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14/09/2011

L'oligarchie contre les classes populaires

« Elue par la mondialisation, une Nouvelle Classe politique médiatique s'est mise en place, qui associe dans un même élitisme de la richesse et du paraître, dirigeants politiques, hommes d'affaires et représentants des médias, tous intimement liés les uns aux autres (hors caméra, ils se tutoient et s'appellent par leurs prénoms) tous convaincus de la « dangerosité » des aspirations populaires. Alexandre Zinoviev, pour désigner cette Nouvelle Classe parlait de « supra-société ». Confrontée à un peuple qu'elle redoute et qu'elle méprise à la fois, elle constitue une autorité oligarchique qui s'emploie avant tout à préserver ses privilèges et à réserver l'accès du pouvoir à ceux qui émanent de ses rangs. Ce mépris du peuple s'alimente bien entendu de la critique d'un « populisme » assimilé désormais à n'importe quelle forme de démagogie ou d'  « irrationalisme » de masse. Qui parle aujourd'hui du peuple s'expose par là même au reproche de « populisme ». Devenu une injure politique, le populisme est présenté comme une sorte de perpétuelle « maladie infantile » de la démocratie, dans une perspective à la fois péjorative et disqualifiante. Le recours au « populisme » fournit ainsi à la mise à l'écart du peuple une justification théorique, sinon savante. »

(Alain de Benoist, Krisis 2008)

« Il faut toujours rappeler qu'il y a peu de temps encore, le terme de « populisme » était employé de façon tout à fait positive pour désigner certains mouvements révolutionnaires issus des traditions russes et américaines de la deuxième moitié du XIXème siècle. Ce n'est que depuis quelques années que Le Monde et les autres médias officiels se sont employés, avec beaucoup de cynisme, à conférer à ce terme (en lui-même irréprochable pour un démocrate) le sens infâmant qui est maintenant le sien) ; cela à seule fin, bien sûr, de pouvoir diaboliser comme « fasciste » ou « réactionnaire » toute inquiétude ou perplexité du peuple à l'endroit des décisions qui modifient sa vie, et que prend l'oligarchie régnante dans le silence de ses bureaux, après consultation de ses prétendus « experts ».

(Jean Claude Michéa, Les intellectuels, le peuple et le ballon rond, Climats 1998)

Source :  l'Hoplite

08/09/2011

Le prolétariat doit s'emparer du pouvoir...

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Actuellement, quelles sont les conditions de la mise en œuvre d’une action politique propre aux travailleurs ? La plupart des formations politiques s’accordent sur le maintien de la domination capitaliste. Il existe des contestations « marginales » se situant aux pôles opposés de  l’échiquier politique. Il s’agit d’insister sur la ligne de fracture par laquelle le bel édifice du système pourrait se lézarder. Celle-ci est l’antimondialisme conséquent (et non pas l’altermondialisme). Concrètement, cela met en avant l’union des classes et couches de la population les plus affectées par le processus de mondialisation, c’est-à-dire par la libéralisation, les privatisations, l’atteinte à la souveraineté nationale et la mise à disposition de la puissance politique de la France au service de l’axe américano sioniste. Ceux qui se retrouvent dans ces points essentiels doivent s’unir politiquement afin de créer la force capable de renverser le cours des choses. Il est, par ailleurs, nécessaire que le prolétariat forge ses propres armes afin d’être, peu à peu, la force politique hégémonique au sein de ce processus n’excluant pas certains éléments appartenant à des classes intermédiaires « fragilisées » par la mondialisation. « Le prolétariat doit tout d’abord s’emparer du pouvoir politique, s’ériger en classe nationale, se constituer lui-même en tant que nation. Par cet acte, il est, sans doute, encore national, mais nullement au sens de la bourgeoisie. ». Marx. Manifeste du Parti Communiste.

La Nation aux Travailleurs !

02/09/2011

Lutte des classes

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Comme le pensait Niekisch, il faut créer un lien naturel entre lutte prolétarienne et passion nationale, et cela, de nos jours, dans un cadre vraiment européen (aux antipodes de l’européisme). Ne craignons pas d’évoquer la lutte des classes sans en faire un absolu mythique, comme le fait l’extrême gauche, ces fainéants de la révolution, qui ne feront jamais que le sale boulot que leur dictent leurs employeurs capitalistes. Groupons nos tirs sur l’axe « Ni droite, ni Gauche » en intervenant dans les luttes sociales.C’est également de cette manière que nous rendrons service à la cause de tous les peuples asservis à la trajectoire démente du capital.

« Seule la volonté de lutte des classes, en tant qu’organe politique et réceptacle national de la volonté de vie, libère les peuples. ». Ernst Niekisch. Lutte des classes. 1932

31/08/2011

Un entretien avec Edouard Limonov

E. Limonov est à la mode dans les médias. L'occasion de revenir sur l'entretien accordé à notre journal en avril 2004 par lui. À la demande d’Édouard Limonov c’est Sergei Fomchenkov, membre du Comité central du Parti National-Bolchevik, qui présente son organisation. L'écrivain évoque ensuite sa première détention et ses idées politiques. 

 

Edouard Limonov, PNB, parti national bolchevik, limonov

Rébellion . Pourriez-vous nous présenter le Parti national bolchevik , son idéologie et ses objectifs? 

Le Parti national bolchevik est une organisation politique active avec une histoire de lutte vieille de 10 ans, qui compte environ 12 000 membres, qui a plus de 50 sections régionales en Russie. Les membres du parti sont pour la plupart des jeunes (de 15 à 30 ans. Toutes les couches sociales sont représentées, ainsi que différentes ethnies et religions.

Notre idéologie se base sur les écrits des théoriciens du national-bolchevisme comme Ustryavol, Agursky, sur les travaux d’Édouard Limonov. Nous empruntons également des idées actuelles à ce jour chez Lénine, Mussolini, Mao, etc.

Notre but est la prise de pouvoir en Russie au moyen d’une Révolution Nationale. Nous voulons l'établissement en Russie d’une justice nationale et sociale, le changement complet de la classe dirigeante, l’écartement du pouvoir des fonctionnaires, de l’ancienne élite bureaucrate, la redistribution et la nationalisation de la propriété. Nous combattons également pour l’espace vital russe, pour le changement des frontières de la Russie au moyen de l’annexion de territoires traditionnellement russes. Des objectifs à court terme, plus vitaux, sont le combat pour les droits civils et la liberté dans la Fédération de Russie, la protection des droits des populations russes et russophones dans les pays du CEI, des pays Baltes et de l’Asie.

Rébellion. Quelle tactique PNB a-t-il choisi en Russie? Quelle est l’attitude des autorités envers vos activités? 

Notre tactique de combat est dictée par la situation politique en Russie même. La Fédération de Russie d’aujourd’hui est un État policier agressif avec un dur système répressif. La Constitution (adoptée en 1993) et le Code criminel (1999), donnent des possibilités pratiquement illimitées au système policier et judiciaire pour combattre les forces radicales d’opposition. C’est pourquoi nos méthodes sont à la marge de la loi. D’un côté de cette marge on a des années de pourrissement dans des prisons des nôtres et la réduction du parti à une existence illégale; de l’autre côté de la marge on a une existence paisible en tant qu'opposition respectueuse. Dans la présente étape de la lutte nous employons des actions de protestation pacifiques, non-violentes, comme les occupations de la tour du Club de la Marine à Sebastopol (Ukraine) sous la devise « Sebastopol est une ville russe! », du train Moscou-Kaliningrad (protestation contre l’introduction d’un régime de visas), des toits des Ministères de Justice à Moscou et ensuite dans d’autres régions et beaucoup d’autres encore. Une variété de ces actions se nomme « le terrorisme de velours » qui a été commencé par les camarades Bahur et Gorchkov, qui ont jeté des œufs sur Nikita Mihalkov. Cette tactique pourrait être appelée « un tir de précision » c’est à dire d’un coup dans un point faible du système. En tant que cible on choisi une figure symbolique et l’action elle-même est une sorte d’exécution politique. Premièrement, c’est un moyen d’exprimer ouvertement les crimes commis par telle ou autre personne contre le peuple, deuxièmement cela aide à détruire le mythe d’invincibilité et d’inviolabilité des gens qui sont entourés de l’auréole du pouvoir ou de popularité. Elles acquièrent aussitôt des traits physiques concrets, montrent leur vrai visage. Certains commencent à nous tourner en dérision , a nous répondre par des accusations lâches, ce qui réussit mal sans un texte préparé d’avance, par exemple, Jirinovsky s’abaisse jusqu’à des insultes vulgaires à l’adresse des exécuteurs de l’action et à des ordres de les tabasser, qui conviendraient à un aubergiste du XIX siècle. Les actions du « terrorisme de velours » attirent une énorme attention de la part des média de masse, provoquent l’intérêt pour le Parti, son travail, ses opinions sur la présente situation politique. Nous recevons des sympathies et du support dans la société de la part de ceux qui sont aussi mécontents de la situation dans l’État mais qui n’osent pas ou ne sont pas capables d’actions radicales. 

En plus, l’organisation de pareilles actions politiques est un bon entraînementpour les gens. 
Nous essayons de rester dans les marges de la légalité (nos actions peuvent être qualifiées par la loi comme des infractions administratives ou de la délinquance mineure), contrairement aux autorités qui luttent contre nous. Ce n’est pas pour rien que l’un de nos slogans est « Nous vous apprendrons à aimer la Constitution! ». 

L’attitude des autorités pour nous se manifeste aussi par le fait que dans plusieurs régions, les départements régionaux pour la lutte contre le crime organisé « s‘occupent » du NBP. Les explosions à Moscou, la lutte avec le terrorisme tchetchène et international annoncée par le président devient aussi un prétexte pour le renforcement du régime policier. 

Quatre fois on nous a refusé notre enregistrement comme parti politique sur le territoire russe, en plus la dernière fois, directement avant les élections à la Douma, pour un motif inventé et bureaucratique de « paperasse ». À l’encontre des nationaux bolcheviks on emploie des détentions illégales, lors d’évènements de masse et lors des arrestations – des coups sévères, des menaces, du chantage, des tortures des détenus et des accusés – des méthodes standards du travail des organes du « maintien de la loi ». Dans les appartements des chefs et des activistes des sections du PNB partout en Russie on procède à des fouilles, des confiscations illégales de littérature et de matériel du parti. Les services spéciaux ne se gênent pas à recourir à de telles méthodes comme l’enlèvement (un exemple récent – l’enlèvement du membre du Comité Central Dmitri Bahur, qui a été sauvagement battu par des agents du FSB qui essayaient de le faire pencher à la « collaboration »), coup monté en plantant de la drogue ou des armes pour les « découvrir » plus tard lors de la fouille et aussi… des meurtres qui probablement ne seront jamais prouvés.
Maintenant le Parti compte quatre prisonniers politiques. Parmi eux, la dernière victime du laissez-aller judiciaire et fonctionnaire est l’activiste de 27 ans de Belgorod Anna Petrenko, une mère monoparentale, enseignante supérieure de l’université locale, diplômée de sciences sociologiques. Anna a été jetée derrière les barreaux (Elle a été accusée d’avoir installé devant l’édifice de l’administration régionale de Belgorod une boîte de gâteau avec un réveille-matin qui se trouvait à l’intérieur, qui le FSB et le Procureur ont jugé « une maquette d’un appareil explosif »), son enfant a été transféré dans une maison pour jeunes.

Toutes ces méthodes ignobles de lutte contre notre parti démontrent l’attitude des autorités envers nous comme une force politique puissante qui menace la criminelle Fédération de Russie, bureaucrate et policière. Et ces mêmes méthodes discréditent le pouvoir devant le peuple, provoquent chez lui seulement la méfiance et le dégoût pour lui.

Rébellion. Quelles sont vos relations avec d’autres partis politiques en Russie?

En 10 ans d’existence, le PNB a plus d’une fois appelé les organisations politiques à la coopération. Nous avons toujours appelé les gens, quelles que soient les particularités de leurs idéologie, nationalité, age, appartenance religieuse ou toute autre, de se rallier dans la lutte contre notre ennemi commun – le système. Mais même si de telles alliances se formaient, les alliés nous trahissaient bientôt comme c’est arrivé par exemple avec la Russie Ouvrière d‘Anpilov. Les partis politiques ne veulent pas coopérer avec nous, soit parce que notre radicalité les effraie alors qu’ils veulent par leur modération provoquer la sympathie des électeurs, soit qu’ils ont peur de disparaître tout à fait dans notre arrière-fond par leur archaïsme, leur dogmatisme, l’inertie de leur idéologie et la situation politique moderne inadéquate dans le pays et le monde. Nous pourrions donner à ces forces politiques une vraie vie active, la part de notre succès. Eux pourraient nous donner leur support, par exemple en tant que des parties officiellement enregistrées sympathisantes, qui ont un certain statut en rapport et une influence aux yeux de la population et des autorités, un support matériel.

Aujourd’hui, à la veille des élections présidentielles dans la Fédération de Russie, nous appelons de nouveau les organisations politiques indépendamment de leur idéologie et d’orientation droite ou gauche ainsi que tous les citoyens de la Russie de se rallier pour le boycott de ce crime organisé devant le peuple.
Nous prenons avec calme la courte durée de telles alliances. Nous avons notre but et le reste ne sont que des moyens pour l’atteindre. Ceux qui comprendront l’avantage de la collaboration avec nous sur la voie de la lutte avec l’autorité en place viendront vers nous tous seuls, puisque réellement plus personne maintenant ne lutte avec elle en Russie.

Récemment une scission s’est produite entre la Russie Ouvrière et son mouvement de jeunesse, créée autrefois selon le modèle du PNB, l’Avant-garde de la Jeunesse Rouge (AKM) sous la direction d’Udaltsov. Dans le moment, le AKM nous a proposé de collaborer et bien sur nous essayerons d’aller à leur rencontre.

Rébellion. À l’extérieur de la Russie, avez-vous des contacts avec d’autres organisations national-Bolcheviques? Souhaitez-vous développer vos liens politiques sur le plan international dans le futur?

Oui, nous avons des contacts avec les national bolcheviks du Kazakhstan, du Tadjikistan, de la Venezuela, de la Bielorussie, d’Israël, de la Suède. Nous nous efforçons de développer des liens politiques sur le plan international. Actuellement, nous nous occupons activement de la version anglophone du principal site Internet du PNB et de la traduction des documents du programme en d’autres langues.

Rébellion. Selon l’opinion de l’Europe de l’ouest, la politique de Poutine manque de netteté. Comment évaluez-vous sa politique? Diffère-t-elle de la politique de Ieltsine?

Cette opinion de l’Europe de l’ouest n’est pas surprenante. Poutine essaie de manœuvrer entre l’Ouest et les États-Unis. Ayant passé quelques années en Allemagne, Poutine idéalise l’Europe, s’efforce de rentrer dans l’Union Européenne, ne comprenant pas que même si cela arrivait, la Russie sera pour l’Europe un sorte de « trou noir » économique. Poutine essaie de construire les rapports avec l’Allemagne et la France mais sous la pression des États-Unis trahit aussitôt leurs intérêts.

Il n’y a probablement pas de différences radicales entre la politique de Ieltsine et celle de Poutine. Toutes les décisions se prenaient par Ieltsine sous l’influence secrète des États-Unis et d’autres États de l’Ouest. Poutine cependant, sous le prétexte de la lutte avec le terrorisme international après le 11 septembre a ouvertement déclaré sa position pro-americaine. La Russie de Poutine rend calmement aux Américains ses sphères d‘influence : les troupes américaines se sont établies dans les anciennes républiques de l’union Soviétique – en Ouzbékistan, Kirghizstan, Tadjikistan, ils ont atterri leurs militaires en Georgie et au Kazakhstan et aussi selon l’entente avec le Kremlin et Bakou se sont mis à la construction de systèmes de localisation de radars pour leur système anti-missile en Azerbaïdjan. Les pays Baltes sont devenus des membres de l’OTAN. Le régime de Poutine dépend entièrement de ses principaux commanditaires, il ne joue aucun rôle autonome sur l’arène mondiale.

La situation politique intérieure de la Russie de Poutine est caractérisée par le fait que le pouvoir y est concentré entre les mains des fonctionnaires bureaucrates, les anciens membres du PC. Des néo-libéraux et des oligarches qui ont reçu beaucoup de libertés sous Ieltsine sont maintenant complètement écartés du pouvoir et perdent clairement dans la concurrence avec les bureaucrates.

Malgré les déclarations optimistes à la télévision, les faits ne parlent pas du tout en faveur de Poutine. En quatre ans de son pouvoir la population de la Russie a diminué de deux millions. De la carte de la Fédération de la Russie ont été rayés environ neuf cents points habités; des petites villes de la Sibérie et de l’Extrême-Orient où après l’effondrement de l’URSS toute perspective de vie a disparu. Sur le trajet Kaliningrad-Moscou un régime de visas a été implanté, la situation de la population russophone dans les pays du CIE et des pays Baltes s’est aggravée. Sur le compte de Poutine il y a le sous-marin coulé « Koursk », les maisons explosées dans les villes russes, l’interminable sanglante boucherie de la guerre de Tchétchénie, l’effondrement des restes de l’ancienne armée Soviétique, le « Nord-Ost » de Moscou… et beaucoup d’autres coups manqués honteux et irréparables.

Maintenant, à la veille des élections présidentielles, notre Parti organise le mouvement social « Russie sans Poutine » dont le président est Édouard Limonov. L’activité du mouvement est dirigée vers l’empêchement d’une réélection de Poutine pour un second mandat par le moyen d’un boycott des élections.

Rébellion. Comment évaluez-vous les résultats des dernières élections parlementaires en Russie?

J’évalue les élections qui ont eu lieu ainsi que leurs résultats comme un crime organisé qui a été conduit contre les citoyens de la fédération de la Russie. Les termes de la lutte préélectorale ont été inégales dès le début. Des gigantesque ressources administratives (c’est à dire les moyens émis par l’État pour les dépenses préélectorales) étaient à la disposition du parti « Russie Unie » qui a reçu l’absolue majorité des voix.. Longtemps avant le début officiel de la campagne préélectorale, la « Russie Unie » s’est positionnée comme « le parti au pouvoir » et a insolemment usé de ses privilèges. Les média-clé de l’information, pratiquement monopolisés par l’État sont devenus le haut-parleur de leur propagande obsessive. De la part d’observateurs indépendants sur les secteurs électoraux et de simples citoyens dans plusieurs régions de la RF nous avons reçu de l’information sur des effractions les plus criantes au cours des élections, la violation des droits civils des électeurs. Par exemple nous connaissons des faits de contrainte des employés d’une entreprise quelconque, de professeurs sous peine de congédiement ou de non payement de salaire de voter pour « Russie unie » en présence de la direction. Dans des secteurs électoraux on jetait dans les urnes des bulletins supplémentaires avec des voix pour «Russie Unie ». Directement sous les yeux des observateurs qui en essayant d’arrêter le laissez-faire se faisaient éjecter du secteur de force, sous prétexte, par exemple, de l’invalidité des papiers d’identification de l’observateur. Les mêmes falsifications se produisaient aussi lors des comptes de voix. 

Quelle attitude peut-on avoir face à de telles élections?

Ces élections étaient prévisibles mais ils ont même surpassé nos attentes. Le pouvoir s’est fait tellement arrogant qu’il a « massacré » toute l’opposition – non seulement le Parti communiste qui depuis longtemps était un mort politique, mais aussi les miséreux « Yabloko » et « L’union des Forces de Droite » qu’on aurait pu placer au moins comme camouflage. Les partis qui ne plaisaient pas au pouvoir, PNB entre autres, ont été tout simplement ignorés : en nous refusant l'enregistrement le Minjust a déclaré une active organisation de plusieurs milliers de personnes tout simplement inexistante. Les autres ont été neutralisé par la barrière du 5%, qui selon nos lois permet aux seuls partis qui la dépassent d'obtenir des sièges à la Douma.

Rébellion. Quelle conclusion peut-on tirer de l’expérience des années soviétiques?

Nous, les nationaux bolcheviks de la Russie faisons à present la suivante conclusion : la révolution de 1917 n’était pas si radicale que la présentent divers historiens et média de masse. Sous l’action du facteur externe et des mauvaises traditions russes le projet du nom de « révolution » est tombé. Depuis les dernières années du pouvoir de Staline, la décomposition d’un passable projet d’un État russe a déjà commencé. La conclusion est assez pessimiste – Il n’y a jamais eu de socialisme en Russie, tout comme maintenant il n’y a pas de capitalisme (cela est décrit en plus de détails dans le livre de Limonov « L’autre Russie »). Et la conclusion positive c’est évidemment que Lénine a crée le précédent d’une telle situation et nous espérons que ce sera possible à nouveau dans l’une ou autre forme. C’est pour cela que nous luttons et croupissons dans les prisons. 

Les questions qui suivent ont été adressées a E Limonov

Rébellion. Récemment vous avez été libéré de prison. Qu’est ce qui a provoqué votre emprisonnement?

D’abord on m’a arrêté à cause des témoignages de Karyagin, accusé sous l’article 222 (achat, possession, et déplacement illégal d’armes) (Dmitri Karyagin, arrêté en mars 2001, résident de la ville de Balashov de la région de Saratov – ed.) Et ensuite le FSB s’est mis au tissage de la toile d’araignée et c’est seulement le 31 août 2001 qu’on m’a soumis des charges sous l’article 205 (terrorisme) et 208 (création de formations armées illégales). En octobre on m’a ajouté encore l’article 280 (appels au renversement de l’ordre constitutionnel).

Tous ceux qui étaient présents au procès ont pu s’assurer qu’il était question de textes littéraires. Il était question de trois documents sous le nom de « PNB-info », d’autres articles, le procureur a même demandé d’ajouter à l’affaire la requête pour l'interdiction du journal « Limonka ». Le journal aurait été interdit à cause de mes articles, des chapitres d’un livre déjà écrits en prison. Seulement le tiers, l’article 222, avait un rapport avec la réalité : des vraies mitraillettes, de vraies armes. Ils parlaient de texte, de paragraphes, de qui était l’auteur de ce texte, qui l’auteur d’un autre, etc. Cela rapproche mon affaire de celle de Chernichevsky. Car là c’est pareil, autant bizarre que ça puisse paraître. Je l’ai bien étudié et je sais qu’il a été arrêté le 7 août 1862 pour une proclamation, elle s’intitulait « Aux paysans du seigneur », cette proclamation n’était même pas écrite par lui-même. Elle a été écrite par Mihailov. Ensuite il y avait le provocateur Kostomarov qui prétendument allait imprimer cette proclamation à la typographie. Il y avait une lettre, saisie à la frontière, de Herzen, adressée à Serno-Soloveyich, dans laquelle Chernichevsky était mentionné. Il s’agissait de la publication du « Contemporain » à Genève ou quelque part dans l’Ouest. Nous aussi nous avons une lettre interceptée à la frontière du citoyen français Morignac. C’est surprenant et frappant que 140 ans plus tard il y a pratiquement le même précédent. Après le pouvoir Soviétique, après la Grande révolution d’octobre, 70 ans de dictature du prolétariat on voit soudainement que nos braves services secrets se sont tournés vers des méthodes vieilles de 140 ans. Dans l’affaire Chernichevsky il y a 130 rapports de police sur une surveillance externe. Il était suivi depuis l’automne 1861. Deux ans il était entretenu dans la forteresse Petropavlovskaia, où il a écrit son fameux « Que faire? » et ensuite a été jugé à 20 ans de bagne. Pratiquement, l’État l’a détruit. En plus ce n’était pas n’importe qui, c’était un démocrate révolutionnaire comme l’ a appelé Lénine. C’était l’un des hommes les plus brillants de son temps. Et voilà qu’on découvre 140 ans plus tard des méthodes exactement identiques. 

Je fus confronté avec la monstrueuse cruauté de l’État, de plus avec une cruauté si stupide et aveugle qu’elle détruit complètement tout. C’est surprenant qu’au cours du procès le procureur affirmait plus d’une fois qu’il était d’accord avec nos idées. S’il est d’accord, alors pourquoi nous juge-t-on? Pour les méthodes, comme dit le procureur. Mais nous n’avons même pas pu appliquer nos méthodes on ne nous a pas donné cette chance. Et pourtant on nous jugea pour les intentions, même si on ne peut juger pour l’intention. Malgré cela, telle est cette monstrueuse cruauté. 

Rébellion. Quelles étaient les conditions de votre détention en prison?

C’est difficile autant en prison qu’en camp. Je suis passé dans trois prisons et dans un camp. Bien-sûr c’est difficile, évidemment. C’est à dire l’idée qu’on se fait du prisonnier russe comme un martyr reste vraie car de toute façon les traditions de bourreaux qui étaient dans la société russe se sont conservées. Tu te fais prendre dans les mains du pouvoir – il te presse, te bouffe comme un chien, et est satisfait. Il m’a mâché durant deux ans et quelque, m’a mâché une troisième année encore – ils n’ont rien prouvé et m’ont recrachés.

Je peux comparer les conditions de détention dans le SIZO de Sratov seulement avec la prison de Lefortovo, je suppose que pour des conditions russes, j’étais entretenu normalement. Dans une cellule de 4 places – environ neuf mètres – nous étions trois. Mes co-détenus étaient là pour vol et banditisme, d’après ce que je sais. En passant, ils ont lu certains de mes livres. Des promenades une fois par jour, colis de l’extérieur pratiquement en quantité illimitée. On m’offrait les livres de la bibliothèque que je demandais : les lettres de Lénine, Herzen, et autres. Dans la cellule j’avais une télévision, offerte par Viktor Alksnis. Je suppose que si j’avais étais un détenu ordinaire les conditions auraient été un peu plus mauvaises.

Rébellion . Comme écrivain, entretenez-vous des relations avec les milieux culturels en Russie?

Édouard Limonov entretient des relations avec les milieux culturels en Russie mais très sélectivement, puisque même après qu’on la chargé des plus odieuses accusations quand il était en prison plusieurs personnes des arts russes ont gardé le silence. D’ailleurs même avant cela il s’entretenait et était ami avec des personnes qui lui sont proches par l’esprit, et ceux-là sont peu nombreux. Chez nous nous avons plusieurs membres du parti qui rentrent dans les milieux culturels et se sont des poètes et des musiciens. Natalia Chernova qui a attaqué le premier ministre Kassyanov est une poète et une peintre. Lukovnokova qui a attaqué le gouverneur de St Petersbourg est une poète connue.

Rébellion. Comment évaluez-vous l’existant mouvement des anti-globalistes? Est-ce que ses échos atteignent la Russie?

Je dirais tout de suite qu’en Russie dans le genre qui existe chez vous en Europe, il n’y a pas et ne peut avoir d’anti-globalistes. Ce n’est pas actuel. Il y a bien sûr des petits groupes sous la direction du Parti communiste. D’habitude ils se rencontrent seulement pour une conversation autour d’une tasse de thé. Chez nous, pour survivre en tant que force politique il est nécessaire qu’il y aie un parti et non seulement un parti mais un organisme vivant. Les gens doivent être dévoués à des idéaux, fanatiques. Prêts à se sacrifier s’il le faut. Et évidemment, moins de mots et de débats sur la théorie, mais plus d’action. Comme a dit un jour Édouard Limonov : « Il n’y a plus de gauches ou de droites, il y a le système et les ennemies du système. » Pendant que nous discutons, qui avait la plus juste politique, Lénine or Staline, Castro ou Mao – le système anti-national sans face du bureaucratisme mondial nous digérera, nous détruira. Bien sur, comparé avec notre lutte (nous avons eu environ 10 tués et plus de 50 personnes ont passé du temps en prison) les manifestations de plusieurs milliers d’anti-globalistes bien nourris provoquent le sourire. Puisque cette quantité de gens pourrait facilement organiser une révolution et aucun policier ne pourra les arrêter. Reste à espérer que les idées du national-bolchevisme seront acceptées par la tumultueuse jeunesse de l’Europe et des organisations plus sérieuses et plus méchantes apparaîtront.

Rébellion . Croyez-vous que la Russie jouera encore son rôle dans le futur de l’Europe?

Bien sur. Si nous arriverons à changer le présent cours de Poutine et de la classe dirigeante alors en Europe aussi on pourra s’attendre à un débordement des mouvements radicaux. C’est déjà arrivé une fois en 1968 après la fameuse opération de Mao. La jeunesse de la France a été allumée par les idées d’une révolution sociale. Bien que la réaction contraire serait aussi possible puisque les média de masse vont nécessairement noircir notre mouvement. Mais si la politique de Poutine et de sa bande va continuer (et il veut rallonger le mandat de pouvoir jusqu’à 7 ans, ce nouveau tsar) alors il y a une possibilité de désagrégation de la Russie. Avec cette option les conséquences pour l’Europe seront désagréables.

 

Edouard Limonov, PNB, parti national bolchevik, limonov


23/06/2011

« Terrorisme » et manipulations : Qui cherche à nous faire peur ?

Article du numéro 35 de la revue Rébellion ( Avril 2009).  Une série d’affaires, savamment médiatisée et utilisée par le gouvernement, vient nous rappeler qu’il est plus que jamais important de conserver son sens critique face aux multiples manipulations que nous concocte le système.

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De « l’affaire de Tarnac » à l’alerte à la bombe dans un grand magasin parisien durant la période des fêtes de fin d’année, revendiquée par un pseudo groupe terroriste afghan, aux multiples provocations liées aux conflits du Proche Orient et aux lettre de menaces à divers personnalités politiques, nous avons l’impression que les médias et l’appareil étatique cherchent à créer un climat de tension évident. La peur devant paralyser la réflexion des gens et les précipiter dans l’Union Sacrée contre la menace anti-démocratique. Dans cette stratégie, les groupes provocateurs gauchistes sont habilement instrumentalisés par les services de renseignement pour décrédibiliser les aspirations socialistes et révolutionnaires authentiques. Ce climat permet de justifier la mise en place d’un renforcement de l’appareil répressif (fichage des dissidents, utilisation des nouvelles technologies pour la surveillance et le contrôle des populations) bien utile dans cette période de crise. Le terrorisme et le sabotage ne sont pas efficaces dans la lutte contre le système, ce sont des démarches vouées à l’échec. Le « romantisme révolutionnaire » et l’idéalisme sont de nobles vertus, mais cela ne suffit pas pour changer les choses. Il faut une juste analyse des forces en présence pour ne pas se voir immédiatement écrasé par l’appareil répressif étatique.

« L’affaire de Tarnac »

L’affaire des sabotages de la SCNF, en novembre dernier, a fait grand bruit. On le doit en partie à la mobilisation d’un certain nombre d’intellectuels (Giorgio Agamben), de journaux (Libération, Le canard enchaîné), d’hommes et de femmes politiques (André Vallini, Dominique Voynet), et surtout à la création d’un comité de soutien très actif (le « comité de soutien aux inculpés du 11 novembre »), qui rassemble les proches des inculpés et des habitants de Tarnac. Comme on le sait, la principale figure de l’affaire, Julien Coupat, est un intellectuel de 35 ans, fils d’un universitaire reconnu, cofondateur de la revue Tiqqun, et animateur depuis 2005 d’une épicerie sur le plateau de Millevaches, qu’il avait reprise avec des amis, et où s’était installée une petite communauté de jeunes gens.

Avant d’évoquer les enjeux politiques et culturels de l’affaire, commençons cependant par poser précisément les faits. Pourquoi Julien Coupat et sa compagne, Yildune Lévy, ont-ils été arrêtés ? D’après un article de L’Express, se référant à un arrêt de la chambre d’instruction de Paris du 2 décembre, la voiture du jeune homme aurait été filée par la police la nuit où les incidents sur le TGV ont eu lieu. Le 8 novembre 2008, le couple se serait arrêté vingt minutes à Dhuisy, en Seine-et-Marne, près d’une voie de TGV où un fer à béton provoquera une heure plus tard la panne du premier TGV, à cinq heures du matin (Cf. Eric Pelletier et Anne Vidalie, « Tarnac, les sept clés de l’enquête », L’Express, 16/12/2008). Le 11 novembre, Julien Coupat est arrêté par la police anti-terroriste avec neuf autres personnes, puis mis en garde à vue. Les personnes arrêtées sont soupçonnées d’appartenir à un groupuscule de « l’ultra-gauche, mouvance anarcho-autonome », pour reprendre la terminologie un peu étrange des Renseignements Généraux. La procédure se poursuit le 15 novembre, avec la mise en examen de Julien Coupat pour « direction d’une structure à vocation terroriste », « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » et « dégradations en réunion en relation avec une entreprise terroriste ». Il est placé en détention provisoire avec quatre suspects, tandis que quatre autres sont remis en liberté sous contrôle judiciaire. Trois des personnes arrêtées en même temps que Julien Coupat seront encore remises en liberté le 2 décembre. Le 19 du même mois, le juge des libertés et de la détention ordonne la remise en liberté de Julien Coupat, mais le parquet dépose aussitôt un appel suspensif via une procédure tout à fait exceptionnelle et très rarement employée : le référé-détention. Il s’agit en somme de maintenir Julien Coupat en détention de manière « préventive », pour l’empêcher de commettre d’autres actes « terroristes ». Le 23 décembre, la Cour d’appel de Paris rejette dès lors la demande de libération sous contrôle judiciaire de Julien Coupat. (En revanche, sa compagne, Yldune, sera libérée le 16 janvier 2009.) Pourquoi Julien Coupat était-il suivi par la police au cours de la nuit des sabotages, le 8 novembre ? Sur ce point, les faits sont moins clairs, mais il semblerait que Coupat ait été signalé aux autorités françaises par les autorités américaines, après s’être heurté aux forces de l’ordre en marge de manifestations altermondialistes, il y a environ un an.

Voilà pour les faits, donc. Passons maintenant à l’analyse. Cette affaire a généré une profonde indignation pour de multiples raisons. D’abord, l’opinion publique est en droit de s’étonner devant la lenteur de l’avancée de l’enquête, et l’apparente faiblesse des charges retenues contre les inculpés. Depuis plusieurs mois que Julien Coupat est en prison, la justice n’a encore visiblement rassemblé aucune preuve sérieuse contre lui, puisque son régime est toujours celui du référé-détention… Tous les autres inculpés de l’affaire ont quant à eux été relâchés, après avoir subi des traitements pourtant très pénibles. Certains ont fait mention de séances d’interrogatoire extrêmement éprouvantes, et Le canard enchaîné raconte qu’Yldune Lévy, à la prison d’arrêt des femmes de Fleury-Mérogis, était réveillée toutes les deux heures dans sa cellule, officiellement pour être « protégée d’elle-même », mais en fait de toute évidence pour « attendrir la viande » et la pousser ainsi à avouer, selon la formule expressive de l’hebdomadaire. La police a certes invoqué un témoignage sous X contre Julien Coupat ; selon Mediapart, cependant, le « X » en question serait en fait un homme sous le coup d’une condamnation pour « dénonciation de délits imaginaires »…

Mais peu importe, au fond, de savoir si Julien Coupat est coupable ou innocent de ce dont on l’accuse. La police a certainement de bonnes raisons de le soupçonner. Bien que l’ouvrage L’insurrection qui vient ait été publié anonymement aux éditions de La Fabrique, il est très probable que notre inculpé en soit l’auteur : il s’agit d’un pamphlet, au demeurant remarquable par ses qualités d’écriture, dans le style pro-situationniste qui invite à une remise en cause radicale du monde actuel, et prêche ouvertement la révolte et la sédition contre une société qui n’a plus de sens, et qui ne pourrait être réveillée que par un étrange « nihilisme actif », inspiré par l’anarchisme russe du XIXe siècle et d’une tendance contre initiatique de la tradition kabbalistique juive. Coupat a déjà été interpellé à l’étranger dans le cadre d’actions plus ou moins illégales en marge de manifestations anticapitalistes, et il se trouvait indéniablement près des lieux d’un des sabotages la nuit du 8 novembre. Le problème, à vrai dire, réside plutôt dans la dureté et la sévérité du traitement judiciaire qui lui a été réservé…

Selon les sources policières elles-mêmes, et au contraire de ce qu’une certaine presse a longtemps affirmé, les actes de sabotage avaient été conçus pour empêcher tout risque de déraillement des trains. Comme le souligne Christophe Bourseiller, l’affaire des sabotages ne relève pas du terrorisme, puisqu’il ne s’agissait nullement de vouloir causer des morts ou des destructions importantes ; cette action de sabotage était plutôt l’oeuvre de « jeunes théoriciens désireux d’ourdir des actions symboliques pour faire avancer leurs idées. » (Le Matin, 18 novembre 2008)

Quelles sont les motivations du ministère de l’Intérieur, dans cette affaire ? Pourquoi bafouer de cette façon le principe pourtant essentiel, dans nos régimes, de la présomption d’innocence ? Pourquoi infliger un tel traitement judiciaire à un homme qui, en admettant qu’il soit coupable, aurait dû bénéficier d’un statut tout à fait différent ? Faut-il croire sérieusement à la thèse d’une mesure préventive, comme si Coupat était une sorte de Ben Laden anarchiste prêt à faire exploser un Airbus sur la tour Montparnasse ?

Il est clair que cette « affaire » est survenue en pleine crise économique, tandis qu’on s’attendait déjà à d’importants mouvements de contestation en France. Est-il en outre nécessaire de rappeler que les émeutes de cet hiver, en Grèce, ont été initialement déclenchées par des groupuscules anarchistes ? Le gouvernement avait sans doute à cœur de « faire un exemple », d’autant que les actes de sabotage ont révélé une vraie faiblesse dans le réseau ferroviaire français : il est de toute évidence très facile de saboter les lignes de chemin de fer. L’arrestation de Coupat tient qui plus est du miracle ; s’il n’avait pas été signalé par les autorités américaines, les actes de sabotage auraient continué aujourd’hui sans qu’on ait même le moindre début d’indice pour débusquer ses responsables… Imaginons maintenant que, lors des mois qui viennent, d’autres groupes décident de mener le même type d’opérations : le ministère tenait sans aucun doute à effrayer les jeunes contestataires, en leur montrant « préventivement » comment ils seraient traités en cas d’arrestation… 

[[Cet aspect du problème peut en tout cas faire naître bien des soupçons sur le rôle réel des services de renseignements dans l’affaire. Si une manipulation directe n’est pas à écarter (l’histoire immédiate de l’Europe occidentale offre bien des exemples d’application de la « stratégie de la tension »), on peut très bien imaginer que l’appareil étatique ait laissé agir ce groupe dans le but évident de radicaliser l’opinion publique contre les courants contestataires au sens large. Bien connus des Renseignements Généraux français, les futurs saboteurs avaient le profil idéal de naïfs gauchistes. Les médias furent d’ailleurs très friands de l’affaire et n’hésitèrent pas à reprendre la moindre information sans vérification (Le Figaro a même parlé de la piste d’une « Internationale Terroriste Gauchiste » et le terme d’« Ultra-Gauche a été utilisé à toutes les sauces, loin de son sens originel).]]

Pour le reste, quel jugement porter sur ces actes de sabotage ? Sur le plan des idéaux, les options retenues dans L’insurrection qui vient ne peuvent susciter qu’une certaine sympathie : nous vivons effectivement dans un monde d’anomie, et nous aimerions renouer avec davantage d’entraide communautaire et de solidarité, rompre avec la société débilitante de consommation. En revanche, on peut évidemment ne pas adhérer à la ligne idéologique et stratégique de contestation sociale gauchiste qui font des criminels et des « marginaux » des révolutionnaires. Il n’est pas certain du tout qu’elle puisse avoir l’efficacité escomptée – peut-être d’ailleurs n’aura-t-elle finalement servi qu’à appuyer la montée en puissance de l’Etat policier et à dresser la majeure partie de l’opinion publique contre les idées socialisantes. Le mouvement de soutien aux inculpés reste en effet tout à fait minoritaire face à la part immense de population que cette affaire a contribué à monter contre les « nouveaux extrémistes anticapitalistes »… Mais rien de tout ça ne doit nous dissuader de porter notre attention sur ce qui demeure le noyau du problème : il est de moins en moins exagéré de dire que nos Républiques démocratiques ressemblent de plus en plus à des Républiques bananières. Les autorités sont certes utiles, quand elles se limitent à leur travail légitime, et l’on peut bien sûr condamner comme paranoïaques les discours qui, dans ce domaine, versent dans la victimisation systématique des inculpés. Mais il n’empêche qu’on assiste depuis quelques années à un renforcement dramatique de l’Etat policier, en France. Devons-nous nous en étonner ? Les romans de science-fiction prédisaient déjà, il y a quarante ou cinquante ans, que l’essor de la société de consommation serait accompagné d’un désinvestissement du politique et d’un renforcement du pouvoir policier. Les Athéniens de l’Antiquité, qui étaient extrêmement intéressés par la politique (et qui y voyaient même la condition sine qua non de leur humanité) avaient une horreur absolue de la tyrannie ; mais les peuples qui se détournent de l’action pour la cité et du vivre-ensemble ne demandent rien d’autre en général que de se soumettre à une forme quelconque de « servitude volontaire » : « Laissez-moi consommer, et occupez-vous du reste ; je vous abandonne ma responsabilité. »

Cette déresponsabilisation des citoyens s’accompagne d’une radicalisation de minorités activistes qui ne veulent pas abdiquer devant la résignation ambiante. Pour le meilleur comme le pire …

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