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13/06/2011

La sagesse est dans l'action !

‎"Ayant reconnu comme égaux le plaisir et la souffrance, le gain et la perte, la victoire et la défaite, prépare-toi pour le combat ; ainsi tu ne commettras pas de péché". 

Le Bhagavad Gita, II, 38.

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12/06/2011

La Nation aux Travailleurs !

rébellion,socialisme révolutionnaire européen


« Une rupture radicale doit être clairement faite, aussi bien, avec les conceptions réactionnaires et bourgeoises de l'idée nationale qu'avec les tenants d'une mondialisation « post nationale » (qu'ils soient des représentants des multinationales, des bobos altermondialistes ou  les derniers rejetons des groupuscules gauchistes).  L'enjeu est de faire le lien entre la question nationale et la question sociale, c'est-à-dire de poser clairement la priorité de la libération de la France et de l'Europe de la domination capitaliste, ce qui aurait par voie de conséquence une portée internationale essentielle. »

Réinventer la patrie. Le devenir du socialisme. Rébellion n°39 Novembre>Décembre 2009

08/06/2011

Edito du n° 48 : L'Europe contre le Capital

"Si les masses étaient aussi transparentes, aussi moutonnières, jusqu'en leurs derniers atomes, que le prétend la propagande, il ne faudrait pas plus de policiers qu'un berger n'a besoin de chiens pour mener son troupeau. Il n'en est pas ainsi, car des loups se dissimulent au sein de ce moutonnement grisâtre : c'est-à-dire des natures qui savent encore ce qu'est la liberté."   Ernst Jünger

   La crise que traverse le capitalisme en renforçant les clivages internes à la société européenne agit comme un révélateur de ses contradictions. Une prise de conscience s'opère progressivement dans les esprits des travailleurs européens. Du Portugal à la Grèce, les classes populaires ne veulent pas payer pour l'oligarchie mondialisée les conséquences d'une logique économique suicidaire.

   Cette révolte n'a certes pas atteint un degré suffisant pour véritablement déboucher sur une révolution sociale. L'emprise idéologique du capital est encore forte, l'univers de représentations  que ce système s'est construit est encore debout. Si la dégradation des conditions de vie est progressive, elle touche véritablement au premier chef les couches populaires déjà attaquées par les «réformes» et privées des anciennes solidarités communautaires.

   Une analyse des récents évènements sociaux sur le continent, nous montre un rejet massif des conséquences des politiques libérales pour surmonter la crise économique. Mais il apparaît que ses révoltes ne sont pas encore guidées majoritairement par une idée de renversement radical du système en place. Il est évident que les «enfants chéris de l'ultra consommation» ne deviendront pas de futurs révolutionnaires du jour au lendemain. Il serait portant stupide de dénigrer ces mobilisations de la jeunesse européenne, car elles sont les symptômes d'un malaise réel. Quand la majorité des jeunes européens n'aura d'autre perspective d'avenir que celle de la précarité, il est certain que ceux-ci lutteront pour une amélioration de leur sort. Réclamer l'accès au logement ou à un travail mieux rémunéré n'est pas forcément une revendication mineure dans ce contexte mais la capacité de comprendre que ces revendications ne sont plus suffisantes en regard de la situation est primordiale, le capitalisme ayant de moins en moins la possibilité de s'offrir le luxe de conserver un visage humain. Les prolétaires n'amélioreront plus leurs conditions d'existence au stade actuel du capitalisme, c'est l'affrontement direct avec lui afin de le renverser qui est à l'ordre du jour.

   En Espagne, lancée sur les réseaux sociaux du net (1), la mobilisation «Democracia real, ya» est le symbole des limites et des possibilités de ce genre de mouvement. Avec 4,2 millions de chômeurs, l’Espagne compte aujourd’hui le taux de sans emplois le plus élevé de l’Union européenne. Soit 21 % de la population active. Chez les moins de 30 ans, ce taux avoisine les 44 %. La crise économique frappe de plein fouet la jeunesse espagnole, devenue pour une grande part surpopulation relative. Au point que le Fonds monétaire international (FMI) a récemment qualifié ces jeunes de «génération perdue». Les manifestants veulent «que les coupables de la crise paient». Des milliers de jeunes, mais aussi de travailleurs, occupent les places principales des grandes villes du pays, chaque soir, depuis le 15 mai . Pas question pour ces Espagnols de payer la facture d’une crise financière qui n’est pas la leur mais «celle des banquiers et des politiques» selon les organisateurs du mouvement. L’austérité mise en place par le gouvernement depuis plusieurs mois, pour réduire à toute vitesse la dette du pays conformément aux injonctions de Bruxelles et du FMI, défait un à un les filets de la protection sociale. Le gouvernement de Gauche de Zapatero (à l'image de ce qui se fait en Grèce et partout en Europe) opère une réduction drastique des dépenses publiques : les enseignants par exemple ont vu leur salaire réduit de 5 %.

   En s'attaquant simplement aux rôles des banques, ce mouvement se trompe de cible. Il faut viser le cœur du mal qu'est le système d'exploitation capitaliste dans sa globalité. Il ne suffit pas d'occuper des places publiques et de dénigrer le système financier comme s'il suffisait de moraliser le capitalisme. La présence du combat de la classe ouvrière contre les impératifs économiques du capital s'avère dès lors nécessaire; le noeud gordien de la question se trouve dans le processus d'exploitation du travail vivant du prolétariat et c'est à ce stade que celui-ci peut paralyser la force du capital. Pas de changement sans insurrection prolétarienne!

   En appelant à une abstention massive lors des différents scrutins électoraux et en chassant les politiciens de Gauche comme de Droite venus récupérer les événements, les manifestants montrent que la mascarade politicienne est finie pour eux. C'est déjà un pas de fait à l'égard du cirque politique organisé. A partir de là, le gouvernement s'est fait moins conciliant et a envoyé ses forces de police réprimer ces rassemblements pacifiques. Face à la répression, le mouvement reste malheureusement paralysé sur la question de l'autodéfense légitime à mettre en place contre la brutalité étatique. Illusions "démocratiques" persistantes...

   Globalement, il existe quelques éléments intéressants dans la réflexion collective de ces mouvements sociaux (comme en Grèce sous l'influence d'une ancienne et très forte conscience révolutionnaire). Encore minoritaires, ils pourraient déboucher sur une radicalisation possible au delà du clivage Gauche-Droite. En France, nous avons pu voir cela grâces aux diverses actions sympathiques menées contre les dîners mensuels du club Le Siècle.

   Notre rôle dans cette période de prémisses des luttes est de faire mûrir la réflexion de ce mouvement global, d'agir sur le terrain pour faire progresser la prise de conscience révolutionnaire et de renforcer la coordination des éléments authentiquement dissidents. Notamment il s'agit de faire savoir qu'il n'y a pas dans cette situation un problème général affectant l'indistincte catégorie de la "jeunesse" dans laquelle on voudrait noyer le poisson. C'est le phénomène de l'accumulation capitaliste qui rencontre, à une échelle toujours plus ample et intense, ses limites se traduisant invariablement par des crises, des soubresauts, des destructions massives d'hommes et de richesses multiples. L’ensemble des travailleurs européens sont touchés.

   Rébellion ne changera pas d'un iota sur ses principes d'analyse et de propositions de lutte qui ont toujours eu le mérite de la clarté, sans concessions faites aux recettes démagogiques prenant l'apparence d'une expression empreinte du vulgaire "bon sens" propre au réformisme. Le recul du prolétariat - en particulier sur le continent européen - a été de grande ampleur ces dernières décennies. Néanmoins, avec un potentiel encore important au plan industriel, l'Europe reste encore un espace - un grand espace - où peuvent se jouer des moments cruciaux dans l'affrontement qui sévit désormais sur tous les continents entre le capital et les travailleurs. Notre perspective est celle de l'insurrection socialiste révolutionnaire!

NOTE:

1) A ce sujet notons l'ambiguïté du spontanéisme virtuel. L'outil peut être utile en tant que tel, comme n'importe quel instrument, mais il ne saurait se substituer au dialogue réel lors d'assemblées générales ancrées dans des lieux de combat effectif (usines, entreprises, espace public, etc.). Sans oublier les manipulations étatiques possibles...

 

James Connolly - Pour l’Irlande et le socialisme

Pâques 1916. L’Irlande, sous le joug du capitalisme anglais depuis le 17ème siècle, se soulève contre l’oppresseur. Le 24 avril, à Dublin, James Connolly, avec les principaux dirigeants nationalistes révolutionnaires de l’insurrection, proclame la République. Cet acte sera le symbole de la synthèse réussi du socialisme révolutionnaire fondé sur le principe de lutte des classes avec le nationalisme révolutionnaire. Une Union, qui reste encore aujourd’hui, indispensable à toute lutte de libération nationale.

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« La révolution est mon métier »

James Connolly naît en juin 1868 à Edimbourg en Ecosse. Sa famille irlandaise a fui la grande famine des années 1840 pour trouver la misère des bas-fonds réservés à l’immigration irlandaise.

A 14 ans il s’engage dans l’armée pour fuir cette misère. Affecté en Irlande, il découvre ses racines et constate l’exploitation de son peuple par le capitalisme anglais. Il se passionne pour la tradition et les textes nationalistes du mouvement clandestin fenian (1). Mais il n’adhère pas aveuglement à ce mouvement identitaire, car celui-ci n’avançait aucun programme social.

Désertant l’armée britannique et pour ne pas participer à la répression contre son peuple, il retourne à Edimbourg avec sa jeune femme, Lillie Reynolds, irlandaise d’origine protestante qui sera pour lui un soutien solide dans ses futurs combats. A peine arrivé en Ecosse, il se rapproche des cercles socialistes qui sont alors en pleine ébullition. Pendant sept ans, il approfondira ses connaissances sur le socialisme en se plongeant dans Marx et multipliera les rencontres, comme celles avec Léo Melliat, l’ancien communard exilé, et John Leslie, le premier théoricien marxiste irlandais qui sera pour lui un maître à penser et un précieux ami.

Connolly se rend indispensable à la cause révolutionnaire, propagandiste infatigable rien ne l’arrête. Son engagement socialiste lui fait perdre son poste d’employé municipal, et il doit songer à émigrer en Amérique du Sud pour pouvoir subvenir aux besoins de sa femme et de ses deux filles.

Mais ses camarades lancent un appel à la solidarité aux socialistes britanniques pour lui trouver un emploi qui lui permettrait de rester en Grande Bretagne. La réponse viendra de manière inattendue, d’Irlande, le cercle socialiste de Dublin recherchant un organisateur pour coordonner ses actions. Connolly est rempli de joie à l’idée de retourner dans l’île de ses ancêtres, véritable terre de mission pour le Socialisme.

 

L’Irish Republican Socialist Party

En 1897, il fonde l’Irish Republican Socialist Party qu’il dote d’un programme qui est une synthèse entre lutte de libération nationale et lutte des classes. Connolly insiste sur la complémentarité des deux luttes : «  la classe ouvrière doit s ‘émanciper et en s’émancipant elle doit par nécessité libérer le pays ». Pour lui, l’indépendance politique n’a pas de signification si elle ne s’accompagne pas de l’indépendance économique. Il faut abolir la domination du capitalisme en même temps que la domination de l’Angleterre. «  Si, dès demain, vous chassez l’armée anglaise et hissez le drapeau vert sur le château de Dublin, vos efforts s’avéreront vains si vous n’érigiez pas la république socialiste. L’Angleterre continuera de vous dominer. Elle vous dominera par l’intermédiaire de ses capitalistes, de ses propriétaires, de ses financiers, de toutes les institutions commerciales et individuelles qu’elle a implantées dans ce pays et arrosées des larmes de nos mères et du sang de nos martyrs ».  Bien que numériquement faible, la première organisation marxiste irlandaise fut en avance sur son temps et elle peut se targuer d’avoir ouvert pratiquement tous les nouveaux champs d’actions qui seront plus tard exploités par le mouvement républicain irlandais. L’IRSP était en grande partie composé par des prolétaires qui firent de nombreux sacrifices pour maintenir leur organisation à flot. Ainsi Connolly, tout secrétaire qu’il était ne recevait qu’irrégulièrement son salaire, de sorte qu’il devra travailler comme docker pour survivre.

En 1897, il publia sa première œuvre majeure, Erin’s Hope, dans laquelle il développe largement les rapports entre socialisme et nationalisme : « Il existe en Irlande à l’heure actuelle toute une série de forces qui font leur possible pour que continue à vivre le sentiment national dans le cœur des Irlandais. (…) Il existe un danger cependant : celui que ces forces, en s’en tenant trop rigoureusement à leurs méthodes de propagande actuelles, en négligeant en conséquence les problèmes vitaux de l’heure, en viennent à figer nos études historiques en une vénération du passé, à cristalliser le nationalisme en une simple tradition – glorieuse et héroïque, certes – mais rien qu’une tradition.

Or, les traditions peuvent constituer une base suffisante – et c’est ce qui se passe fréquemment – pour pousser un peuple à marcher vers un glorieux martyre, mais elles ne peuvent jamais être assez puissantes pour guider l’assaut d’une révolution victorieuse. Si le mouvement national contemporain ne veut pas se contenter de rééditer les anciennes tragédies amères de notre histoire passée, il doit se montrer capable de s’élever au niveau des exigences de l’heure présente. Il doit fournir la preuve au peuple d’Irlande que notre nationalisme ne consiste pas en une simple idéalisation morbide du passé mais est aussi en mesure de fournir une réponse claire et précise aux problèmes actuels ainsi qu’une doctrine politique et économique adaptée aux exigences de l’avenir. (…) Les socialistes qui s’attacheraient à détruire de fond en comble le système de civilisation grossièrement matérialiste tout entier que nous avons adopté comme notre bien propre est, à mon avis, un ennemi beaucoup plus mortel de la domination et de la tutelle anglaise que le penseur superficiel qui s’imagine pouvoir réconcilier la liberté irlandaise avec les formes insidieuses mais funestes de la sujétion économique que sont la tyrannie des grands propriétaires, la fraude capitaliste et l’usure malpropre.(…) Envisager le nationalisme sans le socialisme – sans réorganisation de la société sur la base d’une forme plus vaste et plus développée de la propriété commune, semblable à celle qui supportait l’organisation sociale de l’ancienne Erin – ne relève que d’une mentalité de capitulation nationaliste.

Cela reviendrait à reconnaître publiquement que nos oppresseurs seraient ainsi parvenus à nous inoculer leurs conceptions perverties de la justice et de la moralité, que nous aurions finalement décidé d’assumer ces conceptions comme les nôtres propres et n’aurions plus besoin d’une armée étrangère pour nous les imposer.

En tant que socialiste, je suis prêt à faire tout ce dont un homme est capable pour permettre à notre patrie de conquérir son héritage légitime : l’indépendance. Mais si vous me demandez d’en rabattre d’une miette, d’un iota en ce qui concerne les revendications de justice sociale, dans le but de conciliation des classes privilégiées, alors mon devoir est de m’y refuser. Accepter serait malhonnête et inadmissible. N’oublions pas que celui qui fait un seul pas avec le diable n’atteint jamais le Paradis ; proclamons ouvertement notre foi ; la logique des événements est avec nous ! ».

Son organisation se lance dans l’activisme le plus débridé, elle coordonne les actions contre le jubilé de la reine Victoria et contre l’impérialisme britannique durant la guerre des Boers. Au niveau social, l’ISRP tente de s’implanter dans la toute jeune classe ouvrière irlandaise et apporte son soutien à la lutte des petits paysans contre les grands propriétaires. Connolly lance dans la foulée de ses actions, The Worker’s Republic (« la République des Travailleurs ») qui sera un forum d’échanges et de débats pour l’ensemble des sociaux patriotes. Ecrasé de dettes, l’hebdo ne survivra que par la volonté de son fondateur : il écrivait, corrigeait, composait, imprimait sur une petite presse d’occasion, et vendait son précieux journal ; pour le faire, il dut abandonner tout emploi, et la situation financière de sa famille devint insupportable. Il était profondément seul, engagé dans un travail de titan avec quelques dizaines de jeunes militants dévoués. « Je crois que le mouvement socialiste révolutionnaire sera toujours numériquement faible, jusqu’à ce que l’heure de la révolution arrive, alors il sera facile de recruter des adhérents par milliers, comme nous en recrutons aujourd’hui quelques poignées». Le programme politique de l’ISRP était en avance de plusieurs années sur l’évolution du rapport de forces en Irlande. Acculé financièrement et conscient de la situation, Connolly dut se résigner en 1903 à émigrer aux Etats-Unis. Il s’engagea immédiatement dans les combats de la classe ouvrière américaine, les éléments les plus combatifs étant les masses de travailleurs irlandais exploités. Il participa à la fondation de l’Industriel Workers of the World (IWW) organisation syndicaliste révolutionnaire qui mènera la vie dure aux grands patrons. Pendant ce temps, les choses bougeaient considérablement en Irlande et les camarades de Connolly le pressèrent de revenir leur prêter main forte.

 

Insurrection !

A son retour en 1910, l’influence du syndicalisme révolutionnaire le pousse à tenter de créer un syndicat d’action directe sur le modèle de l’IWW. Le climat social agité se prêtait à l’expérience. Le pays connaît une agitation sociale sans précèdent. Les grèves insurrectionnelles se multiplient et Connolly est arrêté à la suite d’une manifestation qui dégénère en combat de rue contre les troupes d’occupation. La bourgeoisie irlandaise et le clergé applaudissent la répression britannique contre les grévistes. Face à la violence policière les socialistes révolutionnaires décident de créer l’Irish Citizen Army (ICA — Armée citoyenne irlandaise) forte de 1000 militants. Véritable milice populaire, son but est de défendre les grévistes contre les attaques des nervis des patrons et de la police ; une fois la grève retombée, son activité principale devient l’entraînement militaire des adhérents, comme noyau de la future armée populaire. Durant cette période, certains militants identitaires membres de l’IRB, comme Patrick Pearse et Joseph Plunkett, amorcent un rapprochement avec le chef socialiste.

En 1914, Connolly s’engage vigoureusement dans une campagne contre la guerre et dénonce la trahison des leaders de la social-démocratie européenne qui se sont ralliés à la folie du capitalisme. Mais en parallèle, il perçoit parfaitement le rôle des événements dans l’évolution vers la Révolution. Il envisage l’Irlande comme le levier qui pourrait provoquer la chute de l’empire britannique et par conséquent celle du capitalisme. C’est pourquoi, le mot d’ordre affiché sur la maison des syndicats de Dublin est clair : «  Nous ne servons ni roi ni Kaiser, mais l’Irlande ! ». Le rapprochement avec les membres les plus radicaux de l’IRB aboutit à l’idée d’une fusion entre l’ICA et l’IRB. Cela était tout à fait logique dans le contexte de la préparation d’une insurrection nationale. Connolly, le socialiste, était prêt à faire un front unique avec les nationalistes révolutionnaires de l’IRB afin de battre l’impérialisme britannique. Pendant l’année 1915, Connolly multiplia des appels à l’insurrection. A tel point que son impatience fit même peur à l’IRB : il semble qu’au début de 1916 il fut "enlevé" pendant quelques jours pour empêcher toute action intempestive de sa part et dans le but de le convaincre d’attendre le soulèvement programmé pour le mois d’avril. Connolly accepta de devenir membre du Conseil militaire de l’IRB, dont la tâche était de planifier l’insurrection. Une "usine à bombes" fut créée dans le local du syndicat dirigé par Connolly et, sept jours avant le soulèvement, Connolly hissa le drapeau vert — symbole traditionnel des républicains irlandais — au dessus du bâtiment et expliqua aux militants de son Irish Citizen Army que les combats allaient bientôt commencer.

Le lundi de Pâques, Connolly prit le titre de commandant en chef des forces républicaines à Dublin et lança l’insurrection. La Poste centrale fut le quartier général du soulèvement. La suite est connue, si dans un premier temps les révolutionnaires purent contrôler le centre de Dublin, ils durent faire face à une contre offensive éclair des forces britanniques. La répression fut sans pitié, L’un après l’autre, les principaux dirigeants de l’insurrection furent exécutés, le dernier étant Connolly, le 12 mai.

Blessé lors des combats, il sera exécuté sur une chaise. Jusqu’à sa dernière heure, il saura rester digne et il mourra en sachant qu’il avait fait son devoir à l’égard du peuple irlandais.

En Irlande, Connolly reste une figure emblématique du mouvement républicain. Aujourd’hui, encore dans la lutte pour la réunification de l’Irlande, les militants de l’Irish Republican Army (IRA — Armée républicaine irlandaise), se veulent les héritiers de Connolly et de 1916 en poursuivant la résistance à l’impérialisme britannique sur les mêmes bases socialistes et patriotiques.

 

> Notes

Le terme de « fenian » désigne les membres du mouvement révolutionnaire irlandais en lutte pour l’indépendance de l’île, depuis les années 1840, regroupés au sein de l’Irish Republican Brotherhood ("Fraternité républicaine irlandaise"). L’IRB, fondée en 1907, était une organisation clandestine et conspiratrice dont l’objectif était une insurrection en vue d’arracher l’indépendance et qui perpétuait la tradition d’utilisation de la « force physique" des indépendantistes du 19ème et du 18ème siècles, similaire à celle de la révolution américaine de 1776 ou de la révolution française de 1789.

> Bibliographie :

Roger Faligot, James Connolly et le mouvement révolutionnaire irlandais, Éditions Terre de Brume, Rennes, 1997.

[Article paru dans le numéro 5 du journal Rébellion]

Proche Orient : Les enjeux révolutionnaires d'un conflit

Quelle ligne politique suivre dans le conflit au Proche-Orient ? Il est certain que notre engagement socialiste révolutionnaire européen nous amène, quasiment naturellement, à soutenir la cause des peuples libanais et palestinien. Cette prise de position au nom de la solidarité avec ceux qui luttent contre l'impérialisme sioniste mérite d'être approfondie. Il est important d'expliquer que cela ne découle pas de la recherche d'un combat révolutionnaire de substitution ou d'une inavouable haine. Notre anti-sionisme n'est par un antisémitisme ou une judéophobie déguisée, ce n'est pas une posture pseudo rebelle (un simple keffieh autour du cou ne fera jamais de vous un révolutionnaire...). C'est une opposition à une idéologie qui sert de fondement à la politique israélienne depuis la création de l'Etat hébreu. Cette politique qui fait le jeu des intérêts du système mondialiste dans la région et qui participe à la destruction de tous les obstacles à sa domination. On aurait tort de croire que ce conflit n'a de conséquences que d’un point de vue locale. Il concerne tout ceux qui n’acceptent pas de voir les peuples écrasés par la globalisation capitaliste. ( Article paru dans le Rébellion de l'Eté 2006 au moment de l'attaque contre le Liban) 

 

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Les origines du sionisme

Le sionisme politique, fondé par Théodor Herzl, découle des conceptions nationalistes et colonialistes ayant cours en Europe au 19 ème. Ne reposant pas directement sur la foi juive, il voulait amener une réponse « nationale » et bourgeoise à la situation très particulière des communautés juives européennes.

En effet, « jusqu'à la propagation du mode de production capitaliste au XVIII e siècle, les juifs demeuraient, dans la région euro-méditerranéenne, une des rares communautés pré-capitalistes à avoir survécu à leur déplacement géographique. Cette communauté avait pu se maintenir aussi tard en se faisant l'agent social du commerce des marchandises et de l'argent dans les sociétés féodales européennes, où elle constituait une base extérieure au processus de production pré-capitaliste. C'est en s'appuyant sur cette base que les juifs avaient pu maintenir comme un îlot, certes précaire, au milieu de la société environnante, leur communauté, avec son organisation interne relativement autonome » (Le Brise-Glace). Quand le capitalisme devint le mode de production dominant en Europe, la société juive dut affronter une remise en cause de ses fondements communautaires. N'ayant plus leur rôle réservé, les juifs furent contraints soit de s'adapter soit d'intégrer ce nouveau système dans la genèse duquel ils avaient jouer un rôle important sur le plan financier (commercialisation de l’économie).

Ainsi ce phénomène de déstructuration de leur communauté traditionnelle ne fut pas seulement subi, il fut aussi assumé volontairement par le mouvement des « Lumières Juives », les Haskalah. Il voulait faire « sortir des ghettos » leurs coreligionnaires et les intégrer à la société moderne. Refusant les pratiques et les traditions religieuses au nom de l’« humanisme » et de l’« assimilation » avec les « peuples progressistes de l’Occident », il fut bien reçu. Ce mouvement rencontra un écho des plus favorable dans la bourgeoisie juive d'Europe de l'Ouest qui voyait là une occasion de réintégrer sa place dans la vie économique en pleine croissance. Quand la Convention de 1792, issue de la Révolution Française, décréta l'émancipation politique des juifs, elle entérina l'éclatement de la communauté en individus atomisés en affirmant vouloir : «  Tout accorder aux juifs en tant qu'individus, ne rien leur accorder en tant que nation ». « Le principe d'atomisation des individus dans la concurrence mercantile, fondement même de la société démocratique, était là parfaitement énoncé ».

En Europe de l'Ouest, les juifs s'assimilèrent rapidement à la petite et grande bourgeoisie et leur « judaïsme » ne fut plus que la religion privée d'individus atomisés. Par contre, en Europe Orientale, l'intégration était presque impossible dans la mesure où les sociétés de l'Est n'étaient pas assez développées économiquement pour laisser une place aux juifs. « La loi de l'argent s'était imposée à toute la société, avait déstructuré le mode de vie traditionnel mais, du fait de la pression concurrente des nations plus avancées, le nouveau mode de production ne pouvait pas se développer suffisamment pour intégrer l'ensemble des masses déracinées ». Dans le yiddishland, cette situation rendait, en même temps, l'assimilation et le maintien dans la communauté impossibles. Les retombées de l'émergence du capitalisme avaient détruit le fragile équilibre de toute les sociétés est-européennes. Un antisémitisme populaire, né dans les masses ruinées, touchait les juifs jugés responsables des bouleversements économiques et sociaux.

En réaction, dans les communautés juives, se développa un retours au mysticisme avec le hassidisme (basé sur l'étude de la Kabbale) qui tentait de refonder un lien communautaire sur la tradition. Ses caractéristiques étaient à la fois le culte du sacrifice rédempteur et un mépris souverain à l’égard des aspects matériels de l'existence, qui permit à une large partie des juifs est-européens de surmonter la misère. En effet, la paupérisation avait fait naître un prolétariat juif qui ne pouvait demeurer que dans la communauté sans pouvoir la dépasser, et ne pouvait s'investir que dans la petite production à domicile pour le compte de la bourgeoisie juive.

Mais l'industrialisation de la fin du XIX° allait réduire d'avantage l'espace de la communauté moribonde, la réduisant au chômage ou à l'émigration vers l'Ouest. C'est alors que le prolétariat juif commença à adhérer au projet socialiste et que le marxisme se diffusa en son sein. Le socialisme apparut comme une solution pour sortir du ghetto, pour dépasser la condition d'exclu de la société en intégrant les juifs par la lutte de la classe ouvrière autochtone. Ainsi en Russie on retrouvera des juifs sécularisés aussi bien parmi les premiers marxistes, que chez les socialistes-révolutionnaires, les communistes ou les populistes. Mais cette démarche ne concerna qu'une minorité, les difficultés à sortir de la communauté (aussi bien dus à l'antisémitisme vivace qu'à l'apparition d'un sentiment national juif spécifique) devait aboutir à un repli communautaire. Le Bund allait incarner ce virage séparatiste qui le coupa du reste du mouvement révolutionnaire européen. Le très important parti social-démocrate juif (implanté principalement dans la « zone réservée » russo-polonaise) opta pour la revendication d'un territoire juif autonome en Europe orientale avant la guerre de 14-18. L'échec de ce projet sera la condition de la victoire du sionisme.

L'imposture sioniste

Il existe à l'origine deux types de sionisme : un sionisme « bourgeois » et un sionisme « ouvrier ». Le sionisme « bourgeois » fut une parade de la bourgeoisie juive ouest-européenne à l'émigration massive des prolétaires juifs d'Europe de l'Est. Ce mouvement de population massif réveilla l'antisémitisme dans la classe ouvrière à la fin du XIX° siècle. Le patronat utilisant ces émigrants comme une mains-d'oeuvre bon marché en concurrence avec les ouvriers locaux (comme quoi rien ne change dans le monde du capital...). Inquiète de voir se développer un fort sentiment d'hostilité populaire à son égard, la bourgeoisie juive décida de détourner ce flux d'émigration vers un « foyer national juif » sous la protection des grandes puissances coloniales européennes. «  A vrai dire, le choix de la Palestine importait peu pour les bourgeois juifs. Ces derniers auraient accepté a priori n'importe quelle autre solution territoriale, pourvu qu'ils fussent débarrassés de leurs coreligionnaires de l'est. Ainsi, en 1903, Herzl proposa sérieusement au mouvement sioniste, l'Ouganda, gracieusement offert par sa Majesté britannique, comme futur foyer juif. Mais le choix de la Palestine devait s'imposer naturellement du fait de la survie chez les juifs d'Europe orientale d'une tradition culturelle véhiculant l'imaginaire de Sion et de la Terre d'Israël ». Il est à noter, que parmi les juifs traditionalistes, l'idée d'un retour en Palestine était jugée sacrilège.

Dès le départ l'entreprise va prendre un aspect colonial. Le capital bourgeois servait à acheter des terres aux grands propriétaires arabes absentéistes sur lesquelles on installait des colons juifs venus de l'Est pour encadrer les travailleurs palestiniens. Dans le même temps, le sionisme « bourgeois » s’accapara le commerce et l'industrie des villes. La Palestine était loin d'être un désert au début du 20° siècle, c'était une région riche dont la production de céréales et d'agrumes était exportée dans tout le Proche-Orient. Quand la Grande-Bretagne occupa la région à la suite de la Guerre de 14-18, elle permettra aux colons juifs de s'implanter massivement en Palestine.

Mais très vite, l'exploitation de type colonial sera dépassée. Les tensions naissantes entre les nouveaux arrivants et les populations arabes obligèrent les britanniques à contrôler l'émigration juive.

C'est alors que le sionisme bourgeois va utiliser l'élan du socialisme juif pour donner naissance à un sionisme « ouvrier » destiné à mener une colonisation de peuplement. Le mythe du « Kibboutz » va servir de masque à la spoliation de tout un peuple. Ce rêve communautaire et égalitaire va séduire une grande partie des juifs de l'Est. L'arrivée massive de ces colons idéalistes va rendre inutile l'utilisation de la main d'oeuvre palestinienne et servira à mettre en place les fondements du futur Etat hébreu. La combativité du sionisme « ouvrier » va accélérer la naissance d'Israël et l'imposer par les armes aux britanniques et aux arabes.

 

Un état d'exception

Avec la fondation du Fond National Juif en 1901, le sionisme bourgeois avait posé le premier jalon d'une politique d'accaparement des terres palestiniennes. En effet, il acquiert des terrains qui ne pouvaient, dès lors, être revendus ou simplement loués à des non juifs. Avec le sionisme « ouvrier », ils devaient être de plus exploités uniquement par des juifs. Les Palestiniens devenaient de trop sur leur propre terre. Avant même la fondation d'Israël, le directeur du Fond National juif déclarait en 1940 : » Il doit être clair pour nous qu'il n'y a pas de place pour deux peuples dans ce pays. Si les arabes le quittent, il nous suffira (...). Il n'existe pas d'autre moyen que de les déplacer tous ; il ne faut pas laisser un seul village, une seule tribu... Il faut expliquer à tous les chefs d'Etats amis, que la terre d'Israël n'est pas trop petite si tous les arabes s'en vont, et si les frontières sont un peu repoussées vers le nord, le long du Litani (rivière au centre du Liban actuel), et vers l'est sur les hauteurs du Golan ».

A la faveur des guerres successives, les israéliens vont mettre en application ce programme de choix ethnique. Chasser les Palestiniens fut une entreprise délibérée et systématique qui fut entérinée par une législation d'exception. Expropriation de centaines d'hectares de terres agricoles, lois spéciales permettant la mise en place de zones interdites, expulsions de quartiers entiers des grandes villes, interdiction de circulation, tout fut mis en place pour faire des arabes vivant encore en Israël des citoyens de seconde zone (20 % de la population, de confession musulmane ou chrétienne). La destruction systématique des villages palestiniens à coups de bulldozers (cimetières, mosquées et églises compris) est le symbole de cette volonté d'effacer toute trace de présence arabe en Israël.

La conquête des territoires occupés durcira la politique d'expansion sioniste. Alors que le sionisme « ouvrier » s'essoufflera à partir des années 80, un sionisme « religieux » prendra le relais pour légitimer les multiples agressions israéliennes. Alors que les partis ultra religieux n'ont pas un grand écho dans la vie quotidienne d'une société israélienne calquée sur le modèle occidental, ils fournissent pourtant aux gouvernements successifs tout un discours mystique reliant les conquêtes territoriales d'Israël à la volonté divine.

Condamné plusieurs fois par l'ONU, Israël semble ne pas craindre d'apparaître comme un état prédateur. Bénéficiant du silence médiatique sur ces crimes, le sionisme sait qu'il le doit à sa relation privilégiée avec la super-puissance mondiale américaine et à son alignement sur sa stratégie au Proche-Orient.

 

Le Proche Orient dans le Nouvel Ordre Mondial

Durant la Guerre Froide, Israël était devenu une tête de pont de l'impérialisme américain au Proche-Orient. Devant préserver cette région des éventuelles avancées du communisme, l'Etat sioniste a reçu une aide financière et militaro économique considérable. « Sentinelle de l'Occident » face à un monde arabo-musulman pouvant basculer du côté de l'URSS, il a vécu quasiment sous perfusion constante des Etats-Unis. La sécurité d'Israël et sa fonction de gardien de l'ordre régional justifient, avec le contrôle des ressources pétrolières, la présence constante américaine dans cette région.

Débarrassée de son rival soviétique au début des années 90, l'unique super-puissance a les mains libres pour redessiner la carte du Proche-Orient selon ses intérêts. Cela débuta par la Première Guerre du Golfe en 1991 avec l'aval des autorités internationales. En 2003, les Etats-Unis envahissent l'Irak sous le prétexte de restaurer la « démocratie ». Aujourd'hui la menace est dirigée vers la Syrie et l'Iran.

L'agression sioniste contre le Liban a été commanditée par les Etats-Unis pour accélérer l'instauration de son projet de « Nouveau Proche-Orient ». «  Selon le magazine New Yorké, Bush aurait demandé à Israël d'ouvrir un front contre le Hezbollah, prélude à un bombardement Us contre les installations nucléaires de l'Iran. Cette agression s'inscrit dans la guerre de 10 ans annoncée par Bush au lendemain du 11 septembre 2001 et qui vise à la mise en place du Grand Proche-Orient. Plan états-unien de division de la région en entités maintenues artificiellement en conflit les unes avec les autres sur des bases ethniques, religieuses ou économiques, mais toutes dépendantes des Etats-Unis par leur soumission aux diktats de l'OMC ». Israël garderait alors son rôle de gendarme chargé de la répression de toutes les résistances nationales. Pour cela, « Israël veut fixer lui-même ses frontières puisque les peuples refusent de capituler et de renoncer à leurs droits. Une première phase fut le redéploiement en Cisjordanie après l'évacuation de Gaza, puis la construction du mur annexant encore plus de terres palestiniennes en rendant la vie impossible aux populations arabes » (1). L'invasion du Liban vise à contrôler la zone du fleuve Litani convoitée depuis longtemps pour ses ressources hydrauliques qu'il représente et sa position stratégique.

L'attaque contre le Hezbollah a offert à l'Etat sioniste l'occasion de prouver son utilité à son puissant protecteur. En apportant une contribution majeure à la guerre contre « le Terrorisme », il voulait montrer sa puissance et son efficacité. Mais son « match nul » a déçu les américains qui s'étaient pourtant investis dans les préparatifs de l'invasion. Israël sait qu'il ne peut pas se permettre de mécontenter son puissant allié. Sa survie dépend plus que jamais de cette alliance, il est donc malheureusement prévisible que le Liban devienne une nouvelle fois la cible des ambitions sionistes.

Note et Bibliographie :

1- C. Beuzit, Le peuple libanais uni met en déroute l'impérialisme sioniste, cf Intervention Communiste n°76, septembre-octobre 2006. (Organe de l'URCF, il est disponible contre 2 euros auprès des « amis d'Oulianov, BP 40084, 75862 Paris cedex 18).

Le Sionisme, avorton du mouvement ouvrier, in Le Brise-Glace, n°2-3, 1989.

Th.Cosme, Moyen Orient 1945-2001 / Histoire d’une lutte de classes, Sononevero, 2003.