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14/05/2014

Alternative : Le végétarisme comme éthique

Alors que nous vivons dans une société où manger de la viande fait partie des mœurs, avec un système encourageant l’élevage industriel apparu au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, et où ce marché rapporta 12,1 milliards d’euros en 2012 (avec les fast-foods s’imposant comme leader en France, avec 34 milliards d’euros de vente en 2012), des personnes au mode de vie différent s’élèvent contre cette culture de la surconsommation et ces industries exploitant le monde animal.

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Régulièrement secouées par des scandales (crise de la « vache folle », poulet à la dioxine, lait à la mélanine, viande de cheval dans des lasagnes sensées être au bœuf…), le plus gros scandale des industries agro-alimentaires n’est-il pas tout simplement celui que l’on refuse de voir ? Un milliard d’animaux tués chaque année dans les abattoirs français, environ 90% de la viande consommée provenant de l’élevage industriel, aux conditions atroces: hangars fermés et surpeuplés, animaux nourris aux farines animales, becs des poules et poulets sectionnés à vif, évoluant dans un espace de la taille d’une feuille A4, gavés d’antibiotiques… Le consommateur n’est pas en reste également puisque ces entreprises agro-alimentaires n’hésitent pas à mentir sur les étiquettes, la marchandise… Un système où tout le monde est lésé.

Une histoire de la condition animale

Tout commence il y a 23 000 ans, quand l’Homo Sapiens débute la domestication. La domination de l’Homme sur les animaux (et plus généralement la nature) se trouve appuyée au XVIIème siècle par le philosophe René DESCARTES, affirmant l’idée d’une faune semblable aux machines, objet sans âme à la disposition des humains. Puis, au XIXème siècle, la condition animale ne fait que suivre un monde qui s’industrialise, avec des dérives toujours plus grandes. L’élevage industriel, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, a pour but d’obtenir un maximum de rendement, par tous les moyens. L’Homme se retrouve coupé de la nature dont il est pourtant issu. L’écrivain Paul CLAUDEL, opposé à cette vision d’animal-machine, déclare dans son Bestiaire spirituel, publié en 1949 : «L’habitant des grandes villes ne voit plus les animaux que sous leur aspect de chair morte qu’on lui vend chez le boucher. La mécanique a tout remplacé. Et bientôt ce sera la même chose dans les campagnes. […] Maintenant une vache est un laboratoire vivant […], le cochon est un produit sélectionné qui fournit une quantité de lard conforme au standard. La poule errante et aventureuse est incarcérée.»

Aujourd’hui les animaux continuent à être niés dans la conscience collective d’une société consommatrice, où seul compte la marchandise et le produit fini. Ainsi, on assiste à des manipulations génétiques afin d’obtenir un «produit» plus «rentable», aux destructions des espaces naturels afin de créer des cultures destinées à nourrir les élevages (38% de la forêt Amazonienne a été détruite dans ce but),… et, bientôt, aux AGM (Animaux Génétiquement Modifiés).

Animaux transgéniques

Suite logique d’une société qui, en 1996, donne naissance à la brebis Dolly, premier mammifère cloné (euthanasié sept ans après), la société américaine AquaBounty Technologies risque de commercialiser d’ici fin 2013/début 2014 AquAdvantage®, du saumon deux fois plus gros que la moyenne, modifié génétiquement, et marque déposée. Car, dans un monde où l’argent et le système capitalistes sont rois, et où on créé en 2005 des vaches Génétiquement Modifiées, le but de ces industries et de ces brevets déposés est de contrôler l’alimentation mondiale. Et de toucher des royalties pour la reproduction de ses animaux «marque déposée».

Monde artificiel créé par l’Homme individualiste souhaitant être dieu, avec pour seule spiritualité le profit... Ainsi, l’Homme, en considérant le monde animal comme une machine destinée à le satisfaire, a rompu le lien qui le rattachait à la nature. Une société à mille lieux de celle préconisée par le sceptique Sextus EMPIRIUS, soulignant l’importance pour l’Homme de former une communauté avec les animaux et la nature l’entourant, comme «un esprit qui pénètre à la façon d’une âme, le cosmos tout entier.»

Modes de vie alternatifs

Pourtant, bien loin de ce modèle mortifère prôné aujourd’hui, il existe des sociétés et des choix de vie excluant l’animal de leur logique de consommation. Différents critères motivent l’adoption d’un autre choix de vie, en plus du respect des animaux. La préservation de l’environnement est une motivation prise en compte. En effet, avec environ 70% des terres mondiales servant à l’élevage et à nourrir le bétail, la disparition des espaces naturels et une consommation d’eau excessive (selon l’indicateur Empreinte eau, calculant le volume d’eau utilisé pour produire un produit ou un service, plus de 15 000 litres d’eau sont nécessaires à la production de 1 Kg de viande de bœuf), et quelques 9 milliards d’humains d’ici 2050, continuer ce mode de consommation amènerait pénuries alimentaires et déficit en eau catastrophique, selon le Stockholm International Water Institut. Quant à l’exploitation des peuples, il est tout aussi inquiétant : ainsi, le système, toujours prompt à donner des grandes leçons sur la faim dans le monde (et par la même occasion, à se donner bonne conscience), n’hésite pas à faire cultiver les céréales destinées au bétail dans des pays qu’il aime tant défendre, les pays du Tiers-Monde. Par exemple, en 1973, alors que l’Ethiopie connaissait une famine dans la région du Wello et dans les provinces du Nord, elle exporta pourtant vers l’Europe 9000 tonnes de céréales pour l’élevage.

Préoccupation de l’environnement, respect du monde animal… Le végétarisme, venant du latin vegetus, signifiant sain, frais et vivant se décline sous plusieurs formes : la pratique la plus repandue dans les pays occidentaux consiste à ne pas manger de viande mais inclut les œufs, les produits laitiers et le miel. Le végétarisme Hindou, lié à la pratique de l’Ahimsâ, « l’action ou le fait de ne causer de dommage à personne » exclut les œufs. 40% de la population Hindoue est végétarienne, soit environ 450-500 millions de personnes. Le végétalisme exclut tout aliment provenant de l’animal (viande, œuf, lait…). Enfin, le véganisme (néologisme issu de l’anglais vegan) est, selon la Vegan Society, fondée en 1944, « le mode de vie qui cherche à exclure, autant qu’il est possible et réalisable, toute forme d’exploitation et de cruauté envers les animaux, que ce soit pour se nourrir, s’habiller, ou pour tout autre but. »

Même si ces termes et ces choix semblent récents dans le monde occidental, ils ne font que se rapprocher d’une éthique Européenne vieille, de près de 2700 ans…

L’exemple Grec

Les végétariens ne portent ce nom que depuis peu, puisque avant la création de la Vegetarian Society en 1847 ils étaient appelés «Pythagoréens» : le Pythagorisme, en référence au mathématicien PYTHAGORE, et apparu vers la fin de l’époque archaïque, défend l’idée d’une alimentation composée de céréales et végétaux. Ainsi, Ovide, dans ses Métamorphoses, rapporte le discours suivant du mathématicien : «Vous avez les moissons ; vous avez les fruits dont le poids incline les rameaux vers la terre, les raisins suspendus à la vigne, les plantes savoureuses […] ; vous avez le lait des troupeaux, et le miel parfumé de thym ; la terre vous prodigue ses trésors, des mets innocents et purs, qui ne sont pas achetés par le meurtre et le sang. […] Chose horrible ! Des entrailles engloutir des entrailles, un corps s’engraisser d’un autre corps, un être animé vivre de la mort d’un être animé comme lui !» Ainsi,  selon Pythagore, les dons fournis par la nature sont suffisants pour se nourrir, sans devoir recourir à la viande. L’Homme ne mange de la chair animale que par habitude, par facilité, et à cause du premier homme «dont le ventre avide engloutit les mets vivants !»

On retrouve cette même préoccupation bien plus tard, chez le philosophe PLUTARQUE (50-120 après J.C.), qui, dans ses Œuvres morales (ensemble de textes traitant de religion, d’éthique, de philosophie…), défendit le choix du mathématicien de ne pas consommer de viande. Ainsi, à la question «Pour quelle raison Pythagore s’abstenait-il de manger de la chair de bête ?», Plutarque rétorque «Quel motif eut celui qui, le premier, consomma de la viande ?». Pour le philosophe, c’est au carnivore de justifier son choix de consommer de la chair animale, car, tout comme Pythagore, il affirme que les dons de la Terre (légumes, céréales…) sont amplement suffisants pour nourrir l’Homme moderne, et que celui-ci ne tue pas les bêtes par nécessité, mais juste par luxure. Plutarque déclare que les animaux n’ont pas à être considérés comme des êtres inférieurs par l’Homme, qui n’hésite pas à leur ôter la vie pour un plaisir gustatif : «Pour un peu de chair, nous leur ôtons la vie, le soleil, la lumière et le cours d’une vie préfixée par la nature.» Et si la consommation de la viande rend l’Homme insensible à la souffrance des animaux, elle provoque également une agressivité envers ses semblables : «Quel homme se portera jamais à en blesser un autre lorsqu’il sera accoutumé à ménager, à traiter avec bonté les animaux ?». Le végétarisme prôné par l’école Pythagoricienne et défendu par Plutarque pense le destin de chaque être vivant comme interdépendant, et Homme et animaux complémentaires.

Ainsi, dans une pensée et tradition Européenne, le végétarisme (ou végétalisme) permet à l’homme de se rapprocher du mythe de l’âge d’or, période faste et heureuse suivant la création de l’Homme par le dieu Chronos, où êtres humains et animaux vivent en harmonie, et où «On ne connaissait ni la colère, ni les armées, ni la guerre ; l'art funeste d'un cruel forgeron n'avait pas inventé le glaive » (Tibulle, Elégies). Age d’or duquel les sociétés modernes s’éloignent, où l’argent roi triomphe sur le principe d’harmonie universelle. Et s’il est urgent que l’Homme abandonne son obsession de maîtrise absolue de la nature et reconnaisse son obligation morale envers elle et le monde animal, les modes de consommation alternatifs et tout ce qui en découle ne sont pas, comme on pourrait le croire, une obsession de «bobos», vrais bourgeois mais faux bohèmes, mais une volonté de s’éloigner d’un monde et d’un système niant la part divine et la part animale de l’Homme, et son implication dans l’univers tout entier.


Marie Chancel

 Texte issu du dossier "Alternatives" du numéro 62 de la revue Rébellion. Suite disponible dans le numéro 63. Toujours disponible à notre adresse.  

 

06/04/2014

Alain de Benoist sur le socialisme français


03/03/2014

En Ukraine, la course à la guerre.

"La mystification, en fait - comme processus réel et non comme entreprise concertée - , est malheureusement si profonde que l'individu réifié reste en possession de sa libre praxis [...] C'est sa libre activité qui reprend à son compte dans sa liberté tout ce qui l'écrase..."

Jean-Paul Sartre. Critique de la Raison dialectique.

Un coup d'Etat semble l'avoir momentanément emporté en Ukraine, du moins dans sa région occidentale et sa capitale administrative. Les affrontements de ces dernières semaines mirent en présence les intérêts contradictoires des fractions de "la bourgeoisie oligarchique" (déclaration du Parti Communiste Ukrainien) locale. Un certain nombre d'ahuris, croyant faire une révolution, ont pris parti pour sa tendance européiste et occidentaliste, de fait objectivement anti-européenne parce qu'arrimée à l'offensive atlantiste sur notre continent. La situation politique instable qui va naître de cette conjoncture (malgré les élections anticipées annoncées et probablement ingérables) explosive sur le plan géopolitique (la Russie ne reconnaît pas la légitimité du nouveau pouvoir et vient de placer ses troupes en état d'alerte à la frontière ukrainienne et le Conseil de la Fédération de Russie vient d'autoriser l'envoi son armée en Ukraine), confirme la trajectoire belliciste du système impérialiste mondial que nous dénonçons régulièrement. L'éviction de Ianoukovitch (bourgeois indécis) n'a pu se faire que grâce à l'appui des forces impérialistes occidentales selon un processus d'infiltration/manipulation bien rodé, constituant de ce fait une véritable provocation à l'égard de la Russie dans le contexte de la Quatrième Guerre Mondiale en cours. La mise en scène médiatique afin de diffusion spectacliste mondiale consista, comme cela est devenu une habitude, à concentrer une masse de gens en un point visible de la capitale, une place dont les médias aux ordres se gargarisent du nom de façon énamourée, afin de faire croire à l'existence d'un mouvement populaire majoritaire.

Tout le contraire d'un processus révolutionnaire dont la dynamique prend une ampleur territoriale indéniable et suscite des organes de lutte articulés géographiquement à sa base en ébullition. Actuellement, la situation est susceptible de dégénérer en guerre civile dont aurait à pâtir la majorité du peuple ukrainien pris en otage par les factions nationales et internationales de la classe dominante. La tension est grave et commence à se traduire par des affrontements en Crimée à dominante russophone où des forces spéciales sont en train d'intervenir afin de contrer les putschistes de Kiev, d'autant que la flotte russe voit sa présence à Sébastopol, remise en cause par le nouveau gouvernement alors qu'elle avait été confirmée pour de nombreuses années par Ianoukovitch qui se voit dorénavant menacé par un mandat d'arrêt international (les malfaiteurs impérialistes vainqueurs peuvent, quant à eux, comme toujours dormir tranquillement sur leurs deux oreilles). La population orientale russophone du pays se prépare, quant à elle, à résister au pouvoir établi à Kiev. Les prolétaires du bassin minier de Donbass n'ont évidemment aucun intérêt à ce que leur pays se rattache à l'UE, ils soupçonnent que leur situation matérielle ne pourrait qu'empirer (actuellement retraite à 45 ans, par exemple, pour les mineurs).

En fait, toute cette tragédie repose principalement sur les conséquences de l'effondrement de l'URSS qui a laissé sur le carreau de larges fractions de la population laborieuse et, en particulier, au sein d'anciennes républiques soviétiques dont l'oligarchie dominante pensait pouvoir tirer les marrons du feu de l'indépendance et de la gabegie qui leur était proposée à l'occasion de la décomposition des anciennes structures économiques et sociales. L'Ukraine ne bénéficiant pas du relatif redécollage de l'économie russe sous Poutine a payé chèrement son choix politique indépendantiste alors qu'elle restait très dépendante, sur le plan énergétique, de la Russie. Que valent les perspectives d'indépendance lorsqu'elles restent illusoires sur le plan économique et cela dans un contexte social chaotique? Elles ne servent que d'instruments à des stratégies impérialistes déstabilisantes.

La situation d'affaiblissement de la Russie ne lui permettait pas de s'opposer à l'éclatement de son ancien empire ; les forces pro-occidentales en profitèrent aisément. Le nationalisme ukrainien dans ce contexte ne peut qu'être déconnecté de la réalité contemporaine et se rattacher à une perception déformée de son propre passé donnant lieu à une fantasmatique fascistoïde chez certains, animés par de l'anti-communisme. La référence au social-démocrate Petlioura ne serait guère plus alléchante et il est fort douteux que les manifestants de Kiev soient des disciples de Makhno... Quoi qu'il en soit, ce n'est pas le fruit du hasard si le signal du déclenchement de l'émeute fut donné lors de la décision de la part du gouvernement ukrainien de ne pas souscrire aux engagements que lui proposait l'UE et de se retourner vers les propositions eurasiennes du gouvernement russe. D'après l'interprétation officielle, nous assisterions dorénavant à des révolutions populaires pour adhérer à l'entreprise de dépouillement des peuples qu'est l'Europe du capital (les grecs, par exemple, apprécieront). Tout au plus les manifestants ukrainiens dans leur déboussolement sur fond de paupérisation croient-ils encore à la manne céleste européiste.

Il est possible de distinguer à fin d'analyse deux axes principaux de compréhension de la réalité mais qui sont inextricablement mêlés au sein de celle-ci :

a) L'axe géopolitique d'encerclement de la Russie par l'avancée de l'OTAN essayant de se positionner au plus près, maintenant au contact, des frontières russes. De fait, d'anciens territoires russes se voient partagés sur fond de composantes ethniques différentes et voient leur statut politique international plus ou moins discuté (Transnitrie, Abkhazie, Ossétie, etc.). Si l'Ukraine tombait dans l'escarcelle otanesque, le Belarus qui a déjà été victime de pressions et de tentative de déstabilisation par l'Occident serait probablement visé à nouveau dans l'avenir. La Russie poutinienne a amorti dans l'ensemble ces chocs géopolitiques tout en restant relativement prudente voire en reculant sur des questions plus éloignées pour elle (Libye) ; elle semble en avoir tiré la leçon pour la situation en Syrie. Sa tentative de construction de l'Eurasie ne sera-t-elle pas prise de vitesse par l'offensive atlantiste? C'est là que le détachement de l'Ukraine du pôle eurasien serait fort préjudiciable à son projet tant sur le plan géostratégique que géoéconomique. Mais pour que cette nouvelle donne multipolaire puisse se concrétiser, il est nécessaire que la dynamique sociale aille dans le bon sens afin que les peuples puissent s'identifier à ce projet. Le capitalisme n'est pas porteur d'avenir humain, il en est l'impossibilité fondamentale. Il paraît absurde de vanter aux peuples eurasiens les vertus d'un impérialisme russe ; il appartient aux forces révolutionnaires anticapitalistes russes de donner corps à l'eurasisme.

b) Ainsi l'axe de la lutte de classe ne doit pas être oublié dans l'évaluation de ce qui se joue en Ukraine. L'oligarchie capitaliste occidentale ne s'y est pas trompée, elle a appuyé les forces paramilitaires fascistoïdes locales qui ont encadré le mouvement. Stratégiquement, elle ne peut s'en passer sur le terrain de la violence et de la pérennisation du coup d'Etat par la terreur. Ce n'est pas un hasard si le Parti Communiste Ukrainien a été rapidement visé par la destruction de son local à Kiev et par l'agression de ses militants. Le Parti avait recueilli dans une pétition, un million et demi de signatures contre l'adhésion à l'UE et proposait un référendum sur la question, ce qui est soigneusement occulté dans nos médias aux ordres. Sa progression électorale récente avait été spectaculaire, témoignant ainsi de la prise de conscience par les travailleurs de la situation pourrie dans laquelle le capital les avait plongés. Ainsi l'oligarchie occidentale et locale a fait d'une pierre deux coups, écarter la fraction pro-russe du capital par un coup d'Etat qui est également une attaque contre le prolétariat ukrainien. Les bandes paramilitaires ont détourné le mécontentement populaire - probablement présent chez nombre de manifestants - vers leur objectif strictement occidentaliste et pourri dans son essence sociale. Les émeutiers ont obtenu leur propre étranglement, aveuglés par l'idéologie anti-russe sécrétée par des décennies d'inertie de la période soviétique. Que l'on nous entende bien ; nous ne croyons pas au mythe perdurant de l'antifascisme récurrent face à un fascisme resurgissant. Les mots ont un sens, fascistoïdes sont les groupes que la classe dominante, profitant du coup d'Etat, marginaliserait probablement plus tard si son entreprise réussissait pleinement ; c'est-à-dire, ce qu'ils donnent à voir (étymologiquement, ce que signifie le suffixe "ide") pour ce qui n'est qu'une justification "nationaliste" à leur entreprise fondamentalement absurde comme réponse aux contradictions de classe et au poids de l'histoire (identité ukrainienne) mais nécessaire à leur mise en avant afin de donner corps et efficience à cette absurdité (qui repose pourtant en son essence sur la réalité géopolitique) et aussi à ce qu'ils se donnent à voir à eux-mêmes à titre spectacliste. Un rapide regard rétrospectif sur les évènements des dernières décennies montre clairement que le capital utilise des forces politiques de toute nature (de l'extrême droite à l'extrême gauche, des gauchistes aux islamistes, etc.) pour concrétiser ses objectifs de déstabilisation et d'éviction du pouvoir, au nom de la démocratie, de ceux qui les gênent de quelque façon.

En dernier lieu, il faut insister sur le fait que la situation à ce jour est extrêmement préoccupante, elle ne concerne pas seulement l'Ukraine. La propagande impérialiste depuis la chute du Mur de Berlin a réussi à vendre ses agressions comme spectacles à voir par médias interposés et quand bien même on se battait sur le sol européen (ex-Yougoslavie) les peuples anesthésiés ne se sentaient pas - à tort - directement touchés par ce qui se passait sous des cieux plus ou moins lointains. Aujourd'hui, la Russie est directement agressée, elle est prête à intervenir, à pénétrer sur le territoire ukrainien. Nous ne pouvons savoir s'il ne s'agit que de manœuvres d'intimidation à destination de l'Occident mais il suffirait de peu de choses pour que la situation dégénère. Les gouvernements européens dans leur soumission à l'atlantisme continuent de mettre de l'huile sur le feu et sont prisonniers de leurs déclarations et prises de position aventuristes. Le système capitaliste est en bout de course, dans un contexte explosif sur le plan économique, sa dynamique est de plus en plus belliciste, cela devient aveuglant.

Prolétaires, ne vous laissez plus bernés par les promesses et la propagande de l'oligarchie pourrissante!

La réalité c'est la misère sociale et la guerre impérialiste! Réponse de classe à la guerre impérialiste! Aucun soutien à la démocratie capitaliste belliciste! Guerre au capital!

1.03.2014

 

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27/02/2014

Localisme : De la théorie à la pratique

En novembre 2011, le président du conseil italien Mario Monti déposait une requête contre la Région de Calabre devant la cours constitutionnelle du pays pour l’empêcher d’édicter des textes favorisant la commercialisation des produits agricoles régionaux (textes dits “d’encouragement à l’agriculture à kilomètre zéro“). Si la loi régionale a finalement été approuvée, les quotas garantissant 50% de produits locaux dans la restauration collective et de 30% dans les restaueants et la grande distribution ont eux été interdits, pour violation des lois européennes antiprotectionnistes.

Par ce geste, l’homme des banques et des institutions internationales montrait clairement et très symboliquement que le « localisme » était l’un de ses principaux ennemis.

La ligne de fracture est alors très claire : d’un côté les tenants du marché global et sans frontières, de l’illimité et du dérégulé, du mondialisé et de l’indifférencié, de l’autre les défenseurs de la proximité, des circuits courts, des enracinements régionaux, des spécificités territoriales et des attachements identitaires. A première vue, le combat semble largement déséquilibré. Mais la résistance localiste s’organise. Petit tour d’horizon de celle-ci.

S’inspirer du passé pour reconstruire l’avenir

Traditionnellement, les homme ont cherché à produire dans leur environnement immédiat ce dont ils avaient besoin tout en ajustant parallèlement ces besoins à ce qu’ils pouvaient effectivement produire sur un espace donné. Bien sûr, les échanges commerciaux ont toujours existé mais portaient précisément sur les denrées ou les produits que l’on ne pouvait pas produire directement autour de soi, du fait notamment du climat ou des particularismes géographiques. Ce système à la fois vivrier, polyculturel et autonome – qui a engendré les traditions culinaires et gastronomiques, les arts et artisanats locaux, et même façonné les paysages - a violemment été remis en cause par la globalisation des échanges, l’ouverture des frontières, le progrès des techniques, notamment de transports, ainsi que la financiarisation de l’économie poussant à la spécialisation territoriale.

Prenant acte des impasses environnementales, des catastrophes sanitaires, du dumping social et de la misère matérielle et culturelle engendrés par ce nouveau modèle d’économie mondialisée, les tenants du « localisme » contemporain cherchent donc à renouer avec le « bon sens » à la base des pratiques socio-économiques qui ont été la règle durant la quasi-totalité de l’existence humaine pour tous les peuples et civilisations à travers le monde. Pour autant, ils ne sont ni des nostalgiques ni de purs romantiques et ne rêvent nullement d’un utopique et illusoire « retour en arrière » mais proposent des solutions concrètes, souvent nouvelles, en tout cas adaptées au monde actuel et à ses enjeux, afin de faire face à la crise à la fois économique et civilisationnelle dans laquelle finit d’agoniser notre post-modernité. Car le localisme n’est pas qu’un concept économique, c’est également une « philosophie » écologiste et identitaire ainsi qu’ une approche des rapports sociaux qui trouve politiquement des soutiens et des promoteurs aussi bien parmi ce que l’on a coutume d’appeler « la droite » que dans les rangs de ce qu’on nomme encore « la gauche », en tout cas dans leurs franges « anti-capitatlistes » respectives.

Face au rouleau compresseur de l’idéologie libérale , la démarche localiste s’appuie sur deux axes : un travail de propositions législatives et normatives et la mise en place d’initiatives et expériences de terrain.

Une proposition phare : la détaxation de proximité

Le principe est le suivant : moduler les taxes et les charges sur les produits mis en vente en fonction de la distance parcourue par ceux-ci entre leur lieu de production et leur lieu de consommation. Cette détaxation a pour but d’encourager la relocalisation progressive des activités économiques, favorisant ainsi l’emploi local et régénérant de ce fait le lien social. Une initiative fiscale qui permettrait de donner corps au vieux slogan « Vivre et travailler au pays ! » en offrant au « local » les moyens économiques d’exister face au « global ».

Ce principe pourrait notamment s’appliquer à la TVA – par l’intermédiaire de taux différenciés selon la distance entre le lieu d’achat et le lieu de production (très réduits pour la grande proximité, réduits, normaux, majorés et jusqu’à très majorés pour des milliers de kilomètres parcours par les produits)- et à l’embauche, en modulant les charges sociales en fonction de la distance entre le lieu d’habitation et le lieu de travail de l’employé.

L’es avantages d’un tel système apparaissent nombreux :

• sociaux, par la création d’emplois répondant à l’impossibilité matérielle des Français de répondre au critère de « mobilité » exigé par les employeurs, par la recréation du lien social et par la revitalisation de territoires, notamment ruraux.

• économiques, par le primat redonné à l’économie réelle sur l’extrême financiarisation, et par la relance de l’agriculture et du tissu des PME et TPE.

• écologiques, par la réduction de la distance parcourue par les hommes et les produits et donc des émissions polluantes.

• sanitaires, par des consommations plus locales donc plus saisonnières, plus saines et également plus facilement contrôlables.

• humains, en limitant les transferts de population ainsi que les déracinements et les éclatements familiaux qui en découlent.

En France, où malheureusement la nature et le fond des idées comptent moins -surtout médiatiquement que l’image et la réputation de leur émetteur - cette proposition a souffert d’être principalement promue par le « Bloc identitaire », mouvement classé à l’extrême droite de l’échiquier politique. Elle est pourtant reprise, sous des formes diverses, à travers toute l’Europe, par plusieurs organisations d’obédiences idéologiques opposées.

Des expériences associatives et commerciales de plus en plus nombreuses

Parfois anecdotiques, ou en tout cas isolées1, souvent mises en réseau, les tentatives d’expérimentations concrètes de systèmes ou de pratiques incarnant les principes localistes se sont multipliées ces dernières années, bénéficiant d’une inquiétude grandissante des populations face aux conséquences d’une mondialisation sauvage ne bénéficiant qu’à une infime minorité oligarchique et d’un souci sanitaire et écologique croissant, notamment dans le domaine de l’alimentation secoué régulièrement par des scandales causés par les errements de l’industrie agro-alimentaire.

- Les AMAP2

Une association pour le maintien de l’agriculture paysanne (AMAP) est un partenariat de proximité entre un groupe de consommateurs et une ferme locale, basé sur un système de distribution de « paniers » composés de produits de la ferme, généralement essentiellement des fruits et légumes de saison. C’est un contrat « solidaire », basé sur un engagement financier des consommateurs, qui payent à l’avance la totalité de leur consommation sur une période définie assurant donc un revenu fixe au producteur. Généralement, les bénéficiaires des « paniers » se rendent une ou deux fois par an dans la ferme productrice pour y observer le travail des agriculteurs et parfois même participer ponctuellement à l’activité de l’exploitation. Concept apparu au Japon dans les années 60 avec les teikei, les AMAP se sont développés en France à partir du début des années 2000. Au début des années 2010, on comptabilisait environ 1200 Amap sur le sol national, alimentant près de 200 000 consommateurs.

- Le Slow Food3

Le Slow Food est un mouvement fondé en Italie en 1986 par Carlo Petrini en réaction à l’émergence des « Fast food » en provenance des Etats-Unis. Opposé à l’uniformisation des goûts et des modes de consommation alimentaire, le mouvement tente de préserver les spécificités de la cuisine locale, régionale, ainsi que les plantes, semences, animaux domestiques et techniques agricoles qui lui sont associés. Il s’est rapidement étendu au-delà des frontières italiennes et l’on trouve désormais des organismes se réclamant de ce principe dans la plupart des pays occidentaux et dans certains pays d’Asie.

- Les locavores

Les locavores sont un mouvement apparu à San Francisco en 2005 (le terme est inventée par Jessica Prentice à l’occasion de la journée mondiale de l’environnement) et basé sur l’idée suivante : ne consommer que des aliments produits dans un rayon de 100 miles, soit environ 160 kilomètres, autour de son lieu de vie. Après avoir connu un véritable succès populaire aux Etats-Unis et au Canada, le mouvement s’est étendu en Europe où il rencontrera un écho plus limité mais non négligeable, notamment en s’associant au développement des Amap.

- Les SEL4

Un SEL (Système d’Echange Local) est un système d’échange alternatif, basé sur le don/contre-don. Les SEL permettent à leurs membres de procéder à des échanges de biens, de services et de savoirs sans avoir recours à une transaction monétaire. Surveillées de près par l’administration fiscale qui voit ces pratiques alternatives d’un très mauvais œil, les transactions réalisées dans le cadre du SEL ne sont exonérées de TVA et d’impôts que dans la mesure où il s’agit d’une activité non répétitive et ponctuelle, type « coup de main » et n’entrant pas dans le cadre d’une profession.

Le premier SEL est apparu en France en 1994, en Ariège. A la fin des années 90, on comptait déjà plus de 300 SEL constitués de deux à plusieurs centaines de membres.

- Les monnaies locales

Plus de 2 500 systèmes de monnaie locale sont utilisés à travers le monde. En France, de nombreuses initiatives ont été lancées depuis 2010, comme Galléco en Ille et Vilaine ou l’Eusko au pays basque, avec toujours pour objectif une couverture départementale de biens et services accessibles avec cette monnaie.

Ces monnaies se veulent « solidaires et communautaires », elles ont pour but de donner de l’élan à l’économie territoriale, la population étant encouragée à consommer et utiliser des biens et services produits dans la région par les entreprises régionales et les professionnels locaux. Elles son détachées de toute logique spéculative.

- Les « Castors »5

Les Castors est un mouvement d’autoconstruction coopérative né à la fin de la Seconde guerre mondiale. On voit alors des familles se regrouper dans différentes villes de France (notamment Lyon et Villeurbanne) autour d’expériences d’auto-construction coopérative fondées sur le principe de l’apport-travail : le travail collectif, effectué pendant les heures de loisirs, vient pallier l’incapacité des personnes ainsi associées à financer l’achat ou la construction d’un logement. Le mouvement est aujourd’hui implanté au niveau national et compte près de 50 000 adhérents. S’il ne s’agit plus aujourd’hui véritablement de construire en commun, l’association garde pour but de rapprocher les adhérents « chevronnés » et les nouveaux venus afin que ceux-ci échangent expériences, conseils, « coups de mains » et « bons plans ».

- Le microcrédit

L’activité de microcrédit ou microfinance favorise et encourage les petits projets au niveau local, permettant de développer un « maillage économique » sur l’ensemble du territoire. Cet effet de levier permet d’agir efficacement auprès de ceux qui prennent des initiatives économiques personnelles, tels les entrepreneurs ou les artisans. Réalisé par des organismes caritatifs ou des structures associatives, le microcrédit permet de contourner les banques ou les établissements de crédits « classiques » et leurs taux de prêts quasi-usuraires. Initialement tourné essentiellement vers les pays dits « en voie de développement », le microcrédit s’est avéré avoir également toute sa pertinence dans les pays « développés ». L’engouement pour ce type de financement a toutefois entraîné un certain nombre d’abus, notamment la multiplication d’établissements spécialisés pratiquant des taux de recouvrement excessivement élevés.

- Les supermarchés paysans

Afin d’échapper aux intermédiaires et de ne plus dépendre des centrales d’achats des grand groupes de distribution qui souvent les étranglent, des agriculteurs ont décidé de se réunir pour investir dans l’achat ou la location d’un local, où ils se relaient pour vendre leurs produits directement au consommateur. Les producteurs associés peuvent être rejoints par des « dépôts-vendeurs » (des agriculteurs qui fournissent le magasin mais qui ne tiennent pas de permanence) ce qui permet d’accroître la gamme des produits proposés. Fondés sur le lien direct avec un producteur local ou avec un seul intermédiaire, ces modes de commercialisation ont actuellement le vent en poupe. Ils complètent et prolongent la vente à la ferme ou sur les marchés, formes traditionnelles de circuit de proximité. Des systèmes de ventes directe via internet6 voient également le jour et parachèvent une offre désormais assez large permettant de court-circuiter la grande distribution et sa logique purement mercantile et comptable.

Si les solutions localistes semblent, depuis quelques années, sensiblement gagner en légitimité et en crédibilité aux yeux de la population française et européenne, elles ne représentent néanmoins encore que des alternatives limitées, ponctuelles et parcellaires, à la toute puissance du marché global. Pour changer de dimension et incarner une véritable possibilité de « sortie » du modèle libéral mondialisé, il paraît indispensable que le mouvement localiste dépasse ses derniers blocages idéologiques et se débarrasse notamment de certaines scories gauchistes, afin d’être porteur d’un discours politique véritablement cohérent et efficient, prenant en compte toutes les dimensions de la problématique du local face au global. En effet, tant que la plupart théoriciens du localisme continueront à professer un immigrationnisme totalement schizophrénique et que les tenants de la « décroissance » passeront davantage de temps à dénoncer les « localistes et écologistes non-politiquement correct », qu’il s’agisse d’Alain de Benoist ou de Laurent Ozon7, qu’à combattre les thuriféraires du marché, leurs initiatives risquent de se borner à n’être que l’expression d’une « mode », certes sympathique, mais sans véritable portée révolutionnaire.

Xavier Eman in revue Eléments, numéro 150 ( source Zentropa infos) 

Http://www.localisme.fr

 

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24/02/2014

Sur le Front de la Quatrième Guerre Mondiale

 

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La dernière traduction et parution en français d'un livre de Costanzo Preve a coïncidé avec la disparition de l'auteur. Au delà de la perte d'un ami nous voilà privés de la contribution d'un philosophe pour lequel la réflexion se nourrissait d'une confrontation avec les enjeux politiques de notre temps, ce dont témoigne l'ouvrage " La Quatrième Guerre Mondiale" (1) paru en Italie en 2008, véritable essai historico-philosophique sur la trajectoire du capitalisme moderne depuis la période de la première guerre mondiale jusqu'à nos jours. En effet, l'intérêt du livre réside dans la démarche de l'auteur consistant à se demander où nous en sommes et ce que nous pouvons faire, si l'on considère notre temps comme celui où dans un monde "post-bourgeois" et "post-prolétarien", domine "le capitalisme absolu". Cette nouvelle ère s'est ouverte lors de la disparition de l'URSS en 1991 mettant fin à la troisième guerre mondiale (guerre froide), laissant place à la quatrième guerre mondiale conduite par les Etats-Unis et ses alliés contre "le terrorisme international", c'est-à-dire contre tout ce qui n'est pas eux... Constanzo Preve interprète librement le mot de Poutine selon lequel cette disparition fut "la plus grande tragédie de l'histoire du 20° siècle". Il faut caractériser chacune des grandes guerres ayant émaillé les cent dernières années de l'histoire du capitalisme. La spécificité de l'analyse du philosophe turinois repose, en grande partie, sur la lecture géopolitique qu'il fait de celle-ci. Cette lecture n'est pas un modèle parmi d'autres possibles, choisi arbitrairement afin d'attirer l'attention d'un public universitaire. En réalité, elle nous apparaît comme étant nécessaire à la compréhension du déploiement du capitalisme. La "globalisation" de celui-ci est le renforcement extensif/intensif du rapport social initialement analysé par Marx ( reproduction élargie du capital, procès croissant de valorisation). Si Lénine pouvait parler de l'impérialisme comme étant son stade suprême de développement, il pouvait légitimement, selon nous, le définir ainsi à son époque puisque les nations capitalistes dominantes en étaient arrivées dans la course au partage du marché mondial, à la situation où allait éclater l'oecumène capitaliste d'alors ; en l'occurrence, le rapport de forces géopolitique européen (dominant la géopolitique mondiale) s'instaurant au détriment des empires austro-hongrois et ottoman éliminés en tant que tels avec à la clef un nouveau partage des colonies, des débouchés commerciaux et stratégiques et un nouveau redécoupage des frontières étatiques européennes. A partir de là, les Etats-Unis prennent le devant de la scène en devenant l'acteur principal de la réorganisation géopolitique du système capitaliste. Sans entrer dans les détails de l'ouvrage riche en enseignements de cet ordre, tirons la leçon selon laquelle les Etats-Unis ont unifié le monde occidental et ses dépendances sous le modèle atlantiste (deuxième guerre mondiale avec élimination des prétentions impérialistes des puissances de l'Axe, occupation économique et stratégique de l'Europe occidentale et d'une partie de l'Asie). Il s'agit là d'un basculement dans l'équilibre des impérialismes avec l'effacement de la domination des nations impérialistes plus anciennes se mettant de gré ou de force à la remorque de l'oncle Sam. La mystification démocratique s'impose militairement et idéologiquement alors en se cristallisant autour de la question de la guerre froide (troisième guerre mondiale) bipolarisée et perdue comme on le sait par l'URSS et ses alliés. A ce moment-là, la course au triomphe des forces atlanto-sionistes s'accélère et se traduira, entre autre, par l'agression contre l'Irak et l'ex-Yougoslavie et la tentative de démantèlement de la puissance eurasienne russe fort heureusement contrariée par le sursaut de celle-ci. En conséquence, le stade suprême du capitalisme est bien l'impérialisme se réalisant géopolitiquement pour atteindre actuellement  au "capitalisme absolu" (concept de Preve). Ce stade suprême ne saurait être un achèvement définitif  de sa nature, dans le temps ni dans l'espace (fantasme idéologique illusoire) mais un effort d'emprise, de domination expansionniste messianique sur le monde, s'exerçant par la course à la suppression de toutes limites quelle qu'en soit leur nature (économiques, politiques, morales, sociétales etc.). C'est le cœur de la quatrième guerre mondiale.

   Pour simplifier la question, il est possible d'insister sur un premier axe d'explication visible par tous mais qui néanmoins n'apparaît pas clairement dans les consciences pour ce qu'il est. C'est la domination géopolitique des Etats-Unis sur le reste du monde par des moyens militaires utilisés directement par eux ou par leurs alliés, en particulier les forces euratlantistes (la France en fait partie). Cet usage de la force entraîne le monde toujours plus près de situations conflictuelles potentiellement fort explosives et capables de dégénérer en des guerres de grande ampleur (Syrie, Iran, par exemple). Chine et Russie ne sont plus disposées à assister en spectatrices au triomphe unipolaire de l'Empire global. Cela impose aux européens de trancher au sein de l'alternative   euratlantisme/eurasisme. "L'euratlantisme par lequel les Etats-Unis tiennent l'Europe dans leur orbite n'est qu'un élément d'une stratégie géopolitique globale plus vaste, complexe et articulée." (2). Partout, en effet, la superpuissance impérialiste utilise les instruments  adéquats afin d'attiser le chaos dans le monde afin d'asseoir ses objectifs (3). La question pratique, pour nous, est de savoir comment nous pourrions renverser ce rapport de force sur notre continent en donnant corps à l'orientation eurasiste. Nous avons souvent insisté sur le fait qu'il est nécessaire de faire le lien entre les aventures impérialistes et les soubresauts inhérents aux contradictions du mode de production capitaliste. L'enchaînement des travailleurs aliénés, à celui-ci, relève du même processus conduisant à la lutte impérialiste pour la domination mondiale, aux positionnements géostratégiques et géoéconomiques (mise à disposition totale des ressources de la planète afin de perpétuer le capital sur un mode de reproduction toujours plus élargie).

   Le second axe d'analyse réside en "son aspect idéologique et culturel" (4). Preve reprend à son compte la définition marxienne de l'idéologie comme fausse conscience/ légitimation de la réalité inversée dans son mode d'apparition avec, néanmoins, cette précision d'ordre historique selon laquelle le mensonge utilisé afin de couvrir l'entreprise de domination est devenu dans le contexte de la quatrième guerre mondiale, un mensonge manifeste sans même un quelconque effort pour le crédibiliser comme cela était encore le cas par le passé. L'agression de l'Irak, de l'ex-Yougoslavie, de la Libye etc., se justifia par des motifs véritablement incroyables qui furent données d'emblée comme relevant de vérités indiscutables (de fait militairement imparables). L'aspect culturel de la question, quant à lui, est fondamental. Le philosophe transalpin le définit d'une façon assez large comme "le fait d'imposer une unique grammaire 'standardisée' des formes de vie, qui s'accompagne d'une colonisation générale progressive, comme 'par capillarité', de la vie quotidienne." (5). Cette hégémonie culturelle propre au capitalisme absolu est représentée par une caste intellectuelle se posant, grâce au cirque médiatique, en modèle de ce qu'il est convenu de penser et de faire (6). A ce stade de la réflexion, il est nécessaire de penser adéquatement la spécificité de la quatrième guerre mondiale sachant que "le projet hégémonique du nouvel empire américain se fonde sur une homogénéisation oligarchique et plébéienne de l'humanité toute entière." (7). Au sommet, en prenant le modèle d'un cône, des oligarchies culturellement unifiées et communiant dans les valeurs libérales, exhibant spectaculairement leur turpitude ;  "au milieu, une new global middle class elle-même unifiée par les styles de consommation touristique alimentaire et musicale ; et en bas une immense plèbe..." (8). Pour résister au triomphe de ce scénario post-bourgeois et post-prolétarien, l'auteur affirme avec raison qu'il faut abandonner le clivage périmé Droite/Gauche au profit du clivage euratatlantisme/eurasisme. Néanmoins, "les conditions de 'réorientation gestaltique' de masse" vers cette prise de conscience ne sont pas encore mûres.

   Le problème nous est clairement posé : nous savons ce qu'il ne faut pas faire et ce qu'il est urgent de dénoncer. C'est déjà un grand pas que d'échapper aux mystifications. La difficulté pratique est de savoir comment donner corps et force à l'eurasisme et à la perspective multipolaire. Costanzo Preve nous invite à ne pas "chipoter", à être géopolitiquement derrière Poutine, par exemple. Nous lui accorderons volontiers cela. Pour aller plus loin, nous n'en savons pas plus que lui quant à l'issue de cette confrontation planétaire. Par contre, nous pensons qu'un des fronts - et pas le moins essentiel - de cette guerre mondiale, se situe dans la guerre sociale que les travailleurs conduisent encore trop modestement sur le front de classe. Le prolétariat traditionnel ne renaîtra, certes pas, de ses cendres mais la majorité des salariés exploités/aliénés n'a aucun avenir supportable dans le système capitaliste. Effectivement, l'oligarchie dominante sait jouer de la bassesse de certaines passions humaines afin de maintenir la plèbe à sa place. Alors, suscitons le rejet de la marchandise, de la valeur et du salariat, et la passion pour la réalisation de la communauté humaine.

Rébellion

Notes :

1) Editions Astrée 2013. 216 p. 22,50 euros.

www.editions-astree.fr

2) p. 194.

3) Nous pensons en particulier aux ingérences plus ou moins indirectes, suscitées par les Etats-Unis et leurs alliés, dans les pays qu'il s'agit de faire basculer dans l'orbite atlantiste. Au nom de la démocratie, de véritables coups d'Etat sont appuyés soit en armant directement des bandes rebelles soit en finançant et organisant des pseudo révolutions. C'est le cas depuis quelques semaines en Ukraine où l'Occident soutient les exactions commises par des  factieux d'extrême droite présentées par les medias comme étant des démocrates européistes aspirant à vivre dans le giron paradisiaque de l'UE. Au mieux, le reste des manifestants est constitué de naïfs imbéciles croyant aux sornettes euratlantistes. Mais le prolétariat ukrainien ne suit pas...

4)  Ibid. p. 195.

5)  Ibid. p. 196.

6) Ceux que Preve appelle "les bouffons de cour de l'aristocratie impériale" et "les eunuques du Palais" ont eu récemment l'occasion de manifester leur pouvoir de nuisance mis au service de l'extrémisme sioniste à l'occasion de l'affaire Dieudonné. Tout peut être objet de dérision de nos jours, y compris dans les termes les plus obscènes dont ne se privent pas d'user les pitoyables humoristes de la scène médiatique, hormis le tabou faisant l'objet du nouveau culte planétaire, le mysterium tremendum contemporain (a). Celui qui fait figure de profanateur est alors désigné comme bouc émissaire sur lequel peut se déverser l'ire du vulgum pecus, procédé initiant une catharsis nécessaire au déchaînement de violence symbolique ou réelle afin de purger les passions humaines aliénées au règne de la marchandise, de la monnaie et du salariat. Accessoirement est renforcé mécaniquement le caractère intangible de la politique sioniste. Sur la scène contemporaine libertarienne, des mesures liberticides concernant la liberté d'expression ont été diligemment imposées par l'appareil d'Etat capitaliste. Le ridicule de telles gesticulations étatiques est néanmoins perçu de mieux en mieux par de nombreux citoyens. La quenellophobie atteignit des sommets himalayens, mettant d'ailleurs en danger la gastronomie française ; imaginons un maître queux créatif proposant à son menu de l'ananas chaud à la quenelle, son lynchage serait assuré! Le programme de rééducation des esprits et d'imposition du Novlangue imaginé par Orwell dans "1984" se réalise sous nos yeux.

a) Deux règles essentielles pour nous : premièrement une théorie scientifique doit être falsifiable, c'est-à-dire ouverte, par le langage qu'elle adopte, à la critique et à des efforts la contredisant pour la renverser (c'est le très libéral Popper qui l'écrivait). Depuis quand la validité de l'histoire en tant que science est-elle évaluée par une cohorte de politiciens incompétents en la matière? Toute l'histoire humaine a été parcourue de tragédies, la modernité capitaliste leur a apportées sa puissance et sa barbarie technique.  Deuxièmement, c'est le bouleversement et la disparition du rapport social capitaliste qui rendra impossible toute légitimité à l'impérialisme sioniste (et à quelque impérialisme que ce soit) et jusqu'à son existence même.

7) Ibid. p. 203.

8) Ibid. p.204-05.