et macdo. Nous ne voulons pas non plus nous plier aux diktats de la mode en vigueur. Nous rejetons en bloc la post-modernité décadente de la société occidentale. Dans un même ordre d’idées, nous dénonçons l’adoption générale du « système des objets » car avant de posséder des objets ce sont bel et bien les objets qui nous possèdent. Nous n’acceptons en aucune manière le règne sans partage de la « médiacratie » et du système publicitaire qui l’accompagne. Nous dénonçons cette agression permanente et totale des images et des slogans qui pervertit l’humanité. Nous récusons en bloc l’ « idéologie du Même » où tout le monde est interchangeable : les mêmes envies, les mêmes désirs, les mêmes destins, les mêmes fatalités, les mêmes fins. Nous revendiquons le droit d’être différents, de penser différemment, de vivre d’une autre manière.

Nous refusons pour autant de baisser les bras. Nous ne voulons plus de l’idéologie libérale niveleuse et égalitariste par en bas. Nous rejetons la fatalité. Nous réclamons le droit de vivre, tout simplement. Pour cela, nous appelons de nos voeux une véritable Démocratie Organique et non cette vague soupe parlementariste que l’on nous sert tous les jours au « vingt heure ». Nous voulons que le peuple reprenne le pouvoir par la voix référendaire. Nous voulons que les élus du peuple habitent les quartiers populaires. Nous voulons des hommes courageux pour nous représenter, des hommes qui montrent l’exemple, des hommes sans ambitions personnelles, des hommes modestes. Nous dénonçons l’inutile domination des partis et de leurs hommes liges. Dans un même ordre d’idées, nous vomissons le règne de l’argent et tous ceux qui s’y laissent prendre. Nous nous érigeons contre le système boursier, contre les patrons du Cac 40, contre l’actionnariat, contre le dieu dollar et contre la religion du tout profit. Nous ne voulons pas d’une planète morte, de ce « cauchemar climatisé » dont parlait Henry Miller. Nous condamnons le saccage des forêts, le tout voiture, le tout avion, la pollution qu’engendre la société de consommation.

 

Nous nous battons pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Nous appelons de nos voeux un monde multipolaire avec des ensembles civilisationnels fiers de leurs spécificités et identités. Nous affirmons que dans ce « Nouveau Monde », chaque homme « pensera global et agira local ». Nous réclamons haut et fort l’application généralisée, partout et en tout lieu du « Principe de Subsidiarité ». En conclusion, nous récusons toutes les idéologies de masse chères au défunt vingtième siècle : libéralisme, communisme bureaucratique et nazisme. Nous désirons un véritable socialisme, porteur d’espoir pour tous les peuples. Nous voulons des hommes libres. Nous voulons un avenir pour nos enfants.

Nous rejetons la guerre et le terrorisme. Et par-dessus tout, nous rejetons la société libérale qui nous a vu naître…< Jip de Paname

 

NOTES

1>Carl SCHMITT, La notion de politique, Théorie du Partisan, Calmann-Levy, 1972

2>Dominique BIHOREAU, La pensée politique et sociale en France au XIX° siècle, Ellipses, 1995.

16/03/2010

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09/02/2010

Rébellion 40 est disponible !

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Au sommaire du numéro 40


Un long entretien avec Thierry Mudry sur l’histoire du conflit irlandais.

Entretien avec Jean Paul Malrieu sur la résistance à la mondialisation.

La recherche scientifique face aux attaques du Libéralisme

L’Histoire sous influence, ou comprendre le rôle de l'idéologie actuelle dans son enseignement.

La figure du rebelle dans le cinéma US

Plusieurs chroniques livres…



EDITORIAL.

"ESPECE HUMAINE ET CROÛTE TERRESTRE"

"S'il est vrai que le potentiel industriel et économique du monde capitaliste est en augmentation et non en baisse, il est tout aussi vrai que plus il se développe, et plus les conditions de vie de la masse humaine face aux cataclysmes naturels et historiques empirent. [...] Le haut capitalisme ultra- moderne a fait plusieurs pas en arrière dans la lutte de défense face aux agressions des forces naturelles contre l'espèce humaine au point de renverser l'avantage qui lui venait du progrès de la science théorique et appliquée; et les raisons en sont strictement sociales et de classe." Amadeo Bordiga. (1)

Le début de l'année 2010 aura été marqué par un terrible séisme en Haïti donnant lieu à un élan légitime de compassion, de par le monde, envers les victimes d'un pays déjà lourdement marqué par une histoire et une situation sociale, économique et politique, peu enviables. Cette catastrophe est emblématique - non sur le plan des causes géologiques bien entendu - de la condition subie par des masses humaines déshéritées, survivant au sein du chaos social produit par la dynamique du capital et de l'exploitation médiatique, idéologique et géopolitique qu'en fait la classe dominante. Nous ne reviendrons pas sur l'histoire d'Haïti à propos de laquelle chacun peut se documenter mais rappelons qu'une fois l'esclavage aboli à la suite de la révolution française et aussitôt rétabli, le peuple haïtien avait déjà payé cher sa lutte pour l'indépendance nationale contre les armées bonapartistes puis napoléonniennes et continua pendant des décennies à indemniser les anciens colons esclavagistes; ce qui greva substantiellement son économie jusqu'au début du 20°siècle où l'impérialisme étasunien intervint dans le pays pour l'occuper manu militari durant une vingtaine d'années et de façon plus discrète par la suite. Après 1945, des tyrannies ubuesques achevèrent de conduire Haïti au fond d'un abîme de misère. La situation stratégique du pays ne pouvait laisser indifférent l'impérialisme yankee étant donné l'enjeu du contrôle de la zone caribéenne, la proximité de l'île cubaine et par voie de conséquence, à partir du milieu des années cinquante, de l'influence ultérieure que la révolution castriste pouvait diffuser au sein du continent latino américain. Il suffit de se souvenir de l'intervention militaire étasunienne en République Dominicaine durant les années cinquante et plus près de nous, des interventions au Panama et à la Grenade sans compter les multiples soutiens aux coups d'Etat militaires et autres coups tordus (Nicaragua) dont le plus récent est celui du Guatemala. Aux conditions économico-sociales d'un pays issu du colonialisme esclavagiste et du néo-colonialisme (subi par une foule de nations) s'adjoint la situation géostratégique de proximité des côtes étasuniennes. Cela fit beaucoup pour ce qui fut un des premiers pays d'Amérique latine à obtenir l'indépendance.

Plus globalement, la paupérisation haïtienne illustre la quasi impossibilité dans la quelle se trouvent la plupart des pays défavorisés à l'époque contemporaine du triomphe du capital, d'accéder à une vie sociale décente. Certains grands pays dits "émergents" tirent plus ou moins leur épingle du jeu (Chine, Inde, Brésil par exemple) mais cela ne se fait d'ailleurs pas sans douleurs, tiraillements, conflits sociaux et déracinements de populations venant grossir le flot des migrants vers le mirage occidental. Le schéma libéral convenu selon lequel ce processus accoucherait (probablement par l'intervention miraculeuse de la main invisible) mécaniquement de la constitution de classes moyennes se développant de manière exponentielle dans une spirale économique ascendante vertueuse fait évidemment la part belle à l'optimisme métaphysique de la théodicée marchandisante. Ne se développent réellement - et toujours à un niveau plus démentiel - que les contradictions internes au système de la valeur en procès. La majorité des nations, quant à elles, s'enfoncent de plus en plus dans la misère et le chaos. Au pillage économique des ressources naturelles par les puissances impérialistes, s'ajoutent des déstabilisations voulues pour des raisons géopolitiques de positionnement sur les axes principaux du contrôle des espaces terriens, aériens et maritimes. On vit en Haïti, accourir des sauveteurs humanitaires mais hélas également, tout l'appareil militaire étasunien débarquant sous prétexte de sécurisation du pays décapité au plus haut sommet, de ce que l'on a quand même du mal à appeler, de l'Etat. Sans catastrophe naturelle, le pays était déjà plongé dans un désordre hallucinant, on peut évidemment imaginer ce qu'il en est depuis lors. Non contentes de mettre des bâtons dans les roues à certains secours venus de France et d'autres pays de la région, les troupes étasuniennes poussèrent parfois le zèle jusqu'à substituer leur propre drapeau au drapeau haïtien sur ce qui restait debout de bâtiments officiels! Cynisme et puérilité habituels de l'impérialisme yankee... Réalisme, néanmoins, d'une puissance qui ne laissera pas s'approfondir sans réagir l'expérience bolivarienne (2) dans la zone latino américaine et qui au milieu même des séismes géologiques tente de neutraliser tout autre intervention, même pacifique, de nations suspectes à ses yeux. Quant à la présence immédiate de représentants israéliens accourus sur place, cela laisse songeur.

Face à la manipulation d'une situation aussi tragique pour ceux qui en sont victimes, on ne peut qu'envisager ce que les ressources offertes par le socialisme opposeraient à une telle situation d'urgence. Coopération fraternelle sans ingérence tout d'abord. On nous rétorquera que l'aide humanitaire et les dons arrivent de toutes parts et on nous fait miroiter la reconstruction du pays. Certes, mais il est bien question de mettre véritablement le pays sous tutelle et il n'est pas besoin d'être grand clerc pour deviner sous la coupe de qui. Subsidiairement quelques marchés immobiliers juteux feront l'objet de tractations mercantiles mais sans que la condition de l'immense majorité des haïtiens ne s'en trouve réellement améliorée. De surcroît, la possibilité de telles secousses sismiques montre que la concentration de population dans une espèce de magma urbain, causée par l'exode rural, relève de la démence pure et simple du capitalisme. Sans rêver d'un monde parfait à l'abri de toute anicroche, il est pertinent de concevoir l'existence d'immeubles résistant mieux à la violence de telles catastophes et surtout d'envisager une répartition plus harmonieuse de la population sur la surface terrestre. Evidemment, cela est inconciliable avec les lois inhérentes au fonctionnement de la boulimie du profit capitaliste. L'île d'Haïti que Christophe Colomb décrivait comme étant la perle des Antilles est soumise depuis longtemps à un désatre écologique de déforestation, d'érosion des sols accompagnée d'une agriculture déficiente, l'ensemble conduisant à un entassement de la population dans des bidonvilles, une émigration de fuite et de désespoir. C'est le tableau habituel qu'offrent les "Tristes Tropiques" et autres lieux d'une humanité à la dérive. Les destinations touristiques de rêve marchandisé ne montrent que spectaculairement l'envers de coulisses macabres où s'inscrit le martyrologe des peuples aliénés à la domination de la valeur, soumis aux séismes et tempêtes sociaux et candidats à la nomadisation déracinante des conditions mondialisantes, des flux uniformisants de la circulation marchande.

Le prolétariat peut mettre fin à la désorganisation anarchique de l'occupation de la croûte terrestre, à sa dévastation, à sa transformation en bidonvilles mondialisés. Les prolétaires peuvent trouver la force de se camper bien droits sur la terre, offrant résistance aux tourbillons soulevés par les tempêtes de la crise capitaliste. Le seul séisme qui vaille, est celui qui ébranlera le sol pourri du capital et qui verra se réenraciner les peuples dans des lieux leur étant propres, distingués par leur pratique sociale autonome, façonnés par leur socialisme et leur culture propres, se réappropriant de facto, ce que Marx appelait leur Gemeinwesen (communauté, nature humaine, être social, essence communautaire).

NOTES:

1) Crue et rupture de la civilisation bourgeoise. Battaglia Comunista. N° 23/1951. Traduit dans Espèce humaine et croûte terrestre. Ed. Petite bibliothèque Payot. 1978.

2) Simon Bolivar avait appareillé d'Haïti pour libérer l'Amérique latine. Le Libertador reviendra-t-il?..

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