06/06/2011
Pour une Ecologie véritablement révolutionnaire : Détruire ce qui nous détruit
Le combat écologiste seule est-t-il porteur d’une véritable perspective révolutionnaire ? Nous pensons que non. Aussi virulente que puisse prendre son expression, il reste englué dans sa vision limitée du problème. S’il a la capacité de deviner les futures catastrophes, il est dans l'incapacité matérielle de les contrer. L’échec de l’Ecologie politique et les demi-succès de l’Ecologie Radicale sont révélateurs de la logique d’un mouvement qui n’arrive pas à remonter aux sources du Mal et qui ne parvient qu’à être récupéré par le système ou à s’enfermer dans une surenchère stérile.
Pour reprendre l’analyse de l’équipe de l’Encyclopédie des Nuisances (1), les écologistes représentent sur le terrain de la lutte contre les nuisances écologiques ce que représentaient, sur celui des luttes ouvrières, les syndicalistes : des intermédiaires intéressés à conserver les contradictions dont ils assurent la régulation, des négociateurs voués au marchandage (la révision des normes et des taux de nocivité remplaçant les pourcentages des hausses de salaire), des défenseurs du quantitatif au moment où le calcul économique s'étend à de nouveaux domaines (l'air, l'eau, les embryons humains ou la sociabilité de synthèse); bref, les nouveaux courtiers d'un assujettissement à l'économie dont le prix doit maintenant intégrer le coût d'un "environnement de qualité".On voit déjà se mettre en place, cogérée par les experts "verts", une redistribution du territoire entre zones sacrifiées et zones protégées, une division spatiale qui réglera l'accès hiérarchisé à la « marchandise nature ». Quant à la radioactivité, il y en aura pour tout le monde.
Dire de la pratique des écologistes qu'elle est réformiste serait encore lui faire trop d'honneur, car elle s'inscrit directement et délibérément dans la logique de la domination capitaliste, qui étend sans cesse, par ses destructions mêmes, le terrain de son exercice. Dans cette production cyclique des maux et de leurs remèdes aggravants, l'écologisme n'aura été que l'armée de réserve d'une époque de bureaucratisation, ou la « rationalité » est toujours définie loin des individus concernés et de toute connaissance réaliste, avec les catastrophes renouvelées que cela implique.
Partant du constat que la société capitaliste actuelle mène par son mode de production et de consommation à la destruction inévitable de notre environnement, nous intégrons pleinement l’écologie à un combat révolutionnaire. Comme une composante d’un projet plus vaste de remise en cause du capitalisme et non comme la motivation unique et principale d’une démarche réformiste. La contradiction entre le milieu naturel et le système capitaliste mondial est totale. Il n'y a aucun terrain commun, rien qui puisse enjamber la séparation définitive entre la préservation de notre planète et la logique d’exploitation sans limites de ses ressources par le Capital.
C’est sur le terrain des rapports sociaux que se remportera la victoire de la défense de la Nature parce que c’est sur ce terrain là que se concrétise la conscience des enjeux majeurs afin de rompre avec la dynamique productiviste génératrice de pollution mais aussi de chômage et de crises. Seule la Révolution Socialiste pourra mettre fin au système en place et donner naissance à une nouvelle société, qui aura comme préoccupations (entre autre) de rechercher un rapport harmonieux avec son environnement. Parce qu’il ne sera pas guidé par le profit et organisé en firmes multinationale ou étatisées bureaucratiquement, notre Socialisme pourra être et sera un mode de production écologique. Il fera peut-être des faux pas, mais il n’introduira pas de façon systématique et aveugle des déséquilibres dans les cycles naturels, comme le fait le capitalisme. Il n’est pas la correction des lois économiques suivant des critères écologiques, mais le dépassement de la loi de la valeur et de l’économie. Ce que met en avant la crise écologique, c’est la nécessité de ce dépassement, le caractère devenu absurde socialement de la loi de la valeur qui écrasait déjà l’existence des travailleurs pour augmenter à tout prix la productivité du travail afin d’accroître le profit.
Le Socialisme sortira de la loi de la production pour la production (valorisation du capital, productif ou financier), afin d’élaborer une approche différence de l’économie qui ne soit pas nocive à terme pour notre environnement, et pour la nature, plus largement. Si nous rejetons la course aveugle à la croissance nous ne pouvons souscrire à l’illusion de la décroissance et à sa phobie de la technologie. Basée sur les réels besoins humains- que la société aura à redéfinir- et non sur les artifices de la consommation de masse, la production sera orientée impérativement pour éviter des effets irréversibles ou difficilement réversibles quant à leurs effets sur l’homme et sur la nature. Le but étant d’obtenir une prodigalité de biens d’usage peu coûteux et de qualité, sans impacts destructifs sur l’environnement. La révolution transformera profondément le sens du développement technologique et les conditions de production. Le mal n’est pas la technique mais l’utilisation qui en est faite par le Capital ainsi que le projet techniciste contemporain de la naissance des prémisses du capitalisme aux 16° et 17°siècles. L’innovation technologique n’est pas pour le moment un moyen de développer les possibilités de l’espèce et d’alléger ses peines, mais de faire produire plus de marchandises et mieux asservir le travailleur. Cela peut très bien changer si nous émancipons la technologie de la recherche du profit. Il est évident qu’un tel changement implique une rupture radicale qui ne peut être que la Révolution Socialiste ! De nos refus naît le futur !
Note >1 Encyclopédie des Nuisances, « A tous ceux qui ne veulent pas gérer les nuisances mais les supprimer », appel de 1991.
>Rébellion n°10 - Janvier/ Février 2005
DOSSIER ECOLOGIE
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02/06/2011
Nouveau contrôle social : Votre royaume est une prison !
[Rébellion n° 7- Juillet/Août 2004]
Travaille, consomme, sois plus productif, écrase les autres sans pitié, ruine l’environnement, regarde la télé, shoote-toi aux tranquillisants et surtout ferme là ! Voilà le leitmotiv de la société capitaliste. Donner à l’individu le goût de la servitude en lui octroyant comme unique liberté celle d’être son propre Kapo. Pour cela, les sociétés démocratiques libérales ont mis en place le plus efficace outil de contrôle social de l’histoire. Plus sûrement que les régimes totalitaires du passé, le système emprisonne les hommes et pourchasse les idées rebelles. La différence est que pour y arriver il utilise des moyens et des méthodes plus subtiles et moins visibles et qui sont pour cela bien plus efficaces. Bienvenue dans l’ère de l’oppression souriante et de l’exploitation douce.
Avec comme objectif le maintien d’un pouvoir économiquement inégalitaire et politiquement oligarchique, la classe qui nous dirige a compris que le plus sûr moyen pour y parvenir était d’amener les individus à accepter volontairement la servitude. Tout le nouvel appareil de contrôle social repose sur ce principe, il s’agit de formater les esprits et d’obtenir l’adhésion de chacun aux valeurs de la société libérale.
Les autoroutes de la désinformation
Dans la savante lobotomisation des masses, en cours, les divers médias jouent le rôle de fer de lance de l’opération. La télévision se révèle être un formidable outil de contrôle social car elle véhicule le message unique des maîtres du capital. 95% des foyers possèdent au moins un poste de télévision qu’ils regardent en moyenne 3h30 par jour. On peut donc à travers ces deux chiffres analyser l’étendue des dégâts que cause l’influence de la télévision. Ces 3h30 consacrées à visualiser la télé ne seront pas consacrées à la lecture d’un livre (activité autrement plus intellectuelle), mais à se vider psychiquement après le travail, et par là même à être en contact direct avec le pouvoir à travers le programme choisi. Elle participe au renouvellement de la force de production en effaçant artificiellement la fatigue du travail et, en même temps, elle crée l’apparence d’exister par procuration au sein une vie standardisée et illusoire. La TV dicte les normes à suivre, et est devenue un outil de répression psychologique bien plus fort que n’importe quelle prison ( note de la rédaction : depuis l'écriture de cette article, la diffusion d'internet et des nouvelles technologiques numériques a renforcer les techniques de lobotomie de masse) .
Le rôle des journalistes ? Orienter l’information dans le sens du pouvoir en place. La censure n’étant plus utile, tout bon journaliste, formé dans les écoles de communication, sait par cœur le discours de la pensée unique. « Si nous ne mentionnons pas un événement, il ne s’est pas produit » affirmait cyniquement Ted Turner, l’ancien patron de CNN. Comme le remarquer Noam Chomsky dans « La Fabrique de l’opinion publique », l’info est devenue un enjeu politique et économique soumis aux pressions des grands groupes financiers.
Le remodelage du réel s’opère d’autant plus facilement que disparaissent les poids des repères intellectuels (appauvrissement de la langue, perte des références culturelles en particulier au niveau historique, sous culture de masse…). Tout est fait pour empêcher la réflexion et semer la confusion dans les esprits. La destruction de la transmission du savoir n’est pas innocente. Le but étant de donner naissance à un nouveau monstre : un citoyen docile qui soit aussi un consommateur vorace.
Les piéges de la consommation
Là où les nazis et les staliniens ont mis en place le camp de concentration et le goulag, la société de consommation a créé le supermarché. Dans la logique d’extension sans fin du Marché, la consommation de masse est un impératif du développement du capitalisme. Tout doit être fait pour créer le réflexe de l’achat. Les entreprises ont investi des fortunes pour inculquer par la publicité, aux consommateurs, l’idée du vieillissement psychologique, c’est-à-dire le désir de renouveler des biens sans attendre que ceux dont on dispose soient usés. Tout aussi efficace est la conception de machine se dégradant progressivement, la durée de vie d’un appareil ménager bas de gamme est calculée pour ne pas dépasser cinq ans, pour atteindre son renouvellement.
Pour écarter tout risque, les trusts commerciaux se chargent de formater le futur consommateur. David Whedan, ex-directeur mondial de coca-cola, affirmait que « face à la difficulté de prévoir comment sera le consommateur du futur, la solution est de le créer nous-même dès à présent. Avec l’aide de bonnes idées et d’une bonne pub, le cours du futur va aller où nous voulons qu’il soit. La meilleure façon de prévoir l’avenir est de le créer ». Dans la guerre commerciale que se livrent les multinationales à coups de budgets publicitaires faramineux, les seuls perdants sont les consommateurs.
Le crédit, création artificielle de valeur par excellence, est la base du système. Le surendettement des foyers entraîne des conséquences tragiques et piége des milliers de familles en France. Du simple ménage aux états en faillite, sous perfusion du FMI, tous sont tenus par l’usure capitaliste qui leur dicte leurs choix.
Souriez, vous êtes fliqués
Contrôler les masses est une obsession du système. Identifier les déviants et les isoler du reste de la société, les rendre infréquentables, les exclure économiquement et au final les incarcérer ou les interner : voilà les tâches assignées à une organisation étatique tentaculaire qui s’imisce dans nos vies sans que nous ne nous en rendions vraiment compte. Dans le domaine des nouvelles techniques de contrôle, on n’arrête pas le progrès (dommage…).
Le fichage informatique facilite grandement le travail de la police en permettant le croisement d’une multitude d’informations provenant de sources étatiques (fichiers de police ou des RG, des impôts, des recensements de populations) ou privées mises à la disposition de l’Etat (comme les données récoltées lors d’enquêtes commerciales). La modernisation de l’outil de contrôle a permis aussi le pistage des « traces informatiques » (retraits par carte, appels depuis des téléphones mobiles) effectué plus ou moins légalement. Le durcissement de la législation au motif de la lutte contre le terrorisme va ainsi dans le sens d’un contrôle total des outils de communication, comme Internet, par les Etats. Et le pire reste à venir, si on en croit les spécialistes de la sécurité. Le développement de la biométrie (contrôle combinant des empreintes et des traits de visage) et des fichiers génétiques sont les grands espoirs de nos oppresseurs. Le neurologue américain Larry Fawell avance même une nouvelle théorie selon laquelle on pourrait désormais reconnaître l’intention d’une personne en lisant les images issues d’un scanner de son activité cérébrale. Cela pourrait prêter à sourire, si on ne savait pas, que le FBI et la CIA financent activement les recherches de ce docteur…
Heureusement il reste de l’espoir, ces nouvelles technologies sont sujettes à des plantages spectaculaires pour l’instant. Mais là où nous devons nous inquiéter, c’est dans le consensus qui naît autour de ces pratiques, qui ne sont pas jugées liberticides par la majorité de nos concitoyens. Parce qu’elles sont habilement présentées comme des mesures « indolores », elles sont acceptées comme des formalités inévitables.
La violence intégrée
« Plus une société devient libre, plus il est difficile d’utiliser la force » écrit Noam Chomsky ; il ne faut pas pour autant en conclure que la brutalité ait disparue. La violence est intégrée à l’état démocratique, elle fait partie intégrante de son fonctionnement.
La question de la violence a toujours été au cœur de la réflexion révolutionnaire. Dans la révolte, elle s’exprime de manière éclatante et spontanée, elle est libératrice et se légitime par le désir des peuples de s’émanciper de l’oppression. Mais on a trop souvent tendance à oublier que la violence peut être entre les mains de l’Etat. Elle est alors un instrument froid, calculé, totalement maîtrisé et contrôlé. Elle est, de plus, mise en scène pour être acceptée par tous, elle tend à être acceptée par tous, comme des moyens « indolores ». Jugeons-en nous -mêmes : le taxer X25, adopté par la plupart des polices du monde, se propose de ramener d’éventuels fauteurs de troubles au calme à l’aide de 2 sondes propulsées à grande vitesse pour se figer dans le corps en envoyant une puissante décharge électrique qui neutralise la communication entre le cerveau et les muscles. Autre sympathique invention, le canon sonique qui touche par ses vibrations des foules entières ou ses gaz paralysants utilisés à Moscou lors d’une prise d’otages dans un théâtre (mais n’étant pas encore au point, il a provoqué la mort de nombreux otages).
Dans un autre registre, n’oublions pas les nouvelles méthodes de torture mises au point par l’armée israélienne dans les territoires occupés et reprises dans les prisons américaines de Guantanamo. Par la privation du sommeil à l’isolement en chambre sombre (privation de toutes sensations sensorielles pendant plusieurs jours et pouvant aboutir à la folie), on sait parvenir à obtenir des aveux « sans violence » et sans laisser de blessures. Un grand progrès en comparaison du bon vieux passage à tabac de nos commissariats…
De qui dépend que l’oppression demeure ? De Nous !!!
Notre espoir se place dans le réveil des classes populaires qui seront amenées à ouvrir les yeux sur leurs conditions par les contradictions mêmes du capitalisme. « Arrivé à l’apogée de sa puissance, le capitalisme est aussi arrivé au plus haut point de sa vulnérabilité : il ne débouche nulle part ailleurs que sur la mort. Si faibles que soient les chances de révolte, c’est moins que jamais le moment de renoncer au combat » déclarait Paul Mattick. L’exclusion massive au nom de la rentabilité laisse chaque jour d’avantage de personnes en dehors de la société. Arrive un moment où la majorité des gens n’arrivera plus à suivre, ils chercheront alors à se libérer de leur impuissance en contestant la machine capitaliste.
Élément souvent négligé dans la grande faillite du système, la production de toujours plus de médiocrité et de folie dans une société sans repaire et au bord de l’explosion. La fin de la circulation des élites au profit d’une petite caste de technocrates et la destruction savante de l’éducation nationale a produit des générations où certains jeunes peuvent maîtriser le plus complexe logiciel informatique, mais buter sur un simple addition. Les impératifs d’adaptation à une économie marchande ont détruit les fondements mêmes du savoir. Dans l’avenir, le savoir sera une arme à ne pas laisser aux imbéciles. Le combat de demain sera celui contre l’indifférence et l’absurdité de la barbarie libérale.
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28/05/2011
18 Mars - 28 Mai 1871 : La Commune n'est pas morte !
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Emile POUGET : "Le père peinard" de l'action directe
[ Rébellion n°1 Juillet/Aout 2003 ]
Sous le drapeau noir de l’Anarchie
Né en 1860 à Rodez, Emile Pouget lance à quinze ans son premier journal "Le Lycéen républicain" dont les exemplaires sont copiés par lui-même sur des feuilles de cahier et lui vaudra quelques heures de retenue. Après la mort de son beau-père, il doit gagner sa vie en travaillant dans les grands magasins parisiens où sa manie de la propagande révolutionnaire ne lui permit pas de prolonger sa carrière. En 1879, il contribue à créer le premier syndicat parisien des employés. Il est arrêté, aux côtés de Louise Michel, à la suite de la manifestation du 9 mars 1883. Le rassemblement contre le chômage dégénérant en émeutes, les forces de l’ordre interviennent violemment. Pouget fut condamné à 8 ans de prison sous l’accusation d’incitation au pillage. On l’avait seulement entendu dire de la foule des affamés pillant une boulangerie ; « ils prennent du pain parce qu’il ont faim… Ils ont raison ! ».
Après 4 ans, on le relâche. En prison, il a gagné la rage d‘en finir avec l’injustice. Quelques mois après sa libération, il fonde un journal qui fut considéré par la bourgeoisie comme un appel constant au pillage, au vol et au meurtre. Populaire, utilisant l’argot des rues, "le Père Peinard" était conçu pour interpeller de manière directe les ouvriers. C’était un brûlot hebdomadaire, où il dénonçait les patrons, les élus et les scandales de la République ainsi que l’armée et la justice. Remarquablement illustrés, certains numéros furent diffusés à 20 000 exemplaires. Pour ses appels constants à la révolte, Pouget accumule les condamnations et les emprisonnements. L’anarchiste reçut le soutien inattendu de la duchesse d’Uzès. L’anecdote mérite d’être rapportée pour éclairer les rapports entre les milieux anarchistes et nationalistes à la fin du XIXème siècle. Un compagnon de Pouget, Henry Dupont, recherche des subsides pour poursuivre le journal et venir en aide à son rédacteur en chef. Par l’intermédiaire d’un camarade, il reçut avec surprise une invitation à se présenter chez madame la duchesse d’Uzès. L’ancienne bienfaitrice du général Boulanger (qui ne lui en fut jamais reconnaissant) et amie de Louise Michèle, était l’une des figures du patriotisme de l’époque, ultra légitimiste elle n’en était pas moins une grande dame généreuse qui se piquait de trouver une solution à la question sociale par le nationalisme. Elle reçut avec curiosité Henry Dupont, authentique anar, qui se montra d’une grande courtoisie. Tous deux tombèrent d’accord sur la nécessité d’éliminer la République corrompue ! La bonne duchesse eut seulement du mal à accepter la vision particulière de Dupont sur l’insurrection Vendéenne. Elle qui évoquait avec fierté la participation de ses ancêtres au soulèvement royaliste, fut décontenancée quand l’anarchiste lui déclara que les révoltés du bocage s’étaient sûrement plus révoltés contre l’impôt et la conscription que pour rétablir la monarchie. Les Vendéens étant pour lui des anarchistes avant la lettre… La duchesse préféra arrêter là la conversation et lui remit une forte somme pour aider les prisonniers et leurs familles. On dit, que en plus de Pouget, le dynamiteur Ravachol bénéficia de la bonté de Madame la duchesse…
Le syndicalisme d’action directe
Emile Pouget doit en 1894 quitter précipitamment la France pour échapper à la répression du "procès des trente", qui recherchait à faire l'amalgame entre des théoriciens anarchistes et des délinquants, tentative qui échoua lamentablement, il se réfugie à Londres. Il poursuit depuis l’Angleterre la publication clandestine du "Père Peinard". Il découvre surtout durant son séjour forcé l’action des Trades Unions, les syndicats ouvriers britanniques. Le syndicalisme devient son centre d’intérêt principal, il y voit un moyen de mobiliser les prolétaires pour l’action révolutionnaire. Rentrant d’exil en 1895, il s’y consacre entièrement.
Au même moment, à Limoges, se met en place le processus d’unification des fédérations des bourses du travail et des fédérations des syndicats. La Confédération Générale du Travail s’élabore dans le creuset des différentes tendances du monde ouvrier. Pouget incarne le syndicalisme révolutionnaire, héritier du courant socialiste français, qui s’oppose aux marxistes et aux réformistes, favorables à la conciliation avec le système capitaliste et républicain. « Le syndicalisme, écrit-il, sans se manifester par une participation directe à la vie parlementaire, n’en a pas moins pour objet de ruiner l’Etat moderne, de le briser, de l’absorber. (…) La lutte contre le pouvoirs publics n’est pas menée sur le terrain parlementaire (…) parce que le syndicalisme ne vise pas à une simple modification du personne gouvernemental», mais à une transformation totale de la société.
Pour Pouget et ses camarades syndicalistes révolutionnaires, il s’agit d’être indépendants des partis et des officines (comme la franc-maçonnerie), d’être insensibles à leurs consignes, et de n’oeuvrer que pour le triomphe du « parti du travail », c’est-à-dire la classe ouvrière. Comme le fait remarquer très bien Jacques Toublet dans son introduction à l’œuvre d’Emile Pouget : « La CGT de 1906 était neutre à l’égard des partis politiques, elle n’était pas neutre face à l’exploitation ! »
La CGT, dominée alors par les syndicalistes
révolutionnaires, est une organisation qui mène en même temps l’action revendicative quotidienne et la préparation des changements révolutionnaires. L’une ne pouvant être pensée sans l’autre. Pouget définit comme le coeur du syndicalisme révolutionnaire l’action directe : « Elle signifie que la classe ouvrière, en réaction contre le milieu actuel, n’attend rien des hommes, des puissances et des forces extérieures à elle, mais qu’elle crée ses propres conditions de lutte et puise en soi les moyens d’action. Elle signifie que, contre la société actuelle qui ne connaît que le citoyen, se dresse désormais le producteur ».
L’action directe peut prendre diverses formes adaptées aux circonstances du combat syndical : le boycott des produits d’entreprises qui exploitent leurs employés et la mise en place d’un label syndical (qui garantit la qualité et le respect des règles syndicales), le sabotage des bénéfices patronaux que prêche Emile Pouget lors du congrès de la CGT à Toulouse en 1897. Il en fait une apologie enflammée à la tribune : « Avec le sabotage les travailleurs peuvent résister ; ils ne sont plus à la merci complète du capital ; ils ne sont plus la chair molle que le maître pétrit à sa guise : ils ont un moyen d’affirmer leur virilité et de prouver à l’oppresseur qu’ils sont des hommes ».
L’apogée de l’action directe c’est la grève. Cette « gymnastique révolutionnaire » comme l’appelait Pouget, doit permettre à une fraction de la classe ouvrière de se mobiliser et de prendre conscience de sa force. Le paroxysme de ce mouvement se trouve dans le déclenchement de la grève générale qui verra le renversement de la république et du capitalisme.
Fin 1900 paraît "la Voix du peuple", journal de la C.G.T. dont Pouget est le responsable. Par la suite, il sera nommé secrétaire-adjoint aux fédérations de la C.G.T., de 1901 à 1908, sera l'un des propagandistes de la grève générale et l'organisateur du grand mouvement pour la journée de huit heures de travail, prévu pour le 1er Mai 1906 et décidé au congrès de Bourges (1904). Il travaille en étroite collaboration avec Victor Griffuelhes, qui est alors le secrétaire général de la CGT. Grâce à la mise en commun de leurs dons, ces deux militants vont former une équipe parfaite. Pouget amenant l’intelligence politique et Griffuelhes l’énergie et le sens de l’organisation. La stratégie de Pouget aboutit à des succès importants, ce qui permit « le développement de la conscience ouvrière et de la puissance de l’organisation confédérale ».
Pour Pouget les méthodes d’action de l’organisation confédérale ne sauraient s’inspirer de « l’idée démocratique vulgaire ; elles ne sont pas l’expression du consentement d’une majorité dégagée par le procédé du suffrage universel ». En effet, si les procédés démocratiques étaient pratiqués dans les organisations ouvrières, « le non-vouloir de la majorité inconsciente et non syndiquée paralyserait toute action. Mais la minorité n’est pas disposée à abdiquer ses revendications et ses aspirations devant l’inertie d’une masse que l’esprit de révolte n’a pas animée et vivifiée encore. Par conséquent, il y a pour la minorité consciente obligation d’agir, sans tenir compte de la masse réfractaire ». Il participera à la rédaction de la Charte d'Amiens de 1906 qui apaise pour un moment les luttes de tendances et voit le syndicalisme révolutionnaire s’imposer. Les succès remportés par cette stratégie attirent rapidement la répression sur le mouvement ouvrier.
En 1908, après la grève de Draveil et les événements sanglants de Villeneuve-Saint-Georges, Pouget est arrêté sous de fausses accusations. Après sa libération, il démissionne de ses responsabilités syndicales à cause de la maladie du coeur qui l’emportera le 21 juillet 1931. Fatigué, dégoûté par le tournant réformiste de la CGT et par la participation des syndicalistes au gouvernement d’Union Nationale durant la guerre, il s’enfermera dans le silence.
Aujourd’hui, plus de cent ans plus tard, quand on regarde la déchéance du syndicalisme on ne peut qu’appeler à la renaissance de l’esprit révolutionnaire. L’exemple d’Emile Pouget reste vivant dans le cœur de la classe ouvrière.
BIBLIOGRAPHIE
Emile Pouget- Le sabotage- Mille et une Nuits.
Jacques Julliard – Autonomie ouvrière – Gallimard Le Seuil.
Jacques Julliard – Fernand Pelloutier et les origines du syndicalisme d’action directe – Le Seuil.
Michel Dreyfus – Histoire de la CGT – Edition complexe
Fernand, Histoire des Bourses du Travail, édition Gordon & Breach, Paris, 1971 (1902), 338 pages.
"L'appel aux anarchistes : leur place est dans les syndicats" de Pelloutier, parut dans Les Temps nouveaux du 2 novembre 1895.
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19/05/2011
La Rose Blanche, Refuser et résister
« Et tu dois te conduire
comme si de toi et de ton acte seul
dépendait le destin de ton peuple
et que toute responsabilité te soit impartie ».
G. Fichte.
Au matin du 22 février 1943, dans une aurore glacée, trois jeunes gens montent calmement vers l’échafaud où les attend la hache du bourreau. Leurs visages résolus n’ont pas été oubliés par le temps. Hans et Sophie Scholl et leur ami, Christoph Probst, vont désormais incarner le refus et la résistance. Refus de voir leur liberté confisquée et leur dignité niée par un régime totalitaire. Résistance à l’enrégimentation des esprits et à la destruction de l’intelligence.
L’Allemagne Fédérale avait tenté, sans succès, d’annexer leurs mémoires pour se donner bonne conscience, mais leur sacrifice était trop grand pour cette République de petits-bourgeois ventrus et honteux. Cet article ne sera donc pas une énième tentative de récupération ou un gage offert à l’anti-fascisme institutionnalisé (nous avons déjà montré que cette vieille ficelle idéologique n’avait plus cours et que nous avions mieux à faire que de combattre des fantômes ou des fantasmes), il est simplement un salut à la mémoire de ces jeunes et pourra servir un peu d’exemple à ceux qui, aujourd’hui, refusent et résistent à un totalitarisme qui refuse de dire son nom.
Une jeunesse Allemande.
Résidant à Ulm et âgé de 14 ans en 1933, Hans Scholl, à peine lycéen, n'est pas au début, insensible aux discours de Hitler. " On commença à nous parler de patrie, de camaraderie, de communauté populaire et d’amour du pays. Ces notions s’imposaient à nous et nous écoutions, enthousiasmés, ce qu’on en disait à l’école ou dans la rue. Car nous aimions beaucoup notre pays, les bois, les fleuves et les vieux rochers gris qui se dressaient, entre les vergers et les vignes, sur les flancs escarpés de nos montagnes. Il évoquait pour nous une bonne odeur de mousse, de terre humide, et de pommes. La partie, n’était-ce pas l’ensemble des hommes parlant la même langue et appartenant au même peuple ? Nous l’aimions, sans savoir dire pourquoi. Jusqu’ici, on n’avait jamais eu besoin d’en parler. Et maintenant ce sentiment naturel était le thème, souvent repris, des discours officiels. Nous apprenions que Hitler voulait apporter à l’Allemagne la grandeur et le bien-être qui lui manquaient. Il entendait procurer à chacun du pain et du travail, en donnant à tout Allemand l’indépendance, la liberté et le bonheur. Ce programme nous plaisait, et nous voulions consacrer toutes nos forces à le réaliser. Autre chose nous séduisit, qui revêtait pour nous une puissance mystérieuse : la jeunesse défilant en rangs serrés, drapeaux flottants, au son des roulements de tambour et des chants. Cette communauté n’avait-elle pas quelque chose d’invincible ? Quoi d’étonnant à ce qu’Hans, Sophie, et nous tous, nous trouvions bientôt engagés dans la Jeunesse Hitlérienne ? " écrivit plus tard sa plus jeune sœur, Inge. Son passage dans les Jeunesses Hitlérienne dont il devient un cadre local l’amène pourtant à s’interroger sur la nature du régime. La militarisation de la jeunesse dans une course vers la guerre lui apparaît lors avec d’un congre du NSDAP à Nuremberg. Très vite, Hans prit ses distances avec le national-socialisme puis rompit, aidé par ses parents, profondément hostiles au régime. Il rejoint alors la Jungendschaft, un réseau de petits cercles d’amis qui refusaient l’intégration dans les Jeunesses Hitlériennes et qui ressuscitait l’esprit romantique du mouvement Wandervögel du début du vingtième siècle. Dans la tradition allemande des ligues de jeunesse, elle professait l’importance de la vie au grand air et du sport en complément d’une éthique exigeante. Malgré les interdictions successives et l’incorporation obligatoire des jeunes Allemands dans la jeunesse hitlérienne, décidée en 1936, certains de ces groupes continuèrent pourtant leurs activités dans la clandestinité et l’illégalité. L’organisation à laquelle Hans se rattachait fut démantelée en 1937 et ses chefs lourdement condamnés.
Brièvement emprisonné en 1938, il comprit alors que toute résistance est d’abord individuelle et qu’aucune organisation importante ne pouvait survivre face à la répression impitoyable du régime nazi. Il décida alors d’opter pour des études de médecine et rejoignit l’université de Munich. Hans se mit alors à enrichir ses lectures pour y voir clair. " Il étudia les philosophes anciens, notamment Platon et Socrate. Il lut les premiers penseurs chrétiens, et surtout saint Augustin. Plus tard, il découvrit Pascal. Et les paroles de l’écriture sainte prirent pour lui une signification nouvelle et étonnante, une actualité exceptionnelle. Sa vision du monde est alors empreinte d’un christianisme moralisateur et humaniste. Plus encore, l’idée du sacrifice l’habite désormais : « Notre fin sera atroce, mais elle vaut mieux qu’une atrocité sans fin ». Mystique, Hans ne s’enferme pas pourtant dans une attitude mortifère, il gardera sa joie de vie, mais en ayant conscience que l’époque exigeait un engagement total pour les valeurs de la liberté.
Sa rencontre et son amitié avec deux étudiants en médecine âgés respectivement de 25 et 23 ans : Alexander Schmorell, fils d’un médecin de Munich, et Christoph Probst, déjà marié et père de famille, aida à sa prise de conscience. Un quatrième étudiant en médecine, Willi Graf, arrêté lui aussi en 1938, les rejoignit. Avec la sœur d’Hans, Sophie, née en 1921, et le professeur Huber de l’université de Munich, ils allaient constituer le noyau dur de la Rose Blanche (Die Weiße Rose).
Die Weiße Rose.
Tout commença en juin 1942. Hans Scholl et Schmorell décidèrent d’appeler à la résistance contre le régime : en quinze jours, ils rédigèrent et diffusèrent quatre tracts, signés la Rose Blanche. Ces textes s’adressaient surtout à leurs condisciples étudiants de l’université de Munich, les invitant à une réflexion sur les valeurs et à la révolte contre l’Etat qui les bafouait, les pressant d’assumer leur responsabilité. Les tracts furent diffusés de manière artisanale (distribués de main à la main, adressés par la poste, mis dans des boîtes aux lettres, déposés chez des restaurateurs…), surtout par Hans Scholl et Schmorell, aidés de Sophie, de Probst et d’une amie d’Hans, Traute Lafrenz. Le petit groupe comptait sur la démultiplication par les destinataires. Par ce biais, les tracts de la Rose Blanche se retrouvent diffusés par milliers dans la plupart des universités allemandes de l’Ouest.
Hans Scholl, Alexander Schmorell et Willi Graf se retrouvent entre temps sur le front russe dans les services médicaux. Ils sont les témoins des atrocités de la guerre et de la souffrance de la population. De retour à Munich, ils ne sont que plus résolus dans leur opposition au régime.
Quand Stalingrad tomba en février 1943, les débats étaient vifs au sein de la Rose blanche. Par exemple, alors que durant plusieurs nuits, Hans Scholl et Schmorell peignirent sur des murs du quartier universitaire " Liberté ", " Hitler massacreur des masses " et " à bas Hitler ", certains de leurs camarades estimèrent cette attitude inutilement dangereuse et d’autres répugnèrent à envisager d’appeler au meurtre — ce à quoi pouvait inciter l’expression à bas Hitler — compte tenu des fondements non-violents de leur action.
Loin d’avoir été une organisation monolithique, la Rose Blanche fut toujours un petit groupe traversé d’idées diverses, mais soudé par la camaraderie. Ainsi, le dernier tract adressé directement aux étudiants, qu’on estimait désormais plus sensibles, fit l’objet de débats. De tendance national-conservatrice, Huber estimait qu’il fallait marquer son soutien à la Wehrmacht en ce moment où les survivants de la 6e armée venaient d’êtres faits prisonniers ; il pensait aussi qu’il ne fallait donner en rien l’impression de pactiser avec le« bolchevisme », autre visage du totalitarisme combattu par le groupe. Au bout du compte, le tract commenta la défaite de Stalingrad, condamna les méthodes nazies, invita la jeunesse à se mobiliser contre le régime, comme l’avaient fait leurs prédécesseurs en 1813 contre la domination napoléonienne. Dans leur esprit, le nazisme était un corps étranger à la nation allemande qui devait être éliminé.
Le 18 février, Hans et Sophie Scholl, se rendent au petit matin à l’Université de Munich pour déposer des tracts avant l’arrivée des étudiants dans les amphis. L’heure tournant et leur restant des tracts (qui pouvaient devenir des preuves en cas d’arrestation), ils commettent l’imprudence de lancer les derniers exemplaires dans la cour depuis le deuxième étage. Ce geste, probablement causé par une extrême tension physique et psychologique, causa leur perte : le concierge les vit et les dénonça, ce qui confirma la Gestapo dans une surveillance déjà ancienne.
Le sacrifice.
Aussitôt transférés dans les locaux de la Gestapo, ils sont interrogés durant plusieurs heures par des agents spéciaux. Christoph Probst arrêté à son tour, vint les rejoindre en prison. Conscients de la gravité de la situation, ils tentent de prendre toute la responsabilité de l’action du groupe sur eux dans le but de protéger leurs camarades.
Le 22 février, le Tribunal du peuple présidé par le sinistre procureur Freisler, venu exprès de Berlin, régla le sort de Sophie et Hans Scholl et de Christoph Probst en trois heures : ils furent condamnés à mort. Quelques heures avant leurs exécutions, les gardiens émus prirent sur eux de les réunir quelques minutes. « Je ne savais pas que ce fut aussi facile de mourir », dit Probst qui venait d’apprendre la naissance imminente de son troisième enfant. Et il ajouta : « dans quelques minutes, nous nous reverrons dans l’éternité ».
Sophie fut la première à monter à l’échafaud, Le bourreau avoua qu’il n’avait encore vu personne mourir aussi calmement. Hans, eut lui, le temps, avant que la hache ne s’abatte, de crier un dernier « vive la liberté ! » qui résonna longtemps dans la sombre prison munichoise. La vague d’arrestations ne s’arrêta pas pour autant ; le professeur Huber, Alexander Schmorell et Willi Graf furent jugés et exécutés expéditivement. La répression n’abattit pas toute vie de la Rose blanche, et plusieurs sympathisants actifs furent encore condamnés à mort ou envoyés en camp pour avoir simplement continué à diffuser leurs tracts. Le dernier mot écrit par Hans sur le mur de sa cellule résume en lui seul l’action de la Rose Blanche : « Braver toutes les forces contraires ».
Inge SCHOLL, la Rose Blanche, Les Editions de Minuit.
Un film allemand sur les derniers jours des membres de la Rose Blanche est sortis en France : « Sophie Scholl – Die Letzen Tage » du réalisateur Marc Rothemund.
18:46 Publié dans Réflexion - Théorie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rose blanche, résistance allemande | Facebook | | Imprimer