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01/08/2014

Orientations politiques de l'OSRE : La Patrie – La Communauté Populaire – Le Socialisme Révolutionnaire

 

Avertissement aux lecteurs : Nous proposons cette première synthèse des idées de notre organisation pour permettre une meilleure connaissance de nos positions aux lecteurs de Rébellion. Nous n'avons jamais considéré qu'un programme politique devait rester figé, l'apparition de situations nouvelles ou des évolutions sans précédent implique de conserver l'esprit en éveil et de ne jamais s'enfermer dans l'aveuglement sectaire. Pourtant, il est nécessaire de proposer des orientations claires à notre combat.

Ce texte n'est pas seulement utile pour les membres de l'OSRE; il intéressera tous ceux qui sont sensibles au destin des peuples européens. De surcroît, il pourra orienter la réflexion des militants défenseurs de leur Patrie et de leur identité, mais qui cherchent à concrétiser leur engagement dans une optique cohérente sur le plan politique et économique, construite autour d'un axe résolument anticapitaliste et explicitement socialiste révolutionnaire.

L'OSRE se définit comme une structure politique d'avant-garde, elle fait reposer son action sur trois axes de lutte : La Patrie-La Communauté Populaire-Le Socialisme Révolutionnaire.

 I - La Patrie : L'idée nationale à réinventer

Notre conception de la Patrie est celle d'une union autour d'un projet collectif commun et orienté vers l'avenir. La France est le fruit de la longue histoire commune des peuples qui la composent. C'est surtout un attachement fort d'un Peuple à sa Patrie et une volonté farouche d'indépendance nationale qui pousse notre pays à toujours faire face à ceux qui veulent l'envahir et le soumettre.

Pour nous, l'héritage historique de la Nation n'est pas une fin en soi, il est un point de départ. Il doit nous permettre de poursuivre l'aventure collective qu'est la France, en l'orientant vers une voie spécifique de construction du socialisme à l'échelle d'une Europe libérée du Capitalisme. En pratique, les formes que peuvent prendre la Nation sont appelées à se transformer pour faire face aux défis de notre époque. Les travailleurs en reprenant en mains leur destin, seront amenés à redéfinir le rôle des institutions et à remettre en cause le fonctionnement d'un Etat qui appartenait à ses ennemis de classe depuis l'origine. Pour cette raison, nous n'avons jamais idéalisé l'ancien modèle républicain jacobin et nous rejetons ses mythes, de même des nationalismes réactionnaires.

Nous considérons que l'idée de Patrie n'est compatible qu'avec la reconnaissance de la richesse constituée par les cultures, les traditions et les institutions locales de chaque région qui la constitue. Nous rejetons le nationalisme centralisateur et sa caricature, le micro nationalisme séparatiste servant les intérêts des ennemis mondialistes de l'unité européenne.

Une rupture radicale doit être clairement faite, aussi bien avec les conceptions réactionnaires et bourgeoises de l'idée nationale qu'avec les tenants d'une mondialisation « post nationale » (qu'ils soient des représentants des multinationales, des bobos altermondialistes ou  les derniers rejetons des groupuscules gauchistes).  L'enjeu est de faire le lien entre la question nationale et la question sociale, c'est-à-dire de poser clairement la priorité de la libération de la France et de l'Europe de la domination capitaliste, ce qui aurait par voie de conséquence une portée internationale essentielle.

L’immigration à grande échelle est une tragédie tant pour les peuples européens que pour les immigrés déracinés victimes du Capitalisme mondialiste qui n’a d’autre finalité que son processus de valorisation et de financiarisation. Partout dans le monde nous soutenons la cause des peuples contre l’homogénéisation et l'exploitation capitalistes dont les Etats-Unis constituent le principal, mais non unique, vecteur.

Nous préconisons un socialisme respectueux de l’identité de chaque peuple dans une Europe forte et consciente de sa communauté d’origine et de destin.

Nous considérons l’Europe de Bruxelles comme étant une parodie de souveraineté européenne, aux antipodes de l’application réelle du principe de subsidiarité, seul moyen de recréer un véritable lien social. Notre modèle est celui d’une Europe fédérale respectueuse des Nations, des peuples, des régions ; Europe à vocation impériale et non impérialiste.

II - La Communauté populaire : liberté, autonomie et responsabilité

En Europe, le socialisme peut s'appuyer sur une conception de la communauté, propre à notre civilisation. Des cités grecques aux libres assemblées du monde germanique ou scandinave, des communes libres du Moyen Age au Mir slave, les formes de communauté sont diverses dans notre histoire mais toujours porteuses de cette idée de collectif. Si le capitalisme a tenté dès l'époque moderne de faire disparaître ces systèmes communautaires, ils ont perduré un certain temps et transmis leurs valeurs au monde du travail moderne et furent salués par tous les penseurs du socialisme (de Proudhon à Marx). L'idée de communauté, avec la fin du cycle historique de la modernité capitaliste, revient naturellement nourrir la réflexion actuelle pour créer une alternative à la faillite du système.

Un même individu appartient à plusieurs communautés (dont la première est la famille et qui peut aller jusqu'à la nation) qui interagissent. Des relations qu'il tisse avec d'autres, il construit et partage une vision du monde qui lui permet de dépasser son individualité et le fait tendre vers l'universel. Force créatrice et active, l'authentique communauté n'est pas le « repli communautaire ». Dérive de l'individualisme, celui-ci est une des névroses du monde moderne. Dans notre conception, la communauté rassemble des personnes qui participent activement à son existence, elle est ouverte mais réclame, pour intégrer de nouveaux membres, qu'ils y participent et se reconnaissent dans son projet.

Garantissant et défendant la liberté de chacun, la communauté permet la prise en mains directe par sa population des leviers de décisions politiques à son échelle. On revient ici à l'idée de Commune, fédération des personnes vivant et travaillant ensemble, qui s'organisent selon le principe de la démocratie directe. Des assemblées dont les représentants seraient révocables dans des conditions clairement définies et dont la légitimité repose sur la conformité avec les principes collectifs édictés comme «lois fondamentales». Afin de mettre en œuvre un socialisme authentique et original, nous rejetons le socialisme bureaucratique d’Etat et soutenons toute forme de démocratie participative, organique et directe dans un Etat de type fédéraliste.

III - Le socialisme révolutionnaire : le rôle crucial de la socialisation

Au cœur de notre réflexion et de notre action, l’idée de la socialisation est à nos yeux la seule solution pour que chacun s’habitue à prendre une part active et consciente au travail qui a toujours une portée collective et cesse d’être instrument ou spectateur passif de la domination capitaliste. La socialisation doit s’appuyer sur des bases « saines » (c’est-à-dire non mercantiles et liées à l’idée de solidarité et d’un minimum de décence morale commune, la « common decency » d’Orwell) que représentent les rapports humains authentiques existant encore dans nos sociétés. Pour cela, les communautés locales constituées par des communes populaires auront un rôle important à jouer.

Partisans de la subsidiarité, nous pensons qu’une articulation est possible entre les divers niveaux de compétence. Il s’agit évidemment du fameux principe de subsidiarité évoqué par les instances de l’UE, mais qui pour cette dernière est un peu comme l’Arlésienne que l’on attend toujours… Cela n’est d’ailleurs pas si étonnant que cela car ce principe se situe aux antipodes du fonctionnement de la société capitaliste, de ses nécessités fondamentales. La subsidiarité consiste, si l’on veut le dire le plus simplement du monde, à s’occuper de ce qui nous regarde ! Justement, la démocratie représentative, si chère au capital contemporain, consiste à nous faire croire que l’on s’occupe grâce à elle de ce qui nous regarde. Le citoyen est invité à participer à sa propre mystification et à s’identifier aux décisions inhérentes au fonctionnement optimal du capital dans sa quête illimitée du profit. Restent alors quelques miettes de pouvoir et de prébendes, concédées à ceux qui veulent bien entrer dans le jeu de la politique du système.

La subsidiarité, c’est la souveraineté populaire qui contrôle la discussion concernant ce qui semble être le plus pertinent pour telle ou telle instance communautaire existant à telle ou telle échelle. Les communautés plus larges (au sens d’instances de décisions à portée plus large comme la région par rapport à la commune et ainsi de suite) englobant celles du stade inférieur non pour les phagocyter mais pour leur donner les moyens d’exister et de participer dans un monde complexe (par exemple, questions de sécurité nationale, approvisionnements divers, etc.).

Sans entrer dans une description de notre futur qui serait utopique, le Socialisme révolutionnaire laisse entrevoir un vaste champ du possible pour faire revivre les collectivités et communautés locales. L’attachement à des cultures enracinées ne sera nullement incompatible avec la participation à cette transformation radicale de la société. Elles trouveront leur place naturellement dans cette nouvelle organisation et permettra une régénération du corps social dans son ensemble.

Nous devons préciser qu’une relative centralisation sera toujours nécessaire. Si la relocalisation de l’économie veut être efficace, elle doit être coordonnée au niveau de la France et de l’Europe par une planification intelligente dans le domaine de la production et de la distribution. Cette planification devra viser une recherche d'efficacité, de qualité et de respect des travailleurs et de la Nature.

Le Socialisme révolutionnaire se fonde sur l'idée que le bien collectif est au dessus des appétits individuels. Que la sortie du Capitalisme doit se produire de façon progressive, par une socialisation de la société.

 

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02/07/2014

Entretien avec Alain de Benoist sur le Traité transatlantique

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Pour la revue Rébellion, Alain de Benoist revient sur les enjeux du Traité Transatlantique. 

Rébellion / Quelle sont les origines des négociations pour le Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement ? Quelles sont les parties en présence ?

La « libéralisation » totale des échanges commerciaux est un vieil objectif des milieux financiers et libéraux. Dès le 22 novembre 1990, un an après la chute du Mur de Berlin, les Etats-Unis et l’Europe avaient adopté une première « Déclaration transatlantique » par laquelle ils s’engageaient à « promouvoir les principes de l’économie de marché, à rejeter le protectionnisme, à renforcer et ouvrir davantage les économies nationales à un système de commerce multilatéral ». S’ensuivirent différentes initiatives allant toute dans le sens d’un partenariat commercial euro-américain. En mai 1998, lors du sommet américano-européen de Londres, un premier Partenariat économique transatlantique fut signé.

Le projet fut réactivé en juin 2005, au sommet américano-européen de Washington, sous la forme d’une déclaration solennelle en faveur d’un « Nouveau partenariat économique transatlantique ». Le 30 avril 2007, un « Conseil économique transatlantique » était mis en place par George W. Bush, président des Etats-Unis, Angela Merkel, alors présidente du Conseil européen, et José Manuel Barroso président de la Commission européenne, sous la direction conjointe de Karel De Gucht, commissaire européen au Commerce, et de l’Américain Michael Froman. Cette nouvelle instance se fixait pour objectif de négocier le marché transatlantique dans tous ses aspects législatifs liés à la production, au commerce et aux investissements. Il fut convenu de se réunir tous les ans.

Le 2 février 2009, le Parlement européen adoptait une résolution sur l’« état des relations transatlantiques » invitant à la création effective d’un grand marché transatlantique calqué sur le modèle libéral et impliquant une liberté de circulation totale des hommes, des capitaux, des services et des marchandises. Le texte précisait que ce partenariat transatlantique se fondait « sur des valeurs centrales partagées, telles que la démocratie, les droits de l’homme et l’Etat de droit », et qu’il devait « demeurer la pierre angulaire de l’action extérieure de l’Union ». Le processus pouvait alors s’engager concrètement. Le 13 février 2013, Obama signait avec José Manuel Barroso et Herman Van Rompuy une déclaration adoptant le principe d’un accord de partenariat transatlantique. François Hollande, représentant la France, aissait faire. Le 12 mars, la Commission européenne approuvait le projet de mandat concernant la conclusion d’un tel accord avec les Etats-Unis. Enfin, le 14 juin 2013, les gouvernements des 27 Etats membres de l’Union européenne donnaient officiellement donné mandat à la Commission européenne pour négocier avec le gouvernement américain la création d’un grand marché commun transatlantique, qui a reçu le nom de Partenariat transatlantique de commerce et d’investissements (Trasantlantic Trade and Investment Partnership, TTIP), l’objectif affiché étant de « lier le niveau de libéralisation des deux parties au plus haut niveau de libéralisation obtenu suite aux accords de libre-échange déjà conclus, tout en cherchant à atteindre de nouveaux accès au marché en éliminant les obstacles qui demeurent ». Les négociations officielles se sont ouvertes à Washington le 8 juillet 2013. Elles se poursuivent toujours actuellement, les partenaires espérent parvenir à un accord d’ici 2015.

Rébellion / Décrit comme le plus important accord commercial bilatéral de l'histoire (800 millions de consommateurs, la moitié du PIB mondial et 40% des échanges mondiaux sont directement concernés), il est pourtant négocié dans le plus grand secret par Washington et Bruxelles. Alors que les peuples sont globalement tenus à l'écart des négociations, il semble que les représentants des multinationales et des grands intérêts financiers soient des membres actifs des réunions de préparation. Pourquoi autant de d'opacité autour de ce projet ? Que révèle pour vous ce basculement anti-démocratique du système mondialiste ?

On retrouve dans cette affaire la volonté des milieu libéraux de tenir le plus possible les peuples dans l’ignorance de ce qui va engager leur avenir. Ni l’opinion publique ni ses représentants n’ont en effet eu accès au mandat de négociation. La classe politique, dans son ensemble, s’est réfugiée dans un silence qui laisse pantois. Les traités confiant à la Commission européenne une compétence exclusive en matière commerciale, le Parlement européen n’a même pas été saisi. Beaucoup n’hésitent pas à parler de « négociations commerciales secrètes » pour qualifier ces tractations qui se déroulent à huis-clos. Ce que l’on en sait provident uniquement de « fuites ». Les citoyens n’en ont en rien été informés – ce qui n’est pas le cas, en revanche, des « décideurs » appartenant aux grands groupes privés, aux multinationales et aux divers groupes de pression, qui sont au contraire régulièrement associés aux discussions.

Rébellion / Le contenu du projet de traité semble viser à une libéralisation totale des rapports économiques entre l'Europe et les Etats-Unis. Que recouvrerait exactement le futur accord ?

C’est à la fois simple et immensément ambitieux. Il s’agit de déréglementer complètement les échanges entre les deux plus grands marchés de la planète. Le projet vise pour cela à la « suppression totale des droits de douane sur les produits industriels et agricoles », mais surtout se propose d’« atteindre les niveaux les plus élevés de libéralisation des investissements ».

Pour quel objectif ? L’élimination des barrières commerciales transatlantiques, dit-on, apporterait entre 86 et 119 milliards d’euros par an à l’économie européenne, et entre 65 et 90 milliards aux Etats-Unis, ce qui pourrait entraîner d’ici quinze ans une augmentation moyenne des revenus de 545 euros par ménage européen (chiffres fournis par la Commission européenne et par le Center for Economic Policy Research). Selon un rituel bien au point, on assure que l’accord bénéficiera à tout le monde, qu’il aura un effet favorable sur l’emploi, etc. Rapportées à l’horizon 2027, qui est celui que l’on a retenu, de telles promesses sont en réalité dépourvues de sens. En 1988, la Commission européenne avait déjà affirmé que la mise en place du grand marché européen, prévue pour 1992, créerait entre 2 et 5 millions d’emplois en Europe. On les attend toujours.

Rébellion / Les conséquences du traité, s’il devait être mis en place, seraient sans précédent pour l'Europe. Quels seraient les secteurs les plus touchés ?

La suppression des droits de douane sera surtout sensible dans le secteur du textile et dans le secteur agricole : elle devrait entraîner une chute des exportations agricoles françaises, une industrialisation accrue de l’agriculture européenne, et l’arrivée massive en Europe de soja et de blé américain. Globalement, le démantèlement des droits de douane sera en outre préjudiciable à l’Europe, car le taux moyen de droits de douane est de 5,2 % dans l’Union européenne, tandis qu’il n’est que de 3,5 % aux Etats-Unis. S’ils sont supprimés, les Etats-Unis en retireront donc un avantage de 40 % supérieur à celui de l’UE. Cet avantage sera spécialement marqué dans certains secteurs : les droits de douane sur les matériels de transports sont de 7,8 % en Europe, contre 0 % aux Etats-Unis. Leur suppression portera donc directement atteinte à l’industrie automobile européenne. Et la faiblesse du dollar par rapport à l’euro profitera également aux Etats-Unis au détriment des productions européennes, qui seront incitées à délocaliser, ce qui aggravera d’autant le chômage. Cela dit, la disparition des barrières douanières n’aura pas d’effets macro-économiques véritablement décisifs, puisque les Etats-Unis sont déjà les premiers clients de l’Union européenne, et inversement. A l’heure actuelle, quelque 2,7 milliards de dollars de biens et de services sont échangés chaque jour entre les deux continents !

Rébellion / La fin des normes protectrices et les poursuites possibles pour faire « sauter » les dernières barrières au libre-échange mondial ouvrent-elles la voie à une « privatisation » du droit au service des grands groupes ?

C’est en effet le point essentiel. Beaucoup plus importante que la suppression des droits de douane est l’élimination programmée de ce qu’on appelle les « barrières non tarifaires » (BNT), c’est-à-dire l’ensemble des réglementations que les négociateurs jugent nuisibles parce qu’elles constituent autant d’« entraves » à la liberté du commerce. En clair, les normes constitutionnelles, légales et réglementaires qui, dans chaque pays, seraient susceptibles d’entraver une liberté commerciale érigée en liberté fondamentale : normes de production sociales, salariales, environnementales, sanitaires, financières, économiques, politiques, etc. Pour ce faire, les accords en cours de négociation se proposent d’aboutir à une « harmonisation progressive des réglementations et de la reconnaissance mutuelle des règles et normes en vigueur ». José Manuel Barroso a lui-même précisé que « 80 % des gains économiques attendus de l’accord viendront de la réduction du fardeau réglementaire et de la bureaucratie ». L’enjeu normatif est donc énorme.

Pour libéraliser l’accès aux marchés, l’Union européenne et les Etats-Unis sont censés faire « converger » leurs réglementations dans tous les secteurs. Le problème est que, dans presque tous les cas, les règlements en vigueur aux Etats-Unis sont moins contraignants que ceux qui existent en Europe. Comme les Américains n’envisagent évidemment pas un instant de durcir leur législation, et que l’objectif est de s’aligner sur le « plus haut niveau de libéralisation existant », la « convergence » se fera nécessairement par l’alignement des normes européennes sur les leurs. En fait d’« harmonisation », ce sont les Etats-Unis qui vont imposer à l’Europe leurs règles commerciales.

Dans le domaine agricole, l’ouverture du marché européen devrait entraîner l’arrivée massive des produits à bas coûts de l’agrobusiness américain : bœuf aux hormones, carcasses de viande aspergées à l’acide lactique, viands aux OGM, etc. Jugées depuis longtemps « trop contraignantes » par les Américains, toutes les normes sanitaires européennes pourraient ainsi être condamnées comme « barrières commerciales illégales ». En matière environnementale, la réglementation encadrant l’industrie agro-alimentaire serait démantelée. Les groupes pharmaceutiques pourraient bloquer la distribution des génériques. Les services d’urgence pourraient être contraints de se privatiser. Il pourrait en aller de même de l’eau et de l’énergie. Concernant le gaz de schiste, la fracturation hydraulique deviendrait un droit intangible. En outre, comme aux Etats-Unis les « indications géographiques protégées » ne sont pas reconnues, les « appellations d’origine contrôlées » (AOC) françaises seraient directement menacées. En matière sociale, ce sont toutes les protections liées au droit du travail qui pourraient être remises en cause, de même que le statut des services publics et des marchés publics.

Mais il y a pire encore. L’un des dossiers les plus explosifs de la négociation concerne la mise en place d’un mécanisme d’« arbitrage des différends » entre Etats et investisseurs privées. Ce mécanisme dit de « protection des investissements » (Investor State Dispute Settlement, ISDS) doit permettre aux entreprises multinationales et aux sociétés privées de traîner devant un tribunal ad hoc les Etats ou les collectivités territoriales qui feraient évoluer leur législation dans un sens jugé nuisible à leurs intérêts ou de nature à restreindre leurs bénéfices, c’est-à-dire chaque fois que leurs politiques d’investissement seraient mises en causes par les politiques publiques, afin d’obtenir des dommages et intérêts. Le différend serait arbitré de façon discrétionnaire par des juges ou des experts privés, en dehors des juridictions publiques nationales ou régionales. Le montant des dommages et intérêts serait potentiellement illimité (c’est-à-dire qu’il n’y aurait pas de limite aux pénalités qu’un tribunal pourrait infliger à un Etat au bénéfice d’une multinationale), et le jugement rendu ne serait susceptible d’aucun appel. Un mécanisme de ce type a d’ailleurs déjà été intégré à l’accord commercial que l’Europe a récemment négocié avec le Canada (CETA).

Les firmes multinationales se verraient donc conférer un statut juridique égal à celui des Etats ou des nations, tandis que les investisseurs étrangers obtiendraient le pouvoir de contourner la législation et les tribunaux nationaux pour obtenir des compensations payées par les contribuables pour des actions politiques gouvernementales visant à sauvegarder la qualité de l’air, la sécurité alimentaire, les conditions de travail, le niveau des charges sociales et des salaires ou la stabilité du système bancaire. La capacité des Etats à légiférer étant ainsi remise en question, les normes sociales, fiscales, sanitaires et environnementales, ne résulteraient plus de la loi, mais d’un accord entre groupes privés, firmes multinationales et leurs avocats, consacrant la primauté du droit américain. On assisterait ainsi à une privatisation totale de la justice et du droit, tandis que l’Union européenne s’exposerait à un déluge de demandes d’indemnités provenant des 14 400 multinationales qui possèdent aujourd’hui plus de 50 800 filiales en Europe.

Rébellion / L'Union européenne se révèle un acteur de l'arrimage de notre continent aux intérêts des Etats-Unis. Pensez-vous que cette orientation atlantiste cache une course vers le vide d'une institution technocratique qui tente de renforcer son emprise sur les peuples ?

Ce qui est terrible en effet, c’est que les négociateurs de l’Union européenne semblent s’être engagés dans ces discussions sans le moindre souci de faire passer en premier les intérêts des Européens. On ne peut s’en étonner, puisque l’idéologie de l’Union est cette même idéologie capitaliste et libérale dont se réclament les Etats-Unis. Dans certains domaines, les Européens vont même plus loin que les Américains. Un exemple : le 1er juillet dernier, un document qui a « fuité » grâce à un groupe bruxellois appelé Corporate Europe Observatory (CEO) a révélé que, dans le cadre des négociations sur l’accord commercial transatlantique, les Européens s’aprrêtent à demander eux-mêmes moins de règles pour les banques et les marchés financiers, cet appel à déréglementer la finance, qui résulte du travail de lobbying des banques européennes, remettant directement en cause tout le travail d’encadrement de ce secteur realisé depuis le début de la crise. L’intégration des services financiers à l’accord transatlantique permettrait ainsi aux banques européennes d’opérer aux Etats-Unis avec leurs propres réglementations.

Rébellion / La perte de souveraineté économique de l'Europe représentée par la mise en place du traité Transatlantique ne va t-elle pas renforcer la perte de souveraineté politique déjà existante avec son intégration dans l'OTAN ?

La réponse est dans la question ! Le Wall Street Journal l’a d’ailleurs reconnu avec ingénuité : tout comme le « Partenariat transpacifique » (Trans-Pacific Partnership, TPP) que les Etats-Unis ont également lancé en 2011 pour contenir la montée en puissance de la Chine, le partenariat transatlantique « est une opportunité de réaffirmer le leadership global de l’Ouest dans un monde multipolaire ». Un leadership que les Etats-Unis ne sont pas parvenus à imposer par l’intermédiaire de l’OMC en raison de la résistance des pays pauvres et des pays émergents. Il s’agit donc bien pour eux de tenter de maintenir leur hégémonie mondiale en enlevant aux autres nations la maîtrise de leurs échanges commerciaux au bénéfice de multinationales largement contrôlées par leurs élites financières. La création d’un grand marché transatlantique leur offrirait un partenaire stratégique susceptible de faire tomber les dernières places fortes industrielles européennes. Il permettrait de démanteler l’Union européenne au profit d’une union économique intercontinentale, c’est-à-dire d’arrimer définitivement l’Europe à un grand ensemble « océanique » la coupant de sa partie orientale et de tout lien avec la Russie. 

L’enjeu final est donc bel et bien politique. Par une intégration économique imposée à marche forcée, l’objectif final est de mettre en place une « nouvelle gouvernance » commune aux deux continents. A Washington comme à Bruxelles, on ne dissimule pas que le grand marché transatlantique n’est qu’une étape vers la création d’une structure politique mondiale, qui prendrait le nom d’Union transatlantique. De même que l’intégration économique de l’Europe était censée déboucher sur son unification politique, il s’agirait de créer à terme un grand bloc politico-culturel unifié allant de San Francisco jusqu’aux frontières de la zone d’influence russe. Le continent eurasiatique étant ainsi coupé en deux, une véritable Fédération transatlantique pourrait ainsi voir le jour. Les souverainetés nationales ayant déjà été annexées par la Commission de Bruxelles, c’est la souveraineté européenne qui serait alors transférée aux Etats-Unis. Les nations européennes resteraient dirigées par des directives européennes, mais celles-ci seraient dictées par les Américains. Il s’agit, on le voit, d’un projet d’une immense ambition, dont la réalisation marquerait un tournant historique – sur l’opportunité duquel aucun peuple n’a jamais été consulté.

Rébellion / Grand absent de cette négociation, quel est le regard de la Russie sur ce renforcement des liens du bloc atlantiste ? Propose-t-elle une voie alternative ?

La Russie ne peut que s’inquiéter de la mise en place d’un tel accord, qui contribuerait à l’encercler du point de vue économique et politique, et à la couper un peu plus des pays européens. Elle pourrait bien entendu offrir une alternative aux Européens, en leur proposant de s’associer à la construction d’un grand bloc continental, mais elle sait très bien que l’Union européenne ne s’engagera jamais dans cette voie aussi longtemps qu’elle restera aux ordres de Washington. Dans le passé, Poutine semble avoir espéré que les Européens se montreraient plus soucieux de leur indépendance et prendraient conscience de ce qui rend complémentaires les intérêts russes et les intérêts européens. Je pense qu’aujourd’hui, il ne se fait plus d’illusion. C’est la raison pour laquelle il se rapproche toujours plus de la Chine, afin de créer avec elle une puissance commune qui puisse contre-balancer l’offensive américaine et affaiblir un dollar déjà bien mal en point.

Rébellion / Lors des débats à l'Assemblée nationale, l'UMP comme le PS ont rejeté l’appel à la suspension des discussions déposé par le Front de gauche. Cet alignement de la « gauche » comme de la « droite » est-il une nouvelle preuve de leur adhésion commune à logique libérale ?

Est-il encore besoin de « preuves » ? Le parti socialiste, qui depuis 1983 n’a plus de socialiste que le nom, ressemble aujourd’hui de plus en plus à l’ancienne SFIO. Il a hérité d’un atlantisme qui ne s’est pas démenti depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, ce qui explique que François Hollande se soit bien gardé de revenir sur la réintégration de la France dans l’appareil intégré de l’OTAN. Toute sa politique montre par ailleurs qu’il s’est officiellement soumis à la finance de marché. N’oublions pas non plus que nombre de membres de la Nouvelle Classe, qu’il s’agisse de leaders d’opinion ou de dirigeants des grands « partis de gouvernement », à commencer par François Hollande (promotion 1996), font partie des « Young Leaders » de la French-American Foundation, organisation créée en 1976 pour « renforcer les liens entre la France et les Etats-Unis », notamment par la recherche de « solutions partagées » (c’est aussi le cas de personnalités aussi différentes que Arnaud Montebourg, Aquilino Morelle, Marisol Touraine, Najat Vallaud-Belkacem, Matthieu Pigasse, Laurent Joffrin, David Kessler, Jean-Marie Colombani, Jérôme Clément, Yves de Kerdrel, Pierre Moscovici, Valérie Pécresse, Christine Ockrent, Alain Minc, Anne Lauvergeon, Alain Juppé, etc.). Comment s’étonner alors de la déclaration de Nicole Bricq, ancien ministre du Commerce extérieur, présentant le projet de traité transatlantique comme une « chance pour la France », à laquelle on « ne peut qu’être favorable » ?

Rébellion / De José Bové à Marine Le Pen, en passant par Nicolas Dupont-Aignan et Jean-Luc Mélanchon, des voix se font pourtant entendre contre le projet de traité. Des initiatives de terrain sont lancées par de nombreuses associations ou individus autonomes pour sensibiliser sur cette question. Pensez-vous qu'une opposition populaire puisse faire reculer le système sur cette question ? Assistons nous à la naissance d'un mouvement transversal comme lors du référendum sur la Constitution européenne de 2005 ?

La comparaison que vous faites trouve d’emblée ses limites puisque, contrairement à ce qui s’était passé lors du référendum de 2005, le peuple n’est pas convié à donner son opinion à propos du projet de traité transatlantique. Les protestations très justifiées qui se font entendre ici ou là n’ont donc pas la moindre chance d’empêcher les négociations de se poursuivre. On constate tout simplement que le pouvoir est ailleurs ! Ce qui est vrai, en revanche, c’est que les adversaires du traité se recrutent dans des familles politiques d’origine très différente. En ce sens, il n’est pas exagéré de parler de « mouvement transversal ». C’est une preuve de plus du caractère obsolète des anciens clivages et de la mise en place de clivages nouveaux. Mais cela, on le savait déjà depuis longtemps.

Rébellion / Plus largement, que vous inspirent les contestations sociales et les sursauts « populistes » récents en Europe. Croyez-vous à la naissance d'une alternative au système ?

Il y aurait beaucoup à dire sur les phénomènes que l’on désigne habituellement sous l’étiquette de « populisme ». Chacun sait que la poussée des mouvements populistes (qu’on aurait tort de réduire à un modèle standard, car ils peuvent être très différents les uns des autres) traduit une crise profonde de la représentation, en même temps qu’elle illustre l’épuisement du clivage droite-gauche. Mais il faut aussi préciser que le populisme n’est pas une idéologie, mais un style qui, en tant que tel, peut se combiner avec des ideologies elles aussi très variées. Il est encore trop tôt pour dire s’il peut en sortir une véritable alternative – et non pas seulement une alternance. Disons que ces phénomènes sont à surveiller de près, sans a priori idéologiques et sans idées préconçues.

 

 

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28/06/2014

Gangs of New York : Martin Scorcese réfute Guillaume Faye…

Un article du numéro 2 ( mai 2003) de la revue Rébellion qui reste d'actualité ... 

Des échos positifs étant parvenus à nos oreilles sur le dernier film de M. Scorcese, nous avons vu sa dernière œuvre. Nous savions par ces critiques, que celle-ci montrait les solidarités ethniques, le problème de l’immigration irlandaise au milieu du 19 ème siècles à New York. À côté de ses qualités artistiques que nous laissons aux cinéphiles le soin d’analyser, nous avons surtout été marqués par la portée historique, sociale et politique de ce film. En effet, la corrélation entre le capitalisme et l’immigration y est clairement montrée. Une leçon pour ceux qui, comme Guillaume Faye, ne voient de l’immigration extra-européenne qu’une offensive de l’Islam (1) et ignorent ou minimisent le rôle du capital en la matière. On nous rétorquera qu’il s’agit d’une comparaison anachronique puisque le film de Scorcese évoque l’immigration massive de catholiques irlandais au 19 éme. Même s’il y a évidemment des différences majeures avec l’immigration subie par l’Europe actuellement, nous pensons qu’existe un fil conducteur menant d’une situation à l’autre. L’œuvre de Scorcese a ici une portée générale et c’est en ce sens qu’elle est particulièrement réussie.

Évoquons d’abord les différences. D’un côté une immigration européenne – mais pas uniquement, dans le film apparaît la communauté chinoise – d’un autre côté , de nos jours, une immigration largement musulmane, mais là aussi pas uniquement, avec une relative présence de réseaux islamistes, hétérogènes d’ailleurs. Par ailleurs, les Etats-Unis formés par diverses vagues d’immigrants devenus colonisateurs peuplant un large territoire en comparaison avec une civilisation européenne millénaire subissant le choc d’une migration de vaste ampleur venant de tous les pays pauvres économiquement.

L’Europe n’a pas à être bouleversée dans son identité par une immigration massive

Nous affirmons que l’Europe n’a pas à être bouleversée dans son identité par une immigration massive, pas plus que les peuples migrants n’ont à perdre leurs identités en abandonnant leurs aires de civilisations ; ce qui nous amène à la question du capitalisme.

Nous ne cessons pas de le répéter, seul le capitalisme est un système qui a déraciné universellement les peuples pour les nécessités de son marché (besoin variable de main-d’œuvre et effondrement des structures sociales traditionnelles). Les migrations plus anciennes étaient moins importantes quantitativement et le plus souvent s’étalaient sur de très longues périodes pour aboutir en général à des recompositions de civilisations, soit en se fondant dans le creuset culturel des peuples subissant la poussée migratoire, soit en créant une nouvelle stabilité sociale et civilisationnelle recouvrant l’ancienne strate culturelle.

L’utilisation de la démocratie par le capital

Le capitalisme, lui, est producteur de chaos et d’anomie, il fait perdre toute identité, tout repère, en corrompent les identités subsistantes en les transformant en phénomènes de bandes qu’il manipule. « Gangs of New York"  est à cet égard, très significatif car on y voit s’affronter avec violence le gang des « natifs » (eux-mêmes immigrés un ou deux siècles plus tôt) s’opposait au gang des Irlandais récemment débarqués à New York. La bourgeoisie, quant à elle, joue sur les deux tableaux, utilisant tour à tour les miséreux des deux bords. Elle favorise le gang des « natifs »  pour faire régner une apparence d’ordre et de hiérarchie au sein du quartier mal famé de Five Points en utilisant les ressorts du banditisme et de la corruption, tout en se réjouissant de l’arrivée quotidienne des navires bondés d’irlandais prêts à tout pour subsister et qu’elle enrôlera massivement dans l’armée nordiste lors de la guerre de Sécession. Symbolique est la scène où l’on voit des Irlandais sur les quais du port de New York recevant immédiatement des papiers de citoyens américains pour repartir aussitôt, vêtus de leur uniforme, sur un autre navire où on leur promet trois repas par jour, vers la boucherie de la guerre contre les confédérés. Cela ne rappelle t il pas la composition de l’armée US, récemment, en Irak ? L’utilisation de la démocratie par le capital est aussi clairement montrée dans le film. Ainsi les misérables irlandais sont invités à participer à la farce électorale en votant pour un des leurs, lorsque leur nombre et le renouveau de leur identité font qu’ils deviennent une clientèle intéressante pour les politiciens du système. Faut-il faire un dessin pour transposer la situation de nos jours dans la grande civilisation des droits de l’Homme ? Et puisque nous évoquons cette dernière idéologie, comme aux thuriféraires de droite et de gauche du système, on le voit poindre dans la situation historique de l’époque de la guerre de Sécession où de faméliques prolétaires sont envoyés au casse-pipe au nom de la libération des esclaves noirs des états sudistes, par la bourgeoisie industrielle qui est bien indifférente à la condition sociale des immigrés européens et qui vise à la domination sur tout le territoire des Etats-Unis en détruisant le système patriarcal sudiste, et « libéra » les esclaves noirs pour en faire des prolétaires peuplant les ghettos des grandes villes. Analogie avec notre époque et à une autre échelle ?

Le fonctionnement du capitalisme

La violence est omniprésente dans « Gangs of New York ». D’après Faye, la violence, l’insécurité sont des phénomènes liés à l’immigration en Europe ; une violence qui ne serait qu’une offensive conscience, organisée de la part des immigrés contre l’Europe. S’il ne s’agit pas de nier l’existence de pathologies sociales accompagnant l’immigration vers notre continent, il est vain de généraliser en faisant de ce facteur l’explication de tous nos maux. Sur notre continent même, la misère engendrée par le capitalisme a toujours été accompagnée de phénomènes de violence et de criminalisation. Simplement ceux-ci étaient sanctionnés de manière beaucoup plus sévère (le débat sur crimes et sanctions était beaucoup plus vaste par ailleurs). Autre intérêt de cette œuvre cinématographique : le spectateur peut comprendre le fonctionnement du capitalisme quasiment à l’état pur, c’est-à-dire dans un pays n’ayant pas de structures anciennes à supplanter (les Indiens, eux, ont été génocidés). Le triomphe de l’économie sur la dimension sociale, c’est la guerre, le banditisme à tous les étages du corps social, l’arbitraire, le mensonge, la corruption et l’individu prolétarisé ou sous-prolétarisé livré à la loi de la jungle du marché. Les partis politiques n’y sont que des bandes organisées plus ou moins influentes, sous-traitant parfois leurs services de basse besogne. Actuel, actuel !

Au bas de l’échelle, les « gangs » se disputent une part de territoire, d’économie parallèle et se fortifient en adoptant une identité symbolique forte. Les « natifs » du film de Scorese s’accrochent à l’histoire et à la dignité de la nation américaine, les Irlandais à leurs racines culturelles, religieuses. La dimension ethnique s’exacerbe même ; lors de l’émeute gigantesque menée par les pauvres de New York contre la conscription, les responsables politiques bourgeois sont visés, mais aussi quelques noirs sont lynchés, rendus responsables de la conscription parce que la libération des esclaves noirs était la justification, la mystification idéologico-morale avancée par les capitalistes. Donc, à ceux qui pour défendre l’identité européenne font appel à une xénophobie rudimentaire, nous disons que ce n’est pas cela que défendre la cause des peuples, pas plus d’ailleurs que de participer à l’idéologie antiraciste défendue par les officines du capitalisme mondialiste. L’immigration des prolétaires européens dont nous avons parlée n’est elle pas aussi tragique que la traite des esclaves africains ? N’y a-t-il pas eu autant de souffrance en l’occurrence ? Donc, nous ne nous associerons pas aux jérémiades droits de l’hommistes : guerre au capital et à ses amis camouflés (alter mondialistes de tous poils) !

La scène finale du film est également fort éloquente. Pendant que l ‘émeute se déploie dans New York, les deux gangs rivaux sont sur le point de s’étriper. Des canonnières apparaissent alors dans les eaux baignant la cité et bombardent les quartiers pauvres de la ville envoyant des milliers de malheureux ad patres. Force reste à la bourgeoisie…

Le seul chemin qui nous paraît être efficace

Conclusion : lorsque la société est synonyme de chaos, de crise, les tensions entre groupes, communautés, bandes diverses s’exacerbent. Des identités collectives réelles ou fictives légitimes ou manipulées et créees de toutes pièces s’affrontent (voir le Proche-Orient, l’Irlande du Nord, les Balkans…). Le capital, lui, prospère. Son mode d’être n’est pas la stabilité, la prospérité des peuples, mais la subversion permanente de tout ce qu’il approche. Par conséquent, il n’y a pas de « plan » islamique de colonisation de l’Europe selon la théorie de G. Faye. Il y a une immigration inhérente au triomphe de la forme capital actuellement sur la planète, avec parfois une instrumentalisation consciente des immigrés de la part de forces mondialistes voulant la destruction des pays encore homogènes qui contrarient tel ou tel de leurs projets et parfois un appel de main d’œuvre corvéable, à basse rémunération (voir l’appel récent du patronat irlandais réclamant des Africains !). Pour favoriser ce chamboulement universel les bourgeois apprennent aux immigrés qu’ils doivent se venger des méchants Européens et aux Européens qu’ils doivent se soumettre à toutes les vexations et battre leurs coulpes jusqu'à la fin des temps. Pendant ce temps-là, le prolétariat européen qui avait accouché d’une critique radicale du capitalisme ne pense plus au socialisme authentique, celui qui consisterait à prendre enfin sa vie en main en rejetant la démocratie capitaliste représentative. Enfin, une guerre civile ethnique d’où resurgirait une Europe forte – toujours selon la théorie de Faye – est une illusion. Il peut y avoir des affrontements ethniques au sein du chaos économique et social généré par le capital. Mais cela, ce n’est pas la solution anticapitaliste. Le seul chemin qui nous paraît être efficace c’est la pratique de la théorie socialiste révolutionnaire. Par tous les moyens tentons d’imposer la prise de conscience des impasses de la mondialisation capitaliste et de son opposition fictive qu’est l’alter mondialisme.

 Jean Galié 

24/06/2014

Un urbanisme alternatif : « Rendre les villes de nouveau vivables… »

Avancer une approche différente de la ville, un urbanisme alternatif, implique une remise en cause totale des conceptions en cours dans ce domaine. Le fait même de vouloir replacer l’individu au cœur de la cité, de lui donner la possibilité de pleinement vivre dans l’environnement urbain, est une déclaration de guerre aux principes dominants à l’heure actuelle dans l’aménagement de l’espace collectif. L'individu est condamné dans le système actuel à l'isolement dans sa petite sphère privée. Pour que la ville redevienne un cadre de vie et de rencontre, il est nécessaire d’orienter l’urbanisme vers une recherche d’harmonie qui implique de comprendre les interactions qui naissent en son sein. Cela passe d'abord par le fait de redonner à l’espace collectif sa dimension publique, c’est-à-dire son rôle de lieu de convivialité et d’échange pour l'ensemble de la communauté. Une approche qui permet de retisser des liens sociaux et des solidarités. L’espace ne serait plus arbitrairement découpé par les spéculateurs immobiliers ou les choix arbitraires des politiques. Un urbanisme alternatif prendrait pour base l’intervention et la participation active des habitants dans les choix concernant leurs domaines d’habitation. Comme on le voit, la critique de l'aménagement urbain aboutit à une critique radicale de la société. Réinventer la ville implique de sortir du système qui la réduit à un espace de cellules individuelles ; seul un changement révolutionnaire rendra cela possible.

Mais par où commencer ? Dans les années 70, Michel Ragon, architecte libertaire, avait relancé l’idée d’un aménagement de l’espace urbain conçu par ceux qui étaient destinés à y vivre « Nous posons un problème, relativement nouveau, qui est celui de l'intervention active de l'habitant dans le domaine de l'habitat et de la ville. Depuis toujours, l'architecture a été le domaine réservé du Prince. Les Princes qui nous gouvernent ne font pas exception à la règle et bien que l'on se dise en démocratie, le suffrage universel n'existe pas pour l'architecture. Craint-on que les usagers de l'architecture montrent un goût plus mauvais que celui des spécialistes ? La chose paraît difficile lorsque l'on contemple ce que nos architectes et l'administration qui les écoute ou les dirige, nous ont offert depuis vingt-cinq ans. Il paraît impossible que les usagers fassent pire... ».

Les anciens lieux de vie collective urbaine (rues, places, espaces verts) et les nouveaux (espaces sportifs ou de loisirs) doivent avoir un rôle fédérateur et communautaire. Les anciennes formes de sociabilité ayant été abolies par la modernité, elles ne peuvent être ressuscitées artificiellement. Ainsi, nous ne pouvons redonner vie à des activités traditionnelles ou à des fêtes populaires n'ayant plus de sens pour la majorité de la population. Cela donnerait ces villes simulacres ou villes musées, avec leurs décors de carton pâte et leurs festivités folkloriques destinées aux touristes.

Si on veut permettre une réappropriation de l'espace public par les habitants, il est aussi nécessaire de sortir des grandioses plans urbanistiques hérités des esprits militaires et totalitaires. C'est comprendre que c'est dans l'enchevêtrement que naît la vie. Le chaos apparent est le détale qui permet l'errance et la découverte d'atmosphères différentes. L'aseptisation et la rationalisation à outrance de l'espace urbain ne sont pas forcément synonymes d'amélioration du cadre de vie.

Le concept, avancé par Michel de Sablet, d'une écologie urbaine éclaire bien le tissu relationnel qu'il est important de (re)tisser pour permettre un épanouissement de la vie urbaine. A partir d'une observation précise, elle amène des pistes de réflexions et d'actions concrètes qui peuvent alimenter les décisions collectives. Ainsi il précise la double vocation de l’écologie urbaine :

- Faire de l’espace public urbain le lieu essentiel de la sociabilité urbaine, le lieu compensateur de l’isolement de chacun dans une série de “bulles” ou de boîtes architecturales affectées à des usages sommaires et précis, reliées entre elles par des tuyaux circulatoires.

- Rechercher les nouveaux types d’équipements et de dispositions relatives entre eux capables de générer les comportements les plus variés et susceptibles de répondre aux aspirations des citadins du XXI°siècle ».

Elle y parviendra par une double démarche née de ce que l'auteur appelle « l'étude comportementale urbaine appliquée ». Celle-ci consiste à observer les comportements des usagers dans les espaces publics encore un peu vivants, et à en tirer suffisamment d’enseignements de façon empirique pour trouver des nouvelles formes d’aménagement générateurs de la plus grande richesse de comportements possibles. Elle amène à étudier les tendances, les aspirations nouvelles qui conduiront à penser d’autres types de relations, de localisations et de fonctionnements entre les équipements que cela suggère et la ville.

Cette réappropriation raisonnée passe bien sûr par la prise en compte des aspects artistiques et techniques. « Une ville vivable, sera une belle ville ». Pour lui il faut intégrer la modernité à cette démarche : « Il ne s’agit évidemment pas de supprimer l’ordinateur, le surgelé, la télévision ou l’automobile pour retourner à un âge d’or urbain... d’un autre âge, et qui n’a d’ailleurs jamais existé. Dans certains cas il peut s’agir de remettre certains abus de pouvoir à leur place (automobile au détriment des transports en commun, du vélo, des piétons, etc. centres commerciaux en boîtes isolées et décentrées au détriment d’autres formes commerciales plus relationnelles, ...) ». Suivant cette logique, il affirme qu'il ne s’agit pas là de défendre le petit commerce contre les affreux centres commerciaux, mais de voir selon quelles formes de relations avec l’espace urbain les implantations commerciales sont ou non favorables à la meilleure vie urbaine.

Plus largement, il faut permettre le désengorgement des villes. Cela  une simple adaptation décentralisatrice de nos activités. Le développement de réseaux de villes moyennes, le désenclavement des régions rurales et la création de pôles économiques basés sur la micro entreprise sont des pistes à suivre.

Cette démarche implique aussi qu'une volonté politique supplante les inévitables représentations officielles des élus et des technocrates. La crise des villes fait apparaître la nécessité d'une « nouvelle citoyenneté », plus conviviale et plus vivante que son simulacre actuel, dans une société éclatée. Ce désir collectif d'une communauté fraternelle et épanouissante (à mille lieux des dérives communautaires) est largement ressenti. Il implique une responsabilité civique directe et immédiate que seule la démocratie directe à l'échelle locale peut amener.

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23/06/2014

La France cachée, la France rebelle !

En Europe, et en particulier en France, on s'acharne à nous faire croire que les classes laborieuses ont disparu, qu'elles furent enterrées par l'Histoire et qu'elles font partie du passé. Mais nous vivons dans cette France cachée, nous connaissons la réalité d'une aliénation que nous sommes de plus en plus nombreux à refuser.

La casse de l'industrie, et plus largement de la production nationale, fut rondement menée par la Droite comme par la Gauche, avec la complicité des directions syndicales pour le plus grands profit de notre patronat national. Un simple chiffre : 2 millions. C'est le nombre d'emplois industriels détruits en France depuis 30 ans. En 1980, l'Hexagone comptait 5,5 millions d'emplois dans ce secteur contre 3,4 millions en 2007.Le capitalisme mène un guerre contre les travailleurs, sa volonté de mondialiser l'Europe a abouti à une catastrophe sociale et humaine.

L'Europe connaît un appauvrissement et un déclin généralisés qui s'accompagnent d'une perte irrémédiable de souveraineté populaire et nationale. La crise a accéléré ce mouvement, elle a précipité les délocalisations et la restructuration de nos économies, la financiarisation permettant un pillage en règle des richesses des pays européens. Faire se constat ne suffit pas, néanmoins, il faut comprendre la réalité sociale de notre peuple pour agir concrètement pour sa libération.

 

Voyage dans la France des travailleurs

Le monde du travail a considérablement changé durant les années 1990-2000, un tissu économique plus diffus a remplacé les grande concentrations ouvrières des usines des années 1950-1960. Des secteurs comme l'agro-alimentaire, le médical ou les technologies de pointe ont remplacé en partie l'industrie lourde. Les conditions de travail n'ont pas changé pour autant. A la pénibilité (la hausse des maladies professionnelles et des accidents du travail est un bon révélateur de la situation) s'ajoutent désormais le stress et la pression de la précarité.

« Anciens » comme « jeunes » travailleurs connaissent les répercutions des mesures liées à la recherche de la « flexibilité ». Le chômage de masse (dont les chiffes sont savamment camouflés par les gouvernements successifs) offre la possibilité pour le patronat d'imposer ses règles. La précarité se traduit par les stages, plus ou moins rémunérés, le travail au «noir» et l'entrée, par l'intérim ou des contrats à répétition, sur des postes permanents. Un tiers des jeunes qui ont un emploi occupent un poste précaire ; contrat à durée déterminée ou emploi aidé, sans compter les stages bidons. La flexibilité de l'emploi concerne plus la tranche des 15-29 ans, mais cette précarité risque de préfigurer la norme de l'emploi de demain avec les nouvelles mesures du gouvernement.

Loin des élites des grandes villes, le monde rural et périphérique souffre et meurt en silence. Le taux d'ouvriers est de 32% dans la population active des «campagnes», les cadres y représentent à peine 7%. Le taux de pauvreté est sensiblement plus élevé avec 13,7% (au lieu de 11,3%) et les situations des personnes dans cette situation, plus dures que dans les villes. Ne bénéficiant pas du réseau d'aides publics, elles se retrouvent dans des déserts avec la fin des services publics de proximité (comme les transports ou les postes).

Du bâtiment à l'hôpital, des ouvriers agricoles à ceux des multiples petites usines, nous travaillons tous pour des salaires réduits (un quart des 25 millions de salariés, gagne moins de 9000 euros par an, soit environ 750 euros par mois). Mieux formés que leurs ainés, les travailleurs actuels se retrouvent au smic alors qu'ils ont des compétences et des postes plus complexes. Cela hypothèque l'avenir et ouvre la porte à la spirale de l'endettement pour les classes populaires.

Une colère impossible à contenir.

A l'aube du XXI ème siècle, un candidat à la présidentielle avait fait campagne avec des belles promesses à la «France qui se lève tôt». Cette arnaque lui permit d'entrer à l'Elysée et de laisser à la rue ses discours électoraux. Depuis, la droite s'acharne à détruire les conditions de vie des travailleurs

La situation des classes populaires et laborieuses françaises n'intéresse plus personne dans le monde politique et médiatique. La Gauche mise clairement sur la «France de Demain» et largue définitivement la classe ouvrière (jugée trop tentée par le vote FN et condamnée socialement par la marche de l'Histoire). Terra Nova, «think tank français de l'année» et laboratoire d'idée du P « S », théorise cette nouvelle alliance entre les sociaux libéraux et les minorités porteuses des valeurs de la modernité : immigrés, féministes, homosexuels militants, cadres dynamiques et diplômés... Nous pouvons y lire des propos clairement assumés sur la fin du «consensus ouvrier» de la gauche française : «A partir de la fin des années 1970, la rupture va se faire sur le facteur culturel. Mai 68 a entraîné la gauche politique vers le libéralisme culturel : liberté sexuelle, contraception et avortement, remise en cause de la famille traditionnelle… Ce mouvement sur les questions de société se renforce avec le temps pour s’incarner aujourd’hui dans la tolérance, l’ouverture aux différences, une attitude favorable aux immigrés, à l’islam, à l’homosexualité, la solidarité avec les plus démunis. En parallèle, les ouvriers font le chemin inverse. Le déclin de la classe ouvrière – montée du chômage, précarisation, perte de l’identité collective et de la fierté de classe, difficultés de vie dans certains quartiers – donne lieu à des réactions de repli : contre les immigrés, contres les assistés, contre la perte de valeurs morales et les désordres de la société contemporaine. Malgré cette discordance sur les valeurs culturelles, la classe ouvrière continue au départ de voter à gauche, qui la représente sur les valeurs socioéconomiques. Mais l’exercice du pouvoir, à partir de 1981, oblige la gauche à un réalisme qui déçoit les attentes du monde ouvrier. Du tournant de la rigueur en 1983 jusqu’à « l’Etat ne peut pas tout » de Lionel Jospin en 2001, le politique apparaît impuissant à répondre à ses aspirations. Les déterminants économiques perdent de leur prégnance dans le vote ouvrier et ce sont les déterminants culturels, renforcés par la crise économique, «hystérisés» par l’extrême droite, qui deviennent prééminents dans les choix de vote et expliquent le basculement vers le Front national et la droite ». Ce rapport est un signe de l'acceptation par la Gauche des règles du système mondialiste. Un article de Julia Cagé, universitaire et proche de Terra Nova, dans le journal économique La Tribune va plus loin. Titré «Pourquoi la France doit continuer à se désindustrialiser», il évoque la nécessité d'en finir avec notre production industrielle pour concentrer toute notre activité économique dans le développement des nouvelles technologies. Cette analyse à courte vue est surtout un bon moyen d'évacuer la question ouvrière d'Europe en la délocalisant vers d'autres pays. Cela semble annoncer l'orientation programatique de la Gauche, pour les élections présidentielles.

Mais nos cyniques lobbyistes oublient une chose, c'est que les classes populaires et laborieuses françaises sont encore majoritaires dans leur pays. Ils ne veulent pas comprendre la colère qui monte. Ils agitent l'épouvantail du FN, mais la vague qui les emportera est bien plus puissante que ce simple populisme (dont la sincérité sur la question sociale n'est pas si évidente, à la lumière de ses précédentes orientations libérales). Si les médias parlent du désarroi des «jeunes des cités», ils n'évoquent jamais la colère qui monte des classes laborieuses. Car ce nouveau prolétariat est une force en sommeil.

Nous qui faisons partie de ce peuple, nous disons assez ! Nous prendrons en mains notre destin, en l'arrachant des mains du Pouvoir en place. Nous ne voulons pas de la charité, nous voulons notre dignité de travailleur !  

 

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