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14/10/2014

Les étapes de la lutte des classes contemporaine : Mai 68

Depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, la lutte des classes n’a cessé d’être une réalité. Les années de relative prospérité des « Trente Glorieuses » ne furent pas aussi idéales que l’on nous les présente, elles furent une brève parenthèse où le patronat dut faire quelques concessions à un mouvement ouvrier particulièrement combatif et conscient, dans le contexte d’une confrontation avec le Bloc de l’Est .

Dès la fin des années 1970, le capitalisme entreprit une transformation sans précédent de son fonctionnement. La mise en place de l’ultra libéralisme, accompagnée par la Droite et la Gauche, allait détruire les fondements traditionnels de la classe ouvrière et déclencher une crise profonde dans la société européenne. Face à ses attaques, les travailleurs tenteraient de résister sans aucune aide. La trahison de la Gauche et des syndicats, les gesticulations de l’Extrême Gauche (sous ses divers avatars, du trotskisme aux alters de tout poil) et la stérilité d’une Extrême Droite « populiste » ne facilitèrent pas leur tâche. Mais les défaites sont toujours des leçons utiles pour les victoires de demain…

Article paru dans le numéro 30 (Mai/Juin 2008) pour « démystifier » un épisode clé de l’histoire contemporaine.

 

Adresse aux prolétaires sur le quarantième anniversaire de Mai soixante-huit.

Notre propos est clairement centré sur les termes de l’Adresse ci-dessus énoncée. Pourquoi commémore-t-on un anniversaire ? Cela va-t-il de soi ? Il en va probablement de l’identité et de l’avenir de l’être en question. Sur le plan historique il s’agirait d’évoquer la signification ou/et les causes de « l’évènement », sa portée au présent et de « tirer des leçons de l’histoire ». Or, l’histoire de Mai 68 n’a pas encore été réellement écrite. Le serait-elle dans sa véracité qu’elle plongerait plus d’un dans un abîme de perplexité, notre époque ayant porté au sommet d’un art majeur la pratique de l’occultation et de la manipulation. Ce qui est visible ne l’est que spectaculairement. Néanmoins des voix discordantes commencent à se faire entendre à contre courant des versions officielles. Notre but n’étant pas de plaire, nous les appuierons de notre contribution, en précisant que nous nous adressons aux prolétaires conscients, c’est-à-dire, à ceux, pour qui les jeux ne sont pas faits, pour qui le capitalisme n’est pas l’horizon indépassable de la praxis humaine.

II

Il est légitime de replacer Mai 68 dans un contexte de plus longue durée que celle de l’évènementiel et de manière concomitante au sein de processus s’accomplissant un peu partout dans le monde. Ainsi, d’un certain bouillonnement de contestation axé contre l’impérialisme américain au Vietnam durant les années 60 et d’une certaine perception des débuts d’une crise économique qui irait en s’approfondissant ultérieurement dans les places fortes du capitalisme. Néanmoins, il se produisit quelque chose d’important en France. Les diverses versions officielles ont raison sur un point, et en général c’est pour le glorifier : ce fut un moment de rupture. En un sens, celle-ci fut bien radicale. Même lorsque Sarkozy affirma qu’il faut en finir avec l’héritage de Mai 68, il s’agit paradoxalement de l’hommage du vice à la vertu. Toute l’ambiguïté réside dans la nature de cette vertu. Justement, celle-ci rendit possible la réussite d’un fervent de l’atlantisme s’élevant avec toute une clique sur le cadavre du gaullisme et de son esprit d’indépendance. Le libéralisme sarkozyen dépasse tout en le conservant (pastiche de l’Aufhebung hégélienne) l’héritage soixantuitard. Subvertir les points de repère et comportements d’une société tout en élevant le résultat de cette subversion au rang de sérieux pour en faire le terreau d’une réforme du capitalisme, voilà qui est vraiment « révolutionnaire ». Du passé a été fait table rase. C’est la source libérale/libertaire de 68 que certains auteurs ont, avant nous, identifiée comme promotion de la subjectivité hédoniste, revendicatrice, constamment insatisfaite sur le plan de ses droits. Sans attaches, cette machine désirante est configurée selon les critères de la société marchande mondialisée. Ce modèle anthropologique aliénée est hautement prisé de nos jours, dans la mesure où le souci de soi s’apparente au fonctionnement d’une micro entreprise autogérée. Au sein de l’entropie sociale généralisée, la dynamique cellulaire individuelle demande constamment à être relancée afin de se survivre à elle-même. Mais ce n’est là qu’une illusion radicale masquant sa finitude non assumée authentiquement. La mort n’est pas surmontable par le narcissisme. Aussi, nos contemporains atomisés ne peuvent-ils que reproduire à l’infini « l’homme unidimensionnel ». Mais cela est bien suffisant pour que le système se perpétue. Et là où la tension avait été une des plus âpres, en France, où avait été théorisé le pouvoir de « la subjectivité radicale », est dit clairement maintenant qu’il s’agit d’en finir avec ces enfantillages. En finir avec les images de l’utopie pour ne conserver que les rouages de la machine économico politique désirante : la pratique vertueuse du libéralisme quotidien. Au-dessus de la massification citoyenniste règne sans partage la classe dominante porteuse du projet mondialiste qui avait tant d’obstacles et de résistances à renverser. Qu’importèrent les moyens utilisés pour ce faire. Au terme de quatre décennies écoulées, nous voilà au seuil d’une réintégration sans état d’âme de la France au sein de l’OTAN et l’imaginaire social, par ailleurs, n’a jamais été autant capté par la réification marchande.

III

Pour d’autres, il y a la nostalgie non assumée en tant que telle. Mai 68 serait la source à laquelle devraient s’abreuver les combats futurs car la Gauche n’a pas baissé les bras et dans sa plus ou moins grande radicalité nous promet toujours de belles et grandes choses. Dans quel abîme d’obscurantisme ne serions-nous pas plongés si les luttes héroïques soixantuitardes (principalement celles dont héritent les bobos), ne s’étaient pas produites ? Le mythe des Lumières a la vie dure. Certains n’ont pas encore dessillé les yeux sur la nature de « l’Union de la gauche ».

Il y a, enfin, ceux pour qui Mai 68 vit la résurgence d’un courant authentiquement révolutionnaire après qu’aurait soufflé pendant quelques décennies (les avis divergent sur le nombre) le vent glacial de la contre révolution (« il est minuit dans le siècle »). Il est vrai que pour une minorité significative de révolutionnaires, la période des années 60-70, fut l’occasion de se réapproprier un certain nombre d’idées, de débats, de prolonger la réflexion doctrinale en s’appuyant sur la connaissance de courants marginaux issus du mouvement ouvrier (conseillisme, gauche communiste internationale, etc.). Cela était bien plus pertinent et intéressant que le crétinisme gauchiste et eut l’immense avantage de mettre en avant la critique de la mystification démocratique sécrétée par le capital. Ne serait-ce que par le recul pris envers les insuffisances et les naïvetés de Mai 68, ce courant de gauche communiste renaissant s’est quand même positionné par rapport à cet ensemble d’évènements importants. Il semblait alors possible de penser que venait de prendre fin une longue période de contre révolution débutée par le reflux des luttes surgies dans le sillage de la révolution d’Octobre et consolidée par la seconde guerre mondiale suivie du plan Marshall. Au delà des banalités de la critique de la société de consommation, le prolétariat réapparaissait en tant que sujet historique autonome agissant à travers le mouvement de grève générale et des occupations de Mai 68 en France et ultérieurement en Italie. D’autant que la classe ouvrière n’allait pas tarder à s’apercevoir durant la décennie suivante que le capitalisme n’était pas à l’abri de crises majeures ayant comme résultats un ensemble de restructurations mettant à mal les conditions d’existence des travailleurs (désindustrialisation, délocalisations, explosion du chômage). C’est alors que pesèrent des facteurs politiques majeurs dont il est loisible d’évaluer la portée avec le recul des ans.

IV

Il est toujours plus ou moins hasardeux de désigner tel ou tel moment ou facteur déterminant du cours de l’histoire. Cela induit un effort d’explication de celui-ci, ce qui dans le fond ne pourrait reposer que sur une méthode expérimentale dont l’application à l’histoire est quelque peu inadéquate. Mais un effort de compréhension et donc d’évaluation de ce qui est significatif peut être tenté. Nous voyons s’articuler deux éléments politiques majeurs autour du Mai 68 français. L’élimination du Général De Gaulle et l’affaiblissement du Parti Communiste Français ; deux forces opposées mais néanmoins complémentaires. Celles-ci témoignaient de la spécificité de la France en Europe Occidentale. D’un côté, l’indépendance gaullienne à l’égard de l’OTAN, de l’impérialisme étasunien et se donnant les moyens stratégiques et diplomatiques de l’être ; de l’autre, le parti communiste le plus puissant à l’ouest de l’Europe, héritier d’une tradition de résistance au capital bien enracinée.

La tentative gaullienne de rapprochement franco-allemand en 1963 avait été sabotée par les Etats-Unis. Il fallait rendre impossible la constitution d’un noyau fort européen échappant à l’hégémonie atlantiste. La déclaration du Président français sur l’indépendance du Québec, la guerre des Six Jours, l’agression impérialiste au Vietnam et la critique de la prééminence du dollar firent déborder le vase. Il fallait éradiquer le Général ; la trahison d’un certain nombre de ceux qui étaient sensés lui être proches facilita la manœuvre. L’URSS, quant à elle, n’avait aucun intérêt dans cette opération, percevant bien les manigances étasuniennes. De là, l’attitude modératrice du PCF durant les journées de mai. Corrélativement, était rendue possible la surenchère maximaliste gauchiste dont les organisations avaient été forgées à cette fin. La CIA et le Mossad n’y furent pas étrangers. Les chefs gauchistes furent remerciés de leur action et grassement rétribués, leur réussite sociale en témoigne ; ils sont, depuis, comme des poissons dans l’eau (des piranhas) non au sein des masses mais dans le fleuve fangeux du libéralisme. Le sale boulot terminé, certains d’entre eux décrétèrent leur autodissolution tandis que subsistait une frange d’irréductibles, manipulée par l’appareil d’Etat à des fins de terrorisme intérieur. Cela prit une autre dimension en Italie où le même appareil testa la stratégie de la tension. Dans les deux cas on désorienta les classes ouvrières les plus expérimentées et les plus conscientes de l’Europe occidentale.

V

Rappelons que sur le plan international, Mai 68 fut contemporain du soit disant « Printemps de Prague » et de l’intervention, au mois d’août, des troupes du Pacte de Varsovie en Tchécoslovaquie. Pour ce quarantième anniversaire, la bourgeoisie aime à rappeler cet évènement dans le style d’une nouvelle fable évoquant le « printemps des peuples » ayant ultérieurement abouti à la dissolution du bloc socialiste à l’est et à la légitimation de celle-ci. L’affaire est plus obscure qu’on ne le dit. On peut regretter cette immixtion impérialiste à Prague (point de vue défendu à Tirana à l’époque, par exemple). Mais, du point de vue géopolitique, la machine à déstabiliser l’Europe de l’ouest et de l’est, était lancée. Il était inévitable que l’URSS, se ressaisissant momentanément sur le plan géostratégique durant la période Brejnev, ripostât. Au-delà des balivernes sur « le socialisme à visage humain », on peut s’interroger sur les intentions véritables à long terme de Dubcek et de son entourage. Le PCF commit alors l’erreur, ainsi que dans les années qui suivirent, de reprendre à son compte la rhétorique des droits de l’homme. On voit, depuis, ce qui lui en coûta malgré sa course de rattrapage derrière l’attelage de la social démocratie mâtinée de trotskisme. Même son soutien à l’intervention soviétique en Afghanistan fut maladroitement légitimé. On perçoit mieux de nos jours ce qui se jouait réellement là bas.

VI

1968-2008 : quarante ans de lavage des cerveaux à base de droits de l’homme, de triomphe de la démocratie, de chute du communisme, etc. La réalité à la fin : des sommes astronomiques englouties par le capital pour déstabiliser l’URSS, mettre sur pieds une Europe fantomatique, soumettre tous les peuples au processus de mondialisation économique et idéologique. Et tout cela afin d’écarter le spectre qui hante la mauvaise conscience de la bourgeoisie : la praxis révolutionnaire du prolétariat qui avait osé relevé la tête en ces journées de mai. Ce fut l’ambiguïté de cette période. L’idéologie qui progressait dans la société –et cela n’est jamais accompli de manière uniforme et monolithique- était libérale/libertaire. Elle n’était évidemment pas mise en avant et portée par les ouvriers. Mais au gré de l’explosion médiatisée de ces journées là, les travailleurs se prirent à rêver et à agir. Ils n’étaient donc pas réconciliés avec l’esclavage salarié et leurs consciences n’étaient pas totalement asservies à l’idéal consumériste. Ils prirent des risques, engagèrent leurs vies (répression sanglante en juin 68 aux usines Peugeot de Sochaux). On comprit ce qu’est la violence prolétarienne organisée lorsque les travailleurs agissent par eux-mêmes et non en fonction d’intérêts corporatistes limités, balisés par la bourgeoisie. Il fallut étouffer cela, la Gauche sociale démocrate et pseudo révolutionnaire s’en chargea, jugulant lentement ce qui restait de conscience et d’organisations révolutionnaires ou potentiellement révolutionnaires (Union de la Gauche, années Mitterrand, antifascisme fantasmée, immigrationnisme forcené, citoyennisme, etc.).

Le prolétariat est-il soluble dans la mondialisation ? Désorienté certes, il l’est. Et surtout par l’ampleur des enjeux et de la lutte qu’il faudrait engager pour y répondre. La barbarie déchaînée par le capital pour se perpétuer est vertigineux (paupérisation de milliards de personnes sur tous les continents, destruction accélérée des écosystèmes, guerres meurtrières dont de nombreux conflits conduits ou directement instrumentalisés par Les USA et ses alliés). Ce n’est pas parce que la configuration traditionnelle du prolétariat s’est modifiée, en France et en Europe en particulier, à cause de la désindustrialisation, des délocalisations et des tâches dites virtuelles, qu’il se serait évanoui dans la nature. Les travailleurs exploités constituent l’immense majorité de la population, les efforts accomplis par la bourgeoisie pour lui extorquer toujours plus de profit en sont la preuve. 

Les lignes qui précèdent ont donc pour but de montrer la voie du ressaisissement, la formulation de la critique du mensonge institué et la prise de conscience de la réalité de ce qu’est la lutte des classes : un rapport de forces plus ou moins mouvant. A nous de l’incliner du bon côté.

Jean Galié 

 

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12/10/2014

Résistance offensive !

En tant qu’européen, j’ai conscience de me mouvoir dans une époque en perdition. Le terme de « crise » revient fréquemment. Crise financière d’abord. De celle ci il ne sera pas question, la priorité lui étant largement accordé lors des grandes messes télévisuelles. Car il en existe d’autres, plus subtils, moins visibles. Je voudrais évoquer ces déficits de combativité, d’idéalisme, d’action, autant de phénomènes plongeant les peuples d’Europe toujours plus près de la fosse sceptique du nihilisme.

Nous avons assisté à la chute de grandes idéologies, qu’il s’agisse du socialisme étatique ou encore du fascisme corporatiste mussolinien. J’irai même plus loin en arguant que nous sommes les témoins directs de la mise au tombeau, lentement mais surement de notre démocratie représentative (qui ne représente qu’elle même). Interrogez un européen à l’heure d’aujourd’hui et je suis persuadé qu’il vous dira en son for intérieur tout le mal qu’il pense des technocrates de Bruxelles. Pourtant cette même personne s’en contente, ne fait finalement qu’établir un constat, aussi douloureux soit t-il.

L’analyse des organisations qu’établit le sociologue Michel Crozier dans son ouvrage fameux Le Phénomène Bureaucratique pourrait peut être nous éclairer. A l’image des employés de SEITA, nous préférons accepter tacitement les dispositions d’un système insidieusement et indirectement en contradiction avec nos véritables valeurs car ce dernier nous accorde un espace – réduit – de liberté – illusoire puisque faisant partie d’un grand tout organisationnel prévu d’avance, rappelons l’adage de Pierre Kropotkine : « Les libertés ne se donnent pas elles se prennent »-. Afin « d’optimiser » (recherche de la performance) et de rentabiliser (recherche de profit) au mieux ce périmètre factice, nous croyons bon de nous soumettre à l’entièreté des injonctions d’une des instances de notre régime, la médiacratie. Elle est le principal organe de cette idéologie hédoniste, nous poursuivant de son odeur mortifère en tout lieux, (centres commerciaux bien entendu, transports en commun, autoroutes, rues) et sous un nombre variés de formes (visuelles, orale).

En acceptant la soumission au, pour reprendre une expression chère à Alexis de Tocqueville, « despotisme démocratique », en échange d’un échantillon de bon plaisir, nous mutons progressivement en une masse sous perfusion constante, tels des sidaïques se transmettant inconsciemment ces MST que représentent les médias ou encore la voix de ces nouveaux prophètes détenant les vérités révélées auquel nous devons tous croire que sont les experts (à une idée un visage)… En clair, tout est fait pour nous empêcher de nous retrancher afin, dans une optique jungerienne de « recourir à nos forêts ». Cette médiocratie dans laquelle l’Europe se décompose semble sans échappatoire, toute velléité pouvant être qualifié de « révolutionnaire » (de manière à provoquer un changement, un choc aux conséquences politiques et idéologiques concrètes s’inscrivant dans la durée) étant rendu impossible. Alors, « que faire » ?

Partir du principe que, comme le dirait Ernst Niekisch, que « résistance est activité ». Rester en éveil, à l’écoute de sa pensée pure et vraie, debout et en mouvement. Il ne s’agit pas de s’imaginer en rebelle devant l’éternel, annonçant tel le héraut médiéval la libération prochaine des consciences européennes et ainsi d’espérer récolter l’admiration de ses pairs. Au contraire, il s’agit de mettre son individualité au service du collectif, en somme, penser pour « faire » penser, être l’une des multiples étincelles pouvant enflammer le brasier. C’est cette mission que se donne l’OSRE depuis sa création.

Par le camarade Dazibao 











 

24/09/2014

Editorial 66 : Lou Mistrau me fa cantar...

Le Président de ce qui subsiste de la République française se soucie comme d'une guigne du sort des ouvriers de Saint-Nazaire travaillant à la construction des navires "Mistral" que la France devait livrer à la Russie. Ce n'est pas que nous soyions des chantres du productivisme militariste mais dans les conditions actuelles la livraison , suspendue dorénavant, de ces bâtiments de combat assurait leur existence économique à quelques centaines de travailleurs. Mais Hollande est grand Prince, il est généreux avec la peau d'autrui, surtout lorsqu'il s'agit de prolétaires ; il peut sacrifier des milliards d'euros que la Russie ne manquerait pas de lui réclamer en cas de rupture du contrat. Le peuple français paiera (1).

Le Président, quant à lui, est comme la cigale de la fable, il préfère chanter les louanges de l'OTAN et de la démocratie proclamée urbi et orbi, il s'associe aux chœurs des pleureuses de la haute finance qui sentent bien dépourvues de profit suffisant pendant que la paupérisation empoigne les travailleurs. Il entonne un péan à la gloire d'Obama et des Etats-Unis, s'associant à leur entreprise guerrière en Irak et en Syrie, ne sachant comment leur faire plaisir et s'en faire aimer. Il souffle dans les trompettes de Jéricho qui abattront les murailles d'un Etat islamique quasi insaisissable et mouvant mais omniprésent dans les zones géopolitiques sensibles. Il se fait le relais des hosannas d'Israël lorsqu'il s'agit de massacrer le peuple palestinien. Et puis un grand vent mistralien a traversé sa boîte crânienne, là il y trouva un symbole puissamment adéquat pour signifier sa soumission à l'ordre atlantiste! Tout le profit est pour vous, nos chers maîtres! Que pourrions-nous faire de plus pour nuire à la Russie et appuyer votre offensive en Europe orientale? Nous donnons l'exemple à nos partenaires de l'UE afin que celle-ci soit votre féale ad vitam aeternam. En récompense nous espérons participer à la danse dionysiaque qui, grâce au traité transatlantique, rendra exsangues les prolétaires européens. Nous avons déjà fait beaucoup pour les réduire au silence en intensifiant leur exploitation, en les réduisant au chômage, en favorisant le patronat et ses délocalisations, en détricotant les rares "avantages sociaux"acquis, Valls est même allé passer la brosse à reluire aux représentants du capitalisme français. Arrivé à ce stade, il est difficile d'imaginer ce que le gouvernement social-démocrate est encore capable d'imaginer afin de signifier son abjection et sa soumission au monde unipolaire prôné par le capitalisme occidental. Totalement discrédité auprès du peuple français, il s'est engagé dans une course vertigineuse à la remorque de la haute finance.

Qu'en résulte-t-il sur le plan de l'analyse de l'évolution des forces politiques en présence et sur le terrain de la lutte de classe. Il a été dit que Hollande a accompli un net virage à droite et qu'il l'assume en ayant nommé Valls au poste de premier ministre. Si l'on prend un tant soit peu de recul cela ne paraît pas aussi frappant dans la mesure où il est dans la nature de la social-démocratie d'avoir toujours cautionné la politique du capital depuis... 1914! Son essence est de toujours faire le contraire de ce qu'elle a fait miroiter afin de se faire élire aux rênes de la machine d'Etat capitaliste. Par là même, elle sécrète toujours à sa marge, de la dissidence de gauche, vivier naturel des sectes plus ou moins trotskisantes. L'originalité de notre époque réside dans l'affaiblissement définitif du PC "laurentien" en France devenu une force d'appoint du conglomérat hétéroclite de gauche qui tentera sans succès de supplanter le PS. Ce n'est d'ailleurs pas sa fonction première qui est simplement de faire survivre l'illusion de la gauche et de son idéologie proprette : discourir avec radicalité sur les misères contemporaines sans outrepasser néanmoins certaines limites de la bienséance exigée par les seigneurs de notre temps et saboter pratiquement toute velléité de lutte effective de classe qui s'attaquerait frontalement au rapport social capitaliste. Un peu d'écologisme, de féminisme, d'antifascisme, d'altermondialisme, de libertarisme sociétal, de réformisme économiste, telle est sa recette. cela a suffi pour l'instant à endiguer une colère prolétarienne qui monte mais qui n'a pas encore retrouvé pleinement ses organes de lutte révolutionnaire et qui n'ose plus penser sa seule perspective historique réelle d'envoyer la machine à extorquer du profit par dessus bord.

Pour l'instant une partie significative du peuple, dégoutée par l'oligarchie politicienne, se tourne vers le FN. Il s'agit d'une adhésion au sein d'un contexte électoraliste non remis en question. cela n'a rien d'effrayant comme le clament les hérauts de la coterie "républicaine" ; à la limite si le FN l'emportait dans le cirque électoral cela pourrait mettre le bazar dans les tripatouillages des éminents politiques. Mais très rapidement le FN devrait prendre position face aux exigences et aux nécessités de l'exploitation capitalistes. Nous doutons fort que celui-ci soit armé pour y faire face et désire réellement en découdre avec la classe dominante. Cela réclame une orientation théorique et pratique très claire sur la nature de celle-ci, sur la dynamique du processus de valorisation du capital et sur son redéploiement globalisé mondialement entraînant les soubresauts géopolitiques actuels (2).

Seule l'activité de larges secteurs prolétariens en guerre contre leurs conditions sociales imposées peut accoucher de formes politiques nouvelles exprimant leurs besoins humains. Ces formes perdureront tant que l'univers marchand ne sera pas réduit à quia. C'est la lutte contre l'existence dominée par le travail salarié et non pour un réaménagement de la croissance capitaliste, un grand coup de mistral afin de nettoyer l'atmosphère pestilentielle de l'accumulation des marchandises et y substituer l'épanouissement de la communauté humaine revitalisée.

NOTES :

1) Il est bien vrai que certains ne peuvent plus payer, et même parmi ceux le pouvant encore il s'est trouvé un député PS qui avait décidé depuis trois ans de s'abstenir de payer ses impôts et de ne plus honorer ses quittances de loyer. Faisait-il partie, avant de se faire exclure du parti, de la fraction des "frondeurs", mâles défenseurs de l'illusion démocratique, ou de sa frange radicale occulte préconisant, qui sait, la thèse anarchiste de la reprise individuelle et de la désobéissance à l'Etat? Il semblerait que non, le personnage ayant argué d'une "phobie administrative" afin d'expliquer son attitude dans laquelle, pour notre part, nous ne lisons qu'une outrecuidance propre aux membres de l'oligarchie politicienne entretenue par le système. Il est probable que les prolétaires seront eux aussi, quelque jour, frappés d'une phobie particulière, la "capitalophobie".

2) A l'attention des lecteurs distraits ou épisodiques de "Rébellion", soulignons que c'est le fil conducteur de notre revue.

 

16/09/2014

Syndicalisme de la misère. Misère du syndicalisme.

 

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Paru dans le numéro 1 de Rébellion (Juillet /Aout 2003)

Un consensus tacite s’est établi pour masquer l’érosion des effectifs des centrales syndicales. Personne ne cherche à révéler l’ampleur de la chute des adhésions. Le ministre du travail et le patronat n’y ont aucun intérêt, car, ils ont trop besoin de ces « partenaires sociaux » pour conserver l’ordre social en canalisant les revendications du monde du travail.

Avec à peine 9 % de syndiqués sur l’ensemble de la population active, ils ont bien du mal à incarner un organe représentatif de la classe ouvrière. Bien conscientes de cette situation, les directions syndicales se sont repliées sur la gestion des organisations paritaires de protection sociale à laquelle participent le patronat et l’Etat. Le partage du gâteau permettant de conserver une armada de permanents qui sont souvent les seules troupes des syndicats.

Moins de syndicats dans l’entreprise, c’est aussi plus de mauvaises surprises pour le patronat. Les grèves sauvages lancées par des coordinations se sont révélées plus difficiles à gérer, plus dures à canaliser que les mouvements organisés par les sections syndicales. Les conflits se sont durcis. La reprise de la lutte ouvrière à la fin de la décennie 1980, l’apparition de coordinations, lors de la grande grève des cheminots de l’hiver 1986-87, puis dans le conflit des infirmiers de 1988, révèlent une défiance vis-à-vis des appareils syndicaux chez les salariés. Les conflits se sont durcis avec un développement d’actions autonomes et spectaculaires.

Perspective déjà perçue dans les années 1920 par le courant conseilliste, la transformation des syndicats en courroies de transmission du système s’est accompagnée de l’adoption de revendications purement réformistes et catégorielles, d’un discours « citoyenniste » et de surenchères gauchistes (soutien aux sans-papiers, taxation des bénéfices style taxe Tobin…)

En faisant croire aux travailleurs que la hausse des salaires est le but ultime des luttes, les syndicats ne font qu’aménager le cadre de l’exploitation capitaliste.

Ils ne cherchent plus à s’attaquer de front à la domination du capital. Leur discours réformiste tente de faire croire à la fin de la domination de classe et des luttes qui en découlent. Pourtant il suffit de regarder autour de nous, pour constater que le fossé entre classes sociales perdure et s’accroît considérablement. Les affrontements sociaux ne manquent pas et même se multiplient avec la restructuration de l’économie entamée avec la mondialisation. Les syndicats sont d’ailleurs des partenaires de cette restructuration, comme l’illustra l’isolement des luttes lors de la fermeture des sites de la sidérurgie française à la fin des années 1970 et celle des chantiers navals au début des années 1980.

Ayant abandonné la lutte pour se replier sur des positions défensives, les syndicats ne sont plus l’avant garde des travailleurs. Les masses ne sont plus dans les organisations syndicales et l’évolution de ces dernières leur donne raison. Depuis la vaste mystification de l’hiver 95 aux négociations des 35 heures, les salariés se sont aperçus de leur trahison. Manifestant leur désapprobation, les travailleurs votent avec leurs pieds, ne se mobilisent plus sur les mots d’ordre syndicaux, boudent les élections, favorisent d’autres formes d’organisation de combat dans le monde du travail.

Devant l’impossibilité de constituer des contre organisations face aux centrales sclérosées (voir les expériences des syndicats FN ou de SUD), il faut tenter de créer une alternative. Les masses n’étant plus à l’intérieur de syndicats, partons à leur recherche au cœur du monde du travail et des luttes.

Les conseils ouvriers : une alternative ?

Après la Première Guerre Mondiale est apparue la perspective des conseils ouvriers, en Allemagne en particulier. Marqués par un refus du syndicalisme et de la social-démocratie réformiste, les conseils sont une organisation des travailleurs sur le plan géographique et non plus sur la base des branches d’industrie. Ils rejettent la bureaucratie syndicale des permanents au profit des délégués révocables par la base et responsables devant elle. Cette forme d’organisation facilite la participation de salariés syndiqués et non-syndiqués, en particulier des jeunes et des femmes, dans la construction d’une résistance ouvrière unitaire et inventive. Cette assemblée populaire est un lieu où se tissent des liens de solidarité et qui permet à chacun de s’impliquer dans une démocratie directe et dans la création d’alternatives au système.

Certains ont vu dans les conseils ouvriers l’image future de la société socialiste. Cependant une ambiguïté subsiste : le socialisme n’est-il que l’autogestion des structures économiques du capital ? Peut-on promouvoir un autre rapport social en se contentant de gérer des entreprises, sur le terrain économique ? Par exemple, de nos jours il ne s’agit plus de développer seulement les forces productives au nom du prolétariat comme le proposait le mouvement ouvrier, encore au début du vingtième siècle. Le socialisme n’est pas une solution productiviste. Par ailleurs, c’est actuellement une perspective vouée en grande partie à l’échec à cause de l’extension universelle du capital, de ses possibilités concurrentielles et de ses délocalisations. Cette perspective se transformerait rapidement en gestion de leur propre misère, par les travailleurs.

Le conseil est une forme pertinente de lutte dans la mesure où il permet un contrôle par la base. Encore ne l’est-il que s’il échappe aux manipulations gauchistes omniprésentes dans les « coordinations ». Que ce soit par l’intermédiaire de celles-ci ou par l’action des syndicats, les grèves longues, à répétition, épuisantes ne peuvent porter leurs fruits et n’aboutissent qu’au découragement. Elles n’entament pas la force du capital et entretiennent simplement l’illusion, que l’on pourrait aménager le système en demandant toujours plus. Elles entretiennent l’illusion de la pérennité du travail dans sa forme actuelle, le salariat et son corollaire contemporain, l’idéologie hédoniste et consumériste.

Rien ne sert de se battre pour des acquis qui seront rapidement grignotés. Il est plus que jamais nécessaire de rompre avec la logique capitaliste, en portant des coups au capital international notamment, et de ramener les travailleurs sur la voie de leur émancipation, par l’abolition de l’esclavage salarié.

Pour cela, la lutte demeure formatrice de la conscience des travailleurs qui apprennent à déjouer les piéges du système et de ses organisations de pseudo luttes. La résistance n’est pas inutile non plus sur le plan économique face au capital toujours prêt à mettre à mal les conditions d’existence des travailleurs.

Il faut toujours faire ressortir que l’antithèse au libéralisme n’est pas le socialisme bureaucratique d’Etat ni les versions sociales démocrates de l’Etat providence mais le socialisme fédéraliste et mutualiste.

Il appartient au mouvement social de produire une nouvelle figure de la politique permettant de se réapproprier nos conditions d’existence.

Cela implique la construction de réseaux de luttes avançant l’idée d’obsolescence de la démocratie représentative et prônant la démocratie directe pas seulement sur les lieux de travail mais dans la société en général. De là, une propagande contre les partis du système et par delà la droite et de la gauche.

Politique d’abord

La finalité est donc politique ; la doctrine conseilliste reste acéphale, il faut poser le problème du pouvoir. L’aspect positif de cette théorie réside dans la participation active des travailleurs à leurs conditions de travail et d’existence. Néanmoins, il faut insister sur la localisation du pouvoir, en fait l’hégémonie de la perspective socialiste. Celle-ci doit être mise en œuvre par des mesures précises que devrait prendre une République sociale. La République Sociale n’implique pas seulement un nouveau dessein ou un modèle d’Etat qui respecte la réalité primordiale de la Nation, mais avant tout un projet historique capable de matérialiser le concept de Souveraineté Populaire, ouvrant au tissu communautaire le contrôle effectif du mécanisme de gouvernement. On doit constater l’échec des anciens modes d’organisation du mouvement ouvrier -héritiers des luttes sociales du 19° et du 20° siècle- que le développement actuel du capitalisme rend inutiles. Au lieu de s ‘enfermer dans des logiques périmées, le militant Socialiste révolutionnaire doit œuvrer pour amener une prise de conscience des masses. Les jours du système seront comptés à partir du moment où les travailleurs auront compris ces tenants et aboutissants, et qu’ils ne lui reconnaîtront plus de légitimité.

Le Syndicalisme Révolutionnaire : une spécificité française

 

 

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 « Le syndicalisme français est né de la réaction du prolétariat contre la démocratie » (H. Lagardelle)

Dans l’histoire du mouvement ouvrier européen, le syndicalisme révolutionnaire français tient une place à part du fait de l’originalité de son organisation et de son mode d’action.

Ses origines.

La confiscation, par la bourgeoisie à son seul bénéfice de la Révolution de 1789, entraîna la mise en place de sa domination. Une de ses priorités fut d’empêcher que les ouvriers puissent s’organiser pour se défendre contre son exploitation. Sous le fallacieux prétexte d’éliminer les corporations de métiers de l’Ancien Régime, la loi « Le Chapelier » en juillet 1791 interdit toute entente entre travailleurs pour assurer leurs intérêts. Toute tentative de leur part étant jugée un « attentat contre la liberté et la Déclaration des droits de l’homme ».

En conséquence, le mouvement ouvrier naquit dans la clandestinité. Le développement croissant des organisations d’entraide des travailleurs furent reconnu sous le second Empire qui mit fin au délit de coalition en 1864. Mais la sanglante répression de

la Commune entraîne la disparition des meilleurs cadres révolutionnaires ; fusillés, exilés ou déportés vers les bagnes d’Outre-Mer à la suite de la Semaine Sanglante.

La classe ouvrière sera alors sous la surveillance draconienne des gouvernements successifs. La bourgeoisie, craignant à chaque instant un soulèvement général contre son pouvoir, encouragea la plus dure fermeté. On ne peut comprendre l’égoïsme bourgeois sans prendre en compte la peur permanente de se voir contester les biens qu’ils ont raflés. L’Etat devenant pour les travailleurs l’outil répressif du Capital. En 1831, 1848 et 1871 les classes dirigeantes ont répondu par la violence aux légitimes revendications de la classe ouvrière. Cette expérience de la répression forgera la conviction dans l’avant-garde prolétarienne que face à l’autorité, on ne peut pas négocier mais seulement lutter. L’anti-parlementarisme du syndicalisme révolutionnaire s’explique par la conviction qu’il n’y a aucune réforme possible dans un système né et dominé par le capitalisme. L’anti-militarisme vient aussi de là. L’armée n’étant plus la défenseuse de la Nation, mais la briseuse de grèves. L’envoi de troupes étant la réponse des pouvoirs publics aux attentes populaires. L’intense propagande anti-militariste des syndicalistes révolutionnaires rencontra un écho favorable dans les couches populaires contraintes de voir leurs fils embrigadés au service du régime répressif.  

Les Bourses du travail

La proclamation de la IIIème République ne mit nullement fin à la répression. La désorganisation des structures syndicales vit l’apparition de groupe réformistes, prêchant l’entente avec l’Etat et la bourgeoisie, qui ne firent que confirmer l’inutilité du dialogue avec l’oppression. Ce qui se traduisit par une poussée des syndicats d’orientation révolutionnaire. 

Durant cette période, dans le but de contrôler la circulation de sa main d’oeuvre le patronat encouragea les municipalités à créer des bourses du travail dans le but de réguler le marché du travail au niveau local. Elles se multiplièrent à une vitesse prodigieuse (la première a Paris en 1887 et dès 1890 à Toulouse).

Très vite, leur réappropriation par des militants révolutionnaires firent des bourses des centres de luttes sociales. Organisant la solidarité ouvrière, elles furent un laboratoire des futurs modes d’action des syndicalistes français. Ce mouvement fut mené par un homme exceptionnel, Fernand Pelloutier qui fut un des inspirateurs de G. Sorel qui le qualifiait de « plus grand nom de l’histoire des syndicats ». Il impulsera la création de la Fédération des bourses du travail de France. C’est à lui que le mouvement ouvrier français doit l’idée de la grève générale et de l’indépendance des syndicats à l’égard des partis et de l’Etat. Il est alors en totale opposition avec Jules Guesde, fondateur du Parti Ouvrier Français d’inspiration marxiste, qui affirmait la prépondérance de l’action politique de son parti sur les luttes syndicales.

Les bourses menaient en parallèle deux axes d’action. En premier lieu, une action sociale, qui consistait au placement des salariés, à les aider à se qualifier professionnellement et à se cultiver. Par des cours d'enseignement professionnel et d'enseignement général, des dispensaires médicaux chargés de lutter lors d'accidents du travail contre les compagnies d'assurance trop complaisantes avec le patronat, des bibliothèques destinées à la formation idéologique et à la distraction des ouvriers ou encore les services de renseignements juridiques afin de renseigner les travailleurs sur les nouvelles lois à caractère social de la IIIème République, les bourses du travail furent des applications concrètes du programme socialiste révolutionnaire. La dimension d’éducation populaire fut une des priorités de Pelloutier selon sa fameuse formule "éduquer pour révolter". L’émancipation des travailleurs devant d’abord passer par la prise de conscience de la réalité de leur exploitation. Comme le déclara Emile Pouget « la besogne des révolutionnaires ne consiste pas à tenter des mouvements violents sans tenir compte des contingences. Mais de préparer les esprits, afin que ces mouvements éclatent quand des circonstances favorables se présenteront »

En second lieu, l’action de liaison et de solidarité avec les syndicats ouvriers. L’implantation des bourses impulsa le développement des syndicats qui pouvaient s’appuyer sur leur réseau. Elles furent des lieux de regroupement pour les ouvriers grévistes, des fonds de solidarité se constituèrent avec des souscriptions dans les usines pour aider les travailleurs en lutte. C.G.T. et Fédération des bourses du travail fusionnèrent en 1902 lors du congrès de Montpellier, constituant ainsi une seule organisation centrale composée de deux sections, celle des fédérations de métiers et celle des Bourses du travail.  Mais avant cela eu lieu un événement fondateur pour le mouvement syndicaliste français : la naissance de la CGT.

1895 : La CGT

Quand en 1884, la loi autorise la création de syndicats, la République tente de séduire la classe ouvrière pour lui faire oublier son alliance objective avec le grand capital. La majorité des travailleurs restèrent méfiants, considérant que cette loi était conçue pour permettre de contrôler l’existence de structures jusque là clandestines.

Après des négociations préalables, c’est à Limoges en septembre 1895, que voit le jour la Confédération Générale du Travail qui se fixe comme objectif principal « d’unir sur le terrain économique et dans les liens d’étroite solidarité, les travailleurs en lutte pour leur émancipation intégrale ».

Après des premières années encore chaotiques, l’organisation sous l’impulsion de Victor Griffuelhes va connaitre une période d’intense activité. Nommé secrétaire général de la CGT, cet ancien ouvrier qui fut un militant blanquiste acharné, se consacre à faire de l’organisation une machine de guerre des classes.

Avec Emile Pouget, son fidèle camarade, on le retrouve partout où des grèves éclatent. Peu habitué aux palabres interminables, il impose son autorité d’une main de fer. Cela lui sera souvent reproché et lui vaudra de nombreux ennemis, mais on ne pourra jamais remettre en cause son désintéressement. Grâce à son caractère sans concession, les querelles entre courants furent mises en sourdine et le syndicat put garder une totale indépendance vis-à-vis de l’Etat qui tentait de corrompre les dirigeants syndicaux.

Lors de l’adoption de la charte d’Amiens, au congrès confédéral de 1906, on rappellera que : « La CGT groupe, en-dehors de toute école politique, tous les travailleurs conscients de la lutte à mener pour la disparition du salariat et du patronat.(…) Le congrès considère que cette déclaration est une reconnaissance de la lutte des classes qui oppose sur le terrain économique, les travailleurs en révolte contre toutes les formes d’exploitation et d’oppression, tant matérielles que morales mises en oeuvre par la classe capitaliste contre la classe ouvrière ».

L’action directe

Dans le mouvement socialiste de Janvier 1905, Victor Griffuelhes donnait de l’action directe la définition suivante : « l’action directe veut dire action des ouvriers eux-mêmes. C’est-à-dire action directement exercée par les intéressés. C’est le travailleur qui accomplit lui-même son effort ; il l’exerce personnellement sur les puissances qui le dominent, pour obtenir d’elles les avantages réclamés. Par l’action directe, l’ouvrier crée lui-même sa lutte, c’est lui qui la conduit, décidé à ne pas s’en rapporter à d’autres que lui-même du soin de le libérer ».

Les syndicalistes révolutionnaires menaient la lutte pour l’amélioration des conditions de travail pour que la « lutte quotidienne prépare, organise et réalise la Révolution » comme l’écrivait Griffuelhes.

Faite par des minorités agissantes et conscientes, l’action directe vise à frapper les esprits (comme lors de la grève générale de 1907 où Paris se retrouve plongé dans le noir suite à une action de sabotage des syndicalistes révolutionnaires électriciens). Elle doit imposer la volonté des ouvriers au patron, l’utilisation possible de la juste violence prolétaire pouvant entrer dans cette stratégie. « Il n’y aura, en effet, intégralité d’émancipation que si disparaissent les exploiteurs et les dirigeants et si table rase est faite de toutes les institutions capitalistes. Une telle besogne ne peut être menée à bien pacifiquement – et encore moins légalement ! L’histoire nous apprend que jamais, les privilégiés n’ont sacrifié leurs privilèges sans y être contraints et forcés par leurs victimes révoltées. Il est improbable que les bourgeois aient une exceptionnelle grandeur d’âme et abdiquent de bon gré… Il sera nécessaire de recourir à la force qui, comme le dit Karl Marx est l’accoucheuse des sociétés » (Emile Pouget-La CGT).

 

Le mythe de la grève générale en action 

Un bras de fer entre la CGT et l’Etat s’engage en 1904 pour la journée de huit heures. La campagne devant aboutir à une démonstration de force le 1er Mai 1906, qui est organisé activement pendant un an. Toutes les forces de l’organisation sont lancées pour la bataille des huit heures. Le contexte est alors insurrectionnel, le monde du travail étant en effervescence à la suite du drame de la mine de Courrières où 1200 mineurs trouvèrent la mort. 40000 mineurs du Pas-de-Calais se mettent en grève spontanément. La répression ne vient rien arranger et la colère se propage. Près de 200 000 grévistes se

mobilisent dans le bâtiment (bastion des syndicalistes révolutionnaires), la métallurgie, le livre… le mouvement culminant avec 438500 grévistes dans toute la France ! Le gouvernement entretient la peur d’une guerre sociale imminente et d’une collusion entre les deux forces anti-systèmes de l’époque : le mouvement syndicaliste révolutionnaire et le mouvement Nationaliste (convergences observées par le professeur Zeev Sternhell).

Devant cette alliance, la République réagit rapidement. Clemenceau, nommé Ministre de l’Intérieur, dirige la répression. Griffuelhes et les principaux dirigeants de la CGT sont arrêtés sans raison (dont le trésorier Lévy qui sera retourné par la police durant son emprisonnement). Le 1er Mai s’accompagne d’une mobilisation importante des chiens de garde de la république qui multiplient les arrestations et tirèrent sur la foule des grévistes. D’un commun accord, les autorités et le patronat organisèrent le licenciement des fonctionnaires et des ouvriers les plus engagés dans l’action directe, des listes noires de militants furent dressées pour rendre leur embauche impossible.

Mais là où Clemenceau et son successeur A. Briand furent les plus efficaces c’est dans le retournement de responsables syndicaux par la corruption et l’infiltration d’éléments provocateurs (les archives de la préfecture de police regorgent de leurs rapports sur les activités de la CGT) qui propagèrent le trouble dans les esprits et discréditèrent l’action des syndicalistes révolutionnaires. En plus l’aggravation des dissensions internes et des guerres de tendances créèrent une situation explosive dans la direction.

La rupture: Le prolétariat contre la République.

Ce fut l'affaire de Draveil-Vigneux, montée de toutes pièces par Aristide Briand, alors Ministre de l'Intérieur qui mit le feu aux poudres. Une manifestation des terrassiers et des cheminots de la région parisienne le 30 juillet 1908 qui tourne à l'émeute. On relève deux morts parmi les ouvriers. La CGT appelle à la mobilisation ouvrière pour une grève générale. A la suite d’une manifestation à Villeneuve-Saint-Georges on déplore sept morts de plus. A l’aide d’un agent provocateur, le Ministre de l’Intérieur trouva  là le prétexte à l'arrestation de la plupart des dirigeants confédéraux, et parmi eux le secrétaire général Victor Griffuelhes, ce qui allait permettre aux traîtres de profiter de cet emprisonnement pour tenter un véritable putsch.

La libération des dirigeants emprisonnés ne tarda pas, mais dans l'ombre des hommes de main de Briand, et notamment le trésorier Lévy (vraisemblablement corrompu) et Latapie, lancèrent une véritable cabale contre Griffuelhes,l’accusant ouvertement de détournement de fonds dans l'affaire de l'achat d'un local confédéral. Les congrès suivants lavèrent Griffuelhes de tout soupçon, mais la crise était ouverte, car le secrétaire général ulcéré démissionnait. Lui succéda Niel, qui fut élu le 25 février 1909, secrétaire général de la C.G.T. avec les voix des réformistes. Mais les syndicalistes révolutionnaires ne se laissèrent pas faire : six mois plus tard Niel était contraint de démissionner à son tour.

Il fut remplacé par Léon Jouhaux. Il n'est pas étonnant que la tension monta à nouveau avec le pouvoir à partir de 1910. En octobre, la grève des cheminots, située dans le cadre d'une grande campagne contre la vie chère, fit envisager à Briand la dissolution de la C.G.T. Briand décida de faire un exemple : c’est l’affaire Durand. Le secrétaire du syndicat des charbonniers du Havre fut condamné à mort pour faits de grève auxquels il était entièrement étranger. Un vaste mouvement de protestation ouvrière se déclencha.

A ce moment crucial de son histoire, le monde du travail est largement opposé à la République libérale. Il est écoeuré par le comportement des anciens dreyfusards (Clemenceau et Briand) ,qui hier, encore appelaient la classe ouvrière à se mobiliser pour la justice et qui une fois arrivés au pouvoir se révèlent être les assassins du peuple… Ce rejet de la démocratie se manifesta jusqu’à la guerre. Le déclenchement  de la Grande guerre fut un échec pour les syndicalistes révolutionnaires. Après avoir tout fait pour arrêter la marche vers la guerre, l’élan patriotique vers l’Union sacrée les emporta. Léon Jouhaux, sur la tombe de Jaurès, appela les ouvriers à se rallier au régime. Ce ralliment marqua la fin de la période héroïque du syndicalisme d’action directe au sein de la CGT, qui, après guerre fut pris en  main par les bureaucrates qui en firent l’outil réformiste que nous connaissons aujourd’hui.